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24/05/2023 | FRANCE | N°20/05985

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 24 mai 2023, 20/05985


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 24 MAI 2023



(n° 2023/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05985 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCLQG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/04493





APPELANT



Monsieur [E] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me

Christine DUARD-BERTON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0556





INTIMÉE



S.A. SOCIETE AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Noémie CAUCHARD, avocat au barreau de P...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 24 MAI 2023

(n° 2023/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05985 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCLQG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/04493

APPELANT

Monsieur [E] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Christine DUARD-BERTON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0556

INTIMÉE

S.A. SOCIETE AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Noémie CAUCHARD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 26 septembre 1986, M. [K] a été engagé, à compter du 1er octobre 1986, par la société Air France en qualité de magasinier fret.

La convention applicable est celle du personnel au sol des transports aériens.

Le 7 mai 2015, une convention de ' mobilité/intégration' a été conclue, qui prévoyait à terme une possibilité d'affectation à un poste de coordinateur immobilier.

M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 19 décembre 2016 aux fins de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et des rappels de salaire.

Par jugement du 23 juin 2020, le conseil de prud'hommes a :

Condamné la société Air France à payer à M. [K] la somme de 3 150 euros à titre de rappel de salaires et 315 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2016,

Condamné la société Air France à payer à M. [K] la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté M. [K] du surplus de ses demandes ;

Débouté la société Air France de sa demande reconventionnelle ;

Condamnée la société Air France aux dépens.

M. [K] a formé appel par acte du 21 septembre 2020.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 17 décembre 2020, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [K] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de classification professionnelle au poste de coordinateur d'opération immobilière niveau 4 et de rappel de salaire à ce titre.

Dire que la société Air France a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de mobilité/intégration en date du 7 mai 2015.

Dire que la société Air France n'a pas respecté la classification professionnelle de M. [K].

Dire que M. [K] doit être classé dans la catégorie non-cadre au niveau IV de la convention collective nationale du personnel au sol.

Et en conséquence :

Condamner la société Air France à payer à M. [K] :

- la somme de 3 150 euros à titre de rappel de salaires pour la période de novembre 2015 à juillet 2017, outre celle de 315 euros au titre des congés payés afférents.

- la somme de 10 000 euros en réparation de préjudice moral subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de bonne de foi dans l'exécution du contrat de travail.

Subsidiairement,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Air France à payer à M. [K] :

- la somme de 3150 euros à titre de rappel de salaires pour la période de novembre 2015 à juillet 2017, outre celle de 315 euros au titre des congés payés afférents.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Air France.

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [K] aux torts exclusifs de la société Air France.

Et en conséquence :

Condamner la société Air France à payer à M. [K] :

- la somme de 48 121,92 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- la somme de 5 346,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- la somme de 534,68 euros bruts au titre des congés payés s'y rapportant,

- la somme de 53 462,80 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat.

Condamner la société Air France à payer à M. [K] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de résultat.

En tout état de cause :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Air France à payer à M. [K] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société Air France à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dire que chacune des sommes allouées au salarié produira des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes ;

Faire application de l'anatocisme ;

Condamner la société Air France aux entiers dépens ;

Ordonner la remise des bulletins de paie rectifiés et conformes à la décision à intervenir ainsi que les documents de fin de contrat.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 12 mars 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Air France demande à la cour de :

Par infirmation du jugement :

À titre principal,

Débouter M. [K] de sa demande à hauteur de 3 150 euros à titre de rappel de salaire, outre 315 euros au titre des congés payés afférents ;

Par confirmation du jugement :

Débouter M. [K] de sa demande à hauteur de 10 000 euros à titre du préjudice subi sur les manquements d'Air France ;

Débouter M. [K] de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes afférentes ;

Débouter M. [K] de sa demande à hauteur de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

À titre subsidiaire,

Ramener les demandes de M. [K] à de plus justes proportions.

En tout état de cause,

Condamner M. [K] à payer à la société Air France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisser à sa charge les éventuels dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023.

MOTIFS

Dans ses conclusions M. [K] remet en cause l'impartialité du conseil de prud'hommes, en raison du parcours professionnel de l'un des conseillers qui siégeait, sans formuler aucune demande consécutive à ces observations.

Sur la classification professionnelle

Le salarié qui revendique une classification professionnelle doit démontrer qu'il en exerce les attributions.

M. [K] demande à être classé à un poste niveau 4, expliquant avoir signé une convention de mobilité interne qui devait aboutir à sa promotion, qu'il ne l'a pas été à l'issue de la période mais qu'il en a exercé les attributions, outre celles d'un autre poste pendant l'absence d'une personne.

La fiche de poste de l'emploi de coordonnateur d'opérations immobilières indique notamment les attributions de : coordination d'équipes, analyse de projets, estimations de travaux et devis, déroulement des opérations et leur contrôle, participation à des projets avec complexité technique, priorisation des interventions.

Le 7 mai 2015 M. [K] a signé une convention avec son manager et le responsable des ressources humaines intitulée 'mobilité/intégration' qui avait pour objet l'accompagnement et la formation vers un nouveau poste de coordinateur immobilier de niveau 4. Elle prévoit qu'à l'issue de la période prévue, jusqu'au 31 octobre 2015, la promotion à ce poste sera envisagée si le salarié a respecté ses obligations et a validé les compétences requises.

A l'issue de cette période M. [K] n'a pas été promu au poste de coordinateur immobilier. Son entretien d'évaluation annuel pour l'année 2015 indique une affectation au poste de 'technicien moyens généraux' de niveau 3. Le bilan de la convention de mobilité indique qu'à l'issue de la période il a été maintenu dans le service immobilier, sur un emploi recentré sur des activités correspondant à son niveau de compétences.

La carte de visite de M. [K] indiquant la fonction de coordinateur immobilier qui lui a été remise par l'employeur est insuffisante à démontrer qu'il en exerçait les compétences, étant relevé qu'elle lui a été remise alors qu'il était en cours de formation en vue d'une affectation à ce poste.

M. [K] produit plusieurs attestations de personnes qui indiquent qu'il a assumé une charge de travail importante et a dû assumer les tâches d'une collègue absente, en plus des siennes. Ces personnes sont des proches qui n'ont pas exercé directement avec le salarié au cours de la période concernée et pour leur majorité sont des personnes extérieures à l'entreprise.

M. [K] produit plusieurs échanges de mails professionnels. Ils sont relatifs à la gestion d'interventions techniques sur des bâtiments, qui relèvent du suivi de la réalisation d'interventions demandées, sans initiative ni évaluation des opérations ou des moyens nécessaires.

L'entretien d'évaluation confirme que M. [K] a pris en charge les activités d'une autre personne, sans indiquer que cela était en plus de celles qui lui incombaient. Pendant la mise en oeuvre de la convention M. [K] a été intégré au sein du service immobilier pour y être formé ; à l'issue il y est resté sur un poste qui a été adapté à cette fin, correspondant à la supervision des opérations de réparations et d'entretiens ou d'opérations sans complexité technique, description qui est conforme aux mails produits par l'appelant.

M. [K] ne démontrant pas qu'il a exercé les attributions d'un poste de niveau 4 doit être débouté de sa demande de classification professionnelle.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Le conseil de prud'hommes a alloué à M. [K] un rappel de salaire au motif d'un cumul temporaire de deux postes, ce qui n'est pas établi par les éléments produits.

M. [K] doit être débouté de sa demande de rappel de salaire.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le non-respect de la convention de mobilité

M. [K] fait valoir que l'employeur n'a pas respecté ses obligations dans le cadre de la convention de mobilité conclue, en n'assurant pas la formation qui était prévue et en ne le faisant pas bénéficier de la promotion consécutive alors qu'il avait atteint les objectifs fixés.

M. [K] produit le compte rendu de son entretien annuel d'évaluation, qui indique des objectifs atteints qui sont cependant distincts de ceux de la convention de formation.

Le compte rendu final de la formation du 9 décembre 2015 indique qu'à l'issue de la première étape l'ensemble des compétences était en cours d'acquisition et qu'un travail restait à accomplir, mais que la bonne volonté de M. [K] justifiait la poursuite de la convention. Le bilan de la deuxième étape indique que les difficultés se sont accrues et que les compétences n'étaient pas maîtrisées. Le document a été signé par le manager et le responsable des ressources humaines, mais pas par M. [K] qui indique qu'il n'a été établi que postérieurement à ses revendications de nomination sur le poste prévu.

Le responsable de M. [K] pendant la formation lui a adressé un mail le 13 octobre 2015 qui comportait un bilan de chacune des périodes. Il a été établi après deux entretiens de fin de chaque période et lui demandait ses remarques avant la diffusion du document. Le premier bilan indique que le suivi des prestations n'était pas rigoureux, en l'absence de reporting et de mise en oeuvre d'un document de suivi, malgré les demandes en ce sens. Ce défaut qui concernait la capacité à piloter des prestations n'a pas été corrigé lors de la deuxième période, aucun document de suivi n'ayant été mis en place. Deux applicatifs n'ont pas été maîtrisés, par manque de temps de M. [K] à leur consacrer. L'appelant n'a pas contesté ces observations.

Ainsi, si plusieurs compétences ont été considérées acquises en fin de période, certaines n'ont pas été validées alors qu'elles étaient essentielles pour le poste concerné. La société Air France n'a pas commis de manquement en n'affectant pas M. [K] au poste envisagé, la formation n'ayant pas été validée.

Cependant, M. [K] fait justement valoir que le compte rendu de la formation indique pour plusieurs rubriques que la compétence n'a pas pu être évaluée faute de mise en situation du salarié, y compris pour la première période, concernant un applicatif non paramétré et deux formations qui n'avaient pas été réalisées par l'employeur. Les mises en situation n'ont pas été rattrapées lors de la deuxième période, et le nombre de rubriques non évaluées pour ce motif y est plus important. Ainsi, si M. [K] n'avait effectivement pas validé certaines compétences qui auraient dû être atteintes à la fin de la première période, l'employeur n'a pas mis en oeuvre correctement la convention de formation à laquelle il s'était engagé.

Le représentant du personnel qui assistait M. [K] au cours d'un entretien avec ses responsables, après sa demande écrite d'affectation, atteste que la direction avait reconnu que la formation n'avait pas été dispensée correctement.

Par la suite, M. [K] a rencontré des problèmes de santé, une longue dépression, et ses proches attestent des conséquences de l'absence de promotion, ce qui caractérise le préjudice consécutif au manquement de l'employeur.

La société Air France doit être condamnée à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la résiliation judiciaire

Un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements de celui-ci à ses obligations. Lorsque les manquements sont établis et sont d'une gravité telle qu'ils empêchent la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [K] impute plusieurs manquements à son employeur :

- la violation de son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail en ne respectant pas sa classification professionnelle,

- un manquement à l'obligation de sécurité, en négligeant de tenir compte des alertes quant à sa souffrance morale et psychologique liée à sa situation professionnelle,

- en le plaçant dans une situation de harcèlement moral,

- en omettant d'organiser une visite de reprise à la suite de l'information par le salarié de son classement en invalidité deuxième catégorie.

M. [K] ne justifie pas qu'il exerçait les attributions de la catégorie professionnelle qu'il revendique. L'absence de promotion par la société Air France était justifiée par le constat que certaines compétences importantes n'avaient pas été acquises à l'issue de la formation. Si l'employeur n'a pas mis en oeuvre la formation de façon satisfaisante, il résulte du bilan que pour tenir compte de l'investissement du salarié il a été maintenu dans le service sur un poste adapté à ses compétences. L'évaluation professionnelle de l'année 2015 indique que son responsable l'a encouragé à poursuivre ses démarches pour progresser, et à l'accompagner, ce qui indique qu'une progression y était toujours envisageable.

M. [K] a fait l'objet d'arrêts de travail successifs. Le médecin du travail a relevé le lien avec le contexte professionnel et l'absence de promotion. Après une inaptitude temporaire, une reprise à temps partiel thérapeutique a été mise en oeuvre à compter du 11 septembre 2017, avant de nouveaux arrêts de travail renouvelés. M. [K] a fait l'objet d'une reconnaissance d'invalidité de deuxième catégorie à compter du 1er juillet 2019.

Après l'échec de la formation, un poste a été spécialement créé. Les responsables de M. [K] l'ont rencontré pour faire le point sur sa situation et il était accompagné par un représentant du personnel. L'entretien d'évaluation 2016 fait état de problèmes de santé au cours de l'année et invite le salarié à poursuivre les démarches professionnelles.

La société Air France fait justement valoir que le certificat du médecin du travail du 22 septembre 2017 indique que la visite qui a eu lieu lors de la reprise à temps partiel est à l'origine de l'employeur, le manager ayant constaté des troubles de mémoire et d'attention. Le praticien mentionne avoir été alerté par un 'encadrement bienveillant', 'inquiet pour la santé physique et psychique du salarié'. M. [K] a alors été orienté vers son médecin traitant, puis a bénéficié d'arrêts de travail.

