Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRET DU 25 MAI 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04761 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2ZHT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Février 2017 -Tribunal d'Instance de PARIS - RG n°
APPELANTE
Madame [P] [J] Veuve [W]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée et assistée par Me Guilhem AFFRE de l'AARPI MIGUERES MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R016 substitué à l'audience par Me Roxanne ASSADI-GAZVIRI-MAKAN, même cabinet, même toque
INTIMES
Monsieur [L] [N]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Madame [Y] [U]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Marie-laure BOUZE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0613
PARTIE INTERVENANTE
Monsieur [X] [W]
[Adresse 7]
[Localité 8]
S.A.S. CATHERINE
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentés et assistés par Me Guilhem AFFRE de l'AARPI MIGUERES MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R016 substitué à l'audience par Me Roxanne ASSADI-GAZVIRI-MAKAN, même cabinet, même toque
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. François LEPLAT, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
François LEPLAT, président
Anne-Laure MEANO, président
Aurore DOCQUINCOURT, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 21 décembre 2015, Mme [P] [W] a donné à bail à M. [L] [N] et Mme [Y] [U] un appartement d'une superficie de 64,2 m², situé au 4ème étage d'un immeuble sis [Adresse 5], moyennant un loyer mensuel de 1.890,30 euros, dont un complément de loyer de 317,40 euros et une provision sur charges mensuelle de 95 euros.
Les locataires, par lettre recommandée avec avis de réception du 9 mars 2016 ont saisi la commission de conciliation de [Localité 9] d'une contestation en complément de loyer.
La commission de conciliation a considéré, dans son avis du 11 mai 2016 que "le complément de loyer demandé par le bailleur n'était pas justifié et qu'il convenait d'appliquer au maximum le loyer correspondant au loyer de référence majoré, soit 1.572,90 euros à compter du 21 décembre 2015 et de ramener le dépôt de garantie au montant équivalent", les propriétaires devant, en conséquence, rembourser les trop perçus.
Les parties n'ayant pu se concilier, M. [L] [N] et Mme [Y] [U] ont, par acte du 15 juillet 2016, fait assigner leur bailleresse devant le tribunal d'instance du 18ème arrondissement de Paris aux fins d'obtenir la réduction du loyer au montant du loyer de référence majoré, ainsi que le remboursement du trop-perçu de loyer depuis le 21 décembre 2015 et du dépôt de garantie.
Par jugement contradictoire entrepris du 10 février 2017, le tribunal d'instance du 18ème arrondissement de Paris a ainsi statué :
Déclare recevable l'action en contestation du complément de loyer formée par M. [L] [N] et Mme [Y] [U] concernant le local a usage d'habitation sis [Adresse 5] qui leur a été donné à bail par Mme [P] [W] par acte sous seing privé du 21 décembre 2015 ;
Dit que preuve n'est pas suffisamment rapportée de ce qu'un complément de loyer est justifié pour le local précité ;
Fixe le montant du loyer contractuel hors charges pour le bail précité à la somme de 1.572,90 euros par mois à compter du 21 décembre 2015 ;
Condamne Mme [P] [W] à payer à M. [L] [N] et Mme [Y] [U] la somme de 1.572,90 euros au titre du trop-perçu du dépôt de garantie ;
Condamne Mme [P] [W] à payer à M. [L] [N] et Mme [Y] [U] la somme de 3.921,49 euros au titre du trop-perçu des loyers mensuels hors charges, décompte arrêté au 28 décembre 2016 et terme de décembre 2016 inclus ;
Rejette les demandes formées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que le commande l'équité ;
Condamne Mme [P] [W] aux entiers dépens de l'instance, lesquels incluront le coût de l'assignation et des deux procès-verbaux d'huissier de justice des 25 octobre 2016 et 4 novembre 2016 ; ,
Rejette les demandes pour le surplus.
Vu l'appel interjeté le 6 mars 2017 par Mme [P] [W] ;
Par arrêt avant dire droit du 13 septembre 2019, par lequel la cour a ainsi statué :
Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes des parties jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué par les juridictions de l'ordre administratif sur les arrêtés préfectoraux, dont celui du 25 juin 2015, servant de fondement à la demande de M. [L] [N] et Mme [Y] [U], et fixant les loyers de référence, loyers de référence majorés et loyers de référence minorés à [Localité 9] ;
Ordonne le retrait administratif du rôle jusqu'à ce que la cause du sursis ait disparu,
Dit qu'alors l'affaire sera rétablie au rôle par la partie la plus diligente,
Réserve tout droits des parties, ainsi que les dépens.
Par arrêt du 21 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Paris a ainsi statué :
Décide : (...)
Article 2 : Le jugement n°s 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 du 28 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé. (...)
Ensuite de cet arrêt, l'instance a été reprise.
Mme [P] [J], veuve [W] est décédée le [Date décès 3] 2022.
L'instance a été interrompue par ordonnance du 23 juin 2022.
Elle a été reprise après assignation en intervention forcée de M. [X] [W] et de la société par actions simplifiée Catherine, dont M. [X] [W] est le président, par actes délivrés le 29 septembre 2022 à la requête de M. [L] [N] et Mme [Y] [U].
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 1er mars 2023 par lesquelles M. [X] [W] et la société Catherine demandent à la cour de :
Vu l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 tel que modifié par la loi ALUR du 24 mars 2014,
Vu l'article 3 du Décret n°2015-650 du 10 juin 2015,
Vu l'article 1103 du Code civil (anciennement 1134),
A titre liminaire :
DÉCLARER la SAS Catherine recevable en son intervention principale volontaire, par application de l'article 328 du Code de procédure civile ;
DÉCLARER la SAS Catherine recevable comme n'ayant été ni partie ni représentée en première instance, par application de l'article 554 du Code de procédure civile ;
En conséquence,
DÉCLARER M. [X] [W] hors de cause ;
A titre principal :
INFIRMER le jugement du Tribunal d'Instance du 18e arrondissement de Paris du 10 février 2017 dans l'ensemble de ses dispositions en ce qu'il a :
' Fixé le montant du loyer contractuel hors charges pour le bail précité à la somme de 1.572,90 euros par mois à compter du 21 décembre 2015 ;
' Condamné Mme [W] à payer à M. [N] et Mme [U] la somme de 317,40 euros au titre du trop-perçu du dépôt de garantie ;
' Condamné Mme [W] à payer à M. [N] et Mme [U] la somme de 3,921,49 euros au titre du trop-perçu des loyers mensuels hors charges, décompte arrêté au 28 décembre 2016 et terme de décembre 2016 inclus ;
' Rejeté les demandes formées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que le commande l'équité ;
' Condamné Mme [W] aux entiers dépens de l'instance, lesquels incluront le coût de l'assignation et des deux procès-verbaux d'huissier de justice des 25 octobre 2016 et 4 novembre 2016.
Et statuant à nouveau de :
A titre principal :
Juger que le complément de loyer est justifié par les caractéristiques contractuellement prévues au bail à savoir : une cuisine aménagée et équipée, un parquet en chêne point de Hongrie et une cheminée en marbre lesquelles élèvent le confort et le standing de l'appartement par rapport à un logement de même catégorie sis dans le secteur géographique spécifique de "Cligancourt" (75018) où est implanté cet immeuble ;
En outre,
Juger irrecevable la demande de fixation du loyer à la somme de 1.653,40 euros pour l'année 2022, en ce qu'elle constitue une demande nouvelle en cause d'appel ;
Débouter M. [N] et Mme [U] de leurs demandes de payer les sommes suivantes :
- Le trop-perçu de 317,40 euros au titre du dépôt de garantie ;
- Le trop-perçu de loyers depuis la signature du contrat de bail d'un montant de 24.747,29 euros ;
- Le trop-perçu de loyers à partir du 29 avril 2022 sur la base d'un montant de 16,79% ;
A titre subsidiaire,
Juger que le remboursement du trop-perçu de loyers se limitera aux périodes suivantes :
- du 21 décembre 2015 au 28 novembre 2017, date où l'arrêté du 25 juin 2015 a été annulé, soit la somme maximale de 7.300,20 euros
- puis, à compter de l'arrêt à intervenir, à valoir à l'avenir sur toutes les échéances de loyers postérieurs et non échues.
