Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 24 MAI 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07301 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAHGN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section Activités diverses - RG n° F18/00920
APPELANTE
ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985
INTIMÉS
Monsieur [X] [L]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par M. [K] [F], délégué syndical ouvrier, muni d'un pouvoir spécial
Maître [T] [P] ès qualités de liquidateur de la EURL EASY TECH SÉCURITÉ
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Stéphane MEYER, président de chambre
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier : Mme Philippine QUIL, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [X] [L] déclare avoir été engagé verbalement par la société Easy Tech Sécurité, pour une durée indéterminée à compter du 15 décembre 2012, en qualité d'agent de sécurité (SSIAP1).
Il a été désigné conseiller du salarié le 14 janvier 2013.
Il a déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Easy Tech Sécurité par lettre du 5 juillet 2014.
Par jugement du 12 janvier 2015, le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Easy Tech Sécurité et par jugement du 9 février 2015, a prononcé sa liquidation judiciaire et désigné la société Angel et [P] en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 1er avril 2016, Monsieur [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny et formé des demandes afférentes à un licenciement nul ainsi qu'à son statut protecteur.
L'affaire a été radiée le 16 février 2016, puis réintroduite le 30 mars 2018.
Par jugement du 14 février 2019, le conseil de prud'hommes de Bobigny a estimé que la prise d'acte de la rupture avait les effets d'un licenciement nul, a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Easy Tech Sécurité les créances suivantes, les a déclarées opposables à l'Ags et a débouté Monsieur [L] de ses autres demandes :
- indemnité de licenciement nul : 9 036,36 € ;
- indemnité compensatrice de préavis :1 506,06 € ;
- indemnité légale de licenciement : 702,82 € ;
- indemnité au titre de la violation du statut protecteur : 45 181,80 € ;
- rappel de salaire 2013 : 11 930,30 € ;
- congés payés incident : 1 193,03 € ;
- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 9 036,36 € ;
- et a condamné La société Angel et [P] aux dépens.
L'Ags a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 juin 2019, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 février 2023, l'Ags demande l'infirmation du jugement, que la péremption soit déclarée acquise au 16 février 2018, à titre subsidiaire le rejet des demandes de Monsieur [L] et qu'il soit jugé que la garantie de l'Ags n'est pas due. Au soutien de ses demandes, l'Ags fait valoir que :
- Monsieur [L] s'étant abstenu d'accomplir des diligences devant le conseil de prud'hommes pendant plus de deux ans, l'instance est périmée ;
- la preuve d'un contrat de travail n'est pas rapportée et à tout le moins, les parties étaient liées par différents contrats à durée déterminée, mais certainement pas par un engagement à temps plein dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ;
- la preuve d'un travail dissimulé n'est pas rapportée ;
- Monsieur [L] ne justifie pas du préjudice allégué ;
- la garantie de l'Ags n'est pas due, dès lors que la rupture n'a pas été prononcée par les organes de la procédure ;
- il doit en tout état de cause être fait application des limites légales de sa garantie.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 février 2023, la société Angel et [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Easy Tech Sécurité, demande également l'infirmation du jugement, que la péremption soit déclarée acquise au 16 février 2018, à titre subsidiaire le rejet des demandes de Monsieur [L], ainsi que sa condamnation à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 2 000 €.
Elle développe une argumentation similaire à celle de l'Ags, ajoutant que la prise d'acte n'était pas justifiée, dès lors qu'aucun élément ne vient prouver que Monsieur [L] se serait tenu à disposition de la société Easy Tech Sécurité de janvier à juillet 2014 et au motif que les faits reprochés par le salarié étaient anciens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie postale le 14 février 2023, Monsieur [L] demande que le moyen relatif à la péremption soit déclaré irrecevable en cause d'appel, la confirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, son infirmation en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes, ainsi que la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Easy Tech Sécurité de ses créances suivantes :
- rappel de salaires de 2014 : 701,02 € ;
- indemnité de congés payés afférente : 70,10 € ;
- il demande également la condamnation de La société Angel et [P] à lui payer une indemnité pour frais de procédure de 2 000 €.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Monsieur [L] expose que :
- la demande de péremption est irrecevable car elle n'avait pas été formulée en première instance et n'est pas fondée ;
- il rapporte la preuve de l'existence d'un contrat de travail en produisant, notamment, des sms échangés avec son employeur ;
- la prise d'acte de la rupture était justifiée par l'absence de contrat de travail écrit malgré ses demandes, l'absence de fourniture de travail et de paiement de ses salaires ;
- la prise d'acte doit prendre les effets d'un licenciement nul en violation de son statut protecteur car la société Easy Tech Sécurité avait connaissance de son mandat de conseiller du salarié ;
- la société Easy Tech Sécurité s'est rendue coupable de travail dissimulé.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
* * *
MOTIFS
Sur la péremption alléguée
Aux termes de l'article 388 du code de procédure civile, la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen.
