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17/05/2023 | FRANCE | N°22/18660

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 17 mai 2023, 22/18660


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 17 MAI 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18660 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUSJ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Octobre 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 22/54108





APPELANTE



S.A.S. CLUB MONTPARNASSE, RCS de Paris s

ous le n° 878 791 037, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 4]

[Localité 8]



Représentée par Me Caroline HATET-SAU...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 17 MAI 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18660 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUSJ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Octobre 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 22/54108

APPELANTE

S.A.S. CLUB MONTPARNASSE, RCS de Paris sous le n° 878 791 037, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée à l'audience par Me Frédéric COPPINGER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.C.I. [Adresse 1], RCS de Paris sous le n°039 124 250, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée à l'audience par Me Guilhem AFFRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R016

PARTIES INTERVENANTES :

S.E.L.A.R.L. AJ UP prise en la personne de Maître [X] [H] [T], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société CLUB MONTPARNASSE

[Adresse 2]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. FIDES prise en la personne de Maître [G] [V] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société CLUB MONTPARNASSE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentées par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistées à l'audience par Me Frédéric COPPINGER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Mars 2023, en audience publique, Thomas RONDEAU, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 8 novembre 1994, la société [Adresse 1] a donné à bail commercial à la société anonyme Compagnie Gymnase Club - aux droits de laquelle est venue la société anonyme Cmg Sports - des locaux situés [Adresse 1], moyennant un loyer annuel en principal de 1.600.000 francs, hors charges et hors taxes, payable d'avance à une fréquence trimestrielle.

Aux termes d'un protocole d'accord signé le 20 septembre 2018 par la société [Adresse 1] d'une part et par la société Cmg Sports d'autre part, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 années à compter du 1er octobre 2015, moyennant un loyer annuel en principal de 391.805,98 euros.

A la suite d'un apport partiel d'actifs du 28 novembre 2019, la société Club Montparnasse est venue aux droits de la société Cmg Sports en qualité de preneur à bail.

Par acte d'huissier délivré le 7 mars 2022, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme en principal de 728.713,16 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 2 mars 2022 augmenté du coût de l'acte et de pénalités.

Par acte du 12 avril 2022, la société [Adresse 1] a fait assigner la société Club Montparnasse devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;

- ordonner l'expulsion de la société Club Montparnasse et celle de tous occupants de son chef des lieux loués sous huitaine à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, avec le concours de la force publique si besoin ;

- assortir l'expulsion d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;

- ordonner le transport et la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée ;

- condamner la société Club Montparnasse à payer à la société [Adresse 1] la somme provisionnelle de 728.713,16 euros au titre de l'arriéré locatif, avec intérêts au taux légal ;

- condamner la société Club Montparnasse au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale au double du montant du loyer augmenté des charges, à compter du mois d'avril 2022 et jusqu'à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés ou l'expulsion du défendeur ;

- condamner la société Club Montparnasse au paiement d'une somme de 72.871,31 euros au titre de la clause pénale ;

- ordonner à la société Club Montparnasse la communication sous astreinte journalière de 200 euros à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir des comptes annuels 2019, 2020 et 2012, des polices d'assurance et du montant des indemnisations éventuellement perçues au titre des pertes d'exploitation certifié par son expert comptable, de tout justificatif attesté par son expert comptable concernant les aides qu'elle aurait potentiellement reçues au titre du fonds de solidarité, du justificatif des prêts garantis par l'Etat sollicités et obtenus au soutien de son exploitation ;

- condamner la société Club Montparnasse au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris le coût du commandement.

En réplique, la société défenderesse a en substance demandé que l'action en référé soit déclarée irrecevable et subsidiairement le rejet des demandes.

Par ordonnance contradictoire du 21 octobre 2022, le magistrat saisi a :

- rejeté l'exception d'incompétence ;

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 7 avril 2022 ;

- ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Club Montparnasse et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

- rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Club Montparnasse, à compter de la résiliation du bail du 8 avril 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

- condamné par provision la société Club Montparnasse à payer à la société [Adresse 1] la somme de 728.713,16 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 7 mars 2022 (premier trimestre 2022 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022 ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale ;

- déclaré irrecevables les demandes de communication de pièces formulées par la société demanderesse ;

- condamné la société Club Montparnasse aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement délivré le 7 mars 2022 ;

- condamné la société Club Montparnasse à payer à 1a société [Adresse 1] la somme 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes des parties ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 2 novembre 2022, la société Club Montparnasse a interjeté appel de cette décision.

Par jugement d'ouverture du 24 novembre 2022, la société Club Montparnasse a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, la société Aj Up étant désignée administrateur avec mission d'assistance et la société Fides étant désignée mandataire judiciaire.

Dans leurs conclusions remises le 20 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société Club Montparnasse et les sociétés Aj Up, en qualité d'administrateur judiciaire de la société Club Montparnasse, et Fides, en qualité de mandataire judiciaire de la société Club Montparnasse, demandent à la cour, au visa des articles 145, 325, 329, 554, 757 alinéa 1er, 699, 700, 771 et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, des articles 1104, 1218, 1219 et 1728 du code civil, de :

- déclarer la société Club Montparnasse recevable et bien fondée en son appel à l'encontre de l'ordonnance de référé du 21 octobre 2022 du Président du tribunal judiciaire de Paris ;

- recevoir l'intervention volontaire des sociétés Aj Up et Fides, en leurs qualités respectives d'administrateur et mandataire judiciaires de la société Club Montparnasse, désignées suivant un jugement rendu le 24 novembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris ;

- confirmer l'ordonnance de référé du 21 octobre 2022 du président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale ;

déclaré irrecevables les demandes de communication de pièces formulées par la société demanderesse ;

- infirmer l'ordonnance de référé du 21 octobre 2022 du président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

rejeté l'exception d'incompétence,

constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 7 avril 2022,

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Club Montparnasse et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Club Montparnasse, à compter de la résiliation du bail du 8 avril 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires,

condamné par provision la société Club Montparnasse à payer à la société [Adresse 1] la somme de 728.713,16 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 7 mars 2022 (premier trimestre 2022 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022,

condamné la société Club Montparnasse aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement délivré le 7 mars 2022,

condamné la société Club Montparnasse à payer à la société [Adresse 1] la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter l'appel incident formé par la société [Adresse 1] au titre de sa demande d'infirmation à la cour à l'encontre de l'ordonnance de référé du 21 octobre 2022 en ce qu'elle a :

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Club Montparnasse, à compter de la résiliation du bail du 7 avril 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires,

rejeté la demande formée par la société [Adresse 1] au titre de la clause pénale ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

- déclarer irrecevable l'action en référé introduite par la société [Adresse 1] compte tenu de l'existence d'une procédure au fond déjà pendante et enregistrée sous le numéro RG 22/04537 devant la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris ;

- ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire du fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Club Montparnasse en application du jugement d'ouverture rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 24 novembre 2022 ;

à titre subsidiaire,

- déclarer que la clause résolutoire ne saurait être mise en oeuvre par la société [Adresse 1] ;

- déclarer que l'action de la société [Adresse 1] se heurte à de multiples contestations sérieuses ;

en conséquence,

- déclarer que les loyers et charges réclamés au titre des périodes de fermetures administratives imposées dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19 ne sont pas exigibles ;

- débouter la société [Adresse 1] de sa demande provisionnelle de paiement à hauteur de 997.487,46 euros TTC dès lors qu'elle ne démontre pas l'existence d'une obligation non sérieusement contestable de la société Club Montparnasse ni d'une créance certaine dans ses principe et quantum ;

- débouter la société [Adresse 1] de sa demande de condamnation dirigée à l'encontre de la société Club Montparnasse de voir régler la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

en tout état de cause,

- condamner la société [Adresse 1] à verser à la société Club Montparnasse la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Hatet-Sauval de la société Naboudet-Hatet en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- rejeter toutes prétentions, fins et conclusions contraires de la société [Adresse 1].

La société Club Montparnasse et les sociétés Aj Up, en qualité d'administrateur judiciaire de la société Club Montparnasse, et Fides, en qualité de mandataire judiciaire de la société Club Montparnasse, font en substance valoir :

- que le juge des référés était incompétent du fait de l'assignation délivrée au fond à la demande de la société Club Montparnasse le 11 avril 2022 ;

- que par l'effet de la procédure collective, les effets de la clause résolutoire sont suspendus ;

- que des contestations sérieuses s'opposent aux condamnations provisionnelles.

Dans ses conclusions remises le 27 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société [Adresse 1] demande à la cour, au visa de l'article 809 du code de procédure civile et de l'article L. 145-41 du code de commerce, de :

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 21 octobre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a jugé que la clause résolutoire était acquise à effet au 7 avril 2022 et que la société Club Montparnasse, assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, devait être expulsée des locaux litigieux à défaut de restitution volontaire ;

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 21 octobre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a condamné par provision la société Club Montparnasse, assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, à payer par provision à la société [Adresse 1] l'intégralité des loyers, charges et indemnités d'occupation dues pour la somme de 728.713,16 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arrêtés au 7 mars 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022 ;

y ajoutant,

- condamner la société Club Montparnasse assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, au paiement de la somme de 97.331,87 euros au titre des indemnités d'occupation dues à compter du 7 avril 2022 et ce, jusqu'au 24 novembre 2022 ;

- condamner la société Club Montparnasse, assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, au paiement de la somme de 58.898,81 euros au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 24 novembre 2022 et ce, jusqu'au 31 décembre 2022 ;

sur l'appel incident,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 21 octobre 2022 par le Président du Tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a limité le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Club Montparnasse, assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

statuant à nouveau,

- condamner la société Club Montparnasse, assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, à payer à la société [Adresse 1] la somme de 195.902,99 euros par trimestre, équivalent au double du montant du loyer trimestriel annuel, à compter du 7 avril 2022 et ce jusqu'à complète restitution des locaux au bailleur ;

et,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 21 octobre 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a dit qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande formée par la société [Adresse 1] au titre de la clause pénale ;

statuant à nouveau,

- condamner la société Club Montparnasse, assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, à payer à la société [Adresse 1] la somme de 72.871,31 euros au titre de la clause pénale, en application des termes du bail commercial en date du 8 novembre 1994 ;

en tout état de cause,

- débouter la société Club Montparnasse, assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Club Montparnasse, assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, à payer à la société [Adresse 1] la somme de 7.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Club Montparnasse, assistée par la société Aj Up en qualité d'administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire, aux dépens, qui comprendront le coût du commandement de payer.

La SCI [Adresse 1] fait en substance valoir :

- que le juge des référés était compétent pour statuer compte tenu de la date de désignation du juge de la mise en état dans la procédure au fond ;

- que la clause résolutoire est bien acquise ;

- que les condamnations provisionnelles correspondent à des obligations non sérieusement contestables de paiement, la fermeture administrative ne pouvant donner lieu à contestation sérieuse ;

- qu'il y a lieu de faire application des clauses pénales prévues au contrat.

SUR CE LA COUR

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Il sera rappelé à cet égard :

- qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;

- qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En cas d'ouverture d'une procédure collective, la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par le débiteur contre une ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement pour les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par les articles L. 622-21 et L. 631-14 du code de commerce.

De même, la demande du bailleur tendant à faire constater la résiliation du bail commercial sur le fondement d'une clause résolutoire, visant des loyers dus antérieurement à l'ouverture de la procédure, est également soumise à l'arrêt des poursuites individuelles, peu important à cet effet que l'ordonnance de référé soit exécutoire à titre provisoire ou qu'il y ait eu des mesures d'exécution de la décision.

En revanche, en application de des articles L. 622-17 et L. 631-14 du code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéances.

Le juge doit alors vérifier le caractère utile de la créance.

En l'espèce, il y a d'abord lieu de recevoir en leur intervention volontaire les sociétés Aj Up et Fides, en leurs qualités respectives d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Club Montparnasse.

La société appelante, tout comme devant le premier juge, fait valoir que le juge des référés n'était pas compétent pour statuer, le juge du fond ayant déjà été saisi lors de la délivrance de l'assignation en référé.

L'article 789 du code de procédure civile dispose que, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable et ordonner toutes autres mesures provisoires.

Le juge des référés a été saisi par une assignation délivrée par la société bailleresse le 12 avril 2022, placée le 13 avril suivant.

Le juge du fond a lui été saisi par assignation du 12 avril 2022, placée le 13 avril 2022, étant observé qu'à cette date, le juge de la mise en état n'avait pas été désigné faute de fixation de l'affaire à une audience d'orientation à cette date, le premier juge indiquant que le juge de la mise en état a en fait été désigné le 10 juin 2022.

Aussi, à la date de sa saisine, le juge des référés pouvait encore parfaitement statuer sur les mesures provisoires sollicitées, en l'absence de désignation du juge de la mise en état dans la procédure engagée au fond.

C'est à juste titre que l'exception d'incompétence a été rejetée, ce que confirmera la cour.

S'agissant de la résiliation du bail, il sera observé :

- que, compte tenu du commandement de payer délivré le 7 mars 2022, la clause résolutoire a pu être acquise au 7 avril 2022 ;

- que, cependant, un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire a été rendu par le tribunal de commerce de Paris le 24 novembre 2022 ;

- que, dans ces circonstances, sans évoquer les autres moyens, la demande de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire pour des loyers antérieurs au jugement d'ouverture se heurte au principe de l'arrêt des poursuites individuelles, de sorte qu'il sera dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande et sur toutes les conséquences de droit en résultant, par infirmation de la décision entreprise ;

- que, concernant les arriérés dus, les demandes en paiement pour les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure sont également devenues irrecevables en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites, ce qui commande là encore de dire n'y avoir lieu à référé sur ces demandes, en ce également compris toutes sommes réclamées en application de la clause pénale à hauteur de 72.871,31 euros pour la période arrêtée au 7 mars 2022 ;

- qu'est toutefois également sollicitée par la bailleresse la somme de 58.898,91 euros, pour la période du 24 novembre 2022 au 31 décembre 2022 (décompte produit par l'intimée, pièce 19) ;

- que, s'agissant d'une créance née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, eu égard aux dispositions susrappelées, le juge des référés peut entrer en voie de condamnation s'agissant des créances utiles ;

- que ladite créance apparaît utile, étant la contrepartie de l'occupation des lieux et permettant donc la poursuite de l'activité de la société Club Montparnasse ;

- que, par ailleurs, les développements sur les conséquences de la crise sanitaire du Covid-19 quant à l'obligation de paiement de la société preneuse sont inopérants, s'agissant d'une échéance examinée par la cour pour la période du 24 novembre 2022 au 31 décembre 2022, période qui n'était pas concernée par les mesures de confinement ou de restriction ;

- que, pour les sommes dues à compter du 1er janvier 2023, qui correspondent aussi à des créances nées postérieurement au jugement d'ouverture, la bailleresse sollicite la fixation d'une indemnité d'occupation provisionnelle de 195.902,99 euros par trimestre, équivalent au double du montant du loyer trimestriel annuel, jusqu'à complète restitution des lieux ;

- que le paiement d'une somme liée à l'occupation des lieux, en ce compris à compter du 1er janvier 2023, est certes pour rappel une créance utile, contrepartie de l'occupation des lieux permettant la poursuite de l'activité ;

- que la condamnation ne saurait toutefois excéder le montant du loyer trimestriel, dans la mesure où, d'une part, le doublement du montant ne constitue pas une créance utile correspondant à la prestation fournie au débiteur et où, d'autre part et en toute hypothèse, le doublement de l'indemnité d'occupation provisionnelle par rapport au loyer prévu au contrat s'analyse en une clause pénale par sa finalité comminatoire et indemnitaire, susceptible d'être réduite par le juge du fond, du fait de l'avantage manifestement excessif qu'elle procure au bailleur ;

- qu'il y a donc lieu d'entrer en voie de condamnation provisionnelle pour les seules sommes indiquées au dispositif du présent arrêt.

Le sort des frais et dépens de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

A hauteur d'appel, il sera dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chacune des parties conservant la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Reçoit en leur intervention volontaire les sociétés Aj Up et Fides, en leurs qualités respectives d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Club Montparnasse ;

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence et en ce qu'elle a statué sur le sort des frais et dépens de première instance ;

L'infirme au surplus ;

Condamne la société SAS Club Montparnasse, assistée par la SELARL AJ Up, en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL Fides, en qualité de mandataire judiciaire, à verser à la SCI du [Adresse 1] la somme provisionnelle de 58.898,91 euros au titre des arriérés dus pour la période du 24 novembre 2022 au 31 décembre 2022 ;

Condamne la société SAS Club Montparnasse, assistée par la SELARL AJ Up, en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL Fides, en qualité de mandataire judiciaire, à verser à la SCI du [Adresse 1] une indemnité d'occupation provisionnelle à compter du 1er janvier 2023, et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/18660
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;22.18660 ?
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