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25/05/2023 | FRANCE | N°21/04636

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 mai 2023, 21/04636


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 MAI 2023



(n°2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04636 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXRN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/01749





APPELANTE



Association AGS CGEA IDF OUEST L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST, représentée

par sa Directrice nationale, Madame [X] [G],

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197



INTIMES



Monsi...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 MAI 2023

(n°2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04636 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXRN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/01749

APPELANTE

Association AGS CGEA IDF OUEST L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST, représentée par sa Directrice nationale, Madame [X] [G],

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

INTIMES

Monsieur [E] [F]

[Adresse 2]

[Localité 5]

né le 21 Juin 1988 à [Localité 7]

Représenté par Me Fabien ROZAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0224

Me [W] de la SELARL [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la société VIGNOBLE INTERNATIONAL PRESTIGE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine ZARKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0260

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, 16 mars 2023 et prorogée au 25 mai 2023 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée « VRP Multicartes » en date du 22 octobre 2012, la SARL Vignoble International Prestige (ci-après la société VIP) a embauché M. [E] [F], moyennant une rémunération sous forme de commissions dont les taux sont fixés en annexe 1 sur les ordres transmis par lui à la société.

M. [F] a déclaré être lié en qualité de VRP à la société Domaine des Grands Vins de France. A cet égard, par contrat de travail à durée indéterminée « VRP Multicartes » en date du 19 octobre 2012, la SAS Domaines des Grands Vins de France avait embauché M. [F], moyennant une rémunération sous forme de commissions « pour toutes les affaires réalisées par lui avec la clientèle qu'il est habilité à prospecter ». Aux termes de ce contrat, M. [F] a déclaré être lié en qualité de VRP à la société Vignoble International Prestige.

La relation contractuelle est soumise à l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants et placiers en date du 3 octobre 1975 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Par lettre en date du 14 juin 2018 remise en main propre contre décharge, M. [F] a informé la société VIP de sa démission à compter de cette date et demandé à ne pas exécuter son préavis.

Par jugement du 9 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société VIP et a désigné la SELARL [P] - [W] prise en la personne de Maître [C] [P] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur.

Par lettre recommandée en date du 12 février 2020, M. [F], par l'intermédiaire de son conseil, a informé Maître [P] ès qualités qu'il entendait voir requalifier sa démission, équivoque et obtenue à la suite de pressions et de manoeuvres, en licenciement sans cause réelle et sérieuse et a sollicité, corollairement, les indemnités découlant d'un tel licenciement, une indemnité de non-concurrence pour la période écoulée depuis le 14 juin 2018 ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral et des commissions de retour sur échantillonage.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 27 février 2020.

Par jugement du 14 avril 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- pris acte de l'abandon par M. [F] de sa demande de « requalification de son contrat de travail » ;

- fixé la créance de M. [F] au passif de la société en liquidation judiciaire à la somme de 10 000 euros « au titre de l'indemnité de non-respect de l'application de la clause de non concurrence » ;

- débouté M. [F] du surplus de ses demandes ;

- déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA IDF OUEST dans les limites des articles L.3253-6 et suivants du code du travail ;

- débouté la société VIP en liquidation judiciaire dont la SELARL [P] - [W] est le mandataire de ses demandes ;

- dit que les dépens seraient inscrits au titre des créances privilégiées conformément à l'article L. 622-17 du code de commerce.

Par déclarations des 19 et 20 mai 2021, l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF OUEST (ci-après l'AGS) a interjeté appel du jugement.

Deux déclarations d'appel ayant été faites, une ordonnance de jonction a été rendue le 6 janvier 2022, l'instance étant poursuivie sous le n° RG n°21/04636.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'AGS demande à la cour de :

- lui donner acte des conditions et limites de son intervention et de sa garantie et dire que la décision à intervenir ne lui sera opposable que dans les conditions, limites et plafonds de sa garantie et rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni justifiées dans leur montant ;

- la recevoir en son appel limité ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que M. [F] apportait les éléments de nature à justifier la non-application de la clause de non-concurrence et que la demande de dommages et intérêts de M. [F] au titre de la clause de non-concurrence reposait sur un manquement de l'employeur et en ce qu'il a fixé la créance de M. [F] en présence de l'AGS à la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de l'application de la clause de non-concurrence et déclaré la créance opposable à l'AGS ;

