La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2023 | FRANCE | N°22/12667

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 17 mai 2023, 22/12667


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 17 MAI 2023



(n°17, 17 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 22/12667 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDP4



Décision déférée : Ordonnance rendue le 04 juillet 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS (25/2022)



Nature de la décision : Cont

radictoire



Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L1...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 17 MAI 2023

(n°17, 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/12667 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDP4

Décision déférée : Ordonnance rendue le 04 juillet 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS (25/2022)

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 29 mars 2023 :

INTER INVEST S.A.

Prise en la personne de son Directeur général

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 383 848 660

Élisant domicile au cabinet CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-Fabrice BRUN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

APPELANTE

et

LA DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

Assistée de Me Nicolas NEZONDET substituant Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 29 mars 2023, l'avocat de l'appelante et l'avocat de l'intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 17 Mai 2023 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Le 4 juillet 2022, le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance (25/2022) à l'encontre des sociétés suivantes :

- La SAS SUN BAT, représentée par son président, M. E. B , dont le siège social est sis [Adresse 15], et qui a pour objet social la production d'électricité, commercialisation, et pose de chauffe-eau solaire, fabrication et importation de chauffe-eau solaire.

- La SAS ECO TECH SAS, représentée par son président, M. [K], dont le siège social est sis [Adresse 4], et qui a pour objet social l'activité de captage, traitement et distribution d'eau.

- La SAS MARINA SERVICES PLUS, représentée par son président, M. [K], dont le siège social est sis [Adresse 3], et qui a pour objet social l'activité de prestations de services administratifs et de soutien aux entreprises.

L'ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants:

- locaux et dépendances sis [Adresse 2] susceptibles d'être occupés par les sociétés SA INTER INVEST et/ou. FORTUNY 21 et/ou SNC FORTUNY A 10 et/ou SNC FORTUNY A 15 et/ou SNC FORTUNY A 14 et/ou FORTUNY A 16 et/ou SNC FORTUNY et/ou JB IMMO et/ou DP INVESTISSEMENTS et/ou JD INVEST et/ou INTER INVEST ISF 2017 et/ou GOLDINVEST et/ou INTEGRAL PLACEMENT et/ou INTER INVEST DEVELOPPEMENT et/ou INTER ACTION DIGITAL et/ou GD INVEST et/ou FINANCIERE DES JACOBINS et/ou PM INVEST et/ou INTER INVEST ISF 2016 et/ou JFB INVEST et/ou GS INVEST et/ou JMB INVEST et/ou AA INVEST et/ou BM INVEST et/ou VD INVEST et/ou IAC PARTNERS et/ou INTER INVEST SERVICES. et/ou INTER INVEST IMMOBILIER et/ou SUNSNOW LOCATION et/ou ASS LES AMIS DU THEATRE EN MER et/ou SCI JAFRISA et/ou SCI [Localité 28] [Localité 16] et/ou ASS POUR LA GESTION DU FOND ASSURANCE et/ou BP JUDAIQUE et/ou FORTUNY A 17 et/ou FORTUNY A 19 et/ou FORTUNY A 12 et/ou FORTUNY A 18 et/ou FORTUNY A 13 et/ou FORTUNY A 11 et/ou INTER INVEST PATRIMOINE et/ou G21 FONCIERE et/ou INTER INVEST CAPITAL et/ou toutes autres sociétés entretenant des liens juridiques ou capitalistiques avec la SA INTER INVEST ou avec [N] [G] ou [V] [G].

L'autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la SAS SUN BAT, qui se soustrait à ses obligations en matière d'impôt sur les sociétés pour les exercices clos les 31/12/2018 au 31/12/2020 ainsi qu'en matière de TVA au titre des années 2019 et 2020, que la SAS ECO TECH SAS, qui ne déclarerait pas la totalité de son chiffre d'affaire en matière de TVA et en matière d'impôt sur les sociétés en 2018 et qui se soustrait à ses obligations en matière d'impôt sur les sociétés pour les exercices clos les 31/12/2019 et 2020 ainsi qu'en matière de TVA en 2019 et 2020, que la SAS MARINA SERVICES PLUS, qui se soustrait à ses obligations en matière d'impôt sur les sociétés ainsi qu'en matière de TVA, ne procèderaient pas à la passation régulière régulière de leurs écritures comptables et ainsi sont présumées s'être soustraites et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les bénéfices, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-1 pour l'IS et 286 pour la TVA).

L'ordonnance était accompagnée de 29 pièces .

