Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 24 MAI 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11751 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAPY
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Décembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS CEDEX 17 - RG n° 20/12134
APPELANTE
SCI JOJO immatriculée au RCS de Paris sous le n° 511 429 383 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Assistée de Me Agathe LASSERRE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A.S.U. AUCHAN HYPERMARCHE, immatriculée au RCS de Lille sous le n°410 409 460 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistée de Me Rémy CONSEIL de la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0987
Substitué par par Me Etienne ROUSSEAU de la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 907 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Nathalie RECOULES, Présidente de chambre
Marie GIROUSSE, Conseillère
Douglas BERTHE, Conseiller
Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Madame Laurène BLANCO, Greffier présent lors de la mise à disposition.
Faits et procédure :
Par acte notarié du 19 mars 2007, la société Compagnie de Phalsbourg aux droits de laquelle vient désormais la SCI Jojo, a donné à bail à la société Auchan France - désormais dénommée Auchan Hypermarché - des locaux d'une surface totale de 19.500m2, à destination de « Tous commerces de détail clé produits et de services généralement exploités dans les magasins de type hypermarchés. Et toutes activités connexes et complémentaires », dans un centre commercial en projet de construction sis [Adresse 5] à [Localité 6] pour une durée de 18 années, à compter de la mise à disposition des locaux survenue le 1er février 2011, moyennant un loyer annuel en principal de 1.900.000 euros.
Le bail comporte une clause relative aux charges locatives qui prévoit « le remboursement des charges et taxes locatives de toute nature afférentes au Bien, notamment, à titre indicatif et aucunement limitatif la taxe foncière, la taxe sur les locaux commerciaux, de bureau, et de stockage en Ile-de-France, le loyer du présent bail s'entendant pour le Bailleur net de tous impôts et charges... » ainsi que « les frais de réparations du bâtiment y compris les réparations relevant de l'article 606 du code civil, à l'expiration de la période décennale ». En outre, il est prévu un paiement trimestriel provisionnel « à l'exception des dépenses relatives, aux taxes, assurances et grosses réparations afférentes à l'Immeuble, qui feront l'objet d'une facturation distincte accompagnée de justificatifs ». Enfin, le bailleur doit établir un budget prévisionnel des charges en concertation avec le bailleur et procédera à une régularisation « effectuée chaque année, dans les trois mois qui suivront la fin de l'année civile. (') ».
Par acte en date du 30 novembre 2020, la société Auchan Hypermarché a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société Jojo aux fins essentielles de se voir rembourser les charges trop versées.
Par ordonnance en date du 17 décembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a, notamment, déclaré recevables les demandes de remboursement des charges formées par la société Auchan Hypermarché au titre des années 2013, 2014 et 2015 et débouté la société Auchan Hypermarché de sa demande d'expertise financière.
Par déclaration en date du 22 juin 2022, la société Jojo a interjeté appel partiel de l'ordonnance du 17 décembre 2021.
Moyens et prétentions :
Dans ses conclusions déposées le 28 novembre 2022, la société Jojo, appelante, demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes de remboursement des charges formées par la société Auchan Hypermarché au titre des années 2013, 2014 et 2015 ;
Statuant à nouveau de ce chef :
- déclarer irrecevables car prescrites les demandes de remboursement des charges formées par la société Auchan Hypermarché au titre des années 2013 et 2014 ;
Statuant sur l'appel incident de la société Auchan Hypermarché :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société Auchan Hypermarché de sa demande d'expertise financière ;
A titre subsidiaire, si la demande d'expertise devait être ordonnée par la cour,
- mettre à la charge de la société Auchan Hypermarché les frais d'expertise ;
- débouter la société Auchan Hypermarché de ses demandes de communication de pièces particulières à l'expert qui sera seul habilité à déterminer les pièces nécessaires à la bonne exécution de sa mission ;
En tout état de cause,
- condamner la société Auchan Hypermarché aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Lallement, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- la société Auchan Hypermarché au paiement envers la société Jojo d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société Jojo fait valoir :
