La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2023 | FRANCE | N°21/04824

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 mai 2023, 21/04824


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 MAI 2023



(n° 2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04824 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYPR



Décision déférée à la Cour : Décision du 21 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 19/00527





APPELANTE



S.A.R.L. NATHASERVICES

Senior Compagnie [Adresse 1]
r>[Localité 5]



Représentée par Me Isabelle JUVIN MARLEIX, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



Madame [W] [P] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née le 06 Janvier 1972 à Bignona (Séné...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 MAI 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04824 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYPR

Décision déférée à la Cour : Décision du 21 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 19/00527

APPELANTE

S.A.R.L. NATHASERVICES

Senior Compagnie [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Isabelle JUVIN MARLEIX, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [W] [P] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née le 06 Janvier 1972 à Bignona (Sénégal)

Assistée de Me Anne-cécile HELMER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 366

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/035148 du 19/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 13 avril 2023 et prorogée au 25 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [W] [P] a été engagée par la société Nathaservices par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 13 octobre 2016 en qualité d'assistante de vie pour une durée de travail à temps partiel de 70 heures mensuelles. Par avenant du 1er juin 2017, la durée de travail a été portée à 151,67 heures par mois. Un avenant du 30 juin 2017 a défini le lieu de travail et la zone géographique d'intervention de la salariée par référence à la commune de [Localité 6]. En dernier lieu, elle percevait une rémunération mensuelle brute de base de 1 615 euros.

Depuis son embauche, Mme [P] exerçait ses fonctions au sein de la résidence Sénior Compagnie située à [Localité 6] mais par courrier du 28 mars 2019, la société Nathaservices, a annoncé à Mme [P] qu'elle serait désormais affectée ailleurs et l'invitait à se présenter dès le 1er avril 2019 sur l'agence de [Localité 5]/[Localité 7]. Par lettre du 30 mars 2019, Mme [P] a sollicité de continuer ses fonctions à [Localité 6], invoquant notamment l'incompatibilité d'une nouvelle affectation, compte tenu des temps de transport depuis son domicile, avec ses contraintes familiales.

Suite à un entretien du 1er avril 2019, la société Nathaservices a proposé à la salariée un avenant à son contrat de travail fixant la durée de travail à 75 heures par mois et la rémunération à 798,75 euros en y joignant un planning d'intervention sur les communes de [Localité 5] et [Localité 4]. Par courrier du 8 avril 2019, Mme [P] a refusé la modification de son contrat de travail.

Mme [P] a été convoquée par lettre recommandée du 11 avril 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 avril 2019 puis s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier adressé sous la même forme le 24 avril 2019.

Dans le même courrier, la société a adressé à Mme [P] le planning de ses interventions durant l'exécution de son préavis. Par courrier du 27 avril 2019, Mme [P] a informé la société qu'elle refusait d'effectuer les prestations qui lui ont été attribuées pour les seules journées des 29 et 30 avril. Par courrier du 30 avril 2019, l'employeur, invoquant un abandon de poste, a mis un terme au préavis.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012. La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant son licenciement et sollicitant un rappel de salaire et le paiement d'heures supplémentaires, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges qui, par jugement du 21 avril 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- fixé la rémunération mensuelle de Mme [P] à la somme de 1 615 euros ;

- dit que le licenciement de Mme [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- condamné, en conséquence, la société Nathaservices à payer à Mme [P] les sommes suivantes :

* 1 291 euros à titre de rappel de salaire d'avril 2019,

* 129 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 3 230 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 323 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 11 449 euros à titre de paiement des heures supplémentaires d'octobre 2016 à juin 2017,

* 1 144 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

* 5 652,50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- rappelé, conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, que les sommes allouées au titre du rappel de salaire, des heures supplémentaires, de l'indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés afférents, sont exécutoire de droit à titre provisoire dans la limite de neuf mois de salaire ;

- dit que les condamnations de nature salariale porteront intérêts légaux à compter de la réception par la société Nathaservices, prise en la personne de son représentant légal, de la convocation à la séance du bureau de conciliation et d'orientation, soit le 28 décembre 2019 ;

- dit que la condamnation de nature indemnitaire portera intérêts légaux à compter du lendemain suivant la notification du jugement auprès de la société Nathaservices, prise en la personne de son représentant légal ;

- ordonné d'office par application de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement, s'il y a lieu, par la société Nathaservices aux organismes intéressés, de tout ou partie des indemnités chômage versées à Mme [P] dans la limite d'un mois de ces mêmes indemnités ;

- débouté Mme [P] du surplus de ses demandes ;

- condamné la société Nathaservices aux entiers dépens d'instance y compris les frais éventuels d'exécution forcée de la décision.

