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24/05/2023 | FRANCE | N°20/04408

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 24 mai 2023, 20/04408


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 24 MAI 2023



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04408 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCCJR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/08405



APPELANTE



Madame [Z] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représen

tée par Me Bénédicte RENAUD-XIRAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0743



INTIMEE



Association AFTRAL agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d'admini...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 24 MAI 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04408 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCCJR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/08405

APPELANTE

Madame [Z] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bénédicte RENAUD-XIRAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0743

INTIMEE

Association AFTRAL agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d'administration domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame MARQUES Florence, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Gaël BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre et par Justine FOURNIER,greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

L'Association AFTRAL a pour activité la formation en transport et logistique et dispose de nombreux centres de formation dispersés dans tout le territoire français.

Suivant contrat d'intérim du 25 avril 2016 au 12 septembre 2016, Mme [Z] [O] a été engagée par l'association AFTRAL, en qualité de responsable des ressources humaines en remplacement, pour une partie des activités de la directrice adjointe des ressources humaines, en congé maternité, moyennant un salaire mensuel de 3300 euros, outre un treizième et un quatorzième mois.

A compter du 29 novembre 2016 Mme [Z] [O] a été engagée par la société AFTRAL suivant contrat à durée indéterminée pour occuper le poste de responsable des relations sociales, statut de cadre, Niveau F, coefficient 310, moyennant un salaire brut de 3500 euros, outre un treizième et un quatorzième mois.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des organismes de formation (IDCC 1516).

Mme [O] a postulé en août 2017, au poste de responsable ressources humaines Ile de France (ce qui n'a finalement pas abouti) et a sollicité en décembre 2017 une rupture conventionnelle de son contrat de travail (qui lui a été refusée).

Mme [O] a, par la suite, candidaté en interne au poste de responsable achat, à nouveau sans succès.

Le 29 janvier 2018, Mme [O] a été placée en arrêt de travail jusqu'au 25 février 2018.

Mme [O] a fait l'objet, après convocation en date du 31 janvier 2018 et entretien préalable fixé le 12 février 2018, d'un licenciement pour faute grave le 16 février 2018.

Mme [Z] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 7 novembre 2018, aux fins, à titre principal, de voir juger son licenciement nul et à titre subsidiaire dépourvu de cause réelle et sérieuse et voir condamner l'association AFTRAL à lui verser diverses sommes.

Pour sa part, l'association AFTRAL a sollicité la condamnation de Mme [O] à lui verser 100 euros de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 26 février 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, a :

- dit que le licenciement n'est pas fondé sur une faute grave mais sur une faute simple,

- fixé le salaire moyen de Mme [O] à la somme de 4.154,24 euros,

- condamné l'association AFTRAL à verser à Mme [O] les sommes suivantes :

* 12.462,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.246,27 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.522,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [O] du surplus de ses demandes,

- débouté l'association AFTRAL de sa demande reconventionnelle ainsi que de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamné au paiement des entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 10 juillet 2020, Mme [Z] [O] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er décembre 2022, Mme [Z] [O], demande à la Cour de :

-infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 26 février 2020 en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [O] n'est pas fondé sur une faute grave mais sur une faute simple et l'a déboutée des demandes suivantes :

Sur le licenciement :

A titre principal,

- dire et juger nul le licenciement de Mme [O],

En conséquence,

- condamner l'Association AFTRAL au paiement de la somme de 59.892 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement nul, en sus des sommes allouées par le conseil des prud'hommes,

A titre subsidiaire,

- dire et juger sans cause réelle ni sérieuse le licenciement de Mme [O],

En conséquence,

- condamner l'Association AFTRAL au paiement de la somme de 8.308,48 euros net à titre subsidiaire au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse (2 mois), en sus des sommes allouées par le conseil des prud'hommes,

Sur les autres demandes :

- dire et juger que l'Association AFTRAL a violé l'obligation de sécurité de résultat et engagé sa responsabilité,

En conséquence,

- condamner l'Association AFTRAL au paiement de la somme de 16.616,96 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct de la rupture,

-dire et juger que l'Association AFTRAL a violé l'obligation d'égalité de traitement,

En conséquence,

- condamner l'Association AFTRAL au paiement des sommes suivantes :

A titre principal : * 11.367,77 euros bruts à titre de rappel de salaire pour inégalité de traitement,