Sur la prescription des demandes en remboursement des charges 2015, qu'en vertu de l'article 2224 du code civil et s'agissant d'une demande relative aux charges locatives, le point de départ de la prescription est la date de la régularisation annuelle des charges mais que, contrairement à ce qu'a considéré le juge de la mise en état, des redditions de charges au titre des années 2013, 2014 et 2015 ont bien été communiquées au locataire, que, de ce fait, le preneur disposait d'un délai de 5 ans à compter du 1er septembre 2014, soit jusqu'au 31 août 2019 pour contester les charges payées pour l'année 2013 et d'un délai de cinq ans à compter du 13 avril 2015, soit jusqu'au 12 avril 2020, pour contester les charges payées pour l'année 2014 et que l'assignation ayant été signifiée le 30 novembre 2020, les contestations du preneur afférentes aux charges payées pour les années 2013 et 2014 sont prescrites et irrecevables ;
Sur la demande d'expertise :
- sur le caractère infondé de la demande d'expertise, qu'en application des articles 144 et 146 du code civil, la bailleresse a adressé au preneur des factures de redditions des charges, mentionnant le détail des dépenses facturées et permettant au preneur de vérifier les montants des provisions versées, que la bailleresse a activement participé à l'audit diligenté à la demande du preneur par son expert-comptable, a fait preuve de transparence en communiquant l'ensemble des pièces justificatives des charges et taxes refacturées et mis à disposition pour consultation les factures, qu'à l'inverse, le preneur ne communique pas le rapport d'audit réalisé ; qu'au regard des éléments communiqués, le juge du fond a relevé dans son ordonnance que le preneur dispose des éléments suffisants, de sorte qu'aucune mesure d'instruction ne pourra être ordonnée ;
- s'agissant des questions soulevées par la société Auchan Hypermarché et relevant du fond :
sur la juste refacturation du poste « surveillance », expressément prévu au contrat, que le preneur a conclu avec le syndicat des copropriétaires un contrat de prestation de sécurité en date du 5 janvier 2012 et assure elle-même la sécurité du centre commercial, prestation qu'elle facture au syndicat des copropriétaires ;
- sur la juste refacturation des « gros entretiens », qu'en vertu des conditions particulières et de l'article 606 du code civil, les réparations locatives, qui correspondent aux travaux d'entretien et de gros entretien, sont traditionnellement à la charge du locataire ;
- sur la juste refacturation du « relamping », que le remplacement des ampoules est reconnu par la jurisprudence comme dépense d'entretien et, au vu de la réduction significative des charges d'électricité communes refacturées au preneur, la demande du preneur n'est pas bien fondée ;
- sur les éléments demandés par la société Auchan Hypermarché dont ne dépend pas l'issue du litige, qu'en vertu de l'article 147 du code de procédure civile, la demande de communication des pièces relatives à la comptabilité et à l'activité de la société Jojo ne concerne pas le contrat de bail qui la lie avec la bailleresse, que cette demande n'est pas justifiée le preneur ayant eu accès, ainsi que l'auditeur, aux convocations et procès-verbaux des assemblées générales des copropriétaires du centre commercial ; qu'au regard des articles 768 et 564 du code de procédure civile, les demandes nouvelles de communication des pièces formulées par le preneur devront être déclarées irrecevables ;
- à titre subsidiaire, que l'expertise judiciaire ne pourra qu'être mise à la charge du preneur et la mission définie par la cour.
Dans ses conclusions déposées 10 janvier 2023, la SASU Auchan Hypermarché, intimée, demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance en ce qu'il a débouté la société Auchan Hypermarché de sa demande d'expertise sur les charges ;
- confirmer l'ordonnance pour le reste ;
Sur l'appel principal de la SCI Jojo :
- le dire mal fondé et débouter la SCI Jojo de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Sur l'appel incident de la société Auchan Hypermarché :
- recevoir et dire bien fondé en son appel la société Auchan Hypermarché ;
Y faisant droit,
- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société Auchan Hypermarché de sa demande d'expertise financière, débouté les parties du surplus de leurs demandes et dit que les dépens de l'incident suivront ceux du fond ;
Statuant à nouveau,
- désigner un expert, aux frais avancés de la société Auchan Hypermarché, avec pour mission notamment de se faire remettre par la société Jojo ou par ses gestionnaires tous documents utiles permettant de justifier de la nature et de la répartition des charges du centre commercial Auchan sis 200 [Adresse 5] à [Localité 6] et ce, sur la période 2013 à 2020 et, en particulier, ceux visés aux termes de ses conclusions ;
- condamner la société Jojo à payer à Auchan Hypermarché 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'incident ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident ;
- confirmer pour le surplus le jugement entrepris ;
Y ajoutant :
- débouter la société Jojo de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la SCI Jojo à verser à Auchan Hypermarché 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'incident et la condamner aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Auchan Hypermarché fait valoir :
Sur les règles de droit concernant les charges des baux commerciaux, qu'en matière de baux commerciaux, aucune règle légale ne définit les charges récupérables, de ce fait, l'imputation des charges au locataire dépend donc exclusivement des clauses du bail ; que s'agissant des travaux la jurisprudence énonce strictement la nécessité d'une clause particulière expresse et spécifique, sans ambiguïté et d'interprétation étroite ; qu'au regard des articles 1162 et 1190 du code civil, le bail s'interprète en faveur du locataire et les clauses doivent être détaillées pour les charges exorbitantes et les clauses générales sont interprétées restrictivement ; qu'aux termes de l'ancien article 1315 du code civil et de la jurisprudence, c'est au bailleur de prouver que les charges sont dues ; qu'à ce propos, l'article R.145-36 du code de commerce précise que « le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts taxes et redevances imputés à celui-ci » ;
Sur l'absence de pièces justificatives, que le preneur se trouve dans l'incapacité de vérifier les sommes qui lui sont facturées par la bailleresse au titre des charges locatives et des taxes, cette dernière ne lui ayant communiqué chaque année que des tableaux dans lesquels des sommes non justifiées sont additionnées et ne lui a adressé que quatre contrats ;
Sur les erreurs dans le calcul des charges et taxes :
- sur les grosses réparations, qu'aux termes du bail aucune réparation du bâtiment ni aucune grosse réparation relevant de l'article 606 ne peuvent être facturées au locataire avant 2021 et que tel n'est pas le cas au vu des pièces communiquées qui démontrent les travaux au titre de « gros entretien » en 2017 et « travaux divers » dont il est nécessaire de connaître la nature exacte ;
- sur les charges « élimination déchets » et « surveillance », que les postes d'élimination déchet et de surveillance ne figurent pas dans la liste des charges facturables du règlement de copropriété du centre ; que le contrat mentionné ne concerne pas la surveillance des locaux mais la sécurité incendie de l'immeuble ; qu'ainsi ces postes ne pouvaient pas être refacturés au preneur ;
- sur la pondération pour la consommation d'eau, que la pondération spéciale pour la répartition de la consommation d'eau du bâtiment, n'apparaît pas dans les rééditions des comptes adressées au preneur ;
- sur le relamping, figurant au budget provisionnel 2016, il ne s'agit pas des travaux de « réparations » ou d' « entretien », mais des travaux d'amélioration auxquels le preneur n'a pas à participer et la preuve n'est pas rapportée que ces travaux aient diminué les factures d'électricité ;
- sur le montant total des charges 2015, que l'auditeur amiable a relevé que l'assemblée des copropriétaires a approuvé un budget de 2.050.513,88 euros pour l'année 2015, mais que les charges de cette année-là ont été calculées sur la base d'un budget de 2.122.162,14 euros que l'auditeur n'a pas reçu les pièces nécessaires pour justifier la différence entre ces deux montants ;
- sur les autres charges indûment facturées, qu'aux termes du budget provisionnel 2016, le preneur a pu constater que certaines charges lui sont indûment facturées, car elles ne sont prévues ni dans le bail, ni dans le règlement de copropriété ;
- sur les modalités de calcul des charges, qu'au vu des pièces adverses n° 1 à 3, le calcul de répartition des charges est totalement inconnu ou incompréhensible ;
Sur la demande d'expertise, qu'au vu de la complexité de la refacturation des charges et taxes dans un centre commercial, la désignation d'un expert serait utile, notamment pour obtenir l'audit sur les charges locatives qu'elle a fait réaliser ainsi que l'ensemble des pièces nécessaires à l'étude et à la vérification des charges que la bailleresse refuse de communiquer sous prétexte du secret des affaires s'agissant du grand livre des comptes annuels permettant de connaître les charges acquittées par la bailleresse, qui sont ensuite refacturées au preneur, mais aussi des contrats passés par le centre commercial permettant de connaître la nature des charges ou du métré du centre commercial au motif que les états descriptifs de division ont déjà été communiqués, lesquels ne donnent pas la surface des lots et ne permettent donc pas de vérifier si les tantièmes attribués aux lots sont exacts ; que de ce fait, en vue d'obtenir une communication exhaustives des pièces justificatives des charges et taxes, la cour infirmera l'ordonnance en ce qu'elle a refusé d'ordonner une expertise sur les charges ;
Sur la prescription : que le délai de prescription court à compter de la date de régularisation des charges, que les charges des années 2013 et 2014 n'ont jamais été régularisées et les nouvelles pièces communiquées par la bailleresse ne correspondent pas à des régularisations de charges, que la prétendue régularisation des charges de l'année 2015 est intervenue le 24 août 2016 et qu'elle disposait donc d'un délai courant jusqu'au 23 août 2021 pour introduire une action en remboursement des charges indûment perçues ;
Sur les frais de la procédure : qu'au vu du manque de transparence de la bailleresse, elle sera condamnée à payer à la société Auchan la somme de 1.500 euros au titre d'incident devant le juge de la mise en état et 3.000 euros au titre de la procédure d'appel.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l'exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à la déclaration d'appel et aux conclusions déposées.
Sur ce,
Sur la fin de non-recevoir
Aux termes de l'article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
En l'espèce, la demande en remboursement de charges peut être utilement menée à la condition que le locataire soit en mesure d'apprécier du caractère certain, liquide et exigible de la créance du bailleur dans la facturation des charges, appelées par provision puis régularisées annuellement.
De ce fait, c'est à bon droit que le juge de la mise en état a considéré que le point de départ du délai de prescription de la demande en répétition des charges indûment perçues par le bailleur se prescrit par cinq ans à compter du jour de la régularisation des charges et non à compter de leur paiement par provision.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la SCI Jojo, il incombe au bailleur de rapporter la preuve de l'obligation dont il réclame l'exécution.
Cette dernière produit devant la cour une facture en date du 1er septembre 2014 portant régularisation des charges pour l'année 2013 d'un montant de 165.605,34 euros TTC, payée par la société Auchan Hypermarché le 29 avril 2015, un avoir en date du 13 avril 2015 portant régularisation des charges 2014 d'un montant de 4.874,10 euros TTC et un document récapitulatif du coût des charges réelles de la société Auchan.
La SCI Jojo avait par ailleurs produit devant le juge de la mise en état une facture en date du 24 août 2016 portant régularisation des charges pour l'année 2015 d'un montant de 74.022,66 euros TTC comprenant deux documents annexés intitulés « budget réalisé 2015 » et « reddition 2015-Sarcelles ».
S'agissant de la facture de 2014 et de l'avoir de 2015, ils ne comportent aucun détail sur la nature des charges concernées, sur leur mode de calcul et de refacturation et sur le montant des provisions perçues, de sorte que le locataire n'était pas en mesure de vérifier le caractère certain, liquide et exigible de la créance revendiquée par le bailleur. De ce fait, ces documents ne sauraient être considérés comme valant reddition des charges pour les années considérées et avoir pu valablement faire courir le délai de prescription.
S'agissant du document récapitulatif du coût des charges réelles de la société Auchan, il n'est pas établi de la date à laquelle il aurait été porté à la connaissance du locataire permettant ainsi de pouvoir, le cas échéant, faire partir le point de départ du délai de prescription.
Enfin, l'annexe à la facture de reddition des charges 2015 ne permet pas davantage d'identifier, au sein des tableaux dénommés « répartition des charges », « charges communes générales » et «répartition par SCI », la nature des charges concernées, leur mode de calcul et de refacturation, de sorte que, contrairement à ce qu'a considéré le juge de la mise en état, la facture du 24 août 2016 n'a pas pu faire courir le délai de prescription.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré les demandes formées par la société Auchan au titre des charges des années 2013 à 2015 non prescrites mais par motifs substitués.
Sur la demande d'expertise
Il ressort des dispositions de l'article 789 - 5° du code de procédure civile, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2020, que « Lorsque la demande est formée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour ['] ordonner même d'office toutes mesure d'instruction ».
Conformément aux dispositions des articles 144 et 146 du code de procédure civile, le juge peut ordonner une mesure d'instruction dès lors qu'il ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer ou que la partie qui allègue un fait ne dispose pas des éléments suffisants pour le prouver.
C'est pas motifs pertinents que la cour adopte que le juge de la mise en état a relevé, d'une part, que malgré les allégations relatives à l'incomplétude des pièces nécessaires à l'examen du litige et à leur rétention supposée par l'une ou l'autre des parties, il n'a été saisi d'aucune demande de communication de pièces et, d'autre part, qu'au regard de la précision des contestations déjà élevées par la société Auchan Hypermarché concernant certains postes de charge, la nécessité d'ordonner une mesure d'instruction n'apparaissait pas établie et l'a déboutée de sa demande.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles et réservé les dépens.
Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions conservera la charge de ses dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en date du 17 décembre 2021 sous le numéro de RG 20/12134 ;
Y ajoutant,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel ;
Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE