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24/05/2023 | FRANCE | N°20/06602

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 24 mai 2023, 20/06602


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 24 MAI 2023



(n° 2023/ , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06602 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPF6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/02324





APPELANT



Monsieur [G] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représ

enté par Me Samuel CHEVRET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729





INTIMÉE



Association AC [Localité 4] 93 RUGBY

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Carine MARCELIN, avocat au b...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 24 MAI 2023

(n° 2023/ , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06602 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPF6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/02324

APPELANT

Monsieur [G] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Samuel CHEVRET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729

INTIMÉE

Association AC [Localité 4] 93 RUGBY

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Carine MARCELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0574

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [G] [W] a été engagé par l'association AC [Localité 4] 93 Rugby en qualité d'entraîneur non cadre par contrat de travail à durée déterminée du 20 juillet 2015 pour la saison 2015/2016, avec une rémunération de 980 euros bruts pour75,83 heures de travail mensuel.

Le 13 juin 2016, les parties ont conclu un nouveau contrat de travail à durée déterminée pour les saisons 2016/2017 et 2017/2018, recrutant M. [W] en qualité d'entraîneur cadre de Fédérale, à temps partiel modulé pour une durée moyenne mensuelle de travail de 75H83 avec une rémunération de 2 400 euros et 300 euros de frais de logement.

Par avenant en date du 27 septembre 2017, M. [W] a été nommé entraîneur cadre pluriactif de fédérale 2 à temps partiel modulé pour une durée moyenne mensuelle de travail de 75H83 rémunérée 2 400 euros de salaire brut outre 300 euros d'indemnité forfaitaire de déplacement.

Le 19 juillet 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin de voir requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et obtenir des dommages-intérêts pour rupture abusive.

Par jugement en date du 1er octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- ordonné à l'association AC [Localité 4] 93 Rugby de remettre à M. [G] [W] des bulletins de paie du 1er juillet 2016 au 30 juin 2018 conformes portant mention des cotisations de retraite cadre,

- débouté M. [G] [W] du surplus de ses demandes,

- condamné l'association AC [Localité 4] 93 Rugby aux éventuels dépens,

- débouté l'association AC [Localité 4] 93 Rugby de sa demande reconventionnelle.

Le 13 octobre 2020, M. [W] a interjeté appel.

Par voie de conclusions incidentes devant le conseiller de la mise en état, l'association AC [Localité 4] Rugby 93 a soulevé l'irrégularité de la déclaration d'appel de M. [W] et son absence d'effet dévolutif.

Selon ordonnance en date du 16 décembre 2021, le conseiller de la mise en etat s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel.

Selon ses dernières conclusions, notifiées le 22 décembre 2022, remises au greffe, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [W] demande à la cour de :

Déclarer recevable l'appel formé par lui

Confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise de bulletins de paie du 1er juillet 2016 au 30 juin 2018 conformes portant mention des cotisations de retraite cadre

Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] du surplus de ses demandes

Statuant à nouveau,

Requalifier les contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet

Requalifier la nature de la relation contractuelle entra M. [W] et l'association AC [Localité 4] 93 Rugby en contrat de travail à durée indéterminée

A défaut, si la Cour avait un doute quant à l'interprétation de la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 et l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée pour apprécier la compatibilité des articles L 122-2-3 et suivants du code du sport, il est sollicité pour la résolution du litige de poser les questions préjudicielles suivantes à la CJUE :

« La Clause 5 de l'accord cadre et de la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée peut-elle être interprétée comme s'opposant à l'article L 122-2-3 du code du sport en ce qu'il ne fixerait pas de critères objectifs vérifiables et transparents pour prévenir l'abus de recourir au contrat à durée déterminée ' »

« De même, la Clause 5 de l'accord cadre et de la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée peut-elle être interprétée comme s'opposant à l'article L 122-2-3 du code du sport en ce qu'il impose un seul et même contrat à durée déterminée à l'ensemble des sportifs et entraîneurs salariés, peu importe la durée et la raison de leur embauche ' »

« Plus généralement, les prescriptions des articles L222-2-1 et suivants du Code du Sport relatifs au contrat à durée déterminée sont-elles conformes aux dispositions de la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ' »

En toute hypothèse,

Condamner l'association AC [Localité 4] 93 Rugby à verser à M. [W] les sommes suivantes :

· 70.851,50 euros à titre de rappel de salaire et 7.085,15 euros au titre des congés payés y afférents

· 4.883,82 euros à titre d'indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée

· 14.641,46 euros à titre d'indemnité de préavis et 1.464,14 euros au titre des congés payés y afférents

· 2.543,65 euros à titre d'indemnité de licenciement

· 19.535,28 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamner l'association AC [Localité 4] 93 Rugby à transmettre à M. [W] les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreint de 50 euros par jours de retard passé un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement

Condamner l'association AC [Localité 4] 93 Rugby à verser la somme 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner l'association AC [Localité 4] 93 Rugby aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions, notifiées et remises au greffe le 30 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'association AC [Localité 4] 93 Rugby demande de :

A titre liminaire,

Constater l'irrégularité de forme de la déclaration d'appel.

Constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel n° 20/21670 du 13 octobre 2020

Prononcer l'irrecevabilité de l'appel régularisé n° 20/21670

Sur le fond,

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 01/10/2020 en toutes ses dispositions.

Débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes

A titre subsidiaire

Statuer ce que de droit sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Débouter M. [W] de sa demande de requalification de contrat à durée déterminée d'usage à temps partiel en contrat à durée déterminée d'usage à en temps plein

En conséquence :

Débouter M. [W] de sa demande de paiement de salaires et indemnités de congés payés

Débouter M. [W] de sa demande de condamnation à une indemnité de requalification

Statuer ce que de droit sur le montant de l'indemnité de licenciement

Statuer ce que de droit sur le montant de l'indemnité de préavis

Dire et Juger que M. [W] n'a subi aucun préjudice en raison de la rupture de son contrat de travail

Rejeter la demande de paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Débouter M. [W] de sa demande de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

A titre infiniment subsidiaire

Constater que M. [W] ne justifie pas de ses demandes de paiement des salaires et l'en débouter

En tout état de cause :

Condamner M. [W] à verser à l'association ACB Rugby 93 la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamner M. [W] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2023.

MOTIFS :

Sur l'irrecevabilité de la déclaration d'appel:

L'association intimée soulève l'irrecevabilité de la déclaration d'appel qui mentionne comme identité de l'appelant M. [W] et non M. [W].

Si les articles 54 et 56 du code de procédure civile exigent à peine de nullité la mention dans toute demande initiale saisissant une juridiction des nom, prénoms des personnes physiques, une telle nullité n'est pas sollicitée.

Il convient de constater que la déclaration d'appel contestée mentionne certes comme nom de l'appelant '[W]' mais précise dans le paragraphe relatif à l'objet de l'appel que 'M. [W] sollicite d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes'.

Seule une erreur matérielle immédiatement perceptible affecte la déclaration d'appel laquelle n'est pas de nature à la rendre irrecevable contrairement à ce qui est sollicité par l'intimé.

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par l'article 6 du Décret n° 2022-245 du 25 février 2022 dispose que :

« La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle ».

La déclaration d'appel litigieuse mentionne « Monsieur [W] sollicite d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes » et comprend une annexe sans que la déclaration d'appel s'y réfère.

La formule 'déboute du surplus de ses demandes' est celle figurant dans le dispositif du jugement comme rejetant ses demandes à l'exception de celle relative à la remise des bulletins de paie du 1er juillet 2016 au 30 juin 2018 à laquelle le conseil de prud'hommes a fait droit et dont il ordonne la remise au premier paragraphe de son dispositif avant de débouter M. [W] 'du surplus de ses demandes'.

La déclaration d'appel énonce dès lors suffisamment les chefs de jugement critiqués en reprenant les termes mêmes du dispositif du jugement.

L'annexe précise que ces chefs de jugement concernent le refus de requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et le temps partiel en temps plein sans être indispensable en l'espèce, à la détermination de l'objet du litige.

La déclaration d'appel litigieuse produit effet dévolutif.

Sur la demande de requalification des contrats à temps plein :

L'article L3123-14 du code du travail dispose que « Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat. »

Selon l'article 12.7.1.2 de la convention collective nationale du sport :

« Doit être compris dans la définition du temps de travail le temps consacré notamment :

- par les sportifs et les entraîneurs :

- aux compétitions proprement dites ;

- aux entraînements collectifs ainsi que, s'ils sont dirigés par l'entraîneur, aux entraînements individuels complémentaires ;

- aux déplacements pour se rendre sur le lieu de la compétition lorsque celle-ci a lieu à l'extérieur du lieu habituel de travail et cela quel que soit le mode de transport retenu. Si le déplacement nécessite un coucher sur place, la période pendant laquelle le salarié est dans sa chambre n'est pas un temps de travail effectif, n'étant pas un temps d'astreinte ou de veille dès lors que le salarié n'a pas à être éventuellement appelé pour effectuer une tâche ;

- aux repas post et pré-compétition pris en commun à la demande de l'employeur ;

- à la participation à des actions promotionnelles et / ou commerciales à la demande de son employeur ;[']

- par les entraîneurs :

- aux préparations des séances d'entraînement et de matchs, aux supervisions des autres équipes du club ou des équipes adverses ;

- aux analyses d'après match ;

- aux entretiens avec les médias à la demande de l'employeur ou de l'organisateur de la compétition ;

- aux entretiens avec les sportifs membres de la structure employeur » comme avec les sportifs, ou leurs représentants, envisagés pour un recrutement ultérieur ;

- aux réunions internes à l'entreprise employeur » (avec les dirigeants, les autres entraîneurs...), ainsi qu'aux tâches administratives accomplies dans le cadre de leurs fonctions au sein de cette entreprise ;

- aux rencontres avec le médecin de la structure employeur » et / ou avec tous les auxiliaires médicaux dont l'assistance s'avère nécessaire.

La définition du temps de travail effectif pourra faire l'objet d'adaptation dans les accords sectoriels en considération des spécificités des différents sports. »

La convention collective nationale du sport prévoit également que :

« 12. 7. 1. 3. Temps partiel

12.7.1.3.1. Dérogation à la durée minimale de 24 heures hebdomadaires (ou l'équivalent mensuel ou annuel de cette durée)

Par dérogation à l'article L. 3123-14-1 du code du travail, la durée minimale de travail des salariés visés par l'article 12.1 est fixée à 17 h 30 hebdomadaires, ou l'équivalent mensuel de cette durée ou l'équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l'article L. 3122-2 du code du travail.

Afin de garantir la régularité des horaires, l'employeur communique au salarié un planning des entraînements pour chaque semaine travaillée en respectant un délai de prévenance de 5 jours.

12.7.1.3.2. Dérogation applicable aux sportifs en formation

Une durée minimale de travail est fixée pour les sportifs en formation dans les conditions prévues par l'article 12.9.2.

12.7.1.3.3. Modalités de regroupement des horaires de travail

L'application de l'article 12.7.1.3.1 est subordonnée au regroupement des horaires de travail du salarié sur des journées ou demi-journées régulières ou complètes.

12.7.1.3.4. Mentions obligatoires dans le contrat

contenir les mentions suivantes auxquels s'ajoutent les éléments de rémunération prévus par l'article 12.6.1 :

- la qualification ;

- la durée hebdomadaire ou mensuelle (sauf pour les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2 du code du travail) ;

- la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

- les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

- les modalités de communication par écrit au salarié des horaires de travail pour chaque journée travaillée, dont le délai de transmission du planning ;

- les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée au contrat.

12.7.1.3.5. Modification de la répartition de la durée du travail

L'employeur peut modifier la répartition de la durée du travail en respectant un délai de prévenance de 5 jours ouvrés. »

- sur le contrat de travail à durée déterminée en date du 20 juillet 2015 :

Le contrat de travail à durée déterminée en date du 20 juillet 2015 stipule en son article 9 relatif à la durée du travail que 'l'entraîneur est engagé dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel modulé pour une durée moyenne mensuelle de travail de

75,83 heures. Cette durée pourra varier de plus ou moins un tiers conformément à l'article 6.1.3 du chapitre 2 du Titre II de l'accord collectif.'

Le contrat ne précise ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ni les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, ni les modalités de communication par écrit au salarié des horaires de travail pour chaque journée travaillée, dont le délai de transmission du planning ni les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée au contrat.

Ces manquements aux obligations légales et conventionnelles de l'employeur emporte présomption de temps plein.

Pour renverser la présomption de temps plein, en l'absence de mention précise des horaires, l'employeur doit rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et établir que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Or, les feuilles de présence produites sont relatives aux mois d'août 2017 à mai 2018 et ne concernent donc pas le temps de travail du contrat litigieux. L'autorisation de cumul d'emploi délivrée par l'éducation nationale pour la saison 2015/2016 mentionne que M. [W] était professeur d'EPS sans préciser s'il exerçait à temps plein ou à temps partiel. En l'absence d'emploi du temps hebdomadaire ou mensuel cet élément n'est pas suffisant pour établir qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Le contrat de travail en date du 20 juillet 2015 doit donc être requalifié en contrat à temps plein.

- sur le contrat à temps partiel modulé du 13 juin 2016 :

Le contrat de travail d'entraîneur cadre de fédérale 1 stipule en son article 9 et son paragraphe relatif à l'entraîneur à temps partiel que 'l'entraîneur est engagé dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel modulé pour une durée moyenne mensuelle de travail de 75,83 heures. Cette durée pourra varier de plus ou moins un tiers conformément aux articles 6.1.3 du chapitre 2 du Titre II de l'accord collectif et de 5.2 de la convention collective nationale du sport.'

Le statut de l'entraîneur de Fédérale 1 de rugby prévoit en cas de modulation du temps de travail pour un temps partiel :

« Modalités d'information

Un programme annuel indicatif doit être établi par l'employeur. Ce programme est soumis pour avis avant sa mise en 'uvre, au comité d'entreprise ou, à défaut aux délégués du personnel s'ils existent. Ce programme est communiqué par l'employeur à l'entraîneur avant le premier entraînement collectif, au plus tard. Un bilan de l'application de la modulation est communiqué au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut aux délégués du personnel s'ils existent. »

L'association ne justifie pas avoir établi de programme annuel indicatif. Ce non respect des règles régissant le contrat d'entraîneur à temps partiel modulé fait présumer qu'il travaillait à temps plein.

Il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

L'association ne démontre pas que le salarié aurait reçu des emplois du temps mentionnant les entraînements, les matchs, les déplacements et les temps de préparation et de 'débriefing' prévu comme temps de travail par la convention collective ce qui lui aurait permis de prévoir son temps de travail. La présomption de temps plein n'est donc pas renversée. C'est vainement qu'elle expose que M. [W] ne lui a pas fourni son temps de travail habituel pour l'exercice de son emploi à l'Education nationale. Quant aux feuilles de présence produites, elles ne concernent pas la saison 2016/2017. L'association ne produit aucun échange de courriers ou courriels de nature à établir que M. [W] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Le contrat à temps partiel modulé pour la saison 2016/2017 doit être requalifié en contrat à temps plein.

Le dépassement consécutif du temps de travail admis par l'Education nationale n'est pas de nature à faire obstacle à une telle requalification contrairement à ce que soutient l'association.

- sur l'avenant du 27 septembre 2017:

L'avenant au contrat de travail engageant M. [W] en qualité d'entraîneur cadre de fédérale 2 stipule en son article 9 et son paragraphe relatif à l'entraîneur à temps partiel que 'l'entraîneur est engagé dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel modulé pour une durée moyenne mensuelle de travail de 75,83 heures. Cette durée pourra varier de plus ou moins un tiers conformément aux articles 6.1.3 du chapitre 2 du Titre II de l'accord collectif et de 5.2 de la convention collective nationale du sport. Toute variation mensuelle horaire supérieure ou inférieure de plus ou moins un tiers devra préalablement et expressément faire l'objet d'une demande d'autorisation par l'association AC [Localité 4] 93 Rugby et le temps de travail annuel ne devra en aucun cas être supérieur à 909 heures 96 sur l'année sportive 2017/2018.'

L'association ne justifie pas avoir établi de programme annuel indicatif pour la saison 2017/2018. Ce non respect des règles régissant le contrat d'entraîneur à temps partiel modulé fait présumer que M. [W] travaillait à temps plein.

En cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

S'il est établi qu'à compter de l'année scolaire 2017/2018, M. [W] travaillait à 50% pour l'Education nationale, l'association ne démontre pas que le salarié aurait reçu des emplois du temps mentionnant les entraînements, les matchs, les déplacements et les temps de préparation et de 'débriefing' prévu comme temps de travail par la convention collective. La présomption de temps plein n'est donc pas renversée. C'est vainement qu'elle expose que M. [W] ne lui a pas fourni son temps de travail habituel pour l'exercice de son emploi à l'Education nationale. Quant aux feuilles de présence renseignées chaque mois par le salarié et adressées à l'association par courriels, elles ne mentionnent que les temps de présence de M. [W] au club et non les heures de travail consacrées à la préparation, la programmation ou encore l'analyse vidéo qui font partie intégrante des fonctions d'entraîneur, et qui sont assimilés à du temps de travail effectif en vertu de l'article 12.7.1.2 de la convention collective nationale du sport. Elles mentionnent des horaires qui peuvent varier de plusieurs heures et constituent un état des heures après leur réalisation de sorte qu'elles ne sont pas de nature à établir que le salarié ne se tenait pas à la disposition constante de son employeur. L'association ne produit aucun échange de courriers ou courriels de nature à établir que M. [W] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Le contrat à temps partiel modulé pour la saison 2016/2017 doit être en conséquence requalifié en contrat à temps plein.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification à temps plein.

Sur la demande de rappel de salaire :

Compte tenu de la requalification à temps complet de chacun des contrats de travail à durée déterminée et avenant successifs, M. [W] a droit à un rappel de salaire.

Concernant le premier contrat de travail, il stipulait un salaire de 980 € pour un travail mensuel à mi-temps de 75,83 heures. Le bulletin de paie mentionne un salaire de 1080,50 euros. L'association invoque une erreur sans solliciter de remboursement d'un trop perçu et aucune des parties ne justifie du salaire versé. Le bulletin de paie ne valant pas paiement et n'emportant pas modification du montant du salaire contractuel lequel s'élevait à 980 euros et non à 1 080,50 euros. En conséquence, il est dû à M. [W] sur la période du 20 juillet 2015 au 30 juin 2016 la somme de 11 760 euros outre 1 176 euros de congés payés.

S'agissant du second contrat de travail et de l'avenant, il est dû à M. [W] la somme de 58 217,40 euros outre 5 821,74 euros de congés payés.

L'association est condamnée à payer à M. [W] les sommes de 69 977,40 euros de rappel de salaire et 6 997,74 euros de congés payés.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée :

Selon l'article L. 222-2-6 du code du sport, le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une procédure d'homologation du contrat de travail du sportif et de l'entraîneur professionnels et déterminer les modalités de l'homologation ainsi que les conséquences sportives en cas d'absence d'homologation du contrat.

Le contrôle des conditions de recours au contrat de travail à durée déterminée n'entre pas dans le champ des vérifications effectuées par une fédération ou une ligue professionnelle, qui, dans le cadre de sa mission de service public relative à l'organisation des compétitions, procède à l'homologation d'un contrat de travail.

Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

S'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, dans leur rédaction applicable, L.1245-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en 'uvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

Outre que l'emploi d'entraîneur d'un club de rugby est lié à l'activité normale et permanente de l'association sportive dont l'équipe a besoin d'un encadrement sportif afin de mener à bien son activité de pratique et de compétition sportives, la seule saisonnalité sportive d'une année n'est pas un critère objectif établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi au regard de l'activité normale et permanente de l'association sportive et de la durée de la relation contractuelle pendant trois années.

Quant aux objectifs fixés à l'entraîneur pour la saison de compétition, ils ne sont pas de nature à justifier le caractère par nature temporaire d'un emploi, tout salarié y compris en contrat de travail à durée indéterminée étant susceptible de se voir fixer des objectifs.

La relation de travail est en conséquence requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2015.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur l'indemnité de requalification :

En vertu de l'article L1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

L'association est condamnée à payer à M. [W] la somme de 5 500 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les dommages-intérêts pour rupture injustifiée du contrat de travail :

La relation de travail ayant été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour de la rupture du contrat le 30 juin 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de trois ans en ce compris la durée du préavis entre trois et quatre mois de salaire.

Au regard de l'âge de M. [W], de sa formation et du délai qui lui a été nécessaire pour retrouver un emploi comparable et du montant du salaire perçu au cours des six derniers mois, le préjudice par lui subi sera réparé par l'allocation de la somme de 16 400 euros.

Sur l'indemnité de licenciement :

En vertu de l'article L1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article R1234-2 prévoit que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Au regard du salaire perçu en ce compris les primes au cours des douze derniers mois, l'indemnité légale de licenciement due à M. [W] est fixée à 2 543,65 euros.

L'association est condamnée à lui payer cette somme.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

L'article 4.4.3.2 de la convention collective nationale du sport prévoit un délai de préavis de trois pour les cadres.

L'indemnité due au salarié pendant la durée du préavis est égale au salaire brut que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé en ce compris les indemnités compensatrices de frais professionnels et les primes.

Au regard de son statut de cadre, M. [W] a droit à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois de salaire soit 14 641,46 euros outre 1 464,14 euros de congés payés.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents de rupture :

Il y a lieu de condamner l'association AC [Localité 4] 93 Rugby à remettre à M. [W] un bulletin de paie, une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

Les circonstances de la cause ne justifient pas le prononcé d'une astreinte. La demande est rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'association est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Rejette les fins de non recevoir tirées de l'irrégularité de la déclaration d'appel,

Rejette la demande tendant à voir constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel,

La déclare recevable et dit qu'elle produit effet dévolutif,

Infirme le jugement en ses chefs contestés,

statuant à nouveau,

Requalifie les contrats de travail à temps partiel en temps plein à compter du 20 juillet 2015,

Requalifie la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2015,

Condamne l'association AC [Localité 4] 93 Rugby à payer à M. [G] [W] les sommes de :

- 5 500 euros à titre d'indemnité de requalification

- 69 977,40 euros de rappel de salaire et 6 997,74 euros de congés payés

- 16 400 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 543,65 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 14 641,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 464,14 euros de congés payés,

Condamne l'association AC [Localité 4] 93 Rugby à remettre à M. [W] un bulletin de paie, une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Condamne l'association AC [Localité 4] 93 Rugby à payer à M. [G] [W] les sommes de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'association AC [Localité 4] 93 Rugby aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/06602
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;20.06602 ?
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