* 1.136,77 euros au titre des congés payés afférents,

A titre subsidiaire :

* 2.273,48 euros brut à titre de rappel de salaire pour inégalité de traitement,

* 227,34 euros brut au titre des congés payés afférents,

- ordonner la remise du Certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir,

-dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement s'agissant des dommages et intérêts,

Il est donc demandé à la Cour de le réformer et de statuer à nouveau comme suit :

Sur la rupture du contrat de travail :

-A titre principal :

- Dire et juger nul le licenciement de Madame [Z] [O] ;

En conséquence, condamner l'Association AFTRAL au paiement de la somme de 59.892 euros net au titre de l'indemnité pour licenciement nul, en sus des sommes allouées par le Conseil des Prud'hommes ;

-A titre subsidiaire :

- Dire et juger sans cause réelle ni sérieuse le licenciement de Madame [Z] [O];

En conséquence, condamner l'Association AFTRAL au paiement de la somme de 8.308,48 € net à titre subsidiaire au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse (2 mois), en sus des sommes allouées par le Conseil des Prud'hommes

Sur les autres demandes :

- Dire et juger que l'Association AFTRAL a violé l'obligation de sécurité de résultat et engagé sa responsabilité ;

En conséquence, condamner l'Association AFTRAL au paiement de la somme de 16.616,96 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct de la rupture;

- Dire et juger que l'Association AFTRAL a violé l'obligation d'égalité de traitement.

En conséquence, condamner l'Association AFTRAL au paiement des sommes suivantes:

-A titre principal :

o 11 367,77 € brut à titre de rappel de salaire pour inégalité de

traitement ;

o 1.136,77 € au titre des congés payés afférents ;

-A titre subsidiaire :

o 2273,48 brut à titre de rappel de salaire pour inégalité de traitement

o 227.34 € brut au titre des congés payés afférents ;

- Ordonner la remise du Certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir.

- Dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt s'agissant des dommages et intérêts et à compter de l'introduction de la demande, s'agissant des sommes ayant la nature de salaire.

- Condamner l'Association AFTRAL au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner l'Association AFTRAL aux entiers dépens.

- Débouter l'AFTRAL de l'ensemble de ses demandes

Il est demandé à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'Association AFTRAL à lui payer :

-1.522,54 € net au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

-12 462,72 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

-1 246,27 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

-1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 décembre 2022, l'association AFTRAL demande à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 26 février 2020 en ce qu'il a débouté Mme [O] de ses demandes de condamnation de l'AFTRAL à :

* 30.574,51 euros net à titre d'indemnité pour licenciement nul, et subsidiairement 8.308,48 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 16.616,96 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct de la rupture,

* 11.367,77 euros brut, et subsidiairement 2.273,48 euros brut, à titre de rappel de salaire pour inégalité de traitement,

* 1.136,77 euros brut, et subsidiairement 227,34 euros brut, à titre des congés payés y afférents,

* 3.000 euros à titre d'article 700 du code de procédure civile,

Par suite,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 26 février 2020 en ce qu'il a :

*dit que le licenciement de Mme [O] n'était pas fondé sur une faute grave mais sur une faute simple,

* fixé son salaire moyen à la somme de 4.154,24 euros,

* condamné l'association AFTRAL à lui verser les sommes suivantes :

$gt; 12.462,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; 1.246,27 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; 1.522,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

$gt; 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [O] de toutes ses demandes,

- condamner Mme [O] à verser à l'association AFTRAL la somme de 500 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile afin de versement auprès d'une association caritative,

- condamner Mme [O] à verser à l'association AFTRAL la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [O] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats formulées par le conseil de Mme [O] par conclusions notifiées par RPVA le 22 mai 2023.

Il est indiqué que le 1 er décembre 2022 à 14 heures 30 s'est tenue une réunion extraordinaire du Conseil économique et social de l'AFTRAL avec pour ordre du jour l'information concernant la plainte pour harcèlement visant un membre du comité exécutif avec la restitution de l'enquête effectuée par le cabinet Arédiance et qu'il résulte du procès-verbal de cette réunion que " En conclusion, au regard des entretiens menés, Mme X. a fait l'objet d'agissements répétés de la part de Mme [E] ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail et de porter atteinte aux droits , à la santé de Mme X., à son travail et à sa dignité.

