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25/05/2023 | FRANCE | N°19/10197

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 mai 2023, 19/10197


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 MAI 2023



(n° 2023, , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10197 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYNU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/01600





APPELANT



Monsieur [W] [C]

[Adresse 4]

[Localité 5]

né le 11 Décembre 1

959 à [Localité 6]



Représenté par Me Jonathan BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K103



INTIMEES



SAS LOUISA SOXAVI venant aux droits de la SASU HOTEL [Localité 7] BORDEAUX

[Ad...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 MAI 2023

(n° 2023, , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10197 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYNU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/01600

APPELANT

Monsieur [W] [C]

[Adresse 4]

[Localité 5]

né le 11 Décembre 1959 à [Localité 6]

Représenté par Me Jonathan BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K103

INTIMEES

SAS LOUISA SOXAVI venant aux droits de la SASU HOTEL [Localité 7] BORDEAUX

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Julie DE LA FOURNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1973

S.A.S. BABEL HOTELS BELLEVILLE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY,Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Alicia CAILLIAU, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile prorogé à ce jour,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er février 2011, la société Hôtel de Bordeaux a embauché M. [W] [C] en qualité de réceptionniste, coefficient 1, échelon 1, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 723,76 euros pour une durée de travail mensuelle de 186,33 heures.

Dans le contexte d'une transmission universelle du patrimoine de la société Hôtel de Bordeaux à la société Hipotel [Localité 7] le 21 janvier 2014, M. [C] a conclu un contrat de travail avec cette dernière société prise en son établissement Hipotel [Localité 7] Bordeaux Ménilmontant en qualité de réceptionniste, niveau 1, échelon 3 moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 676,61 euros pour une durée de travail mensuelle de 173,33 heures. Le contrat prévoit la reprise de l'ancienneté de M. [C] acquise au sein de la société Hôtel de Bordeaux.

Les relations contractuelles sont soumises à la convention collective hôtels, cafés, restaurants.

Par avenant en date du 1er avril 2016, la durée de travail hebdomadaire de M. [C] a été fixée à 35 heures (151,67 heures par mois) moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 474,23 euros.

Le 8 avril 2016, le médecin du travail a déclaré M. [C] apte avec réserves et sous suivi médical spécialisé et a précisé qu'il fallait prévoir très rapidement un passage en poste de jour.

M. [C] a présenté un arrêt de travail à compter du 1er juillet 2016.

A partir du 31 octobre 2016, l'établissement a été érigé en une société Hôtel [Localité 7] Bordeaux.

Par acte du 4 mai 2018, la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux a cédé son fonds de commerce à la société Babel Hôtels Belleville « en présence de [la société] Hipotel [Localité 7] et [la société] Hospitality Venture Capital ». Aux termes de cette cession, le contrat de travail de M. [C] a été transféré à la société Babel Hôtels Belleville.

Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [C] avait saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 1er mars 2018.

Le 7 février 2019, la société Babel Hôtels Belleville a notifié à M. [C] son licenciement pour inaptitude.

Par jugement du 19 mars 2019 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes, débouté la SAS Hôtel [Localité 7] Bordeaux de sa demande reconventionnelle et a condamné M. [C] aux dépens.

Par déclaration du 8 octobre 2019, M. [C] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par décision de son assemblée générale en date du 10 mai 2021, la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux a décidé sa dissolution et la transmission universelle de son patrimoine à sa société mère et unique associée, la société Louisa Soxavi.

La société Louisa Soxavi a déclaré intervenir volontairement à l'instance et notifié des conclusions par voie électronique le 24 janvier 2021.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 10 décembre 2021 puis révoquée le 17 janvier 2022 avec un renvoi à la mise en état.