En tout état de cause :
Débouter M. [N] et Mme [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Condamner M. [N] et Mme [U] à verser à Mme [W] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 2 mars 2023 au terme desquelles M. [L] [N] et Mme [Y] [U] demandent à la cour de :
Confirmer le jugement rendu le 10 février 2017 par le Tribunal d'Instance du 18ème arrondissement de Paris,
En conséquence :
Déclarer que le complément de loyer demandé par la SAS Catherine et M. [X] [W] en qualité d'ayants droit de Mme [W] n'est pas justifié,
Fixer le montant du loyer contractuel hors charge à la somme de 1.572,90 euros par mois à compter du 21 décembre 2015 et ramener le dépôt de garantie à ce même montant ;
Condamner la SAS Catherine et M. [X] [W] en qualité d'ayants droit de Mme [W] à rembourser à M. [N] et Mme [U] :
' 317,40 euros au titre du trop-perçu de dépôt de garantie
' 5.826,97euros au titre des trop-perçus de loyers entre le 21 décembre 2015, date d'effet du bail, et le 29 juin 2017, date de dernière quittance de loyer (somme à parfaire)
' Les trop-perçus de loyers entre le 29 juin 2017 et la révision effective du loyer contractuel, à raison de 317,58 euros par mois à partir du mois de janvier 2017, et en fonction de la variation de l'indice INSEE pour les années suivantes, le cas échéant.
Statuant à nouveau :
Condamner la SAS Catherine et M. [X] [W] en qualité d'ayants droit de Mme [W] à rembourser à M. [N] et Mme [U] :
' 317,40 euros au titre du trop-perçu de dépôt de garantie
' 28.111,18 euros au titre des trop-perçus de loyers entre le 21 décembre 2015, date d'effet du bail, et le 28 février 2023, date de dernière quittance de loyer
' Les trop-perçus de loyers à partir du 1er mars 2023 jusqu'à la révision effective du loyer
contractuel, sur la base d'un trop perçu de 16,791% des loyers hors charge.
Fixer le nouveau loyer pour l'année 2023 à la somme, hors charges, de 1.711,16 euros (2.056,46 - 345,30 euros).
Condamner la SAS Catherine et M. [X] [W] en qualité d'ayants droit de Mme [W] à payer 5.000 euros à M. [N] et Mme [U] en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner la SAS Catherine et M. [X] [W] en qualité d'ayants droit de Mme [W] aux entiers dépens, lesquels incluront les coûts de l'assignation, et des deux procès-verbaux d'huissier de justice des 25 octobre 2016 et 4 novembre 2016.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mise hors de cause de M. [X] [W]
Il ressort d'une attestation, non contestée, établie par Maître Henri Delsol, avocat, le 23 septembre 2022, mise aux débats par les appelants, que le bien loué par M. [L] [N] et Mme [Y] [U] situé au 4ème étage d'un immeuble sis [Adresse 5], a été cédé en nue-propriété par M. [X] [W] à la société par actions simplifiée Catherine par acte notarié du 19 juillet 2017 et que, du fait du décès de Mme [P] [J], veuve [W], usufruitière, survenu le [Date décès 3] 2022, la pleine propriété du bien a été réunie entre les mains de la société Catherine par application de l'article 617 du code civil.
M. [X] [W] sera ainsi mis hors de cause et la société Catherine acceptée en son intervention, aux droits de Mme [P] [W].
Sur le complément de loyer
Dans sa version applicable à l'espèce, l'article 17 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que :
"I. - Les zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social, sont dotées d'un observatoire local des loyers prévu à l'article 16 de la présente loi. Un décret fixe la liste des communes comprises dans ces zones.
Dans ces zones, le représentant de l'État dans le département fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique.
Les catégories de logement et les secteurs géographiques sont déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'observatoire local des loyers.
Chaque loyer de référence est égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l'observatoire local des loyers selon les catégories de logement et les secteurs géographiques.
Chaque loyer de référence majoré et chaque loyer de référence minoré sont fixés respectivement par majoration et par minoration du loyer de référence.
Les compétences attribuées au représentant de l'État dans le département par le présent article sont exercées, dans la région d'Ile-de-France, par le représentant de l'État dans la région.
Le loyer de référence majoré est égal [Rédaction conforme à l'article 1er de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] à un montant supérieur de 20% au loyer de référence.
Le loyer de référence minoré est égal [Rédaction conforme à l'article 1er de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] au loyer de référence diminué de 30%.
II. - A. - Dans les zones où s'applique l'arrêté mentionné au I, le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, dans la limite du loyer de référence majoré. Une action en diminution de loyer peut être engagée si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature dudit contrat.
B. - Un complément de loyer [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] peut être appliqué au loyer de base tel que fixé au A pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique. Les modalités d'application du présent alinéa sont précisées par décret en Conseil d'État.
Le montant du complément de loyer [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] et les caractéristiques du logement le justifiant sont mentionnés au contrat de bail.
Lorsqu'un complément de loyer [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] est appliqué, le loyer s'entend comme la somme du loyer de base et de ce complément.
Un complément de loyer [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] ne peut être appliqué à un loyer de base inférieur au loyer de référence majoré.
Le locataire qui souhaite contester le complément de loyer [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] dispose d'un délai de trois mois à compter de la signature du bail pour saisir la commission départementale de conciliation prévue à l'article 20 de la présente loi.
En cas de contestation, il appartient au bailleur de démontrer que le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
En cas de conciliation, le montant du loyer, tenant compte de l'éventuel complément de loyer, [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014] est celui fixé par le document de conciliation délivré par la commission départementale de conciliation.
En l'absence de conciliation, le locataire dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de l'avis de la commission départementale de conciliation pour saisir le juge d'une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014]. La fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de la commission départementale de conciliation peut être soulevée d'office par le juge.
Dans les deux cas, le loyer résultant du document de conciliation ou de la décision de justice s'applique à compter de la prise d'effet du bail.
III. - En dehors des territoires mentionnés au I, la fixation du loyer des logements mis en location est libre.
IV. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article."
Il est constant qu'en application de cet article, un arrêté a été pris par le Préfet de la région Ile de France le 25 juin 2015 a été pris pour encadrer les loyers, notamment dans le secteur géographique 70 de [Adresse 1], où est situé le bien loué ;
Que cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Paris par jugement du 28 novembre 2017, confirmé par la cour administrative d'appel par arrêt du 26 juin 2018 qui a rejeté l'appel formé par le ministre de la cohésion des territoires ;
Que par décision du 5 juin 2019, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 juin 2018 et renvoyé l'affaire devant cette même cour, laquelle, par arrêt du 21 juillet 2021 a annulé le jugement du 28 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris.
Il s'ensuit que Mme [P] [W], aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Catherine, devait justifier du complément de loyer mensuel de 317,40 euros mentionné au bail.
L'article 3 du décret n° 2015-650 du 10 juin 2015 relatif aux modalités de mise en 'uvre du dispositif d'encadrement du niveau de certains loyers et modifiant l'annexe à l'article R.* 366-5 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que : "L'application d'un complément de loyer, prévu au B du II de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée, peut être justifiée par les caractéristiques de localisation ou de confort d'un logement, lorsque ces caractéristiques réunissent les conditions suivantes :
1° Elles n'ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence correspondant au logement ;
2° Elles sont déterminantes pour la fixation du loyer, notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ;
3° Elles ne donnent pas lieu à récupération par le bailleur au titre des charges, ni à la contribution pour le partage des économies d'énergie pour les travaux réalisés par le bailleur, prévues respectivement par les articles 23 et 23-1 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée."
Il sera à titre liminaire observé que, devant la cour, le respect du délai de saisine de la commission départementale de conciliation, ou celui de la juridiction de première instance, suite au désaccord des parties ne sont pas remis en cause, étant rappelé que la commission, dans son avis du 11 mai 2016, a considéré que "le complément de loyer demandé par le bailleur n'était pas justifié et qu'il convenait d'appliquer au maximum le loyer correspondant au loyer de référence majoré, soit 1.572,90 euros à compter du 21 décembre 2015 et de ramener le dépôt de garantie au montant équivalent".
Poursuivant l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de complément de loyer, la société Catherine, invoque sa justification telle qu'elle figure au bail, à savoir "le parquet en chêne et la cheminée en marbre qui élèvent le confort et le standing de l'appartement par rapport à un logement de même catégorie, situé dans le même secteur géographique", étant observé que des ajouts manuscrits par le bailleur, non paraphés par les locataires sans que ceux-ci en tirent de conséquence juridique, viennent compléter cette justification : à savoir "une cuisine aménagée" et le parquet en chêne "point de Hongrie", maintenant la pertinence de ces éléments.
À titre subsidiaire, elle demande de limiter le remboursement sollicité par les locataires intimés en considération de la procédure administrative introduite en vue d'annuler les arrêtés d'encadrement des loyers qui aurait levé ses éventuelles hésitations à interjeter appel du jugement entrepris.
Les intimés, qui sont à la confirmation, battent en brèche l'argumentaire de la société Catherine.
A cet égard, il convient de relever que c'est toutefois par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l'appelante, laquelle ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le premier juge, et que la cour adopte, qu'il a retenu que la dimension de l'appartement comme le standing de l'immeuble ne sont pas pris en considération pour apprécier le bien fondé du complément de loyer, qui ne figurent pas parmi les motifs le justifiant dans le contrat de bail et sont déjà ceux sur lesquels la détermination du loyer de référence majoré a été effectuée ;
Que, de la même manière, l'état de l'appartement autre que celui relatif aux caractéristiques qui fondent le complément de loyer ne doit pas être examiné, puisqu'il a déjà été pris en considération pour la fixation du loyer contractuel ;
Qu'il ressort de l'article 1-10 du contrat de bail du 21 décembre 2015 que le complément de loyer est motivé par une cuisine aménagée, le parquet en points de Hongrie et la cheminée en marbre, qui "élèvent le confort et le standing de l'appartement par rapport à un logement de même catégorie dans le même secteur géographique" ;
Qu'il ressort de l'état des lieux d'entrée contradictoirement établi le 21 décembre 2015, que la cuisine aménagée et équipée est en "bon état", que le parquet de chêne dans le séjour présente des "trous", des "rayures" et des " tâches", tout comme le parquet de chêne dans les chambres, et que la cheminée en marbre est "décorative" et "tâchée" ;
Que ces mentions sont corroborées par les constatations de l'huissier de justice dans son procès-verbal du 4 novembre 2016, dont il ressort que dans la salle a manger le parquet est "usagé", dans le salon les lattes du parquet "ne sont pas de couleur uniforme et présentent un "accroc", dans les chambres, que le parquet présente des "tâches" pour la chambre parentale et qu'il est "abîmé" pour la chambre enfant, et que le parquet n'est structuré en points de Hongrie que dans le salon et la chambre enfant ; que la cheminée en marbre est d'une longueur de 1,12 m pour 1 m de haut et que l'âtre est vide.