L'employeur justifie ainsi qu'il a pris les mesures qui étaient justifiées par l'état de santé de son salarié et n'a pas manqué à son obligation de sécurité.

M. [K] invoque un harcèlement moral.

L'article 1152-1 du code du travail dispose que :

'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, alors applicable, il incombe au salarié qui l'invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [K] expose que :

- l'employeur a refusé de manière déloyale de valider la convention de mobilité/intégration ; ce fait n'est pas établi ;

- il a été maintenu au poste qu'il aurait dû obtenir sans bénéficier du salaire correspondant ; ce fait n'est pas établi ;

- on lui a imposé de remplacer une collègue en maladie ; M. [K] justifie avoir accompli les tâches d'une collègue absente, mais pas que cela lui ait été imposé, ni que c'était en plus de ses attributions ; ce fait n'est pas établi.

Ainsi, si M. [K] justifie de la réalité des problèmes de santé, il ne présente pas d'élément de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral de son employeur.

Lorsque le salarié informe son employeur de son classement en invalidité de deuxième catégorie sans manifester son intention de ne pas reprendre le travail, il incombe à l'employeur d'organiser une visite de reprise, peu important la poursuite des arrêts de travail.

Par mail du 1er juillet 2019 intitulé 'mise en invalidité sécurité sociale', M. [K] a informé son employeur de son classement en invalidité deuxième catégorie en lui adressant le courrier de la caisse de sécurité sociale. Le message indique 'suite à notre entretien téléphonique, veuillez trouver dessous le document de la sécurité sociale. Recevez, l'expression de ma très haute considération'.

La société Air France a répondu par courrier à M. [K] que lorsqu'il souhaiterait et serait en mesure de reprendre son activité il devrait en informer le responsable des ressources humaines afin qu'une visite de reprise puisse être organisée. L'intimée explique que M. [K] a continué à adresser ses arrêts de travail et a démontré sa volonté de ne pas reprendre le travail.

Le message de M. [K] qui a informé son employeur du classement en invalidité ne manifestait pas son intention de ne pas reprendre le travail. Quand bien même les arrêts de travail se sont poursuivis, la société Air France était tenue d'organiser une visite de reprise, mais elle n'y a pas procédé. Elle a ainsi commis un manquement d'une gravité qui justifie la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Il y a lieu de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'étant pas constitué, M. [K] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la résiliation

La résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [K] est fondé à obtenir l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés

afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Subsidiairement, la société Air France ne forme pas de contestation sur les demandes financières autre que la demande que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit ramenée à de plus justes proportions.

La demande de classification professionnelle de M. [K] étant rejetée, le salaire moyen à prendre en compte est de 2 495,80 euros.

La durée du préavis étant de deux mois, la société Air France doit être condamnée à payer à M. [K] la somme de 4 991,6 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 499,16 euros au titre des congés payés afférents.

L'indemnité conventionnelle de licenciement est de 18 mois de salaire. La société Air France doit être condamnée à payer à M. [K] la somme de 44 924,40 euros à ce titre.

L'article L.1235-3 du code du travail dispose que :

'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.

Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.

Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.'

A la date de la décision M. [K] a une ancienneté de 36 années révolues. L'indemnité doit être entre 3 mois et 20 mois de salaire brut. Compte tenu de l'ancienneté de M. [K], de son âge, de son salaire, de ses perspectives d'activité professionnelle, la société Air France doit être condamnée à payer à M. [K] la somme de 45 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Aucune somme n'ayant été versée à M. [K] par Pôle Emploi, les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail sont sans objet.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil par année entière.

Sur la remise des documents

M. [K] sera débouté de sa demande de remise de bulletins de salaire conformes.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

La remise des documents de fin de contrat sera ordonnée à M. [K].

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Air France qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en plus de l'indemnité allouée par le conseil de prud'hommes.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes, sauf en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de classification, de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de remise des bulletins de paie conforme et a condamné la société Air France à payer à M. [K] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DÉBOUTE M. [K] de sa demande de rappel de salaires,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Air France,

CONDAMNE la société Air France à payer à M. [K] les sommes suivantes :

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de mobilité/formation,

- 4 991,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 499,16 euros au titre des congés payés afférents,

- 44 924,40 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ,

- 45 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision, avec capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

ORDONNE à la société Air France de remettre à M. [K] les documents de fin de contrat,

CONDAMNE la société Air France aux dépens,

CONDAMNE la société Air France à payer à M. [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/05985
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;20.05985 ?
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