La société Nathaservices a régulièrement relevé appel de ce jugement le 26 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Nathaservices prie la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à un rappel d'heures supplémentaires, faisant suite à une demande irrecevable car prescrite en partie et en tout état de cause infondée ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [P] les sommes de :

* 1 291 euros à titre de rappel de salaire d'avril 2019,

* 129 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 3 230 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 323 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 11 449 euros à titre de paiement des heures supplémentaires d'octobre 2016 à juin 2017,

* 1 144 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

* 5 652,50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- et en ce qu'il l'a condamnée à rembourser à Pole Emploi la somme perçue par Mme [P] dans la limite d'un mois ;

- dire le licenciement prononcé fondé ;

- condamner Mme [P] à lui rembourser la somme de 5 000 euros outre les charges payées dans le cadre de l'exécution provisoire ;

- condamner Mme [P] à lui verser une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [P] prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Nathaservices à lui régler les sommes de :

* 1 291 euros à titre de rappel de salaire d'avril 2019,

* 129 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 3 230 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 323 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 11 449 euros à titre de paiement des heures supplémentaires d'octobre 2016 à juin 2017,

* 1 144 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à la somme de 5 652,50 euros ;

- y ajoutant, condamner la société Nathaservices à lui régler la somme de 12 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- débouter la société Nathaservices de ses plus amples demandes ;

- condamner la société Nathaservices aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2023.

MOTIVATION :

Sur le bien fondé du licenciement :

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

" ['] Compte tenu des décès et placements en maisons de retraite des bénéficiaires auprès desquels vous interveniez, ce qui ne saurait être contesté, nous vous avons informée, fin mars que vos interventions se dérouleraient, à compter du mois d'avril, sur d'autres communes que

[Localité 6] où vous interveniez jusque-là.

Par lettre en date du 30 mars 2019, vous nous avez fait part de votre refus, exposant que ce serait incompatible avec votre vie familiale, et selon vous, contraire aux dispositions de votre contrat de travail.

Vous avez été reçue à votre demande, au siège social de la société, à [Localité 5] le 1er avril 2019, ensuite de quoi nous vous avons adressé le 3 avril 2019, votre planning du mois d'avril, ainsi qu'un avenant à votre contrat de travail, réduisant vos horaires à un temps partiel, et ce afin de répondre à votre préoccupation, proposition que vous aviez acceptée lors de cet entretien.

Par lettre en date du 8 avril 2019, vous nous avez pourtant notifié votre refus de signer cet avenant, indiquant que vous exigiez de travailler sur la commune de [Localité 6], au besoin en vous attribuant les prestations attribuées à d'autres salariés et que votre affectation serait contraire à votre contrat de travail et aux dispositions de la convention collective. Depuis, nous avons constaté que vous n'avez pas repris votre poste de travail, ni justifié de votre absence.

Nous croyons utile de vous rappeler

que par contrat en date du 13 octobre 2016 vous avez été engagée en qualité d'assistante de vie, niveau 1. Votre lieu de travail était défini comme suit : Commune de [Localité 7] et elle s'étend sur les communes de références.

Que, par avenant en date du 30 juin 2017 vous êtes passée à temps plein, et afin de mettre votre contrat en adéquation avec les dispositions de la convention collective, votre lieu de travail et votre zone d'intervention géographique ont été définis comme suit :

- Lieu de travail : à titre indicatif le lieu de travail du salarié correspond au domicile des familles où il est affecté par l'employeur ('),

- Compte tenu de la nature de ses fonctions, le salarié peut être amené à se déplacer à l'intérieur d'une zone d'intervention. Cette zone d'intervention est définie par référence à la commune de [Localité 6] et elle s'étend aux communes et arrondissements distantes d'un maximum de 45 kms ou de 60 minutes de la commune de référence.