Il ressortait des éléments du dossier que :

Concernant la SAS SUN BAT

La SAS SUN BAT, créée le 8 janvier 2018 à [Localité 14], exerce l'activité de production d'électricité, commercialisation et pose de chauffe-eaux solaires, fabrication et importation de chauffe-eaux solaires et a pour dirigeant E B.. La Brigade de contrôle et de recherche de Guadeloupe a exercé un droit d'enquête établissant qu'entre 2018 et 2019, la société achète des chauffe-eaux solaires, les revend à des SNC et les loue à des particuliers dans le cadre de contrat de fourniture d'énergie destiné à la production d'eau chaude sanitaire, elle a émis une facture le 21/09/2018 faisant état d'une TVA NPR (TVA non perçue récupérée ) de 20.961 euros à destination de la société RIVOLI A 74. Les SNC DANTON A 33, DANTON A 35 et TERNES D 7 ont déposé des demandes de remboursement en 2018 mentionnant une TVA NPR avec pour précisions ' SUN BAT 6/11/2018". Ainsi il apparaît que la SAS SUN BAT, à la fois fournisseur, locataire et exploitant de chauffe-eaux solaires constituant pour les SNC RIVOLI A 74, TERNES D 7, DANTON A 33 et DANTON A 35 des investissements bénéficiant de l'Aide fiscale Outre-mer.

Elle est également locataire/exploitant des biens d'investissement bénéficiant de l'aide fiscale Outre-mer portés par les SNC [Adresse 29], [Adresse 30], [Adresse 31], [Adresse 32], [Adresse 33], [Adresse 34], [Adresse 35], [Adresse 23], [Adresse 24], [Adresse 25], [Adresse 26], [Adresse 27], [Adresse 17], [Adresse 18], [Adresse 19], [Adresse 20], [Adresse 21], [Adresse 22], [Adresse 12], [Adresse 13], [Adresse 10] et [Adresse 11], représentant une valeur supérieure à 2.7 millions d'euros en 2018. Il était également présumé que la SAS SUN BAT a poursuivi son activité en 2019 et 2020. La SAS SUN BAT n'a pas souscrit ses déclarations d'impôt sur les sociétés depuis sa création le 1/1/2018 pour les exercices clos entre 2018 et 2020, ainsi que ses déclarations de TVA des années 2019 à 2021.

Dès lors la SAS SUN BAT est présumée se soustraire à ses obligations fiscales en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31/12/2018, 31/12/2019 et 31/12/2020 ainsi qu'en matière de TVA au titre des années 2019, 2020 et 2021.

Concernant la SAS ECO TECH SAS

La SAS ECO TECH SAS, créée le 1er juin 2018 à [Localité 14], exerce l'activité de captage, traitement et distribution d'eau et a pour dirigeant [K]

Il serait également établi que la SAS ECO TECH SAS est locataire/exploitante de biens d'investissements bénéficiant de l'Aide fiscale Outre-Mer en 2018 et 2019, représentant une valeur totale supérieure à 1,1 millions d'euros.

Sur les imprimés n° 2083 concernant les aides fiscales à l'investissement Outre-mer souscrites par les SNC RIVOLI B 58, ODEON D56 et SEVRES 91 au titre de 2018, et souscrites en 2019 par les SNC ALMA 43, RIVOLI E 53, RIVOLI E 76 et RIVOLI E 90 il apparaît que les SNC donnent en location à la SAS ECO TECH SAS des biens d'investissements bénéficiant de l'aide fiscale qu'elles ont acquis pour une valeur de 473.100 euros ( 2018) et 664.680 euros (2019).

Ainsi la SAS ECO TECH SAS est locataire /exploitante de biens d'investissements bénéficiant de l'aide fiscale Outre-mer en 218 et 2019, représentant une valeur totale supérieure à 1,1 millions d'euros, il apparaît également que la SAS ECO TECH SAS a poursuivi son activité en 2019.

La SAS n'a pas souscrit sa déclaration d'impôt sur les sociétés pour les exercices clos entre 2019 et 2020, ainsi que ses déclarations de TVA des années 2019 et 2020.

Dès lors, la SAS ECO TECH SAS se soustrait à ses obligations fiscales en matière d'impôt sur les sociétés et de TVA au titre des exercices clos les 31/12/2019 et 31/12/2020.

Par ailleurs, la SAS ECO TECH SAS, est présumée minorer sa base imposable à l'impôt sur les sociétés ainsi que son chiffre d'affaires imposable à la TVA au titre de l'exercice clos le 31/12/2018 et ne procéderait pas ainsi à la passation régulière de ses écritures comptables.

Il ressortait ds éléments du dossier (pièce 11) que les sociétés SUN BAT et ECO TECH SAS qui ont en commun leur dirigeant, entretiennent des relations commerciales avec des SNC dirigées par la SA INTER INVEST dans le cadre d'investissements bénéficiant de l'Aide fiscale Outre-mer.

La société SA INTER INVEST, créée le 06/12/1991 et sise [Adresse 2], a pour président de son conseil d'administration A A et pour activité le financement des entités situées dans les DOM COM dans le cadre de dispsoitifs fiscaux Ad Hoc et d'entreprise d'investissement pour le service de placement garanti. Elle possède uen expetise du tissu économique et a financé 54 000 projets industriels depuis 1991.

La SA INTER INVEST, professionnel de la défiscalisation Outre-mer depuis plusieurs décennies, inscrite sur le registre des monteurs en défiscalisation de la Préfecture de région Ile-de-France, exerce une activité professionnelle qui consiste à obtenir pour autrui l'avantage fiscal prévu à l'article 199 undecies B du CGI et soumise aux principes généraux de la charte déontologique prévue par les dispositions de l'article 242 septies du CGI.

L'article 21 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des investissements Outre-mer, précise que l'octroi de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du CGI est subordonné au respect par les entreprises réalisant l'investissement et les entreprises exploitantes, de leurs obligations fiscales et sociales et de l'obligation de dépôt de leurs comptes annuels selon les articles L 232-21 à L 232-23 du code de commerce. Les sociétés SAS SUN BAT et SAS ECO TECH SAS, exploitantes de biens d'investissement bénéficiant de ladite aide fiscale portés par les SNC dirigées par la SA INTER INVEST, ne respectent pas leurs obligations déclaratives.

II résulte de tout ce qui précède qu'il peut être présumé que les investissements réalisés par les SNC dirigées par la SA INTER INVEST d'une valeur de plus de 3,8 millions d'euros en 2018 et 2019, et donnés en location aux exploitants SAS SUN BAT et SAS ECO TECH SAS dans le cadre du dispositif de l'Aide Fiscale à l'Investissement Outre-Mer ne remplissent pas les conditions d'octroi de la réduction d'impôt prévue au premier alinéa de l'article 199 undecies B du CGI compte tenu du non-respect par les exploitants de leurs obligations déclaratives.

Concernant la SAS MARINA SERVICES PLUS

La SAS MARINA SERVICES PLUS, créée le 1er mars 2015 à [Localité 14], exerce l'activité de prestations de services administratifs et de soutien aux entreprises et a pour dirigeant [K] Selon les éléments du dossier la SAS a exercé son activité de 2017 à 2020.
Elle n'a pas souscrit ses déclarations de résultats et de TVA depuis sa création en 2015, à l'occasion d'une vérification de comptabilité depuis le 04/11/2021, le service vérificateur a proposé à la SAS des rectifications au titre de l'exercice 2018, (rappel de TVA et supplément d'impôt sur les sociétés), la vérification de comptabilité était toujours en cours en mai 2022.

Dès lors, il apparaît que la SAS MARINA SERVICES PLUS se soustrait depuis 2015 à ses obligations en matière d'impôt sur les sociétés ainsi qu'en matière de TVA, et ne procéderait pas à la passation régulière de ses écritures comptables.

Il résultait des pièces à l'appui de la requête, que compte tenu de ses fonctions de dirigeant au sein des sociétés SAS MARINA SERVICES PLUS ,SAS ECO TECH SAS et SAS SUN BAT , [K] est susceptible de détenir dans les locaux qu'il occupe ([Adresse 7]) des documents et/ ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée.

Compte-tenu de sa qualité de gérant des SNC portant des investissements bénéficiant de l'aide fiscale Outre-mer donnés en location aux sociétés SAS SUN BAT et SAS ECO TECH SAS et des fonctions qu'elle exerce en qualité de monteur en défiscalisation, la SA INTER INVEST est susceptible de détenir dans les locaux qu'elle occupe des documents et/ ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée.

Au vu de tous ces éléments, le JLD a autorisé l'Administration fiscale à procéder, conformément aux dispositions de l'article L.16 B du LPF, aux visites et saisies nécessitées par la recherche de preuve des agissements présumés dans les lieux désignés présumés être occupés par la société SA INTER INVEST et toutes autres sociétés entretenant des liens juridiques avec la SA INTER INVEST qui sont susceptibles d'occuper tout ou partie des locaux en commun : [Adresse 2].

Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées en date du 5 juillet 2022, au [Adresse 2].

Lors du déroulement de ces opérations de visite, la DNEF a obtenu l'autorisation verbale du JLD de [Localité 28] de procéder à la visite des locaux et dépendances sis [Adresse 6], susceptibles d'être occupés par la société SA INTER INVEST.

Le 19 juillet 2022, la SA INTER INVEST a interjeté appel de l'ordonnance du JLD (RG 22/12667).

L'affaire a été fixée au 29 mars 2023 pour être plaidée et mise en délibéré au 17 mai 2023

SUR L'APPEL

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 29 novembre 2022, et par conclusions n° 2 du 24 mars 2023 l'appelante fait valoir :

I Rappel des faits :

A- présentation de la société INTER INVEST

La société INTER INVEST SA est spécialisée dans la structuration, la distribution et la gestion de solutions d'investissements innovantes destinées aux investisseurs personnes physiques et morales,

elle évolue au sein du Groupe INTER INVEST, composé des sociétés INTER INVEST OUTREMER et ELEVATION CAPITAL PARTNERS (société de gestion de portefeuilles régulée par l'AMF), la société INTER INVEST est agréée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en qualité de société de financement des entitées situées dans les DOM COM.

B - le dispositif fiscal instauré par la loi [T].

Ce régime fiscal (art 199 undecies B du CGI) a pour objet d'accorder aux contribuables une aide fiscale au titre des investissements qu'ils réalisent, en l'espèce dans des équipements de production d'énergie renouvelable dans les DOM COM, l'objectif étant de rendre plus attractifs les investissements dans les territoires ultra marins où les coûts de production sont plus élevés qu'en hexagone du fait de l'insularité des territoires.

C- la structuration de l'opération proposée par la société INTER INVEST.

INTER INVEST propose à ses clients, résidents fiscaux français, de les assister dans la réalisation de ces opérations d'investissements dits ' [T]', l'opération proposée est ainsi structurée : les résidents fiscaux deviennent associés d'une société de portage (les SNC gérées par INTER INVEST) dans laquelle ils procèdent à leur investissement (compte courant d'associé). Les SNC, grâce aux fonds récoltés, font l'acquisition de chauffe-eaux solaires auprès des sociétés fournisseurs établies dans les DOM COM, qui sont chargées de l'importation et de l'assemblage des chauffe-eaux solaires. Les SNC acquièrent les chauffe-eaux et les donnent à bail aux sociétés fournisseurs qui en deviennent les sociétés exploitantes conformément au dispositif [T] (octroi de l'avantage fiscal), pour que les associés des SNC puissent bénéficier de la réduction d'impôt les SNC sont tenues de rétrocéder une partie de cet avantage fiscal aux sociétés exploitantes. [X] à ce montage, les sociétés exploitantes (SAS) pourront elles mêmes louer les chauffe-eaux solaires à prix réduits aux personnes physiques domiciliées dans les DOM COM.

Il en résulte que ce schéma bénéficie aux résidents des DOM COM (équipement à prix mesuré des chauffe-eaux, aux SAS ( financement et exploitation des équipements) et aux investisseurs métropolitains réunis au sein des SNC (réduction d'impôt).

D - les vérifications opérées par la société INTER INVEST

En sa qualité de monteur en défiscalisation, la société INTER INVEST vérifie que les SAS, à qui les SNC qu'elle dirige envisagent de confier l'exploitation des chauffe-eaux solaires, sont à jour de leurs obligations déclaratives fiscales et sociales.

Plusieurs SNC ont confié l'exploitation de chauffe-eaux à la SAS SUN BAT en 2018 et à la SAS ECO TECH SAS entre 2018 et 2019. Dans ce cadre, Inter Invest avait sollicité de l'Administration fiscale des documents attestant de ce que les SAS susvisées étaient à jour de leurs obligations fiscales et sociales, Inter Invest a ainsi pu leur confier l'exploitation des chauffe-eaux solaires financés par les SNC qu'elle dirige.

E- l'ordonnance du JLD autorisant les visites et saisies.

Le 4 juillet 2022, le JLD du TJ de Paris a autorisé par ordonnance des opérations de visite domiciliaire dans les locaux et dépendances sis [Adresse 2], sur le fondement de l'article L 16B du LPF , motivée par le fait qu' il existerait des présomptions selon lesquelles les sociétés SAS SUN BAT, SAS ECO TECH SAS et SAS MARINA SERVICES PLUS (inconnue de la concluante) 'sont présumées s'être soustraites à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les bénéfices [...] '.La SA INTER INVEST a fait appel de l'ordonnance et a exercé un recours contre les opérations de visite domiciliaires.

II Discussion

Les termes de l'article L 16B du LPF sont rappelés.

L'ordonnance du JLD expose qu'il existerait des éléments permettant de caractériser des 'présomptions suffisantes' de fraude de la part des 3 SAS.

La société SA INTER INVEST conteste la validité de l' ordonnance délivrée par le JLD aux motifs qu'il n'existe aucun lien entre la SAS MARINA SERVICES PLUS, dont la fraude est présumée et la société SA INTER INVEST, de sorte que rien ne justifie la visite et les saisies autorisées dans les locaux de la société INTER INVEST. En outre, aucune présomption de fraude relative à l'octroi de l'avantage fiscal n'est caractérisée par les faits mentionnés dans l'ordonnance, certains étant faux, d'autres présentés de manière trompeuses et insusceptibles de caractériser de telles présomptions. De surcroît, le JLD n'a en réalité procédé à aucun contrôle concret. Enfin, la mesure ordonnée n'apparaît pas proportionnée au regard de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme (CEDH).

La partie appelante soulève 4 moyens qui justifient que l'ordonnnance soit annulée (A, B, C, D) .

A. L'absence de tout rapport entre la SAS MARINA SERVICE PLUS et la société INTER INVEST.

En application des dispositions de l'article L.16B du LPF, le JLD ne peut autoriser des opérations de visite et de saisie que dans les lieux où des pièces se rapportant à la fraude sont susceptibles d'être détenues. L'annulation de l'ordonnance du JLD est encourue lorsque l'ordonnance ne précise pas en quoi les locaux d'une société sont susceptibles de contenir des documents permettant d'apprécier l'existence de présomptions de fraude (Cass. Com. Fin. Eco., 16 mai 2000, n°98-30.267).

En l'espèce, contrairement aux prétendus manquements de la SAS MARINA SERVICES PLUS évoqués par l'Administration fiscale pour demander l'autorisation des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société SA INTER INVEST, la société appelante soutient qu'elle n'entretient ni n'a jamais entretenu de relations d'affaires avec la SAS MARINA SERVICES PLUS, directement ou par l'intermédiaire des SNC qu'elle gère. D'ailleurs l'Administration fiscale, dans ses conclusions, reconnaît que seules les relations d'affaires existant entre les SNC dirigées par INTER INBEST et les SAS SUN BAT et ECO TECH ont motivé la visite dans ses locaux.

Par conséquent, la SAS MARINA SERVICES PLUS n'ayant strictement aucun rapport avec la société SA INTER INVEST, il est demandé l'annulation de l'ordonnance en ce qu'elle a autorisé la visite nécessitée par la recherche de la preuve d'agissements présumés de la SAS MARINA SERVICES PLUS autorisant les opérations de visite et de saisie dans les locaux sis [Adresse 2] et [Adresse 6].

B. L'absence d'éléments susceptibles de présumer l'existence d'une fraude dans l'octroi de l'avantage fiscal.

En application de l'article L.16B du LPF, plusieurs éléments concordants sont nécessaires pour caractériser des présomptions de fraude de nature à permettre au JLD d'autoriser des opérations de visite et de saisie. Ainsi selon la jurisprudence, l'ordonnance qui retient des éléments insuffisants, incomplets ou inexacts pour caractériser des présomptions de fraude et autoriser une visite domiciliaire doit être annulée. Le Premier Président saisi d'un appel doit analyser si l'Administration fiscale n'a pas omis de présenter au JLD des éléments à décharge de nature à remettre en cause les éléments retenus au titre de l'existence d'une présomption de fraude fiscale (Cass. Com., 14 octobre 2020, n°19-11.115).

L'Administration fiscale présume que l'avantage fiscal a été indûment octroyé aux investisseurs réunis dans les SNC dirigées par la société SA INTER INVEST, or les éléments présentés par l'Administration sont insusceptibles de qualifier de telles présomptions, en réalité l'intention de l'Administration est de remettre en cause l'octroi de l'avantage fiscal de l'article 199 undecies B du CGI, or en l'espèce les obligations incombant aux sociétés exploitantes et à INTER INVEST pour l'octroi de l'avantage fiscal ont été respectées.

1. Sur la naure des obligations des sociétés exploitantes pour l'octroi de l'avantage fiscal.

En vertu des termes de l'article 199 undecies B du Code général des impôts (CGI), l'octroi de la réduction d'impôt est subordonné au respect des obligations fiscales des entreprises réalisant l'investissement et, le cas échéant, au respect des obligations fiscales des sociétés exploitantes. Ainsi, les sociétés exploitantes ont l'obligation de déposer, dans les délais requis, les déclarations servant de base au calcul des cotisations sociales et des impôts directs (IS) et indirects (TVA) et l'obligation de payer les impôts correspondants (Commentaires au BOFiP, BOI-BIC-RICI-20-10-20-50 n°210, 24 décembre 2019). L'octroi de l'avantage fiscal est conditionné au fait que les sociétés exploitantes soient à jour de leurs déclarations fiscales et sociales, et non au caractère exact des déclarations. Le monteur en défiscalisation n'a pas pas le pouvoir de vérifier la parfaite conformité des déclarations fiscales et sociales des sociétés exploitantes.

2. Sur la nature des obligations de la société INTER INVEST pour l'octroi de l'avantage fiscal.

L'article 242 septies du CGI impose aux sociétés ayant pour activité professionnelle d'obtenir pour autrui les avantages fiscaux prévus à l'article 199 undecies B du CGI, d'être inscrites sur un registre public. L'inscription sur ce registre nécessite la réunion de plusieurs conditions notamment 'avoir signé une charte de déontologie et respecter ses dispositions' (6° Article 242 septies du CGI). L'obligation pesant sur INTER INVEST est limitée à la vérification de ce que les SAS exploitantes sont à jour de leurs obligations déclaratives, et non de leur véracité.

3. Sur le respect des obligations requises pour l'octroi de l'avantage fiscal.

En l'espèce, la société SA INTER INVEST fait l'objet d'un agrément comme Prestataire de Service d'Investissement par l'ACPR-Banque de France et par l'AMF, à ce titre INTER INVEST est attentive au respect des contraintes règlementaires des sociétés exploitantes.

Les procédures mises en place par INTER INVEST pour vérifier le respect des obligations déclaratives fiscales et sociales sont précisées ( recueil de procédures de 2018, comité de validation COVAL procédure Bak Office [Localité 28], demande auprès des services fiscaux et/ou administratifs français des attestations sociales et fiscales) (pièces 12 et 13).

La liste des nombreuses attestations de régularité obtenues auprès de la DGFIP et de l'URSSAF tant pour la SAS SUN BAT que le SAS ECO TECH est précisée ( pièces 2 à 9).

S'agissnt de la SAS SUN BAT, il est précisé que la relation commerciale avec INTER INVEST n'existe que pour l'année 2018, et que les SAS SUN BAT et ECO TECH étaient à jour et en règle de leurs obligations déclaratives fiscales et sociales.

La société SA INTER INVEST, en requérant des SAS exploitantes qu'elles lui fournissent la preuve du respect de leurs obligations déclaratives fiscales et sociales et en mettant en place une charte de déontologie selon laquelle elle doit vérifier que les SAS exploitantes sont à jour de leurs obligations fiscales et sociales, a ainsi respecté les dispositions de l'article 242 septies du CGI et du décret n°2015-149 du 10 février 2015.

Il ne peut exister de présomption de fraude de nature à contester l'octroi de l'avantage fiscal perçu par les SNC gérées par INTER INVEST grâce aux équipements exploités par les SAS SUN BAT et ECO TECH. L'Ordonnance sera donc annulée.

C. L'absence de contrôle concret du JLD.

L'article L.16B du LPF oblige le JLD saisi d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire de vérifier le bien-fondé de la demande qui lui est soumise. La Cour de cassation sanctionne tout manquement de celui-ci par l'annulation de son ordonnance.

En l'espèce, aucun contrôle n'a été effectué par le JLD. L'ordonnance rendue le jour même de la requête présentée par l'Administration fiscale reprend à l'identique les affirmations de celle-ci. Par ailleurs, il est matériellement impossible que le JLD ait pu vérifier de manière concrète les 29 éléments présentés par l'Administration fiscale en moins d'une journée. Sagissant d'une ordonnance pré-rédigée par l'Administration, le Juge s'est borné à apposer sa signature, la date de l'ordonnance et la date butoir des opérations.

L'Ordonnance du 4 juillet 2022 sera donc annulée en raison de l'absence de contrôle concret du JLD.

D. L'absence de contrôle de proportionnalité quant à l'autorisation de la visite domiciliaire et de saisie.

L'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) protège le droit à la vie privée et familiale et permet une ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit si elle est prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique.Selon la jurisprudence de la CEDH, des perquisitions ou visites et saisies opérées dans les locaux d'une société commerciale portent atteinte aux droits protégés par l'article 8 de la Convention (Société Colas Est et autres c. FRANCE, n°37971/97; [P] et autres c. BELGIQUE, n°33400/96, 15 juillet 2003). Ainsi, le JLD doit vérifier in concreto si les mesures des visite et de saisie domiciliaire sont proportionnées, en vérifiant notamment qu'aucun autre moyen à la disposition de l'Administration fiscale ne permet d'atteindre le but recherché.