Que l'ensemble de ces constatations est étayé par les clichés photographiques joints au procès-verbal ;
Que ces constatations sont plus précises que celles réalisées par un autre huissier de justice antérieurement, par procès-verbal du 25 octobre 2016 ; que sans contredire les constatations du 4 novembre 2016, ce procès-verbal manque en effet de précision quant à la détermination des pièces pourvues d'un parquet de chêne en points de Hongrie, dont on comprend qu'il habille le sol du salon mais pas celui de l'entrée, sans autre précision pour les autres espaces de vie qui ne sont pas détaillés pièce par pièce à l'exception de la cuisine, dont le sol n'est pas décrit ;
Que, par ailleurs, le constat du 25 octobre 2016 mentionne de manière générale un parquet en bon état, ce qui est contredit tant par l'état des lieux d'entrée établi antérieurement et y relevant des trous, rayures et tâches, que par le constat du 4 novembre 2016 établi postérieurement qui va dans Ie même sens que l'état des lieux précité ;
Qu'enfin, les clichés photographiques en noir et blanc joints au constat du 25 octobre 2016 sont inexploitables ;
Qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il est suffisamment établi que seuls une chambre et le salon sont dotés d'un parquet en chêne en points de Hongrie, et que celui-ci est dans un état qui peut être qualifié de moyen ;
Que, s'agissant de la cheminée en marbre, rien ne figure sur son état de fonctionnement dans les constats, de sorte qu'il doit être conclu qu'il est suffisamment établi au regard des mentions convergentes portées dans l'état des lieux d'entrée et le constat du 4 novembre 2016, que la cheminée en marbre blanc est également en état moyen et ne présente pas une dimension singulière ;
Que s'agissant enfin de la cuisine, aucune mention quant à la qualité de son équipement et de son aménagement ne figure dans les constats des 25 octobre 2016 et 4 novembre 2016 ; qu'ils sont présentés comme étant en bon état dans l'état des lieux d'entrée ;
Que par ailleurs, il ressort du constat du 25 octobre 2016 qu'elle est équipée d'éléments de rangement hauts et bas, d'une hotte aspirante et d'une plaque de cuisson vitrocéramique, ce qui est conforme à l'équipement décrit dans l'état des lieux d'entrée, que la qualité "bas de gamme" de l'équipement comme de l'aménagement de la cuisine alléguée par M. [L] [N] et Mme [Y] [U] n'est pas établie, de sorte qu'il sera conclu au vu de ce qui précède qu'ils sont l'un comme l'autre en bon état ;
Que, sans motiver son avis, la Commission de conciliation a considéré, dans sa séance du 11 mai 2016 que le complément de loyer n'était pas justifié, et préconisé le remboursement des sommes trop perçues ;
Que les références de loyer issues de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP) communiquées par le bailleur ne sont opérantes que pour l'une d'entre elles, relative à un appartement sis [Adresse 2], les deux autres références portant sur des appartements donnés à bail avant l'entrée en vigueur des dispositions précitées relatives à l'encadrement des loyers ; que la troisième référence atteste d'un prix de 38,27 euros au m², pour un logement de trois pièces de 62m² situé au cinquième étage avec ascenseur, en comparaison du prix de 29,44 euros au m² pour le logement litigieux, dont il est constant qu'il est de quatre pièces, d'une surface de 64,2 m² et situé au quatrième étage avec ascenseur ;
Que pour autant, cette référence de loyer n'est pas suffisamment probante, sans aucune autre référence, d'une part, et en l'absence de toute précision quant à la date de construction de l'immeuble, d'autre part, pour justifier à elle seule que le complément de loyer est fondé au regard des appartements de même catégorie et du même secteur géographique
Que, compte tenu de ce que le parquet de chêne en points de Hongrie est en état moyen et n'équipe que deux des quatre pièces principales de l'appartement, de ce qu'aucun élément de preuve n'est rapporté quant au standing de l'équipement et de l'aménagement de la cuisine, et de ce que la cheminée est en état moyen et ne présente pas une dimension singulière, il doit être conclu que la preuve de la justification du complément de loyer fixé dans le contrat de bail du 21 décembre 2015 n'est pas rapportée ;
Que, dès lors, et ainsi qu'il n'est pas contesté quant au montant du loyer de référence majoré applicable, au vu des dispositions précitées, le loyer maximum applicable au logement litigieux est de 1.572,90 euros (= 24,5 euros x 64,2 m²), somme à laquelle sera fixé le montant du loyer mensuel hors charges à effet du 21 décembre 2015, date de l'entrée en vigueur du contrat de bail, ce que la cour confirme.