Qu'ainsi, en conformité avec la convention collective, votre lieu de travail a été contractuellement et d'un commun accord fixé sur la commune de [Localité 6] et aux communes et arrondissements distantes d'un maximum de 45 kms ou de 60 minutes de la commune de référence.

Votre planning prévisionnel du mois d'avril mentionnait des interventions sur les communes de [Localité 4] et [Localité 7], en adéquation avec les dispositions de votre contrat de travail.

Contrairement à ce que vous indiquez, avec une certaine mauvaise foi d'ailleurs, en aucun cas vous n'avez été affectée à [Localité 5] et en aucun cas votre contrat de travail ne mentionne que votre lieu de travail se situe exclusivement sur la commune de [Localité 6] (ce qui est incompatible avec la nature même de notre activité) et alors qu'il est inhérent à notre pouvoir de direction de vous attribuer des affectations en fonction des besoins de nos bénéficiaires.

Votre refus d'exécuter votre contrat de travail, constitutif d'une insubordination caractérisée et l'absence de justification de votre absence mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation.

Votre préavis, d'une durée de 2 mois débutera à la date de présentation de cette lettre.

Au cours du préavis, vous pourrez selon la convention collective vous absenter 4 heures par semaine pour rechercher un nouvel emploi.

Nous vous rappelons que pendant votre préavis, vous êtes tenue d'exécuter votre contrat de travail et par conséquent, de respecter votre planning, que vous trouverez en pièce jointe (ce dernier commençant lundi 29 avril 2019). ".

La société Nathaservices soutient que le licenciement de Mme [P] repose bien sur une cause réelle et sérieuse dès lors que :

- elle a été licenciée notamment pour avoir refusé d'exécuter le contrat de travail,

- le lieu de travail qui lui était proposé respectait la clause de mobilité,

- le planning du mois d'avril 2019 a été adressé à Mme [P],

- la proposition d'un planning avec un nombre d'heures inférieur au temps contractuel l'aurait amenée à payer le temps prévu au contrat.

Mme [P] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où l'employeur n'a pas fait une application correcte de la clause contractuelle de mobilité dès lors que :

- le nouveau lieu de travail qu'il voulait lui imposer se situait à plus de 60 minutes de la zone d'intervention contractuellement définie à savoir la commune de [Localité 6],

- l'employeur n'a pas respecté le moindre délai de prévenance,

- cette nouvelle affectation entraînait pour elle une atteinte disproportionnée à sa vie de famille, compte tenu de l'éloignement de son domicile;

- elle a refusé une modification de son temps de travail, ce qui ne peut caractériser une insubordination.

La clause contractuelle de mobilité est rédigée dans les termes suivants :

' Compte tenu de la nature de ses fonctions, le salarié peut être amené à se déplacer à l'intérieur d'une zone d'intervention. Cette zone d'intervention est définie par référence à la commune de [Localité 6] et elle s'étend aux communes et arrondissements distants d'un maximum de 45 kms ou de 60 minutes de la commune de référence.

Le planning d'intervention joint au courrier du 3 avril 2019 prévoyait des interventions au domicile de deux particuliers, l'un situé à [Localité 7], l'autre situé à [Localité 4].

La cour relève qu'il ressort des extraits des sites internet communiqués que :

- la distance entre [Localité 6] et [Localité 4] est inférieure à 45 kms et il en est de même entre [Localité 6] et [Localité 7].

- les temps de trajet en transport en commun sont également inférieurs à 60 minutes (37 minutes entre [Localité 6] et [Localité 7]) et 49 minutes entre [Localité 6] et [Localité 4].

Dés lors l'employeur établit que le changement des conditions de travail proposé était conforme à la clause contractuelle définissant la zone géographique d'intervention.

Cependant la cour observe avec la salariée que l'affectation proposée par l'employeur impliquait une modification du temps de travail puisque celui-ci passait d'un temps complet à un temps partiel de 75 heures ainsi que cela ressort du planning communiqué engendrant corrélativement une diminution de la rémunération et l'employeur ne peut valablement soutenir qu'il aurait 'nécessairement' payé Mme [P] sur la base du temps contractuel puisqu'aucune mention en ce sens ne figure sur les documents adressés à la salariée et que le projet de contrat de travail qui lui était adressé ne mentionne que les modalités et la rémunération d'un temps partiel.

La nouvelle affectation de Mme [P] impliquait donc une modification des éléments essentiels du contrat de travail : son temps de travail et sa rémunération. Elle ne pouvait lui être imposée par l'employeur sans son accord et son refus d'exécuter ces nouvelles missions dans ces conditions ne caractérise pas l'insubordination alléguée par l'employeur. Par ailleurs, celui-ci ne peut valablement se prévaloir d'une absence injustifiée, les échanges entre les parties abordant largement les raisons de l'absence de la salariée.

La cour considère en conséquence de ce qui précède que le licenciement de Mme [P] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes financières :

Au titre de l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel de salaire pour le mois d'avril 2024 :

Mme [P] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 1 291 euros outre 129 euros au titre des congés payés afférents et la confirmation du jugement de ce chef en faisant valoir qu'elle n'a pas été rémunérée pour le mois d'avril alors que sa nouvelle affectation et son nouveau planning impliquaient une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, s'agissant de son temps de travail et de sa rémunération et qu'elle sollicitait ses plannings de travail pour le mois en cours par courrier recommandé du 11 avril 2019.

L'employeur s'oppose à la demande en faisant valoir que la salariée a refusé d'exécuter sa mission.

La cour rappelle que le paiement de la rémunération convenue est une des obligations essentielles du contrat de travail et qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du paiement ou qu'il est libéré de son obligation. La société Nathaservices ne peut valablement soutenir qu'elle est libérée de son obligation de paiement puisque la salariée refusait d'exécuter sa mission, dès lors que, comme il a été vu ci-dessus, le planning de Mme [P] ne respectait ni le temps de travail, ni la rémunération convenus, que la cour n'a pas retenu le caractère fautif de son refus d'exécuter sa prestation de travail et qu'elle se tenait à la disposition de son employeur ainsi que cela ressort de son courrier du 11 avril 2019, adressé en recommandé, par lequel elle sollicite la transmission de son planning pour le mois d'avril.

La cour confirme en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné la société Nathaservices à payer à Mme [P] la somme réclamée de 1291 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 24 avril outre 129 euros à titre d'indemnité de cngés payés.

Sur les demandes présentées au titre des heures supplémentaires :

Mme [P] soutient qu'elle a effectué des heures supplémentaires pendant la période du 13 octobre 2016 au 30 juin 2017 dont elle sollicite le paiement à hauteur de la somme de 11 449 euros.

La société Nathaservices conclut au débouté et à l'infirmation du jugement. Elle fait tout d'abord valoir, sans soulever de fin de non recevoir toutefois dans le dispositif de ses conclusions que la demande en paiement ne peut valablement porter sur les sommes qui seraient dues pour la période d'octobre à décembre 2016 dès lors que l'action n'a été diligentée devant le conseil de prud'hommes que le 16 décembre 2019. La cour rappelle cependant à cet égard qu'en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, la demande de rappel de salaire, lorsque le contrat a été rompu, peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail de sorte que la rupture étant intervenue le 24 avril 2019, aucune prescription n'est encourue.

Sur le fond, la cour rappelle qu'il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [P] verse aux débats un décompte des heures qu'elle prétend avoir effectuées, mois par mois sur la totalité de la période comprise entre octobre 2016 et septembre 2017, expliquant que bien que le contrat de travail fasse état d'un temps partiel, elle travaillait en réalité à temps complet ainsi que cela ressort de ses bulletins de salaire et au delà d'un temps complet puisqu'elle travaillait du lundi au vendredi de 7 heures à 20 heures jusqu'à 57 heures par semaine.

La société Nathaservices s'oppose à la demande en faisant valoir que le décompte émane de la salariée et ne lui a jamais été remis mais la cour observe que le document a bien été communiqué contradictoirement dans le cadre de la présente procédure et qu'il importe peu qu'il soit dressé par la salariée, celle-ci qui ne supporte pas, seule, la charge de la preuve des heures supplémentaires ne devant produire à ce stade que des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.

Enfin l'employeur fait valoir que le décompte de la salarié n'est pas corroboré par des éléments objectifs mais la cour rappelle, là encore, que la charge de la preuve est partagée et ne repose pas sur la seule salariée.

Dés lors, le décompte élaboré semaine après semaine et mois par mois est suffisamment précis pour permettre à l'employeur en charge du contrôle du temps de travail de sa salariée de répondre en produisant ses propres éléments.

La société Nathaservices fait valoir qu'il ressort des plannings qu'elle produit et qui, selon elle, sont signés par la salariée, qu'elle a travaillé le nombre d'heures exact figurant sur les bulletins de salaire. La cour observe que l'employeur produit des plannings paraphés des initiales 'BGP' détaillant les heures effectuées par Mme [P]. Mme [P] soutient que ces plannings ne lui ont jamais été communiqués et n'ont été signés par elle. L'employeur verse également aux débats un attestation de l'un de ses salariés, M. [R], ancien directeur de l'agence de [Localité 6] de 2019 à 2020 qui indique que Mme [P] recevait comme tous les autres salariés son planning du mois et qu'elle le signait, la société gardant un exemplaire pour elle. Toutefois cette attestation qui émane d'un ancien collaborateur de l'entreprise ne suffit pas à emporter la conviction de la cour dès lors qu'elle concerne une période postérieure à celle pour laquelle Mme [P] présente sa réclamation. Par ailleurs, l'apposition d'un paraphe n'est pas une signature et la cour observe que dans les documents où figure la signature de Mme [P] comme ses courriers ou ses contrat de travail et avenant, sa signature n'est pas constituée par un paraphe. Enfin, l'employeur ne présente aucune explication satisfaisante sur le fait qu'une de ces feuilles, éditée selon les mentions y figurant le 25/02/2021 (mars 2017) près de deux ans après la rupture fait pourtant apparaître le paraphe de Mme [P].

Dés lors, la cour considère que la société Nathaservices ne produit aucun élément suffisant à prouver la réalité des horaires de Mme [P] et à contredire les éléments précis qu'elle a versés aux débats de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser les sommes de 11 449 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 1 144 euros au titre des congés payés afférents.

Au titre de la rupture du contrat de travail :

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Mme [P] qui bénéficie d'une anienneté de deux années complètes est fondée à percevoir en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse une indemnité comprise entre 3 mois et 3 mois et demi de salaire brut. Elle solllicite une somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice sans présenter aucun moyen de nature faire écarter l'application des dispositions légales. La cour, sur la base d'un salaire brut de 1 622,87 euros, prime d'ancienneté incluse, eu égard aux circonstances du licenciement et à ce que Mme [P] justifie de sa situation postérieure au licencement condamne la société Nathaservices à lui verser la somme de 5 680,04 euros à ce titre. Le jugement est infirmé sur ce chef de demande.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

Mme [P] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il condamné la société Nathaservices à lui verser sur ce fondement la somme de 3 230 euros, le délai congé étant de deux mois. Elle soutient que la rupture du préavis par la société Nathaservices est fautive dès lors que le planning d'intervention qui lui était remis l'affectait à tmps partiel sur les communes de [Localité 4] et [Localité 7].

La société Nathaservices conclut au débouté en soutenant qu'en refusant de se présenter, Mme [P] a commis un abandon de poste, faute grave justifiant la rupture du préavis.

La cour relève que le planning de travail de Mme [P] ne respectait pas la durée contractuelle de travail à temps complet. Le refus d'accepter une modification du contrat de travail ne peut valablement être reproché au salarié. La faute grave n'étant pas caractérisée, la rupture du préavis est fautive.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Nathaservices a payer à Mme [P] la somme de 3 230 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 323 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

Sur les autres demandes :

le jugement est confirmé en ce qu'il a statué sur les intérêts au taux légal et l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail .

La demande de rembourement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire présentée par la société Nathaservices est sans objet.

La société Nathaservices, partie perdante, est condamnée aux dépens et déboutée de la demande qu'elle présentait sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions sauf sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant

CONDAMNE la société Nathaservices à payer à Mme [W] [P] la somme de 5 680,04 euros euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Nathaservices,

CONDAMNE Mme [W] [P] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04824
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.04824 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award