En l'espèce, le JLD n'a procédé à aucun contrôle de proportionnalité alors qu'il aurait dû se rendre compte que l'Administration fiscale avait la possibilité de recourir à de nombreuses autres voies pour obtenir des informations sur les SAS SUN BAT, ECO TECH SAS et MARINA SERVICES PLUS (le contrôle inopiné de l'article L 47 du LPF notamment ). L'ordonnance ne comporte aucune motivation sur le caractère proportionné des mesures. Or les OVS autorisées et pratiquées apparaissent disproportionnées au regard des circonstances, et cela d'autant plus qu'il est constaté l'existence d'erreurs matérielles ou inexactitudes reprises dans l'ordonnance telles qu'elles étaient contenues dans la requête, établissant que le JLD n'a pas effectué un contrôle des éléments soumis à son appréciation mais s'est borné à les restituer sans même les analyser.

Par conséquent, pour l'ensemble de ces motifs, l'annulation de l'Ordonnance entreprise s'impose.

Elle sera prononcée par M. Le Premier Président, soucieux du strict respect des conditions posées par l'article L. 16B du LPF, lesquelles ont en l'espèce été très largement méconnues.

Par ces motifs, il est demandé au Premier Président de la Cour d'Appel de Paris de :

- annuler l'ordonnance rendue le 4 juillet 2022 par le JLD près le TJ de PARIS ;

Et en conséquence,

- annuler les opérations de visites et de saisies domiciliaires autorisées par ordonnance du JLD du 4 juillet 2022 et réalisées le 5 juillet 2022 aux [Adresse 2] et [Adresse 6] ;

- ordonner la destruction de toute copie, sous quelque forme que ce soit, des documents dont la saisie est annulée, à charge pour l'Administration de justifer de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

- dire et juger que passé ce délai, s'appliquera une astreinte de 2.000€ par jour de retard jusqu'à la justification effective de la destruction de ces documents ;

-dire et juger que la DNEF de PANTIN sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;

- interdire à la DNEF de PANTIN d'utiliser d'une quelconque manière les pièces saisies le 5 juillet 2022 de manière directe ou indirecte ;

- condamner la DNEF de PANTIN à verser à la société INTER INVEST la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la DNEF de PANTIN aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions transmises le 22 février 2023 au greffe de la Cour d'Appel, l'Administration fiscale fait valoir :

1- Rappel préalable de la procédure

Par ordonnance du 4 juillet 2022, le JLD de Paris a autorisé des opérations de visites domiciliaires sur le fondement de l'article L 16B du LPF, à l'encontre des sociétés SUN BAT, ECO TECH SAS et MARINA SERVICES PLUS.

2 -Discussion

2.1 Rappel préalable des faits.

L'administration fiscale rappelle la motivation de l'ordonnance du JLD.

2.2 L'argumentation développée par l'appelante ne remet pas en cause le bien-fondé des présomptions retenues par le premier juge

a) Sur les éléments fondant les présomptions.

L'appelante soutient que rien ne justifiait la visite et les saisies dans les locaux d'INTER INVEST au motif qu'il n'existe aucun lien entre la SAS MARINA PLUS et la société INTER INVEST et que les faits mentionnés dans l'ordonnance ne caractérisent aucune présomption de fraude dans l'octroi de l'avantage fiscal , du faits d'élements faux ou présentés de manière trompeuse.

-Concernant la SAS MARINA SERVICES PLUS

L'appelante reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir autorisé la visite des locaux de la SA INTER INVEST qui n'aurait aucun lien avec la SAS MARINA SERVICES PLUS.Ce grief ne pourra qu'être écarté.

Selon l'article L 16B du LPF et la jurisprudence, la visite domiciliaire peut-être autorisée en tous lieux, dès lors qu'il est constaté que des pièces et documents se rapportant à la fraude présumée peuvent s'y trouver, ce qui est le cas des locaux de société en relations d'affaires avec une société présumée frauduleuse.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'Administration n'a pas fait de présentation trompeuse des relations d'affaires entre la SAS MARINA SERVICES PLUS et la SA INTER INVEST, mais les relations d'affaires existant entre les SNC (dirigées par INTER INVEST) et les sociétés SUN BAT et ECO TECH , retenues par le JLD, ont motivé la visite des locaux occupés par INTER INVEST.

Le JLD a bien indiqué ce qui lui permettait de présumer que les locaux occupés par la SA INTER INVEST (en sa qualité de gérant des SNC) étaient susceptibles de comporter des éléments en rapport avec la fraude présumée des sociétés SUN BAT et ECO TECH (agissements dans le cadre des opérations portant sur des investissements bénéficiant de l'aide fiscale Outre-mer), et non pas sur les manquements de la SAS MARINA SERVICES PLUS.