- débouter M. [F] de ses demandes ;

- débouter M. [F] de son appel incident et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [F] demande à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il :

* a fait droit à sa demande de versement d'indemnité des montants relatifs à la clause de non concurrence ;

* a déclaré les créances opposables à l'AGS dans les limites des articles L.3253-6 et suivants du code du travail ;

* a débouté le mandataire liquidateur de la société de ses demandes ;

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* a fixé sa créance au passif de la société à la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité de non-respect de l'application de la clause de non concurrence ;

* l'a débouté du surplus de ses demandes ;

statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant,

- débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes ;

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société aux sommes suivantes:

* 66 885,28 euros au titre de l'indemnité de non concurrence non versée par l'employeur pour la période courant du 14 juin 2018 à aujourd'hui,

* 10 000 euros au titre de son préjudice moral et financier ;

- appliquer aux condamnations à venir l'intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner le liquidateur de la société à lui remettre son solde de tout compte régularisé conformément au jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- condamner le liquidateur de la société à lui remettre l'intégralité de ses bulletins de salaires régularisés conformément au jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- condamner le liquidateur de la société à lui verser la somme 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclarer les créances opposables à l'AGS dans les limites des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 décembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SELARL [P] - [W] prise en la personne de Maître [C] [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société VIP demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer irrecevable M. [F] en sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier subi du fait de la rupture du contrat de travail et en sa demande de remise de documents sous astreinte ;

- infirmer le jugement ;

à titre principal, débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire, condamner M. [F] à lui verser une indemnité de 18 300 euros à titre de clause pénale ;

à titre très subsidiaire, fixer une indemnité de non concurrence uniquement pour la période du 14 juin au 9 octobre 2018 et à la somme de 5 146,33 euros ;

à titre infiniment subsidiaire, fixer à la somme de 33 442,64 euros le quantum de l'indemnité de non concurrence ;

en tous les cas :

condamner M. [F] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

le condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur l'indemnité résultant de l'obligation de non-concurrence sollicitée par M. [F]

L'AGS soutient que la demande d'indemnité formée par M. [F] est irrecevable car prescrite en application de l'article L. 1471-1 du code du travail. Elle soutient ensuite, en tout état de cause, que cette demande n'est pas fondée en l'absence de tout document probant établissant l'existence et la validité de la clause de non-concurrence alléguée.

A cet égard, l'AGS souligne qu'en première instance, le contrat de travail versé aux débats n'était paraphé que par des initiales « [I] », non signé par M. [F] à l'endroit indiqué pour la signature du représentant et sans la mention manuscrite « lu et approuvé ». Elle souligne également que le paraphe du gérant était tantôt porté avec une encre bleue, tantôt avec une encre noire. L'AGS fait encore valoir que, lors de l'audience du 17 mars 2021, M. [F] a produit le même contrat avec la mention « lu et approuvé » et sa signature apposées la veille, le 16 mars 2021, dans le cabinet de son avocat.

L'AGS fait valoir que, comme le rappelle le mandataire liquidateur, M. [F] a exercé la même activité après la cessation de son contrat de travail puisqu'il a été VRP pour trois autres sociétés - Gastronomie et Vins de France, Terroirs des Grands Vins de France et Domaine des Grands Vins de France - et qu'il est président de la société Vignes et Découvertes constituée le 8 octobre 2019.

L'AGS fait enfin valoir que, lors de la saisine du conseil de prud'hommes le 27 février 2020, la période de deux ans devant s'écouler entre la fin du contrat de travail et la fin de l'obligation de non-concurrence n'était pas échue.