(')

Plusieurs témoignages convergent pour dire que certaines pratiques ont été avérées. (Exemples : non invitation aux réunions, pratiques humiliantes en réunion entre collègues, contradiction dans les discours tenus, en entretien annuel d'évaluation par exemple).".

Il est soutenu que Mme [O] a eu connaissance de ces faits postérieurement aux plaidoires et qu'ils constituent une cause grave au sens de l'article 803 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile " L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal".

Il est d'abord remarqué que les pièces supplémentaires annoncées ne sont pas produites à la suite des conclusions.

Par ailleurs, le simple fait que Mme [E] soit mise en cause dans une autre relation de travail, presque 5 ans après le licenciement de Madame [O], ne caratérise pas une cause grave au sens de l'article 803 du code de procédure civile.

Dès lors, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de la réouverture des débats est rejetée.

2 - Sur la rupture du contrat de travail

La salariée soutient à titre principal que son licenciement est nul à raison de la dénonciation du harcèlement moral subi et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de faute grave.

2-1-Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L1152-2 du code du travail "Aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l'objet des mesures mentionnées à l'article L. 1121-2."

La salariée soutient , à titre principal, que son licenciement est nul pour avoir été prononcé en suite de la dénonciation des agissements de harcèlement moral qu'elle a subi de la part de Mme [E], directrice des ressources humaines ; il doit en conséquence être recherché si la salariée a subi le harcèlement moral dénoncé, dans la négative, si elle l'a dénoncé de bonne foi et dans l'affirmative, s'il existe un lien suffisant entre le harcèlement moral et sa dénonciation et le licenciement pour faute.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit, dans sa version applicable à la cause, qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié soutient avoir été victime de harcèlement moral de son employeur caractérisés par :

A-l'attitude inaceptable de Mme [E] à son encontre se matérialisant par :

1-des consignes contradictoires ou modifiées après leur exécution, ou des consignes impossibles à réaliser dans le temps imparti;

2-des reproches infondés de Mme [E] à son encontre,

3- une attitude et des demandes tendant à la rabaisser,

4-l'instauration d'un climat de stress en l'infantilisant, l'empêchant de s'exprimer en réunion et en la plaçant en situation gênante vis à vis de ses interlocuteurs,

B-une surcharge de travail artificiellement accrue par des tâches sortant de ses attributions,

C-le retrait de certaines de ses principales missions,

La salariée indique que ces faits, dont elle n'a pas été la seule victime, Mme [E] ayant agi de même avec d'autres salariés, a nui à sa santé et a abouti à son arrêt de travail du 29 janvier 2018 pour "syndrôme anxio-dépressif/ harcélement professionnel".

A l'appui du grief n°A- 1, la salariée cite plusieurs exemples " non exhaustifs" . En ce qui concerne le premier exemple,s'il est établi que Mme [E] a demandé à la salariée par mail du 21 décembre 2017 à 8h24 d'intégrer les remarques faites par le président délégué général à propos de la présentation de la "task force", la veille à 22h57, la réunion démarrant à 8h30 ( si bien qu'il lui était difficile de le faire avant), le 21 décembre 2017, rien n'indique que les modifications ne pouvaient pas être faites très rapidement ( le ton employé étant cordial ) et surtout que Mme [E] est venue, en lui hurlant dessus, lui faire le reproche d'être en retard à la réunion.

La salariée donne également en exemple la demande faite par Mme [E] le 17 janvier 2018 d'effectuer les bilans sociaux pour le 15 février 2018 alors que, selon la salariée, il fallait 3 mois sans aide pour les faire sans abandonner ses autres tâches et que les documents devaient être produits au Comité d'entreprise et au Comité central d'entreprise respectivement avant le 15 avril 2018 et le 30 juin 2018.

La salariée ne justifie pas que ce délai lui a été imposé, le SMS envoyé à son époux étant peu probant alors qu'elle ne produit aucune consigne en ce sens de sa supérieure hiérarchique.

Enfin , si le 3ème exemple cité par madame [O] est établi, la demande de Mme [E] semblant changeante à propos des informations à obtenir à propos du "0,05%", il ne peut établir à lui seul le grief n° A-1.

Le grief N°A-2 est établi, la salariée établissant les deux situations de reproches qu'elle donne en exemple et leur caractère infondé.

Le grief A3 n'est pas établi, la seule attestation de Mme [Y] étant insuffisante, le mail du 3 avril 2017 de Mme [E] rapportant seulement qu'à une seule reprise, elle a demandé à Mme [O] d'aller chercher son téléphone portable personnel oublié dans sa voiture.