En l'espèce, l'Ags et le liquidateur judiciaire soulèvent la péremption de l'instance devant le conseil de prud'hommes pour la première fois en cause d'appel.
C'est donc à juste titre que Monsieur [L] soulève l'irrecevabilité de cette demande.
Sur l'existence d'un contrat de travail et ses caractéristiques
Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée.
Il en résulte que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles auraient donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de celui qui se prétend salarié.
Le contrat de travail suppose l'existence d'une prestation de travail en contrepartie d'une rémunération, exécutée sous un lien de subordination, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.
En l'espèce, Monsieur [L] produit une fiche de paie pour la période du 15 décembre au 31 décembre 2012 établie la société Easy Tech Sécurité à son nom.
Il justifie ainsi d'un contrat de travail apparent.
Or, ni la société Angel et [P] , ni l'Ags, ne rapportent la preuve contraire.
Au surplus, Monsieur [L] produit un planning établi à son nom par la société Easy Tech Sécurité, une attestation établie par Monsieur [M], ancien salarié de cette société, déclarant avoir travaillé avec lui pour le compte celle-ci en août 2013, ainsi qu'un procès-verbal de constat établi le 28 mars 2018 par huissier de justice, transcrivant des sms entre Monsieur [L] et des représentants de la société Easy Tech Sécurité, pièces établissant la réalité de prestations de travail entre le 7 février 2013 et le 5 avril 2014.
La réalité de l'existence d'un contrat de travail entre Monsieur [L] et la société Easy Tech Sécurité à compter du 15 décembre 2012 est ainsi établie.
Aux termes de l'article L. 1221-2 du code du travail, le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail.
Aux termes de l'article L. 1242-12 du même code, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif.
En l'espèce, en l'absence de contrat de travail écrit, la relation contractuelle est donc réputée conclue pour une durée indéterminée.
Aux termes de l'article L 3123-14 du code du travail, le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit mentionnant, notamment, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, la nature de cette modification, ainsi que les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.
Il en résulte qu'en l'absence de l'une de ces mentions, l'emploi est présumé être à temps complet et il appartient alors à l'employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, du fait que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas contraint de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
En l'espèce, l'Ags ne produit aucun élément de nature à inverser la présomption de contrat à temps plein attachée à l'absence de contrat écrit.
La relation contractuelle est donc réputée avoir été conclue à plein temps.
Sur la demande de rappel de salaires
Aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.
Aux termes de l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.
En l'espèce, Monsieur [L] produit un décompte précis des horaires de travail qu'il soutient avoir réalisés en 2013 et en janvier 2014, au surplus corroboré par les sms susvisés.
De leur côté, l'Ags et la société Angel et [P] ne produisent aucun élément contraire.
C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a fixé la créance de Monsieur [L] au passif de la société Easy Tech Sécurité à la somme de 11 930,30 € apparaissant dans le décompte, outre 1 193,03 € d'indemnité de congés payés afférente.
Monsieur [L] est également fondé à percevoir un rappel de salaires correspondant au mois de janvier 2014, période pendant laquelle il justifie avoir travaillé au vu du constat d'huissier précité, soit, au vu de son décompte exact, 701,02 €, outre 70,10 € d'indemnité de congés payés afférente.
Sur l'imputabilité de la rupture
Il est de règle que le salarié peut prendre acte de la rupture du contrat de travail et que cette prise d'acte produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'il rapporte la preuve de manquements de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Le paiement de salaire dû constitue l'une des principales obligations de l'employeur.
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 6 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, que l'employeur est tenu d'établir un contrat de travail écrit.
En l'espèce, par lettre recommandée du 24 mars 2014, Monsieur [L] a réclamé l'établissement d'un contrat écrit à la société Easy Tech Sécurité, laquelle n'a pas réclamé la lettre.
Monsieur [L] a alors envoyé, vainement, à la société Easy Tech Sécurité, également en recommandé, un double de cette lettre le 20 avril suivant.
Par lettre recommandée du 5 juillet 2014, il a déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, aux motifs qu'il était privé de travail depuis janvier 2014 et que l'employeur lui devait d'importants arriérés de salaire.
Contrairement à ce que prétend la société Angel et [P] , il n'appartient pas au salarié de prouver qu'il s'était tenu à disposition de son employeur pour travailler.
Par ailleurs, la situation de non-paiement des salaires et de refus de remise d'un contrat de travail écrit persistant, ces faits étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifiaient donc la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, ainsi que le conseil de prud'hommes l'a estimé à juste titre.
Sur les conséquences de la rupture
Aux termes de l'article L.2411-21 du code du travail, le licenciement du conseiller du salarié ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.
Il résulte des dispositions de l'article L.2411-1 du même code que le licenciement prononcé en violation de ces dispositions est nul, ce dont il résulte, que la prise d'acte justifiée de la rupture aux torts de l'employeur par un conseiller du salarié produit les effets d'un licenciement nul, dès lors que l'employeur connaissait le statut du salarié concerné au pus tard lors de l'envoi de la lettre de prise d'acte.
En l'espèce, Monsieur [L] produit une copie de sa carte de conseiller du salarié établie le 15 janvier 2013 par la Direccte et il résulte du constat d'huissier de justice précité, que, le 15 avril 2014, Monsieur [L] a envoyé à son employeur un sms lui rappelant cette fonction.
C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a estimé que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'un licenciement nul.
Monsieur [L] est donc fondé à obtenir paiement d'une indemnité pour licenciement nul, au moins égale à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande d'indemnité à hauteur de 9 036,36 €, correspondant à 6 mois de salaire.
A la date de la rupture, Monsieur [L] avait plus de six mois d'ancienneté et est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 1 506,06 euros.
Monsieur [L] est également fondé à percevoir une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, à hauteur de sa demande, soit 702,82 euros.
Sur la demande d'indemnité pour violation du statut protecteur
En conséquence de la nullité du licenciement, Monsieur [L] a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de trois ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois.
Ses fonctions de conseiller du salarié devant prendre fin le 13 janvier 2016, l'indemnité doit être calculée sur la base de 24 mois et 9 jours, soit 36 597,26 euros. Il convient donc d'infirmer le jugement quant au montant retenu.
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l'employeur, de se soustraire intentionnellement à l'obligation de remise de bulletins de paie ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.
En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent que, malgré les relances et réclamations de Monsieur [L] , la société Easy Tech Sécurité l'a employé sans remise de bulletins de paie pendant plus d'un an, ce dont il résulte que cette omission est intentionnelle.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.
Sur la garantie de l'Ags
Aux termes de l'article L.3253-8, 1° et 2°, l'Ags garantit les sommes suivantes :
" 1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;
2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :
a) Pendant la période d'observation ;
b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;
c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité. [...]
5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :
a) au cours de la période d'observation. [..;] "
En l'espèce, l'Ags soutient que sa garantie ne concerne pas les conséquences de la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] au motif que cette rupture n'a pas été prononcée à l'initiative du liquidateur judiciaire.
Cependant, les créances de Monsieur [L] relatives à la rupture du contrat de travail sont nées lors de prise d'acte de sa rupture, avant la date du jugement prononçant le liquidateur judiciaire de l'entreprise, ce dont il résulte que l'Ags est tenue à garantie en application des dispositions du 1er alinéa du texte susvisé, et non pas des alinéas suivants qui ne s'appliquent pas en l'espèce.
Sur les autres demandes
Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de fixer au passif de la société Easy Tech Sécurité une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens que Monsieur [L] a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Déclare la société Angel et [P] et l'Ags irrecevables en leur demande relative à la péremption de l'instance prud'homale ;
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a fixé au passif de la société Easy Tech Sécurité une indemnité pour violation du statut protecteur de 45 181,80 € et en ce qu'il a débouté Monsieur [X] [L] de sa demande de rappel de salaire de 2014 et indemnité de congés payés afférente ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés ;
Fixe la créance de Monsieur [X] [L] au passif de la procédure collective de la société Easy Tech Sécurité aux sommes suivantes :
- rappel de salaires : 701,02 € ;
- indemnité de congés payés afférente : 70,10 € ;
- indemnité pour violation du statut protecteur : 36 597,26 €
Rappelle que les intérêts au taux légal cessent de produire effet au jour de l'ouverture de la procédure collective ;
Dit que le Centre de Gestion et d'Etude, AGS-CGEA - Idf Est - Unité Déconcentrée de l'UNEDIC devra garantir ces créances dans la limite du plafond légal, y compris les créances résultant de la rupture du contrat de travail ;
Y ajoutant ;
Fixe à titre de créance de Monsieur [X] [L] au passif de la procédure collective de la société Easy Tech Sécurité, une indemnité pour frais de procédure de 1 500 € ;
Déboute la société Easy Tech Sécurité de sa demande reconventionnelle ;
Déboute Monsieur [L] du surplus de ses demandes ;
Déboute la société Angel et [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Easy Tech Sécurité de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;
Fixe au passif de la société Easy Tech Sécurité les dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT