La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2023 | FRANCE | N°21/04853

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 mai 2023, 21/04853


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 MAI 2023



(n°2023/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04853 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYXM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/00895



APPELANTS



Maître [X] [W] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS REMADEGROUP

[Adre

sse 2]

[Localité 7]



Représenté par Me Nabil KEROUAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0148



S.E.L.A.R.L. SBCMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS REMADEGRO...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 MAI 2023

(n°2023/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04853 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYXM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/00895

APPELANTS

Maître [X] [W] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS REMADEGROUP

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Nabil KEROUAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0148

S.E.L.A.R.L. SBCMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS REMADEGROUP

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Nabil KEROUAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0148

INTIMES

Monsieur [S] [V]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Assisté de Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Association AGS CGEA DE [Localité 7] UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 7] Association déclarée, représentée par sa Directrice, dûment habilitée [T] [M],

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 13 avril 2023 et prorogée au 25 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 9 juillet 2018, M. [S] [V] a été embauché par la société Remadegroup en qualité de directeur administratif et financier groupe, statut cadre autonome, niveau P4 , soumis à un forfait annuel de 218 jours de travail, moyennant une rémunération annuelle brute de 240 000 euros à laquelle s'ajoutait une rémunération variable annuelle d'un montant de 60 000 euros, sous réserve de l'atteinte des objectifs fixés annuellement par la direction générale.

Par avenant du 6 février 2019, les parties ont convenu qu'en cas de rupture du contrat de travail du fait de l'entreprise, hormis la faute grave ou lourde, la société verserait à M. [V] une indemnité de rupture de six mois de salaire brut en sus des indemnités de rupture légales ou conventionnelles auxquelles il pourrait prétendre.

Par décision du 15 mars 2019, le tribunal de commerce de Coutances a ouvert une procédure de conciliation de la société Remadegroup, Me [K] étant désigné comme conciliateur par le tribunal. Un accord de conciliation a été homologué par décision du tribunal de commerce du 25 juin 2019 et la société LGT est devenue actionnaire majoritaire de la société Remadegroup.

Par courrier recommandé du 28 août 2019, lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 septembre 2019 puis s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 16 septembre 2019.

Par jugement du 30 septembre 2019, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert le redressement judiciaire de la société Remadegroup et par jugement du 28 novembre 2019 a prononcé la liquidation judiciaire de la société, Me [X] [W] et la selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [B] [G], étant désignées en qualité de liquidateurs judiciaires.

La société Remadegroup employait au moins 11 salariés lors de la rupture du contrat de travail et appliquait la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager du 26 novembre 1992.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 3 février 2020 afin d'obtenir des indemnités de rupture et des dommages-intérêts au titre du licenciement brutal et vexatoire.

Par jugement du 26 avril 2021, auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, retenant que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et évaluant la moyenne de salaire pour l'exécution provisoire à la somme de 25 840 euros, a fixé les créances de M. [V] au passif de la liquidation de la société Remadegroup aux sommes suivantes :

- 60 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 9 044,13 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 13 333 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

- 155 040 euros à titre d'indemnité contractuelle de licenciement,

- 25 840 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts de droit à compter de la date de saisine du conseil et jusqu'au jour du paiement,

- ordonné la remise des documents sociaux conformes à la décision,

- débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Remadegroup de sa demande reconventionnelle,

- mis les dépens à la charge de la société Remadegroup,

- dit le jugement opposable à l'AGS de [Localité 7].

Me [W] et la selarl SBCMJ ès qualités ont régulièrement relevé appel du jugement le 28 mai 2021 à l'encontre de l'AGS et M. [V] en présence des parties intervenantes selarl FHB et selarl AJIRE ès qualités d'administrateurs judiciaires de la société Remadegroup.

Aux termes de leurs dernières conclusions d'appelantes n°2, Me [X] [W] et la selarl SBCMJ agissant en la personne de Me [B] [G] ès qualités de liquidateurs de la société Remadegroup auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, prient la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé des créances au passif de la liquidation de la société Remadegroup,

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- le débouter de ses demandes indemnitaires excessives et les ramener à de plus justes proportions,

- débouter M. [V] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- dire que les créances retenues ne pourraient qu'être fixées au passif ;

En tout état de cause,

- confirmer le jugement en ses chefs de disposition ayant rejeté les prétentions de M. [V],

- débouter M. [V] de l'intégralité de ses autres demandes,

- rejeter la demande présentée au titre des intérêts au taux légal,

- dire le jugement opposable à l'AGS,

- condamner M. [V] à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [V] prie la cour de :

- confirmer le jugement sur :

* le quantum des créances fixées au passif de la société Remadegroup sauf sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* des chefs de disposition relatifs aux intérêts au taux légal, la fixation de la moyenne des salaires, la remise des documents sociaux, la condamnation aux dépens et en ce qu'il a dit sa décision opposable à l'AGS de [Localité 7],

Sur son appel incident,

- fixer sa créance au passif de la société Remadegroup aux sommes suivantes :

* 51 680,74 euros de dommages-intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

* 155 040 euros de dommages-intérêts en raison du préjudice moral,

* 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire l'arrêt opposable à l'AGS CGEA de [Localité 7].

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 janvier 2023, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 7], prie la cour de :

- débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes,

- ordonner le remboursement à l'AGS de la somme de 67 540 euros,

Subsidiairement,:

- minorer le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un mois de salaire,

- débouter M. [V] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et à défaut minorer le quantum,

-fixer au passif de la liquidation les créances retenues,

- dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L. 3253-19 du code du travail

vu les articles L. 3253-6, L3 1253-8 et L. 3253-17 du code du travail,

- constater que le plafond d'intervention de l'AGS est atteint,

- exclure de l'opposabilité de l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'astreinte,

- rejeter la demande d'intérêts légaux,

- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023.

MOTIVATION :

Sur le bien fondé du licenciement :

Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, M. [V] a été licencié pour les motifs suivants

" ['] Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave pour ne pas avoir porté connaissance aux actionnaires du groupe, ou à toute partie prenante, de l'état de la trésorerie de la société Remade et du groupe pendant la phase de conciliation.

En liminaire nous vous rappelons que vous êtes employé en qualité de directeur administratif et financier Groupe depuis le 9 juillet 2018 avec pour mission, notamment, de superviser l'ensemble des fonctions comptabilité, gestion, trésorerie, fiscalité et communication financière (Art 4 fonctions) avec une rémunération brute mensuelle de 20 000,00 € par mois.

Or, à l'occasion de la nomination de M. [D] en qualité de Président le 30 juillet 2019, ce dernier a constaté dans le cadre des audits qu'il a effectués, des écarts notables entre la situation financière réelle et les présentations sur lesquelles a été construite la conciliation signée le 13 juin 2019 et homologuée le 25 juin 2019 par le tribunal de commerce de Coutances, sous l'égide de Me [K] en qualité de conciliateur est chargé du contrôle de l'exécution de l'accord.

Les écarts en question relèvent de divers procédés dont :

les portages de stocks via MODELABS ce qui a permis à REMADE de différer ses besoins de trésorerie à plus tard d'une part et à accepté des opérations lui permettant de présenter un chiffre d'affaires favorable pendant la levée de fonds.

La mise en place d'un reverse factoring via REMADE KITS afin de financer le compte de ce client. La conséquence indirecte de cette pratique a encouragé une mise en stock importante chez MODELABS qui de ce fait, a favorisé des remontées de trésorerie sur REMADE.

Ces procédés ont permis que les pertes " intercalaires " soient comblées par des opérations permettant de générer de la trésorerie en " forçant les ventes " en volume et en prix, avec pour effet un report de dettes " à plus tard ".

Or, Me [K] ès qualités n'a jamais disposé de ce genre d'information qui auraient notablement influencé son analyse et lui permettre de mieux apprécier les besoins réels ainsi que les marges de man'uvre dont il disposait. Également, il était impossible d'identifier cette situation de l'extérieur lors de la conciliation, seuls les Cadres et dirigeants en charges du management au quotidien, dont vous faites partie, pouvaient disposer des informations.

Or durant le processus de conciliation vous étiez le carrefour névralgique, pour les données financières, comptables et de trésorerie, entre la présidence du groupe, Me [K] et le CIRI. Vous avez été de toutes les réunions sans jamais alerter sur la fragilité financière de l'ensemble du groupe, via des procédés de fuite en avant décrits.

Aujourd'hui, la trésorerie prévisionnelle est tendue et démontre la probable difficulté du groupe à faire face à ses engagements y compris sur des payes à venir les charges y afférentes, alors qu'un accord de conciliation était censé la mettre de ce genre de difficultés.

Nous considérons ainsi votre comportement des plus fautif [']En conséquence nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave. ['] "

La faute grave est celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l' invoque.

Les liquidateurs ès qualités soutiennent que le licenciement a été justement causé par la faute grave du salarié et font valoir qu'à l'occasion de sa nomination comme nouveau président de la société Remadegroup, le 30 juillet 2019, M. [D] a constaté, dans le cadre des audits qu'il a effectués, des écarts notables entre la situation financière réelle et les présentations sur lesquelles a été construite la conciliation sous l'égide de Me [K]. Il reproche à M. [V], en sa qualité de directeur administratif et financier, d'avoir occulté le recours à divers procédés ayant généré de la trésorerie de façon immédiate mais qui ont conduit en réalité à augmenter la dette de la société, de sorte que le dépôt de bilan était inévitable et ce, alors qu'il avait la responsabilité du reporting concernant ces données et qu'il a assisté à toutes les réunions sans jamais alerter sur la fragilité financière de l'ensemble du groupe.

M. [V] de son côté conclut au débouté et soutient qu'il a exécuté parfaitement ses missions pendant la procédure de conciliation, qu'il entretenait des relations étroites avec sa direction et LGT, qu'il a parfaitement informé Me [K] et les investisseurs de la situation et que la société a fait preuve de mauvaise foi. Il conteste son licenciement en faisant valoir qu'aucune pièce ni aucun élément de preuve n'est produit s'agissant des faits qui lui sont reprochés consistant à un manque d'information vis à-vis des actionnaires et du conciliateur pendant la procédure de conciliation.

Les mandataires liquidateurs ès qualités versent aux débats deux pièces de fond : un compte-rendu d'entretien préalable établi par Mme [F] [E] qui assistait M. [V] et des échanges de SMS dont ils soutiennent qu'ils démontrent l'absence manifeste de reporting de la part de M. [V].

La cour considère toutefois que ces deux pièces ne suffisent pas à établir la réalité de la faute grave reprochée à M. [V] dès lors que :

- le compte rendu d'entretien présenté sous forme d'attestation par Mme [E] ne fait que reprendre la position des parties,

- les échanges de SMS consistant essentiellement en des questions d'un interlocuteur prénommé [A] dont la cour relève qu'il s'agit en réalité d'un auditeur de la société LGT à M. [V], portant sur des questions précises et ponctuelles ne suffisent pas à rapporter la preuve des faits allégués.

Par ailleurs, la cour observe que si le reporting direction et actionnaires fait effectivement parti de la mission contractuelle de M. [V], directeur administratif et financier du groupe, il ressort des pièces communiquées par ce dernier qu'il communiquait régulièrement avec le président de la société Remadegroup, les investisseurs et notamment LGT mais également le conciliateur en leur adressant des mises à jour régulière de trésorerie et des budgets ainsi que des reporting mensuels et projets de comptes annuels ainsi que cela ressort des e-mails communiqués avec les documents joints.

D'autre part, il est établi que la société LGT a sollicité, avant son entrée au capital, la réalisation d'un audit de la situation de la société Remadegroup, dont les rapports intermédiaire et définitif ont été communiqués à Me [K] dès le 9 avril 2019 et le 11 juin 2019, ainsi que cela ressort des mails communiqués à cette date avec les rapports. Dés lors, il est établi que la situation financière de la société était connue et par ailleurs, les opérations dites de portage de stocks via MOBELABS expressément visées dans la lettre de licenciement étaient mentionnées dans le rapport d'audit.

La cour considère en conséquence de ce qui précède que l'employeur échoue à démontrer que M. [V] s'est volontairement abstenu de communiquer au conciliateur et à l'investisseur la réalité de la situation économique de la société Remadegroup par l'utilisation de procédés destinés à gonfler artificiellement la trésorerie de sorte que la réalité de la faute grave ou même de la cause réelle et sérieuse de licenciement n'est pas établie, M. [V] démontrant de son côté avoir exécuté son obligation d'information à l'égard des investisseurs et du conciliateur.

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Les liquidateurs ès qualités sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé la créance de M. [V] à la somme de 60 000 euros à ce titre sans contester le calcul effectué par les premiers juges, tandis que celui-ci sollicite la confirmation du jugement. Dés lors que le contrat de travail prévoyait une rémunération mensuelle brute de 20 000 euros et que le délai congé était de trois mois en application de l'article 7 de l'avenant cadre de la convention collective, le jugement est confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité légale de licenciement :

Les liquidateurs ès qualités sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé la créance de M. [V] à ce titre à la somme de 9 044,13 euros sans contester le calcul effectué par le premiers juges ni critiquer le montant du salaire de référence évalué à la somme de 25 840 euros et sur lequel les parties s'accordent. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a fixé la créance de M. [V] au titre de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 9 044,13 euros.

Sur l'indemnité contractuelle de licenciement :

Les mandataires liquidateurs ès qualités sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé la créance de M. [V] au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement à la somme de 155 040 euros en faisant valoir que le licenciement étant fondé sur une faute grave, l'indemnité n'est pas due. M. [V] sollicite, quant à lui, la confirmation du jugement. Eu égard à la solution du litige, la faute grave n'ayant pas été retenue par la cour, le jugement est confirmé en ce qu'il a fixé la créance de M. [V] à ce titre à la somme de 155 040 euros.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. [V] sollicite la fixation de sa créance à la somme de 51 680 euros correspondant au maximum du barème légal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en faisant valoir qu'il a été licencié à l'âge de 52 ans, de manière injuste et brutale alors qu'il a trois enfants à charge dont deux encore étudiants et qu'il ignorait au moment où il a été débauché par la société Remadegroup la réalité de la situation économique de cette société.