Le grief n°A- 4 n'est pas établi.

Le grief B n'est pas justifié par la salariée qui se contente de donner un exemple très ponctuel concernant la rédaction d'un article de 5 lignes sur le 1% logement, la réponse aux demandes de quelques utilisateurs ne pouvant démontrer une hausse significative de sa charge de travail.

En ce qui concerne le grief n° C, la salariée prouve l'arrivée à la DRH de M. [V] sur des missions qui relèvent de ses compétences ( les accords sociaux, les questions juridiques et la gestion sociale). Pour autant, il est tout aussi établi qu'il s'agissait d'apporter un soutien à la salariée dans ses missions et non de la mettre à l'écart ou de la remplacer si bien que le grief ne peut être retenu.

L'établissement du seul grief n° A-2, et plus généralement les faits peu significatifs retenus ci-dessus pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement est confirmé de ce chef.

2-2 Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de ce qui précède que la salariée doit être déboutée de sa demande de nullité du licenciement.

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 16 février 2018, il est reproché à la salariée d'avoir :

1-été négligente dans la prise en charge de la Prévoyance-Groupe, sans traiter le problème ni alerter la direction du caractère urgent du problème.

2-durant la relation de travail, créé une société et avoir effectué des consultations et travailler pour celle-ci durant son temps de travail, faisant ainsi preuve de déloyauté envers son employeur,

3-dénigré sa supérieure hiérarchique et le service RH auprès du Directeur administrattif et financier, lors d'un entretien du 25 janvier 2018 en lui indiquant être en total désaccord avec la stratégie RH déclinée par Mme [E].

La salariée nie l'ensemble des griefs qui lui sont faits.

En ce qui concerne le grief n°1, l'employeur explique qu'il a été informé, lors d'un séminaire RH du 19 janvier 2018 par les responsables

RH régionaux de la mauvaise application des accords de prévoyance et qu'il ait reproché à la salariée de ne pas avoir alerté la directrice de

ressources humaines de l'ampleur et de l'urgence à régler d'un problème

récurrent de prise en charge de la prévoyance.

Il convient de constater que si la salariée n'a pas spécifiquement informé Mme [E] du problème Prévoyance, elle a mis en copie cette dernière des deux mails ( 26 octobre 2017 et 12 décembre 2017) qu'elle a envoyés relativement à ce problème. Il ne peut être retenu que la DRH avait été tenue dans l'ignorance de cette difficulté. Ce grief n'est pas retenu.

En ce qui concerne le grief n°2, la salariée indique qu'elle a crée une auto-entreprise d'activité libérale et non une société , inactive depuis 2016 et radiée depuis le 1er septembre 2017.

La cour constate que selon les documents fournis, la salariée a créé une micro-entreprise spécialisée dans le conseil pour les affaires et autre conseil de gestion, le 18 novembre 2015, dont l'activité a cessé le 1er septembre 2017 ( pièces 21 et 88 de la salariée), selon déclaration faite le 22 février 2018 ( pièce 21). Pour autant, rien n'établit que la salariée a travaillé pour son compte sur son lieu de travail, les deux attestations produites étant parfaitement insuffisantes à l'établir. Ce grief n'est pas retenu.

En ce qui concerne le grief N° 3, il est reproché à la salariée d'avoir manifesté son désaccord avec la stratégie de sa DRH et d'avoir dénigré cette dernière lors d'un entretien pour postuler pour un autre poste avec le DAF de la société.

Il est remarqué que l'entretien s'est tenu dans un contexte de postulation à un autre poste et que la salariée a été pu être amenée à expliquer les raisons de sa demande de mutation et à s'expliquer sur l'état de ses relations avec sa supérieure hiérarchique.

Au delà, il est rappelé qu'aux termes de l'article L 1121-1 du code du travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Il est en premier lieu remarqué que les termes qu'auraient utilisés Mme [O] ne sont pas rapportés dans la lettre de licenciement, si bien que la cour n'est pas en mesure de les apprécier, l'attestation du DAF produite aux débats n'étant d'aucun secours puisqu'il indique " Madame [O] a, à ce moment , décrit un désaccord complet avec la stratégie RH de madame [E]"

Il n'apparaît pas que la salariée se soit exprimé de manière diffamatoire, injurieuse ou excessives dépassant le cadre de la liberté d'expression. Ce grief n'est pas établi.

Aucun grief n'étant retenu, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

3 - Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 4154,24 euros

3-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à 3 mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 12462,72 euros, outre la somme de 1246,27 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3-2-Sur l'indemnité légale de licenciement

En application de l'article R 1234-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, il est dû à la salariée la somme de 1522,54 de ce chef.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3-3-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l'employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.

Au cas d'espèce, la salariée peut prétendre à une indemnité entre un et deux mois de salaire.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à

Mme [Z] [O], de son âge au jour de son licenciement ( 34 ans), de son ancienneté à cette même date ( 1 ans, 5 mois et 18 jours), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 8308,48 euros (deux mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

4-Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct de la rupture

La salariée indique que la société a gravement manqué à son obligation de sécurité à son l'égard. Elle reprend ici l'argumentation développée au titre du harcèlement moral et souligne que la société n'a pas diligenté d'enquête lorsqu'elle a fait part de sa situation de harcèlement moral.

Elle soutient que son licenciement a un caractère vexatoire.

Il a été dit plus haut que la salariée n'a pas subi de harcèlement moral. Par ailleurs, Mme [O] a fait part de cette situation après avoir été convoquée à un entretien préalable.

Elle ne justife en rien du caractère vexatoire de son licenciement.

La salariée est déboutée de sa demande de ce chef. Le jugement est confirmé.

5-Sur les demandes au titre de l'inégalité de traitement

La salariée soutient qu'elle a a manifestement été victime d'une inégalité de traitement par rapport à ses collègues au sein du service des ressources humaines. Au termes de ses écritures, la salariée invoque le principe "A travail égal, salaire égal". Elle soutient que certains collègues avaient un salaire plus élevé que le sien, à poste équivalent.

L'employeur indique qu'il n'en est rien.

Il ressort de l'article L.3221-2 du code du travail que tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les salariés.

Aux termes de l'article L.3221-4 du même code, sont considérés comme de valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse. Il est en outre de principe que les fonctions exercées par les salariés peuvent être différentes, dès lors que les situations sont comparables. La charge de la preuve de l'identité de situation incombe au salarié.

Par ailleurs, en application de l'article L.3221-8 du code du travail, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Il incombe, ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Au cas présent, la salariée produit aux débats un tableau comparatif de rémunérations de deux collègues et leurs fiches de paie sur une certaine période, outre un récapitulatif expérience/ancienneté/diplôme/salaire de 3 collègues ( deux étant les mêmes que sur le premier tableau) et d'elle-même, l'ensemble de ses collègues bénéficiant d'un salaire supérieur au sien.

Mme [Z] [O] démontre que les salariés de l'éventail qu'elle produit à titre de comparaison étaient dans une situation comparable à la sienne et présente ainsi des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

De son côté, l'employeur n'apporte pas suffisamment la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence de rémunération démontrée.

L'inégalité de traitement est donc avérée.

Ses fonctions, son expérience et sa classification étant la plus proche du salarié 2, il est retenu , à titre de rappel de salaire la somme de 2273,48 euros ( pièce 34), outre celle de 227,34 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6- Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d'ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit.

7-Sur les intérêts et leur capitalisation

La cour rappelle qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

8-Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de l'association AFTRAL

L'employeur ne peut qu'être débouté de cette demande, madame [O] ayant à bon droit exercé son action prud'homale.

Le jugement est confirmé de ce chef.

9-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, l'association AFTRAL est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de Mme [Z] [O] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

L'association AFTRAL est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats formulées par conclusions notifiées par RPVA le 22 mai 2023,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le licenciement de Mme [Z] [O] en licenciement pour cause réelle et sérieuse, l'a déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de rappel de salaire,

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association AFTRAL à payer à Mme [Z] [O] les sommes suivantes :

- 8308,48 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2273,48 euros à titre de rappel de salaire, outre celle de 227,34 euros au titre des congés payés afférents.

Ordonne à l'association AFTRAL de remettre à Mme [Z] [O] un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle Emploi conformes au présent arrêt dans un délai de15 jours à compter de sa signification,

Rappelle que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les créances de nature indemnitaire portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne l'association AFTRAL à payer à Mme [Z] [O] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute l'association AFTRAL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne l'association AFTRAL aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/04408
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;20.04408 ?
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