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25/05/2023 | FRANCE | N°21/04900

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 mai 2023, 21/04900


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 MAI 2023



(n°2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04900 et N° RG 21/4906 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZD7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/001192





APPELANT



Monsieur [N] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

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Représenté par Me Aude SIMORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257



INTIMEE



S.A.R.L. BMG DECOR

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Servais CHERAL, avocat au barreau de PA...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 MAI 2023

(n°2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04900 et N° RG 21/4906 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZD7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/001192

APPELANT

Monsieur [N] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Aude SIMORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

INTIMEE

S.A.R.L. BMG DECOR

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Servais CHERAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1891

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 13 avril 2023 et prorogée au 25 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [U] a été embauché par la société BMG Décor en qualité de peintre en bâtiment par contrat de travail intitulé 'contrat de travail à durée déterminée de deux ans' à compter du 1er octobre 2018 pour une durée de travail de 169 heures moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 690 euros. Le contrat de travail précisait que : « à ce salaire de base pourront s'ajouter toute primes et indemnités, lorsque le salarié en remplira les conditions d'obtention pour atteindre un net à payer de 1 600 euros. ».

Par courrier du 18 décembre 2019, M. [U] a adressé un courrier à l'employeur lui notifiant qu'il exerçait son droit de retrait en raison de l'absence de prévoyance Pro BTP et de mutuelle.

Par courrier recommandé du 17 janvier 2020, présenté le 20, M. [U] a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Par courrier du 20 janvier 2020 la société BMG Décor a convoqué M. [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 janvier 2020 et lui a notifié son licenciement pour faute grave et abandon de poste par courrier recommandé du 6 février 2020.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne selon l'employeur et à la nouvelle convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est -à-dire occupant plus de 10 salariés) du 7 mars 2018 (avenant du 7 mars 2018) selon le salarié. La société BMG Décor employait moins de 11 salariés au moment de la rupture du contrat travail.

Sollicitant la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat travail, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 10 février 2020. Par jugement du 30 mars 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris, section industrie, a requalifié la prise d'acte en démission, débouté M. [U] du surplus de ses demandes et la société BMG Décor de ses demandes reconventionnelles.

M. [U] a régulièrement relevé appel du jugement le 31 mai 2021 à 15h56 puis 18 heures 09 et deux procédures ont été enregistrées à la suite de ces appels successifs.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 janvier 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [U] prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

- fixer son salaire mensuel brut à la somme de 2 051 euros,

- condamner la société BMG Décor à lui verser les sommes de :

* 12 306 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 6 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du travail dissimulé,

* 2 051 euros de dommages intérêts pour non conformité des bulletins de salaire,

* 652,80 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,

* 1 000 euros de dommages-intérêts au titre du retard de paiement des heures supplémentaires,

* 1 159,26 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2020 outre 115,93 euros à titre d'indemnité de congés payés,

- requalifier sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société BMG Décor au versement des sommes de :

* 2 051 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 205,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 512,75 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 12 306 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

- condamner la société BMG Décor au paiement des sommes suivantes :

* 5 000 euros de dommages-intérêts pour méconnaissance de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

*3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat : attestation Pôle emploi, solde de tout compte et certificat de travail, des bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir depuis février 2019 jusqu'à juillet 2019 sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du prononcé du jugement et se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte,

- condamner la société BMG Décor aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 mars 2021, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société BMG Décor prie la cour de :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- en requalifiant la prise d'acte en démission volontaire et en licenciement pour faute grave abandon de poste,

- en déboutant M. [U] de la totalité de ses demandes,

- en constatant que l'attestation Pôle emploi a été délivrée le 6 février 2020 ainsi que le certificat de travail et que M. [U] perçoit des indemnités de Pôle emploi,

- en condamnant M. [U] à lui payer la somme de 1 690 euros à titre de préavis non respecté,

- en condamnant M. [U] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023.

MOTIVATION :

A titre liminaire, la cour ordonne, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 21/4900 et 21/4906 et dit qu'elles sont suivies sous le seul numéro RG 21/4900.

Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail :

La cour rappelle que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission. La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié . L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige.

M. [U] demande à la cour de requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse en invoquant, à l'encontre de l'employeur, les manquements suivants toujours persistants, selon lui, au moment de la notification de la rupture :

- l'absence de prise en compte de la majoration obligatoire sur les heures supplémentaires et le non-paiement d'une partie du salaire en ayant découlé,

- l'absence de cotisations à une caisse de congés payés,

- la fausse déclaration sur son bulletin de salaire et aux organismes sociaux,

- la non-conformité des bulletins de salaire aux dispositions légales,

- le recours au travail dissimulé.