Maître [P] ès qualités conclut, elle aussi, à l'irrecevabilité de la demande au motif qu'elle est prescrite en application de l'article L. 1471-1 du code du travail et présente, dans l'hypothèse où la prescription ne serait pas retenue par la cour, les mêmes observations que celles développées par l'AGS sur le contrat de travail produit en première instance. Maître [P] ès qualités soutient, en conséquence, que M. [F] n'était pas tenu par la clause de non-concurrence avant le 16 mars 2021. Elle soutient encore que M. [F] a exercé la même activité après la rupture de son contrat de travail puisqu'il était alors VRP de trois autres sociétés et qu'il était président de la société Vignes et Découvertes constituée le 8 octobre 2019. Maître [P] ès qualités en conclut que M. [F] ne rapporte pas la preuve qu'il a respecté la clause de non-concurrence. Elle observe enfin que la période de deux ans entre la fin du contrat de travail et la fin de l'obligation de non-concurrence n'était pas échue lorsque M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes.

Ce à quoi M. [F] réplique que son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence pendant deux ans et que cette clause avait pour objet de lui interdire de vendre directement ou indirectement du vin à tout client de la société VIP ayant passé commande par son intermédiaire et dont il a bénéficié ou non de l'exclusivité lors de son activité au sein de la société.

M. [F] réplique également que la cause de la rupture du contrat de travail ou la survenance d'une liquidation judiciaire importe peu ; que, lorsque l'employeur ne lève pas la clause de non-concurrence, il est tenu de verser mensuellement au salarié une indemnité contractuelle de non-concurrence.

M. [F] réplique encore que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la contrepartie financière n'a ni le caractère de dommages-intérêts ni celui d'une clause pénale ; qu'elle s'analyse en un élément de rémunération destiné à compléter forfaitairement le nouveau salaire réduit en raison de l'obligation de non-concurrence ; qu'il s'agit d'une indemnité compensatrice de salaire et qu'à ce titre, elle est soumise au délai de prescription de trois ans et doit figurer sur un bulletin de paie.

M. [F] réplique enfin qu'il appartient à l'employeur qui se prétend libéré du versement de cette contrepartie financière de rapporter la preuve de la violation de la clause de non-concurrence par le salarié.

* sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La cour relève que l'AGS et le liquidateur judiciaire soulèvent une fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement de l'indemnité de non-concurrence dans le corps de leurs conclusions mais que cette fin de non-recevoir n'est pas reprise dans le dispositif de ces conclusions de sorte qu'en application du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est pas saisie de cette fin de non-recevoir.

* sur le bien-fondé de la demande d'inscription au passif de la société de l'indemnité de non-concurrence

Dès lors que l'AGS et Maître [P] ès qualités soutiennent que M. [F] ne rapporte pas la preuve qu'il était tenu par la clause de non-concurrence dont il se prévaut, la logique juridique conduit la cour à examiner tout d'abord si M. [F], comme il le prétend, est fondé à soutenir qu'il était tenu d'une obligation de non-concurrence.

Il résulte de l'article L. 1221-1 du code du travail que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter. Selon l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable avant le 1er octobre 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi.

La clause de non-concurrence portant atteinte à la liberté du travail du salarié, elle doit avoir été acceptée de manière claire et non équivoque par ce dernier. Il en résulte que la clause doit être écrite et que cette clause ou le contrat qui la stipule doivent être signés par le salarié.

En l'espèce, Maître [P] ès qualités produit aux débats un exemplaire en couleur du contrat de travail signé en dernière page par le gérant, M. [V] [K]. Chaque page du contrat porte trace de deux paraphes dont « [I] » correspondant aux initiales de [E] [F]. La circonstance selon laquelle le gérant a paraphé tantôt à l'encre bleue, tantôt à l'encre noire et signé à l'encre noire est sans incidence sur la réalité des paraphes et de la signature. Ledit exemplaire ne porte pas de signature sous la rubrique « Le Représentant » ni la mention manuscrite « lu et approuvé ».

Maître [P] ès qualités verse également aux débats le procès-verbal de l'audience du 17 mars 2021 devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes dans lequel il est consigné que l'avocat de M. [F] a déclaré : « Je produit à la barre l'original du contrat de travail signé par mon client hier soir le 16/03/2021 ».

De son côté, M. [F] produit un exemplaire en noir et blanc du contrat de travail qui comporte, outre les mentions rappelées précédemment, « Lu et approuvé » et sa signature sous la rubrique « Le Représentant ».

