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24/05/2023 | FRANCE | N°20/06708

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 24 mai 2023, 20/06708


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 24 MAI 2023



(n° 2023/ , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06708 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPZJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F19/00230





APPELANTE



S.A. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE TRANSPORTS GONDRAND FRÈRE

S

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233





INTIMÉ



Monsieur [N] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 24 MAI 2023

(n° 2023/ , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06708 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPZJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F19/00230

APPELANTE

S.A. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE TRANSPORTS GONDRAND FRÈRES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

INTIMÉ

Monsieur [N] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société française de transports Gondrand frères a employé M. [N] [I], né en 1972, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 juin 2011 en qualité de directeur de succursale, statut cadre.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

Sa rémunération mensuelle brute s'élevait en dernier lieu à la somme de 7 370 €.

Par lettre notifiée le 18 octobre 2018, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 30 octobre 2018.

M. [I] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre notifiée le 5 novembre 2018 ;

La lettre de licenciement indique :

« Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à votre éventuel licenciement par lettre recommandée du 18 octobre 2018.

Au cours de cet entretien qui s'est tenu le 30 octobre 2018 nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous envisagions la rupture de votre contrat de travail et avons recueilli vos observations.

C'est dans ce contexte que nous vous licencions pour faute grave pour les raisons suivantes.

Vous exercez les fonctions de Directeur de succursale, disposant pour ce faire des plus larges responsabilités et d'une autonomie certaine.

Ces fonctions doivent être exercées dans l'intérêt de l'entreprise, avec loyauté et dans le respect des directives qui vous sont données, d'une part et des règlements, lois et conventions, d'autre part.

A cet égard, nous avons découvert les manquements graves suivants :

Dossier SERAP :

Le 18 mai 2018, vous avez transmis au service Comptabilité de Garonor, 4 factures reçues de STNM Ltd et [Localité 6] (BULGARIE), à savoir :

- Facture n°1041578 pour 7.270 € datée du 31/07/2017 ;

- Facture n°1041917 pour 4.190 € datée du 30/09/2017 ;

- Facture n°1042136 pour 5.665 € datée du 30/11/2017 ;

- Facture n°1042248 pour 7.890 € datée du 31/12/2017.

Factures d'un montant total de 25.015 €, que vous avez-vous-même comptabilisées et données pour instruction à votre employé Monsieur [L] [O] de les régler dans la foulée.

Il est à préciser que ces factures n'ont aucun libellé sinon le mot « Freight » et que, pour pouvoir les faire payer, il faut avoir du moins les justificatifs, ce qui n'a pas été le cas.

Vous avez donc donné ordre de les régler sans savoir ce que vous payiez, et qui plus est ces dossiers étaient en principe relatifs aux trafics TOLLY et ALLFREIGHT, clients qui eux restaient nous devoir à ce moment-là des sommes très importantes.

Il est à noter que ces sommes ont été déjà imputées sur des dossiers 2017, liquidés sans que ces frais aient été prévus.

D'où une perte sur l'exercice 2018 concernant des dossiers 2017 déjà liquidés.

Ceci nous interroge quant au suivi du résultat de vos dossiers annoncés en comptabilité.

Au vu de cela, nous avons constaté que les dossiers physiques traités par SERAP n'étaient pas à la succursale de GARONOR, ce qui est tout à fait illégal et nous met dans une situation délicate vis-à-vis des autorités fiscales. Cela a failli être le cas lors du récent contrôle fiscal, ou par chance ces dossiers ne nous ont pas été réclamés.

Nous vous avons mis en demeure, depuis début juin 2018 de récupérer ces dossiers auprès de « SERAP » et à ce jour, 23 octobre 2018, nous n'avons toujours pas ces dossiers et donc pas de justificatifs pour 25.015 €, récépissés de transport ou autres pièces justificatives.

' Retard Facturation :

Malgré les nombreuses réunions et répétitions de nos instructions, au 17/10/2018, nous avions encore 76.000 € de TVA du mois de septembre qui n'avaient pas encore été facturés.

' Balance facturation :

Au 17/10/2018, il est relevé pour 156.000 € de factures non encaissées, ayant plus de 3 mois d'ancienneté dont certaines créances remontent à 2017.

Liquidation des dossiers toujours en décalage ce qui occasionne un retard important pour l'établissement des Bilans trimestriels.

Il en est de même des rendements mensuels prévisionnels qui ne sont jamais remis dans les délais impartis à savoir les 15 du mois. Au 23/10/2018, ceux de septembre 2018 ne sont toujours pas remis.

' Client Madame [J] ' [S] Textil

Bien que cette mauvaise créance soit signalée depuis plus d'un an (et pour laquelle vous avez toujours maintenu que nous serions payés), il reste néanmoins 20.564,58 € non payés et ce, depuis juillet 2016.

' EKOL

Restent toujours de vieilles factures que vous avez reçues de ces derniers, non passées en comptabilité (qui seraient contestables) mais rien n'a été apuré ce jour ;

Toujours pour EKOL, depuis que nous savions que ces derniers allaient nous quitter, vous n'avez pas anticipé pour palier à ce lourd manque à gagner d'environ 30.000 € mensuels.

Nous apprenons via la Direction Générale lors d'un appel de Monsieur [X] [W] que vous avez convenu avec ce dernier, en tant qu'apporteur d'affaires, de lui accorder une commission de 50% du Bénéfice Brut des dossiers, ce qui est surréaliste sachant que les frais généraux ne sont pas déduits de ce résultat.

Des factures ont déjà été reçues via « [W] CSLT » pour 1.554 € et réglées car validées à la Comptabilité de Garonor alors qu'après avoir en avoir discuté avec vous, vous ne sembliez pas être au courant du taux pratiqué.

Ceci résulte d'une mauvaise gestion de la part du Responsable de succursale que vous êtes.

Qui plus est, lors de la visite de nos correspondants SERTRANS, vous n'avez pas daigné présenter Madame [U] comme il se doit en tant que Responsable du Site à ces derniers.

De ce qui précède, nous retiendrons principalement le dossier « SERAP » qui en lui seul justifie votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement prendra effet immédiatement, sans préavis, ni indemnité ».

Par courrier du 20 novembre 2018, M. [I] a contesté son licenciement en ces termes :

« J'accuse réception du courrier que vous m'avez adressé le 5 novembre écoulé me notifiant mon licenciement pour faute grave.

Mon éviction ne m'étonne pas puisqu'en réalité vous souhaitiez effectivement vous « débarrasser de moi » depuis le 12 septembre dernier, date à laquelle vous êtes venu à l'agence pour me contraindre à signer un avenant à mon contrat de travail exigeant que je me consacre en priorité à l'activité commerciale à compter du 17/09/18 avec pour objectifs d'amener 10 k € de bénéfices bruts mensuels supplémentaires la 1ère année et 15 k € bruts mensuels supplémentaires la 2nde année.

Cette volonté assumée de me rétrograder de Directeur d'Agence à simple Commercial a d'ailleurs été officialisée par une note de la Direction Générale en date du 26 septembre 2018 où vous annonciez à l'ensemble des 46 Directeurs du Groupe la nomination de Madame [Y] [U] comme Directrice de la plateforme de Garonor.

Mme [Y] [U] est donc devenue ma supérieure hiérarchique à compter du 1er octobre alors que je l'avais moi-même embauchée le 02 mai 2018 dans mon agence et qu'elle exerçait jusqu'alors ses fonctions sous mon autorité comme l'atteste son contrat de travail.

Par un mail du 10 octobre dernier vous trouviez nécessaire de préciser à nouveau les choses en indiquant que « suite à la nomination de Mme [U] à la succursale de Garonor, y compris Gondrand Med, il a été défini que Mr [I] s'investirait quasi à temps complet sur la partie commerciale et qu'il ferait équipe avec Mme [H] et son service », Mme [H] étant la Directrice Commerciale de la plate-forme.

A compter du 12 septembre dernier, vous considériez donc que ma fonction ne se justifiait plus et cet avenant que vous m'avez fait signer était déjà pour moi une rétrogradation, rétrogradation que j'avais acceptée pour simplement « voir jusqu'où vous iriez ».

Pour preuve aujourd'hui, vous me notifiez mon licenciement pour faute grave sur des motifs qui ne pourront en aucune façon être retenus par le Conseil de Prud'hommes que j'envisage de saisir.

Ainsi, le présent courrier a pour objet de reprendre vos griefs et de justifier du non-fondé de ceux-ci.

1.Dossier SERAP

En préambule je vous rappelle que vous avez participé à la mise en place des trafics gérés par SERAP dès le début comme l'atteste le mail qui vous était directement adressé par SERAP en date du 12 novembre 2013 et qui vous proposait de démarrer la collaboration avec un CDD de quelques mois à compter du 1er janvier 2014 pour ensuite évoluer vers une collaboration en tant qu'apporteuse d'affaires.

Cela avait d'ailleurs été entériné par vos soins puisqu'effectivement un CDD a débuté le 10/01/2014 pour se terminer le 15/04/2014.

SERAP a donc transféré ses clients et notamment les sociétés maltaises TOLY et ALLFREIGHT chez GONDRAND au tout début de l'année 2014.