Par acte du 12 avril 2022, M. [C] a assigné en intervention forcée devant le cour d'appel de Paris la société Babel Hôtels Belleville.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [C] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel et en ses prétentions ;

- déclarer recevable l'intervention volontaire de la société Louisa Soxavi venant aux droits de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux ;

- constater la survenance d'un élément nouveau révélé postérieurement au jugement ;

- dire et juger bien fondée et déclarer recevable l'intervention forcée formée à l'encontre de la société Babel Hôtels Belleville dans la procédure ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

* débouté de l'ensemble de ses demandes ;

* condamné aux dépens ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux de sa demande reconventionnelle ;

statuant à nouveau :

à titre principal,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et fixer la date de rupture au 7 février 2019 ;

- dire que la résiliation judiciaire de son contrat de travail produit, à titre principal, les effets d'un licenciement nul en raison des faits de harcèlement supportés par ce dernier et, à titre subsidiaire, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner in solidum la société Babel Hôtels Belleville et la société Louisa Soxavi venant aux droits de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux ou, à titre subsidiaire, la seule société Babel Hôtels Belleville à lui verser les sommes de :

* 4 135,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 413,59 euros des congés payés afférents ;

* 1 579,06 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

* à titre principal, 24 815,40 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul et, à titre subsidiaire, 16 543,60 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

à titre subsidiaire,

- juger son licenciement pour inaptitude nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner, par conséquent, in solidum la société Babel Hôtels Belleville et la société Louisa Soxavi venant aux droits de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux ou, à titre subsidiaire, la seule société Babel Hôtels Belleville à lui verser les sommes de :

* 1 579,06 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

* à titre principal, 24 815,40 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul et, à titre subsidiaire, 16 543,60 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en tout état de cause :

- condamner in solidum la société Babel Hôtels Belleville et la société Louisa Soxavi venant aux droits de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux ou, à titre subsidiaire, la seule société Babel Hôtels Belleville à lui verser les sommes de :

* 14 475,65 euros au titre des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ayant entraîné la dégradation de l'état de santé de son salarié ;

* 2 067 euros au titre de l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement, correspondant à un mois de salaire ;

* 10 339 euros au titre du harcèlement effectivement subi, correspondant à cinq mois de salaire ;

- condamner in solidum la société Babel Hôtels Belleville et la société Louisa Soxavi venant aux droits de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux à lui remettre les documents sociaux, fiches de paie, attestation Pôle emploi manquants relatifs à l'ensemble des sommes ci-dessus, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

- déclarer le montant des indemnités allouées comme produisant intérêt de plein droit au taux d'intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- faire application de l'anatocisme ;

- condamner in solidum la société Babel Hôtel Belleville et la société Louisa Xosavi venant aux droits de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance ;

- débouter la société Babel Hôtel Belleville et la société Louisa Xosavi venant aux droits de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Louisa Soxavi venant aux droits de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux demande à la cour de :

- déclarer M. [C] recevable, mais mal fondé en son appel ;

- l'en débouter ;

- la déclarer recevable et bien fondée en ses présentes écritures ;

à titre principal,

- constater l'absence de tout manquement de sa part dans l'exécution de son contrat de travail avec M. [C] ;

en conséquence,

- dire et juger M. [C] non fondé en sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

- débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle ;

subsidiairement,

- fixer le salaire mensuel brut à la somme de 1 495,47 euros ;

en conséquence,

- à tout le moins, dire que le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ne pourront excéder 2 990,94 euros et 299 euros ; que l'indemnité de licenciement ne pourra excéder 2 617 euros et que le montant des dommages et intérêts alloués à M. [C] ne pourra excéder l'équivalent de trois mois de salaires calculés sur la base d'un salaire mensuel brut de 1 495,47 euros, soit la somme de 4 486 euros ;

- dire et juger que M. [C] ne rapporte pas la preuve de faits laissant présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral ;

- constater que les conditions légales cumulatives du harcèlement moral ne sont pas réunies;

- débouter M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes, notamment de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ; de ses demandes de dommages et intérêts pour absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement correspondant à un mois de salaire et de dommages et intérêts au titre du harcèlement subi correspondant à cinq mois de salaire ;

en tout état de cause,

- débouter M. [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande au titre des intérêts légaux ;

- dire que les intérêts légaux ne sauraient être dus que depuis la réception de la convocation du bureau de conciliation par l'employeur sur toutes les sommes à caractère de salaires ou accessoires de salaire, et uniquement à compter de la décision à intervenir qui est déclarative pour les sommes à caractère indemnitaire ;

statuant à nouveau,

- condamner M. [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Babel Hôtels Belleville demande à la cour de :

à titre principal, in limine litis,

- juger que M. [C] disposait dès la première instance de tous les éléments nécessaires pour l'attraire dans la cause ;

- juger qu'il n'existe aucune circonstance révélée postérieurement au jugement ;

en conséquence,

- prononcer l'irrecevabilité de l'assignation en intervention forcée en cause d'appel qui lui a été signifiée à la demande de M. [C] le 12 avril 2022 et la mettre hors de cause ;

- déclarer, en conséquence, irrecevables l'ensemble des demandes de M. [C] à son encontre ;

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

- juger que la demande de contestation du licenciement est irrecevable et, en tout état de cause, prescrite ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, de sa demande de dommages et intérêts pour absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement, de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;

- condamner M. [C] et la société Louisa Soxavi à lui verser chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement et entrerait en voie de condamnation :

- juger que la rupture du contrat de travail sera fixée au 7 février 2019, date de la notification du licenciement pour inaptitude de M. [C] ;

en conséquence,

- débouter M. [C] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement déjà versées ;

- juger que M. [C] renonce à ses demandes de rappels de salaire, bulletins de salaire et astreinte à son encontre ;

- juger que le montant des dommages et intérêts pour résiliation judiciaire aux torts de l'employeur alloués à M. [C] ne pourrait excéder l'équivalent de trois mois de salaires ;

- juger que la demande de contestation du licenciement est irrecevable et, en tout état de cause, prescrite

et dans l'hypothèse d'une reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- juger que le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués à M. [C] ne pourrait excéder l'équivalent de trois mois de salaires ;

- juger que, dans l'hypothèse d'une condamnation, la cour mettra à la seule charge de la société Louisa Soxavi venant aux droits de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux les condamnations entreprises ;

- laisser à la charge de M. [C] les dépens de l'instance.

Une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023.

A l'audience de plaidoiries du 31 janvier 2023, à la demande du conseiller rapporteur, il a été consigné sur la note d'audience que M. [C] soulevait, à titre subsidiaire, la nullité de son licenciement pour inaptitude et l'absence de cause réelle et sérieuse de ce licenciement et que cette demande était présentée pour la première fois en appel.

MOTIVATION

Sur l'intervention volontaire de la société Louisa Soxavi venant aux droits et obligations de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux

Suivant procès-verbal de son assemblée générale extraordinaire du 10 mai 2021 et l'annonce au BODDAC des 5 et 6 juillet 2021, la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation et avec transmission universelle de son patrimoine à la société Louisa Soxavi société-mère et associée unique. Cette société venant ainsi aux droits et obligations de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux, elle sera reçue en son intervention volontaire.

Sur l'irrecevabilité de l'assignation en intervention forcée de la société Babel Hôtels Belleville en cause d'appel signifiée par M. [C] et sa mise hors de cause

La société Babel Hôtels Belleville rappelle que la cour est compétente pour statuer sur cette fin de non-recevoir car l'appel a été interjeté en 2019 et que l'article 789 du code de procédure civile donne compétence au conseiller de la mise en état dans les instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

La société Babel Hôtels Belleville soutient que la Cour de cassation subordonne la recevabilité de l'intervention d'un tiers en cause d'appel à deux conditions : une circonstance révélée postérieurement au jugement entrepris et une circonstance modifiant les données du litige. Elle fait valoir que M. [C] et la société Louisa Sodexa disposaient tous deux, dès la première instance, des éléments nécessaires pour l'appeler dans la cause. Elle fait encore valoir que la cession du fonds de commerce n'a pas été révélée après la date du jugement rendu par le conseil de prud'hommes et en veut pour preuve le courrier du cédant à M. [C] l'informant de la prochaine cession du fonds de commerce le 22 février 2018 ; qu'à cette date, M. [C] était d'ores et déjà assisté par un conseil spécialisé en droit du travail et pouvait donc comprendre que son contrat de travail allait faire l'objet d'un transfert automatique au cessionnaire ; qu'elle en veut également pour preuve que M. [C] a cessé de transmettre ses arrêts de travail au cédant pour les adresser au cessionnaire. La société Babel Hôtels Belleville en conclut qu'elle aurait pu être assignée avant l'audience devant le bureau de jugement, d'autant qu'elle avait notifié à M. [C] son licenciement pour inaptitude le 7 février 2019 soit plus d'un mois avant la date du jugement.

