Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 25 MAI 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03047 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7N7V
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° F15/01964
APPELANTE
Société AIREL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jérôme ROCHELET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0711
INTIME
Monsieur [A] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Lydie NAVENNEC-NORMAND, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : Pc 414
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.
ARRET :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES
La société Airel est spécialisée dans la fabrication de matériel médico-chirugical et dentaire et notamment de fauteuils dentaires.
M. [F] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 29 avril 2013 par la Société Airel en qualité d'usineur contrôleur (coefficient 240, statut non cadre).
Auparavant, M. [F] a effectué des missions de travail temporaire auprès de la même société depuis le 1er janvier 2013.
Le 2 octobre 2014, un premier avertissement a été notifié à M. [F] pour remise en cause systématique des instructions du supérieur hiérarchique; une altercation verbale violente avec un salarié; un retard systématique sur le contrôle des pièces et des absences.
Le 10 octobre 2014, un second avertissement a été notifié à M. [F] pour erreur de contrôle grave entraînant l'obligation pour la société d'accorder des remises aux clients, et refus d'exécuter un travail de coupe à la fraiseuse aux prétextes du caractère prétendument cancérigène de la matière et de l'absence de protection et matériel spécifique.
Le salarié a contesté à chaque fois les avertissements.
Par courrier en date du 27 février 2015, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 9 mars 2015.
Le 24 mars 2015, M. [F] a été licencié pour les motifs suivants:
-erreurs dans le travail portant préjudice à l'activité de l'entreprise
-retards importants dans le contrôle des pièces
-comportement compliqués avec les autres salariés, dont les critiques perpétuels insupportables et les altercations
-absences fréquentes désorganisant l'activité de l'entreprise et créant un risque important de non-qualité des pièces
Contestant le bien fondé de son licenciement et les avertissements, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil par requête en date du 20 juillet 2015.
Par jugement contradictoire du 24 janvier 2019, le conseil de prud'hommes a :
-déclaré le licenciement de M. [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse
-condamnée la Société Airel à payer au salarié la somme de 13 877, 76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
-rappelé que les sommes allouées sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la décision
-rejeté le surplus des demandes
-rappelé que la moyenne mensuelle brute des trois derniers salaries de M. [F] est fixé à la somme de 2.312,93 euros, et que les charges sociales devraient être déduites pour le recouvrement des créances salariales
-ordonné en tant que de besoin, le remboursement par la Société Airel aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite des 6 mois d'indemnités de chômage
-dit que copie du jugement serait transmise au Pôle Emploi, conformément aux articles R. 1235-1 et R. 1235-2 du Code du Travail
-condamné la Société Airel à verser à M. [F] une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
-ordonné l'exécution provisoire de la décision
-condamné la Société Airel aux dépens.
Par déclaration notifiée par voie électronique le 28 février 2019, la Société Airel a interjeté appel de cette décision.
Par les conclusions d'incident du 5 octobre 2021, la Société Airel a invoqué la nullité des conclusions de M. [F] tiré du défaut de pouvoir/capacité de représenter une partie en justice de l'avocat auteur des conclusions.
Par ordonnance sur incident du 16 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident soulevée par l'appelant et a dit les conclusions de l'intimé régulières et recevables.
Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 5 octobre 2021, la société Airel demande à la cour de :
Sur l'exception de nullité
-dire et juger irrégulières et nulles les conclusions de l'intimé;
Sur le fond
-infirmer le jugement rendu le 24 janvier 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Créteil en ce qu'il a:
*déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement dont M. [F] a fait l'objet le 24 mars 2015;
*condamnée la Société Airel à payer à M. [F] la somme de 13.877,76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les intérêts légaux;
*fixé la moyenne mensuelle brute des 3 derniers salaries de M. [F] à la somme de 2.312,93 euros et dit que les charges sociales devront être déduites pour le recouvrement des créances salariés;
*ordonné en tant que de besoin le remboursement par la Société Airel aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage;
*condamné la société Airel à verser à M. [F] une indemnité de 1.500 au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu'aux dépens
-confirmer le jugement rendu le 24 janvier 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Créteil sur les autres points;
Statuant de nouveau,
-dire et juger que le licenciement de M. [F] était justifié par une cause réelle et sérieuse
-condamner M. [F] à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 26 août 2019,M. [F] demande à la cour de :
-confirmer la décision contestée en ce qu'elle a:
-jugé sans motif réel et sérieux le licenciement de M. [F];
-constaté qu'il avait une ancienneté supérieure à 2 ans et lui a alloué une indemnité de 13.877,76 euros, représentant 6 mois de salaire ,c ainsi que 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
-juger que sont injustifiées les avertissements lui ont été envoyés et les annuler;
-condamner la société à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts
(Il lui sera alloué une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile);
-condamner la Société Airel aux entiers dépens.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été déclarée close le 1er février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé que par ordonnance en date du 16 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident soulevé par la société Airel et a dit les conclusions de l'intimé régulières et recevables.
Sur la nullité des avertissements
Selon les dispositions de l'article L1331-1 du code du travail " constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence de l'employé dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ".
Aux termes de l'article L1332-4 du code du travail, " aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu à l'exercice de poursuite pénales ".
L' avertissement implique un énoncé d'un ou plusieurs manquements bien identifiés afin que le salarié puisse rectifier la situation. Si la sanction apparaît irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée, elle peut être annulée.
L'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction, le salarié doit également fournir les éléments démontrant que la sanction ne revêt pas les caractères susvisés.
En l'espèce, l'employeur a délivré un premier avertissement à M. [F] en date du 2 octobre 2014 rédigé comme suit :
" Nous vous rappelons que vous avez un responsable, M. [S] (ou son remplaçant en cas d'absence) qui définit votre travail ; vous n'avez pas à discuter systématiquement ce qu'il vous demande de faire. C'est lui qui fixe les priorités en fonction des commandes qu'il à honorer dans le but de satisfaire nos clients.
Ce problème récurrent fait suite à d'autres problèmes que nous avons constatés :
-Vous avez eu une altercation verbale avec M. [U] [N] début juillet 2014 dans l'atelier et vous l'avez insulté d'une manière suffisamment violente qu'elle a choqué certains de nos salariés qui ont assisté à la scène. Nous vous avons signifié verbalement que ces insultes sont inadmissibles et vous le confirmons par écrit.
-Vous avez un retard systématique souvent de plusieurs semaines sur le contrôle des pièces qui viennent de sous-traitants, ce qui n'était pas le cas de vos prédécesseurs avec une charge de travail comparable. Ce retard perturbe gravement le cycle de fabrication.
-Ceci est peut- être dû à certaines absences à votre poste de travail puisque nous venons de vous surprendre dans les vestiaires de la société utilisant votre téléphone personnel à une heure où vous auriez être ) votre poste de travail (16h0).
Nous vous demandons de bien vouloir tenir compte de nos remarques, faute de quoi nous serions amenés à envisager des mesures plus sévères à votre encontre'.
L'employeur a délivré un second avertissement en date du 10 octobre 2014 rédigé comme suit :
" A nouveau nous venons de constater une erreur grave dans votre travail puisque vous avez mal contrôlé une pièce venant de l'un de nos sous-traitants (pièce BU-430) :erreur de 10mm.
Cette pièce a été envoyée au traitement et c'est seulement au montage que nous avons constaté l'erreur.
Outre le coût du traitement que nous allons perdre nous sommes amenés à différer des fauteuils en commande pour des raisons de qualité, ce qui nous cause un grave préjudice.
Vous avez d'autre part refusé d'effectuer un travail de coupe à la fraiseuse au prétexte que la matière était cancérigène, ce qui est complètement faux puisqu'il s'agit de résine régulièrement utilisée par les menuisiers dans la réalisation de plans de travail.
Il est temps de vous ressaisir et effectuer un travail conforme à ce que nous attendons d'un contrôleur.