Les mandataires liquidateurs ès qualités concluent au débouté ou à la minoration de l'indemnité.

La cour rappelle qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise avec maintien des avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau ci-dessus. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9 du code du travail.

Bénéficiant d'une ancienneté d'une année complète, M. [V] est fondé à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant doit être fixé entre 1 et 2 mois de salaire brut. Eu égard aux circonstances du licenciement, à l'âge de M. [V] (né en 1967) au montant de son salaire brut, au montant de l'indemnité contractuelle de licenciement par ailleurs perçue, et à ce qu'il justifie de sa situation postérieure au licenciement, la cour confirme le jugement en ce qu'il a fixé la créance de M. [V] à ce titre à la somme de 25 840 euros, suffisant à réparer son entier préjudice.

Sur le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire :

M. [V] sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 13 333 euros à titre de rappel de salaire. Les mandataires liquidateurs ès qualités concluent à l'infirmation du jugement sans présenter de critiques sur l'évaluation des premiers juges. Le jugement est confirmé de ce chef et la créance de M. [V] au passif de la liquidation de la société est fixée à la somme de 13 333 euros.

Sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice moral :

M. [V] sollicite la fixation de sa créance à la somme de 155 040 euros en faisant valoir qu'il a subi un préjudice moral du fait du caractère brutal et vexatoire de son licenciement et l'infirmation du jugement qui l'a débouté de ce chef de demande. Il explique qu'aucune remarque sur son travail ne lui avait été faite préalablement à la notification de la mise à pied à titre conservatoire et sa convocation à l'entretien préalable et qu'il avait perçu un bonus au mois de juillet 2019 correspondant au maximum de son variable. Il soutient que cette mesure a porté atteinte à sa réputation et qu'il n'a pu retrouver d'emploi, sa réputation étant hernie.

La cour considère que la notification de la mise à pied à titre conservatoire du salarié alors que l'employeur disposait des données nécessaires pour connaître la situation financière exacte de la société et que le salarié venait d'être gratifié de son bonus suffit à caractériser le caractère brutal et vexatoire de la rupture et fixe la créance de M. [V] à la somme de 3 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

La présente décision est opposable à l'AGS dans les conditions légales de sa garantie et l'AGS est débouté de sa demande de remboursement des sommes versées à M. [V], la demande étant sans objet au regard de la solution du litige.

La cour rappelle que le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 30 septembre 2019 ayant ouvert le redressement judiciaire de la société Remadegroup a arrêté le cours des intérêts au taux légal. Le jugement est infirmé en ce qu'il a dit que les intérêts au taux légal étaient dus à compter de la saisine du conseil de prud'hommes jusqu'au jour du paiement.

Me [X] [W] et la selarl SBCMJ prise en la personne de Me [B] [G] ès qualités de liquidateurs de la société Remadegroup doivent remettre à M. [V] une attestation pour Pôle emploi, un bulletin de paie récapitulatif, le solde de tout compte et un certificat de travail conformes à la présente décision.

Me [X] [W] et la selarl SBCMJ prise en la personne de Me [B] [G] ès qualités de liquidateurs de la société Remadegroup, parties perdantes, sont condamnées aux dépens et doivent indemniser M. [V] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile leur propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a fixé les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes jusqu'au jour du paiement, et débouté M. [S] [V] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

RAPPELLE que les intérêts au taux légal sont arrêtés par le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 30 septembre 2019 ayant prononcé l'ouverture du redressement judiciaire de la société Remadegroup,

FIXE la créance de M. [S] [V] au titre des dommages-intérêts dus en réparation du préjudice moral subi pour rupture brutale et vexatoire à la somme de 3 000 euros,

ORDONNE à Me [X] [W] et la selarl SBCMJ prise en la personne de Me [B] [G] ès qualités de liquidateurs de la société Remadegroup de remettre à M. [S] [V] un certificat de travail, un bulletin de paie récapitulatif , le solde de tout compte et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision,

DÉCLARE la présente décision opposable à l'AGS dans les limites et conditions légales de sa garantie,

DÉCLARE sans objet la demande de remboursement présentée par l'AGS,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Me [X] [W] et la selarl SBCMJ prise en la personne de Me [B] [G] ès qualité de liquidateurs de la société Remade group,

CONDAMNE Me [X] [W] et la selarl SBCMJ prise en la personne de Me [B] [G] ès qualités de liquidateurs de la société Remadegroup aux dépens et à verser à M. [S] [V] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04853
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.04853 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award