Comme convenu SERAP gérait seule et au nom de GONDRAND ses ventes ainsi que ses achats fournisseurs (compagnies aériennes, maritimes, prestataires logistiques et autres transporteurs nationaux ou européens) en privilégiant bien entendu le réseau GONDRAND à partir du moment où celui-ci était compétitif et permettait la vente des prestations aux clients maltais.

Pour ce faire vous lui aviez mis à disposition une adresse mail GONDRAND ainsi qu'un accès direct à notre logiciel opérationnel AEOLUS.

Vous avez d'ailleurs constaté qu'en plus de GONDRAND Med, votre filiale GONDRAND UK a également entamé courant 2015 une relation très rentable avec ces clients maltais.

Pour ce qui est de GONDRAND Med uniquement nous rappellerons que le résultat brut généré par les dossiers de SERAP représente un montant de 87.633,66 € pour la période allant du 12 novembre 2013 au 30 septembre 2018, une fois déduits l'intégralité des achats fournisseurs.

Bien évidemment le fait que SERAP traitait l'intégralité de ses dossiers en étant extérieure à l'entreprise depuis mai 2014 rendait compliqué le suivi de ces dossiers, notamment au niveau du respect des délais de facturation clients et comptabilisation des factures fournisseurs.

Le nombre important de mails adressés à SERAP par vous-même, par la DAF Mme [P] ou par moi-même, lui demandant de facturer ses dossiers dans les temps et d'imputer ses factures fournisseurs dans des délais raisonnables, atteste de cette difficulté à faire respecter des règles d'entreprise à quelqu'un qui n'en fait pas partie.

La lecture de ces nombreux mails démontrera également que SERAP était coutumière de ces retards de facturation et retards d'imputations de factures fournisseurs depuis plusieurs années, sans que vous ou Mme [P] ou moi-même ne puissions faire pression sur SERAP pour infléchir cette situation.

Je rappelle également que tout le service comptabilité de Garonor se trouve entièrement sous la responsabilité de Mme [P], Directrice Administrative et Financière du Groupe.

A aucun moment le personnel du service Comptabilité n'a été sous mon autorité ' cette prestation étant d'ailleurs facturée en interne à mon agence au prix de 7600 € mensuel.

Ainsi depuis novembre 2013 SERAP utilisait ses propres fournisseurs, dont la société STNM Ltd à [Localité 6] (Bulgarie) qui figure dans nos comptes comme fournisseur régulier depuis mai 2014.

Et donc, ayant reçu une fois de plus avec beaucoup de retard de la part de SERAP quatre factures de ce fournisseur STNM début 2018 pour des prestations de fin 2017, j'ai effectivement comptabilisé et transmis au service comptabilité pour règlement ces quatre factures.

Je ne vois là rien d'anormal et si vous vous reportez à notre logiciel Aeolus vous pourrez constater qu'entre juillet 2011 et mai 2018 j'ai dû comptabiliser moi-même plus de 5 300 factures fournisseurs pour pallier aux défaillances récurrentes du service comptable géré par la DAF Mme [P].

Mr [L] [O], qui est en réalité l'employé de Mme [P] et non le mien contrairement à ce que vous écrivez, a donc régulièrement payé ces quatre factures comme il l'a toujours fait depuis 2014.

Quant au fait que le libellé de ces factures reprenne uniquement le mot « freight » et que je n'avais soi-disant aucun justificatif qui permettait de passer ces factures en comptabilité pour règlement, je vous rappelle que ces factures ont été préalablement validées par SERAP qui contrôlait et validait elle-même ses factures fournisseurs depuis le début de sa relation avec GONDRAND en novembre 2013.

Pour ma part je contrôlais simplement que les marges brutes laissées à GONDRAND Med par dossier était suffisante et la lecture du compte de résultats pour ces clients ALLFREIGHT et TOLY démontre que les marges sont bien supérieures à la moyenne des marges en vigueur dans notre secteur d'activités.

Par ailleurs, vous-même reconnaissez que ces factures ont été transmises le 18 mai 2018.

Or, je vous rappelle que si vous considérez que le simple fait de remettre des factures au service comptable pour qu'elles soient payées - comme je l'ai fait depuis plus de sept ans et mon engagement au sein de votre Entreprise - constitue une faute et a fortiori une faute grave, je vous rappelle qu'il y a manifestement une prescription, puisqu'en matière de droit du travail, la prescription est de deux mois.

Vous noterez que ces décalages de facturation d'une année sur l'autre sont assez fréquents, y compris au sein même de notre Groupe.