M. [C] fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l'intervention forcée d'un tiers en cause d'appel est recevable dès lors qu'elle est motivée par une circonstance révélée postérieurement au jugement entrepris et modifiant les données du litige.

Il fait encore valoir qu'en raison de la cession du fonds de commerce, son contrat de travail avait été transféré à la société Babel sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail et que le nouvel employeur devait être attrait dans la cause ; que l'intervention forcée de ce nouvel employeur est recevable lorsque l'employeur cédant n'avait pas clairement porté à la connaissance du salarié la nature du transfert. En l'occurrence, il indique qu'il n'a eu connaissance de la cession du fonds de commerce que le 17 janvier 2022.

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Suivant l'article 555 du même code, ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

L'évolution du litige visée par cet article n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données du litige.

Or, en l'espèce, la société Babel Hôtels Belleville verse aux débats deux certificats d'arrêt de travail de M. [C] en date des 4 juin et 5 juillet 2018 sur lesquels il est indiqué que l'employeur est « Babel Hôtels Belleville » de sorte que, M. [C] n'ignorait pas, dès ces dates, que son employeur n'était plus la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux à la suite de la cession du fonds de commerce ' projet dont il avait, par ailleurs, été informé le 22 février 2018 puisqu'il avait alors répondu qu'il n'envisageait pas de présenter d'offre d'achat.

De plus, la société Babel Hôtels Belleville a notifié à M. [C] son licenciement pour inaptitude le 7 février 2019 aux termes d'une procédure initiée par la demande du salarié adressée à la société Babel Hôtels Belleville le 5 janvier 2019 de bien vouloir lui prendre rendez-vous avec la médecine du travail car son arrêt de travail arrivait à échéance le 13 janvier suivant.

Pour mémoire, l'audience de jugement devant le conseil de prud'hommes s'est tenue le 15 janvier 2019 et le jugement a été rendu le 19 mars suivant.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, M. [C] était en mesure d'appeler dans la cause dès la première instance la société Babel Hôtels Belleville dont il n'ignorait pas qu'elle était devenue son employeur à la suite de la cession du fonds de commerce de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux.

Il ne peut donc légitimement soutenir qu'il n'a appris que le 17 janvier 2022 que la société Babel Hôtels Belleville était devenu son employeur.

Au surplus, la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux et la société Louisa Soxavi ne pouvaient pas ignorer non plus qu'en vertu de la cession du fonds de commerce, le contrat de travail de M. [C] avait été transféré automatiquement à la société Babel Hôtels Belleville.

En conséquence, l'intervention forcée de la société Babel Hôtels Belleville signifiée par M. [C] par acte du 12 avril 2022 est irrecevable devant la cour d'appel.

Corollairement, toutes les demandes financières dirigées à l'encontre de la société Babel Hôtels Belleville sont irrecevables.

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

A l'appui de son allégation de manquement par l'employeur à son obligation de sécurité, M. [C] fait valoir qu'il aurait dû bénéficier d'une visite médicale d'embauche puis de visites périodiques d'autant plus qu'en sa qualité de travailleur de nuit, il devait faire l'objet d'une surveillance renforcée et bénéficier de contreparties en repos en application de la convention collective. Or, selon lui, sa première visite médicale date du 8 avril 2016 ; il n'a pas bénéficié d'un quelconque jour de repos au titre de son statut de travailleur de nuit ; pendant plus de cinq ans, l'employeur l'a fait travailler de nuit sans savoir s'il était apte ou pas à le faire et sans suivi des risques liés au travail de nuit ; l'organisation du travail a détérioré sa santé mentale.