La société BMG Décor sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de cette demande et retenu que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, en faisant valoir que M. [U], par l'intermédiaire de son conseil, a transformé un droit de retrait non justifié et constituant un abandon de poste, en prise d'acte.

La cour rappelle que le droit de retrait ne constitue pas un mode de rupture du contrat de travail de sorte que M. [U] pouvait prendre acte de la rupture du contrat de travail et il appartient à a cour d'en apprécier les effets.

Sur l'absence de prise en compte des majorations sur les heures supplémentaires :

M. [U] soutient que l'employeur n'a pas appliqué la majoration prévue par la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est -à-dire occupant plus de 10 salariés) du 7 mars 2018 (avenant du 7 mars 2018) qui doit trouver application pour les heures supplémentaires qu'il effectuait chaque mois alors que :

- la convention collective rappelle dans son article III-15 que la durée légale de travail est de 35 heures par semaine et précise que les entreprises peuvent utiliser un contingent d'heures supplémentaires,

- son contrat de travail prévoyait une durée mensuelle de travail de 169 heures ce qui impliquait 17,34 heures supplémentaires,

- l'article III-17 de la convention collective prévoit une majoration de 25% pour les 8 premières heures supplémentaires hebdomadaires, 50% au delà,

- ses bulletins de salaire, s'ils font apparaître une durée mensuelle de travail de 169 heures, ne font apparaître aucune majoration pour les heures supplémentaires accomplies au delà des 35 heures hebdomadaires.

La société BMG Décor soutient que la demande de M. [U] est irrecevable et inappropriée en faisant valoir que la convention collective applicable est la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne qui prévoit que la durée de travail hebdomadaire est de 39 heures et que le salaire se calcule en multipliant le taux horaire par 169.

La cour relève en premier lieu que l'irrecevabilité de la demande n'est pas soulevée dans le dispositif des conclusions et en second lieu qu'aucun moyen n'est soutenu à ce titre de sorte qu'elle n'est pas saisie d'une quelconque demande sur ce point.

Par ailleurs, la cour rappelle que les dispositions instaurant la durée légale de travail à 35 heures par semaine sont d'ordre public de sorte que la société BMG Décor ne peut valablement se prévaloir de dispositions conventionnelles moins favorables au salarié ne prévoyant pas de majoration pour les heures supplémentaires issues d'une convention collective qui a été dénoncée par les partenaires sociaux avant l'embauche de M. [U] pour ne pas appliquer de majoration aux heures effectuées au delà de la durée légale de travail jusqu'à la 169ème heure mensuelle.

Dés lors, ce premier manquement est établi.

Sur l'absence de cotisations à une caisse de congés payés :

M. [U] fait valoir qu'il a découvert lors des congés qu'il a pris du 1er décembre 2019 au 3 janvier 2020 que la société BMG Décor n'était pas affiliée à une caisse de congés du bâtiment. Il s'appuie sur son courrier du 18 décembre 2019 dans lequel il affirme tenir cette affirmation de la caisse. L'employeur indique que les congés payés ont été réglés ainsi que cela ressort des bulletins de paie sans toutefois justifier de son affiliation à une caisse mais la cour observe que le salarié n'en a subi aucun préjudice puisqu'il a été effectivement payé au titre de ses congés payés.

Sur les fausses déclarations sur ses bulletins de salaire et la non conformité des salaires aux dispositions légales :

M. [U] fait valoir que les bulletins de salaire comportaient des mentions inexactes puisqu'y apparaissaient sous la rubrique 'frais' des sommes qui, en réalité, étaient versées à titre de salaire pour permettre à la société BMG Décor de le payer à hauteur de la somme convenue de 1 600 euros net mais sans verser de cotisations, alors que le salarié n'exposait aucun frais.

Par ailleurs, il fait valoir que les bulletins de salaire ne sont pas conformes à l'article R. 3243-1 du code du travail et ne mentionnent pas la convention collective appliquée, la classification du salarié, la majoration des heures.

L'employeur est resté taisant sur ce point, sauf à indiquer que son comptable établissait des fiches de paie simplifiées.

Il ressort des bulletins de salaire communiqués que comme le soutient le salarié, seule la mention de la ligne 'remboursement de frais' permettait à l'employeur d'atteindre le montant de la rémunération nette prévue au contrat, que ce remboursement n'était donc pas soumis à cotisation, et qu'il permettait de diminuer le montant du salaire brut ce qui est préjudiciable au salarié. Par ailleurs, la société BMG Décor n'est pas en mesure de justifier des frais prétendument exposés alors qu'il lui appartient de prouver qu'elle a assuré au salarié le paiement du salaire convenu. Enfin, les mentions relatives à la convention collective appliquée, la classification du salarié et la ventilation entre les heures payées au taux normal et les heures payées au taux majoré n'est pas faite, ce que la fiche de paie même simplifiée doit pourtant mentionner.

La cour retient donc que le manquement est établi.

Sur le recours au travail dissimulé :

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 8221 ' 5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243 ' 2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail.

Les mentions inexactes des bulletins de paie dont l'employeur ne peut valablement discuter le caractère intentionnel dès lors que le calcul était fait chaque mois différemment pour tomber sur le chiffre exact de 1 600 euros net, outre le non paiement des majorations des heures effectuées au delà de 35 heures par semaine suffisent à caractériser le caractère intentionnel de la dissimulation alléguée.

La cour retient que le travail dissimulé est établi.

En définitive, la cour considère que l'ensemble des manquements commis par l'employeur est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les demandes financières :

Au titre de l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel de salaire pour le mois de janvier 2020 :

M. [U] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser un rappel de salaire au titre du mois de janvier 2020 à hauteur de la somme de 1 159,26 euros outre les congés payés afférents en faisant valoir que son salaire ne lui a pas été payé pour la période du 1er au 17 janvier 2020 alors qu'il se tenait à la disposition de l'employeur.

L'employeur s'oppose à la demande en faisant valoir que M. [U] avait exercé son droit de retrait et ne se tenait pas à sa disposition, refusant de reprendre son poste malgré ses demandes téléphoniques.

La cour observe que même si l'exercice du droit de retrait par M. [U] n'était pas justifié, il a indiqué dans ce même courrier du 18 décembre 2019 qu'il était prêt à reprendre le travail si l'employeur régularisait sa situation, qu'elle a retenu que les manquements de l'employeur étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que la non exécution de la prestation de travail n'est pas fautive, même en dehors d'un exercice justifié du droit de retrait, d'autant que l'employeur ne démontre pas avoir mis le salarié en demeure de reprendre son travail, l'allégation de contacts téléphonique à cette fin n'étant établie par aucun élément objectif.

Il est par conséquent fait doit à la demande de rappel de salaire et la société BMG Décor est condamnée à verser M. [U] la somme réclamée de 1 159,26 euros outre 115,92 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de ce chef de demande.

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :

Les parties sont d'accord sur le fait que M. [U] travaillait 169 heures par semaine ce qui représente 17h34 heures supplémentaires par mois. Il réclame à ce titre une somme de 652,80 euros effectuant son calcul sur la base d'un taux horaire majoré de 12,54 euros au lieu de 10,03 euros comme l'a fait l'employeur pendant une période de 15 mois d'octobre 2018 à décembre 2019.

L'employeur conclut au débouté mais la cour a retenu comme il a été vu ci-dessus que la majoration était due.

La cour fait droit à sa demande et condamne la société BMG Decor à lui verser cette somme, les dispositions légales prévoyant une majoration de 25% dès le dépassement de la 35ème heure. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour retard dans le paiement des heures supplémentaires :

M. [U] réclame la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement des heures supplémentaires sans toutefois justifier d'un préjudice distinct de celui qui est réparé au titre des intérêts au taux légal assortissant le rappel de salaire alloué de sorte que la demande de dommages-intérêts est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de ce chef de demande.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

Eu égard à la solution du litige, la cour ayant retenu le caractère intentionnel de la dissimulation alléguée, condamne la société BMG Décor à verser à M. [U] une somme de 12 306 euros en application de l'article L. 8223-1 du code du travail sur la base dune rémunération de 2 051 euros brut correspondant au salaire convenu de 1 600 euros net.

Sur l'indemnité en réparation du préjudice du fait du travail dissimulé :

M. [U] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 6 000 euros de ce chef sans justifier de la réalité de son préjudice. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

M. [U] fait valoir que le silence gardé par l'employeur pendant plus de quatre mois caractérise le manquement à l'obligation de bonne foi sans s'expliquer sur la nature du silence gardé pendant quatre mois, les dates n'étant pas précisées alors que le premier courrier du salarié communiqué date de décembre 2020 et la prise d'acte de janvier 2020, ni de la réalité du préjudice qui en serait découlé. La demande est donc rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de ce chef de demande.