Ce courrier est un dernier avertissement avant d'envisager des mesures plus sévères à votre encontre ".
Pour M. [F], les faits qu'il a contestés par courrier adressé à son employeur ne sont pas justifiés en ce qu'ils se fondent sur des témoignages d'autres salariés décrivant des faits généraux non datés ou circonstanciés.
L'employeur rappelle pour sa part que les manquements du salarié se sont répétés et pour en justifier produit des attestations d'employés.
Ainsi M. [N] [U] [B] atteste avoir été agressé verbalement par M. [F] à plusieurs reprises, qu'il a été grossier envers lui et qu'il a même fait l'objet de menaces de sa part. Il indique s'être plaint auprès de la direction de ce comportement plusieurs fois et que cela l'a mis en difficulté au niveau de son poste et personnellement.
Mme [E] et M. [Y], salariés dans l'entreprise, confirment avoir été témoins d'une altercation entre M. [F] et un collègue et de ses insultes. M. [S], responsable fabrication, fait état pour sa part du mauvais comportement de M. [F] et de son refus d'obtempérer. M. [Z] [K], responsable du service après-vente atteste qu'il refusait de faire les tâches qui lui étaient demandées, était souvent absent, ce qui gênait le bon fonctionnement de la fabrication du matériel. M. [P], responsable du bureau d'études, fait état de ses nombreuses erreurs de contrôle créant des dysfonctionnements dans la production se répercutant sur les délais de livraison. Enfin, M. [O] [T], délégué du personnel, indique qu'il recevait régulièrement des plaintes de salariés concernant l'attitude irrespectueuse et provocante de M. [F], ses agressions verbales et attitudes volontairement désinvoltes faisant partie régulièrement des sujets évoqués en réunion. Lorsqu'il a occupé le poste de responsable des achats, il a constaté que M. [F] avait un important retard dans le contrôle des pièces perturbant la gestion des stocks.
M. [F] se réfère à ses courriers de contestation et de contrôle de réception de septembre 2013, octobre 2014 pour réfuter les reproches. Pour autant, ainsi que l'employeur le souligne, il ne conteste pas la réalité de sa remise en cause des instructions de son supérieur hiérarchique, l'altercation avec son collègue évoquant que " M. [U] a omis de préciser à l'employeur qu'il vait eu altercation violente avec un autre collègue à son sujet " sans autre précision ou qu'il a été sanctionné trois mois après cette prétendue dispute. Il ne conteste pas plus l'utilisation de son téléphone portable tel que reproché aux termes de l'avertissement sauf à préciser que l'avertissement lui semble être une sanction disproportionnée .
Enfin, il légitime son refus d'effectuer un travail de coupe à la fraiseuse dès lors que la matière était cancérigène, ce que conteste l'employeur. Il en veut pour preuve que l'inspection du travail a relevé l'année suivante selon le rapport établi 25 février 2016 dans les locaux de l'entreprise la présence de produits chimiques stockés dans les couloirs ou dans les bidons sans étiquettes Toutefois, la lecture de ce procès-verbal ne fait pas état de matière cancérigène sur laquelle les salariés devaient intervenir.
Ainsi que le rappellent les premiers juges, M. [F] ne peut se contenter de dénier toute force probante aux attestations versées par l'employeur au seul motif qu'elles émanent d'autres salariés de l'entreprise placés dans un lien de subordination. Ces attestations permettent de confirmer qu'il refusait de se conformer aux directives de son supérieur, a eu une altercation notamment avec un collègue, avait du retard sur le contrôle des pièces, a utilisé son téléphone portable au temps du travail quant bien même la pratique était courante parmi les salariés, a commis une erreur sur une pièce qui a pu avoir des répercussions à tout le moins dans la relation de la société avec un de ses clients.
Ces faits sont constitutifs de fautes, lesquelles justifient par leur caractère proportionné, les avertissements qui lui ont été notifiés.