Sur les remboursements de trop-perçus
M. [L] [N] et Mme [Y] [U] forment des demandes de remboursement de trop perçus, tant pour ce qui concerne le dépôt de garantie que pour les loyers ayant courus entre le 21 décembre 2015 et le 28 février 2023 à hauteur de 317,40 euros et 28.111,18 euros, somme qu'ils détaillent dans leurs conclusions.
La société Catherine ne peut que vainement s'y opposer alors que ces remboursements sont sollicités en application de la suppression du complément de loyer injustifié décidée par le premier juge et confirmée par la cour.
L'appelante, qui ne conteste aucun des montants sollicités, ne peut sérieusement demander, à titre subsidiaire, la minoration de ces remboursements au motif que l'annulation de l'arrêté préfectoral du 25 juin 2015 par le tribunal administratif de Paris, par jugement du 28 novembre 2017, l'y aurait incitée, alors que son appel a été formé dès le 6 mars 2017, dans l'ignorance de cette annulation.
Sur la fixation du loyer hors charges pour l'année 2023
M. [L] [N] et Mme [Y] [U], sur la base de la suppression du complément de loyer dont ils demandent à la cour confirmation, forment une demande de fixation du nouveau loyer pour 2023, dont ils ont reçu l'avis, par minoration de la nouvelle somme de 16,791%, correspondant à la part calculée du complément de loyer sur le montant total du loyer révisé pour les trop-perçus.
Ne faisant aucun commentaire sur ce mode de calcul, la société Catherine demande seulement de déclarer comme étant nouvelle au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, la prétention des intimés "de fixation du loyer à la somme de 1.653,40 euros pour l'année 2022", prétention qui n'est toutefois pas soutenue dans le dispositif de leurs dernières conclusions, qui seul saisit la cour.
En tout état de cause, s'agissant de la prétention effectivement soutenue par les intimés pour l'année 2023, il convient de relever qu'elle résulte de la survenance de la confirmation du jugement entrepris qui a écarté le complément de loyer comme étant injustifié et qu'elle n'est que la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions initiales des intimés.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il est équitable d'allouer à M. [L] [N] et Mme [Y] [U] une indemnité de procédure de 4.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Reçoit l'intervention de la société par actions simplifiée Catherine aux droits de Mme [P] [W],
Met M. [X] [W] hors de cause,
Confirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné Mme [P] [W] à payer à M. [L] [N] et Mme [Y] [U] la somme de 3.921,49 euros au titre du trop-perçu des loyers mensuels hors charges, décompte arrêté au 28 décembre 2016 et terme de décembre 2016 inclus,
Statuant à nouveau,
Condamne la société par actions simplifiée Catherine à payer à M. [L] [N] et Mme [Y] [U] la somme 28.111,18 euros au titre des trop-perçus de loyers entre le 21 décembre 2015, date d'effet du bail, et le 28 février 2023, date de dernière quittance de loyer,
Fixe le nouveau loyer pour l'année 2023 à la somme, hors charges, de 1.711,16 euros,
Et y ajoutant,
Condamne la société par actions simplifiée Catherine à payer à M. [L] [N] et Mme [Y] [U] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société par actions simplifiée Catherine aux dépens d'appel, incluant le coût de l'assignation et les frais du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 4 novembre 2016,
Rejette toutes autres demandes.
La greffière Le président