Les deux exemplaires du contrat versés aux débats révèlent qu'un article XIII consacré à la « non-concurrence » est ainsi rédigé :

« En cas de rupture de contrat pour faute grave ou lourde, de licenciement ou de démission du fait du représentant, ce dernier s'interdit formellement, pendant une durée de 2 ans, sans qu'elle puisse toutefois excéder celle du contrat, de vendre directement ou indirectement, pour son compte personnel ou celui d'un employeur, à toute personne ayant passé commande par son intermédiaire et dont il a ou non bénéficié de l'exclusivité lors de son activité au sein de la Société, des produits concurrents ou similaires à ceux qu'il avait mandat de vendre au moment de la dénonciation du contrat.

En contrepartie de l'obligation de non-concurrence telle que ci-dessus définie et sous réserve de son strict respect par le Représentant, ce dernier recevra la contrepartie pécuniaire dans les conditions prévues par la Convention Collective des VRP du 3 Octobre 1975 et de ses avenants et notamment en son article 17.

En cas de violation même temporaire de la présente clause de non-concurrence, le Représentant devra verser, à titre de clause pénale, une indemnité fixée dès à présent et forfaitairement, à la somme de 18 300 Euros (sans qu'elle puisse excéder toutefois 24 mois de rémunération ou la durée d'emploi si celle-ci a été inférieure), sans préjudice de la demande de réparation de l'entier préjudice pécuniaire et moral effectivement subi par la Société.

L'employeur pourra dispenser le Représentant de l'exécution de la présente clause de non-concurrence ou en réduire la durée dans les conditions prévues par la Convention Collective applicable. »

Aussi Maître [P] ès qualités dispose-t-il en l'espèce d'un exemplaire du contrat de travail qui n'est pas signé par M. [F], étant précisé que le paraphe '[I]' sur la dernière page qui reproduit l'article XIII précité ne vaut pas signature. M. [F] dispose, de son côté, d'un exemplaire du contrat de travail qu'il n'a signé que la veille de l'audience devant le conseil de prud'hommes. Autrement dit, M. [F] n'avait pas accepté la clause de non-concurrence à la date de la rupture de son contrat de travail.

Par ailleurs, l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP ne prévoit pas d'obligation de non-concurrence puisqu'il est rédigé dans les termes suivants :

« L'interdiction contractuelle de concurrence après la rupture du contrat de travail n'est valable que pendant une durée maximale de 2 années à compter de cette rupture et qu'en ce qui concerne les secteurs et catégories de clients que le représentant de commerce était chargé de visiter au moment de la notification de la rupture du contrat ou de la date d'expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable.

Toutefois, dans le cas d'un changement de secteur ou de clientèle datant de moins de 6 mois, l'employeur pourra opter pour l'application de l'interdiction dans les secteurs et catégories de clients concédés au représentant avant ce changement sous condition de le signifier au représentant par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 15 jours suivant la notification de rupture ou la date d'expiration précitée.

Pendant l'exécution de l'interdiction, l'employeur versera au représentant une contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale dont le montant sera égal à 2/3 de mois si la durée en est supérieure à 1 an et à 1/3 de mois si la durée en est inférieure ou égale à 1 an ; ce montant sera réduit de moitié en cas de rupture de contrat de représentation consécutive à une démission.

Cette contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale sera calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois, ou de la durée de l'emploi si celle-ci a été inférieure à 12 mois, après déduction des frais professionnels, sans que cette moyenne puisse être inférieure à 173,33 fois le taux horaire du salaire minimal de croissance au cas où le représentant, engagé à titre exclusif et à plein temps, aurait été licencié au cours de la première année d'activité.

La contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale cesse d'être due en cas de violation par le représentant de la clause de non-concurrence, sans préjudice des dommages et intérêts pouvant lui être réclamés.

Lorsque l'interdiction de concurrence est assortie d'une clause pénale, le montant de la pénalité ne pourra être supérieur à celui des rémunérations versées par l'employeur durant les 24 derniers mois ou pendant la durée de l'emploi si celle-ci a été inférieure.

L'interdiction de concurrence ne pourra avoir d'effet si le représentant est licencié durant ses 3 premiers mois d'emploi ou s'il démissionne pendant ses 45 premiers jours d'emploi.

Sous condition de prévenir, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les 15 jours suivant la notification, par l'une ou l'autre des parties, de la rupture (1) ou de la date d'expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable, l'employeur pourra dispenser l'intéressé de l'exécution de la clause de non-concurrence ou en réduire la durée.

En cas de rupture du contrat de travail consécutive à un règlement judiciaire ou à une liquidation de biens ou due à la cessation des activités de l'entreprise, la clause de non-concurrence sera non avenue faute par l'employeur ou son représentant judiciaire d'en avoir maintenu expressément l'application, par lettre recommandée avec accusé de réception, signifiée au représentant dans les 15 jours de la demande écrite de ce dernier adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. »

M. [F] ne démontre ni qu'il était lié par une clause de non-concurrence à la date de la rupture de son contrat de travail ni que l'accord national interprofessionnel prévoyait une obligation de non-concurrence. Partant, il n'est pas fondé à réclamer l'inscription au passif d'une indemnité correspondant à la contrepartie financière d'une obligation de non-concurrence. Il sera donc débouté de sa demande d'inscription au passif de la société du montant de l'indemnité. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

M. [F] sera débouté, corollairement, des demandes subséquentes sur les intérêts, les documents sociaux et l'opposabilité de la décision à l'AGS.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral et financier sollicités par M. [F]

M. [F] soutient qu'il a été poussé à la démission, comme de nombreux autres collègues, par l'employeur qui a usé de stratagèmes pour arriver à ses fins ; qu'en raison de la rupture de son contrat de travail, il s'est retrouvé dans une situation financière délicate et qu'il rapporte la preuve de la réalité de son préjudice et son quantum.

L'AGS conclut à l'irrecevabilité de la demande et, en tout état de cause, à son mal-fondé. L'AGS relève que, contrairement à ce qu'indique M. [F], il n'a pas été débouté de sa demande en première instance dès lors que les juges n'ont pas eu à statuer dessus. A cet égard, l'AGS fait valoir que M. [F] avait abandonné l'ensemble des demandes relatives à la rupture de son contrat de travail en reconnaissant qu'elles étaient prescrites. Elle soutient, en tout état de cause, que M. [F] ne produit aucun élément de nature à établir que sa demande est fondée.

Maître [P] ès qualités relève également que M. [F] n'a pas été débouté de cette demande en première instance car il y avait renoncé de sorte que les premiers juges n'ont pas eu à statuer dessus. Maître [P] ès qualités soutient, par conséquent, que formuler cette demande en appel revient à formuler une demande nouvelle de sorte qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, la demande est irrecevable. Maître [P] ès qualités ajoute, en tant que de besoin, que la demande est également irrecevable car elle est prescrite, eu égard à l'article L. 1471-1 du code du travail, puisqu'elle se rattache à la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, M. [F] sollicite des dommages-intérêts à raison des circonstances de la rupture de son contrat de travail et plus précisément de sa démission qu'il qualifie d'équivoque. Toutefois, comme Maître [P] ès qualités et l'AGS le relèvent, M. [F] a abandonné en première instance toutes ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail de sorte que le conseil de prud'hommes n'était plus saisi de ces demandes au rang desquelles la demande en dommages-intérêts.

Dès lors, la demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et financier que M. [F] présente en appel est une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Cette demande n'entre pas non plus dans les prévisions des articles 565, 566 et 567 du code de procédure civile.

En conséquence, M. [F] sera déclaré irrecevable en sa demande en dommages-intérêts.

Sur les autres demandes

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

M. [F] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, la décision des juges de première instance au titre des dépens étant infirmée.

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La décision des premiers juges sur ces frais sera confirmée en ce qu'elle avait débouté Maître [P] ès qualités de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions hormis en ce qu'il a débouté la SELARL [P] - [W] prise en la personne de Maître [C] [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Vignoble International Prestige de sa demande au titre des frais irrépétibles;

Et statuant de nouveau dans cette limite et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [E] [F] de sa demande d'inscription au passif de la société Vignoble International Prestige d'une indemnité de non-concurrence;

DÉCLARE M. [E] [F] irrecevable en sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et financier;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE M. [E] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04636
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.04636 ?
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