M.[F] est débouté de sa demande d'annulation des sanctions ainsi que des dommages et intérêts y afférents et le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur le licenciement
Par application des dispositions de l'article L1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Outre l'objectivité des griefs qui doivent être matériellement vérifiables, le juge est tenu de former sa conviction au vu des éléments fournis par l'employeur et le salarié.
L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi.
L'appréciation de l'insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l'employeur, qui doit invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables imputables au salarié.
Si le licenciement peut être motivé à la fois par une ou plusieurs fautes et par une insuffisance professionnelle, les mêmes manquements ne peuvent être invoqués sur les deux terrains, l'employeur devant choisir de se placer soit sur le terrain disciplinaire et caractériser la faute, soit sur le terrain de l'insuffisance professionnelle.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement en date du 24 mars 2015 qui fixe les termes du litige, l'employeur notifie au salarié sa décision pour les motifs suivants :
- nombreuses erreurs dans son travail qui portent préjudice à l'activité de la société;
- retards importants dans le contrôle des pièces alors que ses prédécesseurs y arrivaient parfaitement dans le même temps d'activité que lui;
- comportement très compliqué avec les autres salariés de l'entreprise qui ont du mal à supporter ses critiques et les altercations dont il est responsable ;
- absences fréquentes qui désorganisent l'activité à son poste de contrôle de pièces venant de l'extérieur sachant qu'il est le seul à ce poste, ce qui oblige la société à utiliser du personnel intérimaire qui n'a pas la même ancienneté et expérience des pièces créant un risque de non-qualité important.
En l'espèce, M. [F] considère qu'aucun élément n'est détaillé dans la lettre de licenciement pouvant justifier l'insuffisance professionnelle ou le préjudice de la société évoqué et qu'un certain nombre de faits ne sont pas datés, circonstanciés et ne sont pas étayés de sorte que les griefs sont imprécis et ne sont pas matériellement vérifiables.
L'employeur considère pour sa part que l'insuffisance professionnelle de M. [F] se caractérise par un retard systématique dans le contrôle des pièces, des erreurs de contrôle préjudiciant gravement la société, des erreurs de jugement et une méconnaissance de l'organisation de la société et la signature d'une dérogation pour pièces non conformes, étant relevé que ces derniers points ne sont pas spécifiquement mentionnés dans la lettre de licenciement. Par ailleurs, la faute serait caractérisée par ses absences répétées et non autorisées, ses violences verbales à l'égard de ses collègues et la mésentente avec ses collègues qui lui est imputable.
Il est constant que sauf mauvaise volonté délibérée, l'insuffisance professionnelle n'est pas fautive car elle est caractérisée par l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Le licenciement motivé par une insuffisance professionnelle ne peut donc pas être fondé sur une faute disciplinaire, l'insuffisance devant être distinguée du comportement fautif du salarié qui se traduit par un comportement délibéré.
Si l'appréciation de l'insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l'employeur, seul légitime à juger de l'aptitude professionnelle de son salarié et de l'adaptation de ce dernier à son emploi, encore faut- il, pour constituer une cause sérieuse de licenciement que cette insuffisance repose sur des éléments objectifs et concrets soumis au pouvoir de vérification du juge.
En premier lieu, par l'effet d'épuisement du pouvoir disciplinaire attaché aux avertissements des 2 et 10 octobre 2014, les griefs évoqués, dont l'employeur ne soutient pas en avoir été informé ultérieurement à défaut de les dater, ne peuvent fonder le licenciement fut-il fondé sur l'insuffisance professionnelle et non sur la faute.
Le licenciement ne pouvait par ailleurs être prononcé que pour des faits nouveaux commis postérieurement aux avertissements ou dont l'employeur n'aurait eu connaissance qu'après cette date, étant rappelé que pèse exclusivement sur la société Airel la charge de prouver les dates certaines de commission des faits ou de l'information qu'elle en a reçue.
Or, ainsi que le premier juge le souligne, cette preuve s'avère insuffisamment administrée en ce qui concerne les trois premiers griefs évoqués dans la lettre de licenciement : soit les erreurs et retards dans l'exécution des tâches et les relations compliquées du salarié avec ses collègues de travail.
Le premier juge doit en conséquence être approuvé en ce qu'il a retenu qu'il appartenait à l'employeur de justifier que de nouvelles erreurs avaient été commises, que de nouveaux retards dans l'exécution de ses tâches avaient été déplorés et que de nouveaux incidents avaient opposés le salarié à ses collègues. Or, aucune des pièces versées ne permet de l'établir, étnat observé que les attestations précdemment citées décrivent en termes généraux le comportement de M. [F] et ne sont pas circonstanciées.
L'employeur répond que le motif retenu serait inopérant dès lors que M. [F] n'a jamais été sanctionné pour sa mésentente généralisée avec ses anciens collègues de travail, que la lettre de licenciement fait état de nouveaux faits précis et circonstanciés, que de nouvelles erreurs ont été révélées par un audit pour autant non produit. Il sera toutefois rappelé que l'employeur a purgé par le dernier avertissement son pouvoir disciplinaire, y compris pour des fautes que l'employeur a fait le choix de ne pas sanctionner, et ne donne aucune date sur des faits nouveaux, la lettre de licenciement rappelée ci-dessus ne faisant aucunement état de faits circonstanciés.
En second lieu, il sera relevé s'agissant des absences répétées reprochées au salarié qu'elles ne sont pas objectivées par des témoignages précis et circonstanciés, seul un témoignage évoquant que " il était souvent absent " sans autre précision . Les seules absences mentionnées sur les bulletins de salaire se réfèrent à des arrêts maladie. Ainsi , il ressort des bulletins de salaire versés que M. [F] a été absent pour maladie au mois de juin 2014, du 13 octobre au 31 octobre 2014, du 2 mars au 9 mars 2015 et du 30 mars 2015 au 13 avril 2015, ayant perçu une prime de présence les autres mois de la relation contractuelle.
Toutefois, les perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise engendrées par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié pour maladie peuvent constituer une cause de licenciement dès lors qu'elles rendent nécessaire le remplacement définitif de l'intéressé.
Il incombe alors à l'employeur de démontrer l'existence de perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise engendrées par les absences répétées ou l' absence prolongée du salarié et la nécessité de pourvoir de manière définitive au remplacement du salarié absent.
Le premier juge doit donc être approuvé en ce qu'il a retenu qu'en l'absence de toute précision sur le nombre et la durée des absences invoquées et de toute preuve de désorganisation qui en serait résulté un tel motif ne peut être retenu.
Le jugement doit être en conséquence confirmé en ce qu'il déclaré le licenciement de M. [A] [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement
Aux termes de l'article L. 1251-38 du code du travail lorsqu'une entreprise utilisatrice embauche, après une mission, un salarié mis à sa disposition par une entreprise de travail temporaire, la durée des missions accomplies au sein de cette entreprise au cours des trois mois précédant le recrutement est prise en compte pour le calcul de l'ancienneté du salarié.
M. [F] a été en premier lieu mis à disposition par l'agence d'intérim CRIT auprès de la société Airel entreprise utilisatrice puis employé par cette dernière société suivant contrat à durée indéterminée à compter du 29 avril 2014, soit 4 jours après la fin de la mission d'intérim.
La date d'ancienneté acquise de M. [F] a été exactement fixée au 29 janvier 2013.
Dès lors, l'ancienneté du salarié était de plus de 2 ans, préavis compris.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Eu égard aux circonstances de la rupture, de l'ancienneté du salarié, de sa rémunération ( 2312, 01 euros), des justificatifs de sa situation postérieurement au licenciement, le préjudice a été exactement évalué à la somme de 13 877, 76 euros.
En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office par voie de confirmation du jugement le versement par l'employeur des indemnités de chômage du dans la limite de six mois.
Sur les autres demandes
Partie perdante, la société Airel sera condamnée aux dépens et à verser à M. [F] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel. Les dispositions du jugement sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la Société Airel à payer à M. [A] [F] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Société Airel aux dépens d'appel ;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande.
La greffière, La présidente.