Sur la demande d'indemnité pour non-conformité des bulletins de salaire :

M. [U] sollicite de ce chef la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 2 051 euros sans justifier de la réalité de son préjudice. Sa demande est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il l'a débouté sur ce point.

Au titre de la rupture du contrat de travail :

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

M. [U] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 2 051 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, sur la base d'un salaire mensuel brut de 2 051 euros, le délai congé étant d'un mois en application de l'article L. 1234-1 du code du travail compte tenu de son ancienneté d'un an et trois mois, outre celle de 205,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis. La cour condamne la société BMG Décor à lui verser cette somme correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir s'il avait effectué son préavis en application de l'article L. 1234-1 du code du travail, outre 205,10 euros pour les congés payés afférents, et le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur l'indemnité légale de licenciement :

M. [U] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser à ce titre la somme de 512,75 euros sur la base d'une ancienneté de 1 an et 3 mois et d'un salaire de référence de 2 051 euros. La cour fait droit à sa demande et condamne la société BMG Décor à lui verser la somme de réclamée en application de l'article L. 1234-9 du ode du travail.

Sur l'indemnité pour licenciement abusif :

M. [U] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 12 306 euros à ce titre en soutenant que le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail ne doit pas être retenu en invoquant l'article 24 de la Charte sociale européenne et le droit à une indemnisation adéquate ainsi que la violation des articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable, soutenant qu'une appréciation in concreto de son préjudice doit être faite.

La société BMG Décor conclut au débouté et sollicite l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail en invoquant l'avis de la Cour de cassation du 17 juillet 2019.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par le même article.

Selon l'article L. 1235-3-1 du même code, l'article 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues à son deuxième alinéa. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Aux termes de l'article 24 de la Charte sociale européenne, en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s'engagent à reconnaître:

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.

L'annexe de la Charte sociale européenne précise qu'il est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales.

La Charte réclame des Etats qu'ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu'elle leur fixe. En outre, le contrôle du respect de cette charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux dont la saisine n'a pas de caractère juridictionnel et dont les décisions n'ont pas de caractère contraignant en droit français.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Il résulte dès lors de ce qui précède que l'article 24 de la Charte sociale européenne n'a pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers de sorte que sa violation ne peut pas être valablement invoquée par M. [U].

La cour relève que l'article 4 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) n'a pas trait à l'indemnisation du préjudice résultant d'un licenciement mais à sa justification et que le salarié n'est pas privé de la possibilité d'en contester judiciairement le motif.

Aux termes de l'article 10 de cette convention, si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Ces stipulations sont d'effet direct en droit interne dès lors qu'elles créent des droits entre particuliers, qu'elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire.

Le terme 'adéquat' signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Il résulte des dispositions du code du travail précitées, que le salarié dont le licenciement est injustifié bénéficie d'une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et que le barème n'est pas applicable lorsque le licenciement du salarié est nul ce qui permet raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi. Ainsi, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré et les articles du code du travail précités sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Enfin, aux termes de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Il en résulte que cet article garantit une équité 'procédurale' et que l'évaluation d'un préjudice n'entre pas dans son champ d'application.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention de l'OIT et il appartient à la cour d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par cet article fixés à 0,5 et 2 mois, dès lors que M. [U] bénéficie d'une ancienneté de une année complète et que la société employait moins de onze salariés.

Eu égard au montant de son salaire (2 051 euros brut), à son âge au moment de la rupture ( né en 1974), aux circonstances de la rupture, à ce que M. [U] justifie de sa situation postérieurement à la rupture, la cour condamne la société BMG Decor à lui verser la somme de 4 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

La société BMG Décor doit remettre à M. [U] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et le solde de tout compte conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte, la demande en ce sens est rejetée.

La société BMG Décor, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et doit indemniser M. [U] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 21/4900 et 21/4906 et dit qu'elles sont suivies sous le seul numéro RG 21/4900,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [U] de ses demandes d'indemnités en réparation du préjudice du fait du travail dissimulé, pour non-conformité des bulletins de salaire, au titre du retard de paiement des heures supplémentaires et pour méconnaissance de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société BMG Décor à verser à M. [N] [U] les sommes suivantes:

- 12 306 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 652,80 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 1 159,26 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2020 outre 115,92 euros au titre des congés payés afférents,

DIT que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société BMG Décor à verser à M. [N] [U] les sommes suivantes :

- 2 051 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 205,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 512,75 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 4 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE M. [N] [U] du surplus de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société BMG Décor,

CONDAMNE la société BMG Décor aux dépens et à verser à M. [N] [U] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04900
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.04900 ?
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