En effet le 03 septembre 2018, le service comptable de Mme [P] découvrait - toujours pour des dossiers de SERAP - des factures de GONDRAND Le Havre datées des 12 et 22/01/2018 (factures 924282 et 924573), concernant des dossiers de décembre 2017 et pour lesquels aucune prévision d'achat n'avait été faite '

De même pour une facture de GONDRAND Anvers du 19/03/2018 (facture 801957) concernant un dossier de décembre 2017 et également non provisionné.

Enfin, vous indiquez que « les dossiers physiques traités par SERAP n'étaient pas à la succursale de Garonor ce qui est illégal ».

Je vous confirme à nouveau que tous les dossiers de SERAP sont archivés au service Douanes avec un double de ces archives au service exploitation. Ainsi GONDRAND est en parfaite conformité avec la loi tant sur le plan douanier que sur le plan fiscal.

D'ailleurs vous évoquez le récent contrôle fiscal pour lequel « par chance les dossiers de SERAP ne nous ont pas été réclamés », je vous renvoie aux nombreux mails établis par Mme [P] directement à SERAP lors de ce contrôle fiscal pour lui demander des compléments d'informations sur certains dossiers et bien entendu toutes les informations ont été communiquées.

Les informations ne figurant pas dans les archives sont les correspondances opérationnelles de SERAP, informations que vous m'avez en effet mis en demeure de récupérer début juin 2018.

Je n'ai pas manqué d'adresser de nombreux mails à SERAP en vous mettant systématiquement en copie et en lui demandant avec insistance de nous fournir rapidement ces documents opérationnels.

Mais comment contraindre une personne extérieure à l'entreprise à se soumettre à nos demandes '

Je vous ai même proposé par écrit le 9 juin dernier compte tenu des en-cours importants avec les clients ALLFREIGHT et TOLY mais également du fait « que les factures fournisseurs ne sont pas systématiquement saisies dans les temps ' d'informer SERAP que nous ne souhaitons/pouvons plus traiter ces dossiers à l'avenir ». Vous avez décliné cette proposition et souhaité poursuivre avec ces clients.

2 + 3. Retard et Balance facturation

Vous indiquez qu'au 17 octobre 2018, 76.000 € de TVA du mois de septembre n'auraient pas encore été facturés et qu'il y aurait 156.000 € de factures clients datant de plus de 3 mois non encaissées.

Vous ajoutez par ailleurs que les rendements de septembre 2018 n'étaient toujours pas remis le 23/10/2018.

Comment pouvez-vous faire état de cela comme un grief et plus grave comme une faute '

Je vous rappelle que selon vos propres instructions, dès le 17 septembre 2018 je devais me consacrer « quasi à temps complet » au développement commercial et que Mme [Y] [U], Directrice de la plateforme y compris GONDRAND MED devait prendre en charge toute la partie opérationnelle et administrative.

J'avoue donc ne pas bien comprendre pourquoi ces reproches de retard de facturation de TVA et de retard de règlement de certains clients au 17/10/2018 me sont faits alors qu'ils concernent directement Mme [Y] [U] et/ou la DAF Mme [P] et son service comptable pour ce qui est de la relance client.

Concernant les résultats de septembre 2018 à remettre le 15 octobre, il me semblait clair que Mme [U] devait s'en charger dès sa prise de fonction le 1er octobre. Ce n'est qu'à réception de votre mail de relance du vendredi 19 octobre que j'ai été informé que vous attendiez encore de ma part ces rendements de septembre 2018. Je vous ai répondu immédiatement que j'allais travailler dessus toute affaire cessante pour vous les remettre le mardi 23 octobre au plus tard, ce qui a été fait par mail à Mme [P] le 23/10/18 à 18h21.

4. Client Madame [J] ' [S] TEXTIL

Vous m'indiquez que cette mauvaise créance a été signalée depuis plus d'un an et qu'il resterait dû 20.564,58 € non payés et ce depuis juillet 2016.

Est-ce une faute que vous entendez retenir à mon encontre parce qu'un client ne règle pas sa facture '

Pensez-vous qu'une Société puisse licencier un salarié parce qu'un des clients dont il s'occupe n'a pas réglé en temps et en heure ses factures '

Je rappelle pour mémoire que la Société LPF TEKSTIL restait nous devoir 127.679,60 € au 15/11/2016 avant qu'elle ne soit mise en liquidation judiciaire.

C'est parce que j'entretenais de bonnes relations avec Mme [J] que j'ai pu obtenir, bien qu'il s'agisse d'une dette de sa société, qu'elle accepte de diminuer sa dette à 20.564,58 €.

Est-ce cela le remerciement '

5. Client EKOL

Concernant ce partenaire turc, dois-je vous rappeler qu'en février 2018 nous avons conjointement décidé avec vous-mêmes et avec l'agence de [Localité 7] d'utiliser notre droit de rétention sur les remorques EKOL afin d'obtenir le règlement des sommes très importantes que EKOL restait à devoir à GONDRAND (plus de 600 k €).

Suite à cela EKOL a décidé de cesser sa collaboration avec GONDRAND en représailles à ces blocages.

Vous noterez que je me suis immédiatement rendu en Turquie et pris des accords avec la société SERTRANS avec laquelle nous avons commencé une collaboration dès mars 2018.

Malheureusement la situation politique turque et la dévaluation de la livre turque de près de 40% depuis ce début d'année ont fortement impactés le marché entre la Turquie et la France.

En effet les marges brutes de GONDRAND Med ont chuté sensiblement dès le second trimestre 2018 sur la ligne Turquie.

Je n'avoue ne pas très bien comprendre vos reproches et mon soi-disant manque d'anticipation ' je ne vois pas quelle action j'aurai pu ou dû entreprendre pour enrayer la crise en Turquie '

6. Mr [X] [W]

Cet apporteur d'affaires travaillait auparavant avec la société DERIJKE à [Localité 5].

Lorsque nous avons négocié le transfert de Mr [A] [V] de DERIJKE à GONDRAND, Mr [V] est venu avec quelques clients dont Mr [X] [W].

L'intégralité des modalités de ce transfert ont été faites en présence de Mr [K] [Z], Directeur Général Délégué de GONDRAND comme peuvent l'attester toutes les personnes présentes lors des différents déjeuners et échanges par mail.

Je ne comprends donc pas pourquoi vous faites référence à cela comme si vous n'étiez pas au courant de ce dossier.

En ce qui me concerne, je considère avoir rempli mon rôle d'une façon loyale vis-à-vis de votre Société et ce depuis plus de sept ans.

Je suis particulièrement attristé que voulant se débarrasser de moi et voulant « économiser » le préavis d'indemnités de licenciement, etc', vous ayez non seulement pris de faux prétextes pour me licencier, mais plus grave, vous l'ayez fait en me notifiant un licenciement pour faute grave.

Enfin je constate ce samedi 17/11/2018 à la réception par courrier recommandé de mon solde de tout compte, que vous ne m'avez pas réglé le prorata temporis du 13ème mois, ce qui démontre un peu plus votre état d'esprit à mon égard.

Même si mon contrat travail stipule que ma « rémunération sera assortie d'une gratification de fin d'année à discrétion de l'employeur », je vous rappelle que ce même contrat de travail ajoute que cette gratification « sera AU MOINS égale à un 13ème mois ».

Bien entendu il sera très aisé de constater que ce 13ème mois m'a été régulièrement payé sur toutes mes fiches de paie de décembre depuis plusieurs années.

Par ailleurs sur la dernière fiche de paie de novembre 2018 reçue avec mon solde de tout compte, je m'aperçois que vous m'imputez une journée de congés le 02 novembre dernier.

Je vous rappelle que le 30 octobre dernier vous me remettiez en mains propres une mise à pied conservatoire avec effet immédiat, je ne vois donc pas pourquoi vous considérez cette journée du 02/11/18 comme une journée de congés '

(...) »

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [I] avait une ancienneté de 7 ans et 4 mois.

La société française de transports Gondrand frères occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [I] a saisi le 23 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Bobigny pour former les demandes suivantes :

« Dire et juger que le licenciement de Monsieur [N] [I] ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse,

- en conséquence, qu'il considère le licenciement comme non fondé et injustifié,

- en conséquence de quoi :

- condamne la Société SFT GONDRAND FRERES au règlement des sommes suivantes :

' Indemnité de préavis : 22 110 €,

' Congés payés sur préavis : 2 211 €,

' Indemnité conventionnelle de licenciement : 21 864,33 €,

' Indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 45 000 €,

' 13ème mois 2018 : 7 366,66 €,

' Congés payés sur 13ème mois 2018 : 736,67 €,

' 13ème mois prorata temporis sur 2019 : 613,89 €,

' Congés payés sur 13ème mois prorata temporis 2019 : 61,39 €,

' Article 700 du Code de Procédure Civile : 5 000 €. »

Par jugement du 16 septembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« DIT le licenciement de Monsieur [N] [I] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Française de Transports GONDRAND Frères à verser à Monsieur [I] les sommes suivantes :

- 22 110 € au titre de l'indemnité de préavis ;

- 2 211 € au titre des congés payés y afférents ;

- 21 864,33 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 36 850 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rappelle que les créances salariales porteront intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 30 janvier 2019, et mes créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement.

Déboute Monsieur [I] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société GONDRAND de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société GONDRAND aux éventuels dépens. »

La société française de transports Gondrand frères a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 15 octobre 2020.

La constitution d'intimée de M. [I] a été transmise par voie électronique le 28 octobre 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 24 janvier 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 27 mars 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 05 décembre 2022, la société française de transports Gondrand frères demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Bobigny en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de ses demandes de rappel de salaire à titre de 13ème mois outre les congés payés afférents ;

STATUANT A NOUVEAU :

CONSTATER le bien fondé du licenciement pour faute grave de Monsieur [N] [I] ;

CONSTATER que Monsieur [N] [I] ne justifie pas du quantum de ses demandes ;

FIXER le salaire mensuel moyen des douze derniers mois à la somme de 7 366,66 €

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur [N] [I] de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNER Monsieur [N] [I] à régler à la Société Française de Transports GONDRAND Frères une somme de 5 000 € en application de l'Article 700 du CPC ;

STATUER ce que de droit sur les dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 23 mars 2021, M. [I] demande à la cour de :

« CONFIRMER le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY le 16 septembre 2020 en ce qu'il a :

- Dit le licenciement de Monsieur [N] [I] sans cause réelle et sérieuse,

Et, en conséquence :

- Condamné la société FRANÇAISE DE TRANSPORTS GONDRAND FRERES à verser à Monsieur [N] [I] les sommes suivantes :

. 22 110 € à titre d'indemnité de préavis,

. 2 211 € à titre de congés payés sur préavis,

. 21 864,33 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

. 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

INFIRMER le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY le 16 septembre 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [N] [I] des demandes chiffrées suivantes :

- 45 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7 366,66 € à titre de rappel de salaire pour le 13ème mois sur l'année 2018,

- 736,67 € à titre de congés payés afférents,

- 613,89 € à titre de rappel de salaire pour le 13ème mois, prorata temporis pour l'année 2019,

- 61,39 € à titre de congés payés afférents.

Statuant à nouveau :

CONDAMNER la société FRANÇAISE DE TRANSPORTS GONDRAND FRERES à verser à Monsieur [N] [I] les sommes suivantes :

- 45 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7 366,66 € à titre de rappel de salaire pour le 13ème mois sur l'année 2018,

- 736,67 € à titre de congés payés afférents,

- 613,89 € à titre de rappel de salaire pour le 13ème mois, prorata temporis pour l'année 2019,

- 61,39 € à titre de congés payés afférents.

En tout état de cause :

DEBOUTER la société FRANÇAISE DE TRANSPORTS GONDRAND FRERES de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la société FRANÇAISE DE TRANSPORTS GONDRAND FRERES à verser à Monsieur [N] [I] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER la société FRANÇAISE DE TRANSPORTS GONDRAND FRERES aux entiers dépens. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 24 mai 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que M. [I] a été licencié pour faute grave pour les faits suivants :

Sur le 1er grief

- Il a transmis le 18 mai 2018 quatre factures de juillet, septembre, novembre et décembre 2017 de la société STNM d'un montant de 25 015 €, et en a demandé le paiement alors qu'elles n'ont aucun libellé ;

- il n'a pas les dossiers physiques traités par la société Serap ;

Sur le 2e grief

- au 17 octobre 2018, il n'a toujours pas facturé 76 000 € de TVA ;

Sur le 3e grief

- au 17 octobre 2018, il n'a toujours pas encaissé 156 000 € de factures de plus de 3 mois ;

- au 23 octobre 2018, il n'a toujours pas remis les rendements mensuels prévisionnels ;

Sur le 4e grief

- il n'est pas parvenu à encaisser le solde débiteur impayé depuis juillet 2016 de Mme [J] pour la somme de 20 564,58 € ;

Sur le 5e grief

- il n'a pas traité les factures de la société Ekol ;

- il n'a pas anticipé la perte du client que constitue la société Ekol ;

Sur le 6e grief

- il a convenu une commission de 50 % du bénéfice brut avant déduction des frais généraux des dossiers apportés par M. [W] mais ne semblait pas informé de ce taux ;

- il n'a pas présenté Mme [U] comme responsable du site lors de la visite des « correspondants Sertrans ».

Les premiers juges ont jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir retenu que :

- le 1er grief relatif aux factures de la société Serap est prescrit, l'employeur ayant été informé des faits le 18 mai 2018 plus de 2 mois avant la date de la lettre de convocation à l'entretien préalable ;

- surabondamment, il est mal fondé car l'imputabilité de la faute n'est pas démontrée ;

- le 1er grief relatif aux dossiers de la société Serap est mal fondé au motif que la société française de transports Gondrand frères ne démontre la matérialité des faits ;

- le 2e grief relatif aux retards de facturation de la TVA est mal fondé au motif que la société française de transports Gondrand frères ne produit pas de preuve ;

- le 3e grief relatif aux retards dans la remise des rendements mensuels prévisionnels est mal fondé au motif que ce grief ne peut être imputé à faute à M. [I] du fait de l'arrivée de Mme [U] et de la signature de l'avenant du 17 septembre 2018 ;

- le 4e grief relatif au défaut d'encaissement du solde débiteur impayé de Mme [J] est mal fondé au motif que la société française de transports Gondrand frères ne démontre que ce solde impayé est dû à la seule inertie de M. [I] ;

- le 5e grief relatif à la créance non apurée de la société Ekol est mal fondé au motif que la société française de transports Gondrand frères ne démontre que ce solde impayé est dû à l'inertie de M. [I] ;

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que :

Sur le 1er grief

- la société française de transports Gondrand frères ne peut utilement contester que le 1er grief relatif aux factures de la société Serap est prescrit, au motif qu'elle ne démontre pas suffisamment qu'elle a eu une connaissance exacte des faits seulement en octobre 2018 ; en effet elle ne mentionne que ses pièces 23 et 24 mais l'examen des courriers électroniques en question du 26 septembre de M. [I] à « overseas med » et de la réponse de cette dernière à M. [I] datée du 27 septembre 2018, ne permet aucunement de dater d'octobre 2018 la connaissance exacte des faits par la société française de transports Gondrand frères qui est en revanche, suffisamment établie à la date du 18 mai 2018 comme le mentionne la lettre de licenciement ; le grief de ce chef est donc prescrit ;

- le grief relatif à l'absence des dossiers physiques traités par la société Serap, n'est certes pas prescrit dès lors que les faits ne se confondent pas avec ceux relatifs aux factures mais la cour retient que ce grief n'est pas suffisamment sérieux pour caractériser une cause réelle et sérieuse et a fortiori une faute grave ; en effet aucune mise en garde ou rappel à l'ordre n'a été préalablement fait à M. [I] en sorte que la cour retient que ce fait ne constitue qu'un prétexte ; le grief de ce chef est donc écarté ;

Sur le 2e et le 3e grief

- s'il est exact qu'au 17 octobre 2018, M. [I] n'a pas facturé 76 000 € de TVA, n'a pas encaissé 156 000 € de factures de plus de 3 mois et n'a pas remis les rendements mensuels prévisionnels, ces griefs ne sont cependant pas suffisamment sérieux pour caractériser une cause réelle et sérieuse et a fortiori une faute grave dès lors que les courriers électroniques de rappel datent tous de janvier 2018 (pièces employeur n° 29 à 34) et qu'aucune mise en garde ou rappel à l'ordre n'a été préalablement fait à M. [I] en sorte que la cour retient que ces faits ne constituent qu'un prétexte ; les griefs de ces chefs sont donc écartés ;

- il a déféré sans que cela ne soit contredit à la demande faite le 19 octobre 2018 de communiquer les rendements prévisionnels de septembre 2018 et aucune mise en garde ou rappel à l'ordre n'a été préalablement fait à M. [I] en sorte que la cour retient que ces faits ne constituent eux aussi qu'un prétexte ; le grief de ce chef est donc écarté ;

Sur le 4e grief

- s'il est exact que M. [I] n'est pas parvenu à encaisser le solde débiteur impayé depuis juillet 2016 de Mme [J] pour la somme de 20 564,58 €, les éléments de preuve produits (pièces employeur n° 35 à 41) n'établissent pas que cela est imputable à un manque de suivi dans le règlement des créances et à une certaine inertie de la part de M. [I], lesquels sont contredits par le fait non utilement contesté qu'il est parvenu à encaisser le reste de la dette qui s'élevait initialement à plus de 127 000 € ; le grief de ce chef est donc écarté ;

Sur le 5e grief

- s'il est exact que M. [I] n'a pas traité les factures de la société Ekol (pièces employeur n° 42à 44), aucune mise en garde ou rappel à l'ordre n'a été préalablement fait à M. [I] en sorte que la cour retient que ces faits ne constituent qu'un prétexte ; le grief de ce chef est donc écarté ;

- il n'est pas produit suffisamment d'élément de preuve pour démontrer que M. [I] n'a pas anticipé la perte du client que constitue la société Ekol ; le grief de ce chef est donc écarté ;

Sur le 6e grief

- le grief relatif au fait que M. [I] a convenu une commission de 50 % du bénéfice brut avant déduction des frais généraux des dossiers apportés par M. [W] mais ne semblait pas informé de ce taux est mal fondé au motif que la société française de transports Gondrand frères ne produit pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir ce grief ; en effet la seule pièce employeur n° 45 que la société française de transports Gondrand frères invoque à l'appui de ce grief porte seulement sur l'adresse électronique que M. [W] mais pas sur d'autres sujets ; le grief de ce chef est donc écarté ;

Sur le 7e grief

- le grief relatif au fait que M. [I] n'a pas présenté Mme [U] comme responsable du site lors de la visite des « correspondants Sertrans » est mal fondé au motif que la société française de transports Gondrand frères ne produit pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir ce grief et n'articule d'ailleurs aucun moyen à l'appui de ce grief ; le grief de ce chef est donc écarté.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [I] demande par infirmation du jugement la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société française de transports Gondrand frères s'oppose à cette demande.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 7 ans entre 3 et 8 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [I], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [I] doit être évaluée à la somme de 36 850 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société française de transports Gondrand frères à payer à M. [I] la somme de 36 850 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [I] demande par confirmation du jugement la somme de 22 110 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; la société française de transports Gondrand frères s'oppose à cette demande.

Pour les cadres, le délai de préavis est de 3 mois et l'indemnité de préavis doit donc être fixée à la somme de 22 110 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société française de transports Gondrand frères à payer à M. [I] la somme de 22 110 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

M. [I] demande par confirmation du jugement la somme de 2 211 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; la société française de transports Gondrand frères s'oppose à cette demande.

Par application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 22 110 €, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [I] ; en conséquence, l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis due à M. [I] est fixée à la somme de 2 211 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société française de transports Gondrand frères à payer à M. [I] la somme de 2 211 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur l'indemnité de licenciement

M. [I] demande la somme de 21 864,33 € au titre de l'indemnité de licenciement ; la société française de transports Gondrand frères s'oppose à cette demande.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, que le salaire de référence s'élève à 7 370 € par mois.

Conformément aux dispositions de l'article R.1234-2 du code du travail, et aux dispositions de l'article 17 de l'annexe IV « ingénieurs et cadres » de la convention collective convention collective des transports routiers, M. [I] avait droit à une indemnité de licenciement d'4/10ème de mois par année d'ancienneté étant précisé que si ce dernier avait bénéficié du préavis auquel il avait droit, son contrat de travail se serait achevé le 5 février 2019 ; l'indemnité conventionnelle de licenciement doit donc être fixée à la somme de 21 864,33 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société française de transports Gondrand frères à payer à M. [I] la somme de 21 864,33 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur les rappels de prime du 13e mois 2018 et au prorata 2019

M. [I] demande par infirmation du jugement les sommes de :

- 7 366,66 € à titre de rappel de prime du 13e mois 2018 et 736,67 € au titre des congés payés afférents ;

- 613,89 € à titre de rappel de prime du 13e mois 2019 (prorata temporis) et 61,39 € au titre des congés payés afférents ; il fait valoir que cette gratification de fin d'année au moins égale à un treizième mois est due dans tous les cas et que c'est, exclusivement le montant de cette gratification qui est à la discrétion de l'employeur.

La société française de transports Gondrand frères s'oppose à cette demande au motif que le versement de la gratification de fin d'année est laissée à la discrétion de l'employeur de sorte qu'il n'a aucun caractère obligatoire. Et, comme cela est précisé dans l'article, ce n'est que pour la première année que l'employeur s'est engagé à verser une gratification au moins égale à un treizième mois prorata temporis.

La cour constate que l'article 5 du contrat de travail de M. [I] stipule « En contrepartie de ses services, la rémunération mensuelle brute du Salarié est fixée à 6.800 euros, versée en douze mensualités, soit une rémunération annuelle brute de 81.600 euros. Sa rémunération sera assortie d'une gratification de fin d'année à la discrétion de l'employeur qui sera au moins égale à un treizième mois prorata temporis par rapport à sa date d'entrée dans la Société, pour la première année ».

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [I] est mal fondé au motif qu'il résulte de l'article précité que le versement de la gratification de fin d'année est laissé à la discrétion de l'employeur de sorte qu'il n'a aucun caractère obligatoire étant ajouté que ce n'est que pour la première année que la société française de transports Gondrand frères s'est engagée à verser une gratification au moins égale à un treizième mois prorata temporis.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes formées à titre de rappels de prime du 13e mois.

Sur les autres demandes

La cour condamne la société française de transports Gondrand frères aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société française de transports Gondrand frères à payer à M. [I] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

Condamne la société française de transports Gondrand frères à verser à M. [I] une somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société française de transports Gondrand frères aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/06708
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;20.06708 ?
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