M. [C] fait également valoir que l'employeur n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail faites le 8 avril 2016 et ne l'a pas affecté sur un poste de jour, contrairement à ce qu'il prétend ; que l'employeur ne s'est pas davantage expliqué sur les raisons qui l'auraient empêché de suivre ces préconisations.

M. [C] fait encore valoir qu'il a dû être placé en arrêt de travail à partir de juillet 2016 en raison des répercussions du travail de nuit sur sa santé ' répercussions qu'il estime être à l'origine de son placement en invalidité 2e catégorie.

M. [C] fait enfin valoir que ses conditions de travail étaient déplorables et stressantes et que la surcharge de travail a dégradé son état de santé.

Ce à quoi la société Louisa Soxavi réplique que, s'agissant de la santé au travail, l'employeur est, en vertu d'une jurisprudence constante, sanctionné lorsqu'il avait conscience ou aurait dû avoir conscience du danger encouru par un salarié et que, ayant conscience du danger, il ne prend pas les dispositions nécessaires pour préserver ses salariés.

La société Louisa Soxavi soutient qu'avant l'arrêt de travail initial du 1er juillet 2016, l'employeur n'avait pas été destinataire de documents médicaux. A cet égard, elle fait valoir que M. [C] ne justifie pas lui avoir transmis le certificat médical de son médecin traitant daté du 17 juin 2015 et qu'elle n'en a eu connaissance qu'à l'occasion de la visite médicale du 8 avril 2016. Elle fait également valoir que c'est dans ce contexte qu'elle a fait signer à M. [C] un avenant le 1er avril 2016 et que M. [C] a travaillé dans de nouvelles conditions sans horaire nocturne à partir du 8 avril 2016 de sorte que l'employeur n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité.

La société Louisa Sodexa réplique encore que la première visite médicale à l'embauche incombait au premier employeur et que le protocole de détermination du prix des parts sociales cédées à la société Hipotel [Localité 7] stipulait que les salariés étaient tous en situation régulière au regard de la législation française ce qui impliquait, selon elle, que la visite médicale d'embauche avait été faite.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° Des actions d'information et de prévention,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptée.

L'employeur veille à l'adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des mesures existentes.'

Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'

L'article L. 1152-4 du même code prévoit, quant à lui, que 'l'employeur prend toutes dipositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.'

L'employeur tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité. Le non-respect des règles relatives aux visites médicales qui concourent à la protection de la santé et de la sécurité des salariés constitue un manquement à son obligation de sécurité. Ne méconnaît pas son obligation, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Tout d'abord, la société Louisa Soxavi vient aux droits et obligations de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux dont l'activité était initialement exploitée au sein d'un établissement de la société Hipotel [Localité 7] à laquelle avait été transmis universellement le patrimoine du premier employeur de sorte qu'elle est concernée par les manquements éventuellement commis entre le 1er février 2011 et la date de la cession du fonds de commerce de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux.

Or, la société Louisa Soxavi ne justifie pas que M. [C] a bénéficié d'une visite médicale d'embauche en 2011 ni même en 2014 lors de la signature du contrat de travail reprenant son ancienneté dans le contexte de la transmission universelle de patrimoine.

Elle ne démontre pas, en effet, que M. [C] ait bénéficié d'une visite médicale avant le 8 avril 2016 ni du suivi individuel régulier de son état de santé prévu pour les travailleurs de nuit par l'article L. 3122-11 du code du travail dans les conditions de l'article L. 4624-1 du même code.

La société Louisa Soxavi ne justifie pas que M. [C] a pris le forfait de deux jours au titre du repos compensateur par an prévu par la convention collective (article 12.4 de l'avenant n°2) pour les travailleurs de nuit occupés à temps plein.

La société Louisa Soxavi ne justifie pas non plus avoir suivi les préconisations du médecin du travail inscrites sur la fiche d'aptitude médicale datée du 8 avril 2016 et déclarant M. [C] apte sous suivi médical spécialisé avec la nécessité de « prévoir très rapidement passage en poste de jour ». Contrairement à ce qu'elle soutient, la signature de l'avenant au contrat de travail daté du 1er avril 2016 prévoit le passage de M. [C] à une durée de travail hebdomadaire de 35 heures mais ne précise pas ses horaires de travail de sorte que l'employeur n'établit pas avoir organisé le passage de M. [C] en poste de jour, ni ne s'explique sur les raisons qui auraient pu l'empêcher d'organiser rapidement un tel passage. Il résulte des bulletins de salaire de M. [C] qu'avant la prise d'effet de cet avenant, M. [C] effectuait en moyenne vingt-et-une heures de travail supplémentaires tout en étant travailleur de nuit.

M. [C] verse aux débats des éléments médicaux dont il résulte que son état de santé n'a cessé de se dégrader au moins à partir de 2015 et qu'il a souffert de plusieurs pathologies dont des crises comitiales.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'employeur a commis des manquements à son obligation de sécurité renforcée au cours de la période antérieure à la cession du fonds de commerce du 4 mai 2018. M. [C] est donc fondé à solliciter la condamnation de la société Louisa Soxavi qui vient aux droits et obligations de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux au titre de ces manquements.

Partant, la société Louisa Soxavi sera condamnée à payer à M. [C] la somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral

M. [C] soutient qu'il a subi un harcèlement moral.

Ce à quoi la société Louisa Soxavi réplique que M. [C] n'établit pas de faits laissant présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral. Ainsi M. [C] allègue-t-il, selon elle, un environnement de travail hostile, dégradant et humiliant supporté pendant plus de sept ans sans produire de justification hormis une attestation de M. [I].

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

L'article L. 1154-1 du même code précise :

« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, (') le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

A l'appui de son allégation de harcèlement moral, M. [C] invoque :

- un environnement de travail hostile, dégradant et humiliant tout au long de la relation de travail ;

- des conditions de travail qui se sont progressivement dégradées et qui ont porté atteinte à sa santé jusqu'à devenir insupportables.

M. [C] produit une attestation de M. [V] [I], ancien collègue, en date du 30 mars 2018 aux termes de laquelle celui-ci déclare que M. [C] a effectué depuis le début de son contrat de travail des heures supplémentaires non déclarées mais que, comme il ne pouvait pas assumer la totalité des heures supplémentaires demandées, la direction a essayé de le mettre à la porte pour engager des étudiants ; qu'il s'en est suivi des pressions sur M. [C] et un harcèlement moral qui a affecté sa santé physique et mentale ; que la direction n'a pas voulu le faire travailler de jour dans l'espoir de le décourager et de le faire partir sans qu'il ne demande rien.

Il s'agit du seul élément présenté par M. [C] et cette attestation, qui ne précise pas à quelle période M. [I] était le collègue de M. [C], n'est pas suffisamment circonstanciée pour établir la matérialité d'agissements imputables à l'employeur distincts du non-respect de l'obligation de sécurité. A cet égard, il résulte des bulletins de salaire de M. [C] que celui-ci accomplissait un nombre important d'heures supplémentaires avant l'avenant du 1er avril 2016. Or, M. [I] n'indique pas dans quelle mesure la proportion d'heures supplémentaires demandées à M. [C] dépassait celle mentionnée sur ses bulletins de paie. M. [I] ne précise pas non plus la nature des pressions qui auraient été exercées sur M. [C].

Dès lors, M. [C] échoue à établir la matérialité d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral. En conséquence, il sera débouté de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-4 du code du travail, 'l'employeur prend toutes dipositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.'

En l'espèce, la société Louisa Soxavi qui vient aux droits et obligations de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux ne justifie pas des dispositions qu'elle devait prendre pour prévenir les agissements de harcèlement moral.

Par conséquent, le préjudice qui en est résulté pour M. [C] sera indemnisé à hauteur de 500 euros et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

* sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

A l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, M. [C] invoque plusieurs manquements de la société Louisa Soxavi :

- un manquement grave à son obligation de sécurité justifiant à lui seul la résiliation judiciaire ;

- un chantage et des menaces pour lui faire supporter des conditions de travail indignes ;

- des agissements illicites répétés ayant dégradé ses conditions de travail et altéré son physique et son mental ;

- un harcèlement moral ;

- une atteinte à sa dignité « en le considérant comme un moins que rien ».

Ce à quoi la société Louisa Soxavi réplique que M. [C], qui a la charge de rapporter la preuve des manquements allégués, est défaillant à rapporter cette preuve.

Subsidiairement, la société Louisa Soxavi réplique qu'en tout état de cause, les éventuels manquements que la cour pourrait retenir ne sont pas liés à des faits de harcèlement moral de sorte que la résiliation judiciaire ne pourrait produire les effets d'un licenciement nul.

Le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il lui appartient de rapporter la preuve des faits, manquements ou agissements d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l'employeur, le juge prend en compte l'ensemble des événements survenus jusqu'à l'audience ou jusqu'à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; la date de la rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

En l'espèce, M. [C] ne rapporte pas la preuve des manquements allégués hormis la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, essentiellement entre 2011 et son arrêt de travail à compter du 1er juillet 2016, retenue par la cour. La violation de l'obligation de sécurité, de par son ampleur et sa durée, à l'égard d'un travailleur de nuit, est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 7 février 2019, date de notification du licenciement pour inaptitude notifié par la société Babel Hôtels Belleville.

Cette résiliation produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire

Seul celui qui est l'employeur à la date de la rupture du contrat de travail est débiteur des indemnités découlant de cette rupture car ces indemnités naissent à la date de la rupture.

Or, au cas présent, l'employeur à la date du 7 février 2019 était la société Babel Hôtels Belleville dont l'intervention forcée a été déclarée irrecevable de sorte que M. [C] est irrecevable à solliciter la condamnation de cette société. La décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'elle avait débouté M. [C] au lieu de le déclarer irrecevable.

La société Louisa Soxavi venant aux droits et obligations de l'employeur ayant cédé le fonds de commerce n'étant pas l'employeur à la date du 7 février 2019, elle ne peut être condamnée à supporter les conséquences financières de la rupture. Partant, M. [C] sera également déclaré irrecevable en ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Louisa Soxavi, qui n'a pas qualité pour y défendre.

Sur les autres demandes

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société Louisa Soxavi sera condamnée aux dépens de première instance et en appel. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

La société Louisa Soxavi sera également condamnée à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles. La décision des premiers juges ayant débouté la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux de sa demande au titre de ces frais sera confirmée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

REÇOIT la société Louisa Soxavi venant aux droits et obligations de la société Hôtel [Localité 7] Bordeaux en son intervention volontaire ;

DÉCLARE l'intervention forcée de la société Babel Hôtels Belleville devant la cour d'appel à la demande de M. [W] [C] irrecevable ;

DÉCLARE la demande subsidiaire de M. [W] [C] tendant à la contestation de son licenciement pour inaptitude irrecevable devant la cour d'appel ;

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [W] [C] de ses demandes en dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation de prévenir les agissements de harcèlement moral et de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, en ce qu'il a débouté M. [W] [C] de ses demandes financières dirigées à l'encontre de la société Babel Hôtels Belleville et en ce qu'il a condamné M. [W] [C] aux dépens ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Louisa Soxavi à payer à M. [W] [C] la somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ;

CONDAMNE la société Louisa Soxavi à payer à M. [W] [C] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 7 février 2019;

DIT que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

DÉCLARE M. [W] [C] irrecevable en ses demandes financières résultant de la résiliation judiciaire du contrat de travail dirigées à l'encontre de la société Babel Hôtels Belleville ;

DÉCLARE M. [W] [C] irrecevable en ses demandes financières résultant de la résiliation judiciaire du contrat de travail dirigées à l'encontre de la société Louisa Soxavi;

CONDAMNE la société Louisa Soxavi à payer à M. [W] [C] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Louisa Soxavi aux dépens de première instance et en appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/10197
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;19.10197 ?
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