-Concernant la présomption de fraude dans l'octroi de l'avantage fiscal

L'appelante fait valoir que l'ordonnance ne caractérise aucune présomption de fraude dans l'octroi de l'avantage fiscal résultant des opérations d'investissements bénéficiant de l'Aide fiscale Outre-mer réalisées par des SNC dirigées par la SA INTER INVEST avec les sociétés SUN BAT et ECO TECH. Ce grief devra être écarté.

En l'espèce, le JLD visait expressément les articles 54 et 209-I pour l'IS et 286 pour la TVA et non l'article 199 undecies B. Le JLD a retenu que la SAS SUN BAT était à la fois fournisseur et exploitant/locataire de chauffe-eaux solaires d'une valeur de plus de 1,1 million d'euros en 2018 et 2019 constituant de biens d'investissements bénéficiant de l'Aide fiscale Outre-mer portés par des SNC dirigées par la SA INTER INVEST. En partant de ce constat, le JLD a relevé que ces deux sociétés étaient défaillantes fiscalement alors qu'elles exploitaient leur activité à partir de ces biens d'investissements. Par la suite, afin de contextualiser l'activité des sociétés SUN BAT et ECO TECH dans le domaine de la défiscalisation Outre-mer et les conséquences de leurs agissements sur l'octroi d'avantages fiscaux prévu à l'article 199 undecies B du CGI, le JLD a précisé les principes prévus par les dispositions de l'article 242 septies du CGI auxquels est soumise la SA INTER INVEST en sa qualité de professionnel exerçant l'activité consistant à obtenir pour autrui un avantage fiscal. Le JLD a évoqué à partir des agissements des deux sociétés consistant à se soustraire à leurs obligations en matière d'impôt sur les sociétés ainsi qu'en matière de TVA, les conséquences présumées du bénéfice d'un tel avantage fiscal sur les opérations montées par la SA INTER INVEST. Par conséquence, le JLD ne retenait aucune présomption de fraude à l'encontre des contribuables ayant bénéficié d'une réduction d'impôt , ni même à l'encontre de la SA INTER INVEST dont l'activité est seule soumise à l'article 242 septies du CGI.

L'appelante développe l'argument tenant aux obligations incombant aux sociétés exploitantes et à la SA INTER INVEST afin d'établir que les conditions d'octroi de l'avantage fiscal ont été parfaitement respectées.

Il est rappelé que les éléments cités par l'appelante sont inopérants à remettre en cause les présomptions à l'encontre des sociétés SUN BAT, ECO TECH et MARINA SERVICES PLUS ( non respect de leurs obligations déclaratives), de plus le JLD dans son ordonnance n'a pas reproché à la SA INTER INVEST l'absence de ces vérifications.

L'Administration apporte des précisions sur les attestations de régularité fiscale délivrées par la DGFIP produites en pièces adverses et confirment que la société SUN BAT et la société SAS ECO TECH n'étaient pas à jour de leurs obligations déclaratives fiscales.

Il en résulte que l'absence de présomption de fraude de nature à contester l'octroi de l'avantage fiscal invoquée par l'appelante, n'est pas de nature à remettre en cause les présomptions de fraude retenues à l'encontre des sociétés n'ayant pas respecté leurs obligations déclaratives.

b) Sur le contrôle du Juge.

L' appelante soutient que l'ordonnance devrait être réformée aux motifs que le juge n'aurait pas personnellement rédigé l'ordonnance, rendue dans un trop court délai, et n'aurait pas contrôlé la proportionnalité de la mesure qu'il autorisait.

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le fait que la décision soit rendue le même jour que celui de la présentation de la requête est sans incidence sur la régularité de la décision (cass. com., 12/10/2010, n°09-15573). Les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée, cette procédure ne porte pas atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance du juge qui statue sur requête, dans le cadre d'une procédure non contradictoire (cass. crim. 03/05/2018, n°16-25.068). Le nombre de pièces produites ne peut, à lui seul, laisser présumer que le premier juge s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner (cass. com., 30/03/2016, n°14-25.483). Dès lors qu'un second contrôle des pièces produites par l'Administration fiscale à l'appui de sa demande d'autorisation pour diligenter une visite domiciliaire, le grief tiré de l'ineffectivité du contrôle opéré par les JLD ne saurait prospérer (CEDH, 31/08/2010, 5ème section req. n°33088/08, SAS ARCALIA c/ France).

En l'espèce, rien n'autorise l'appelante à suspecter que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces qui étaient soumises à son appréciation, avant de rendre l'ordonnance autorisant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire.

L'appelante fait valoir que la procédure serait manifestement disproportionnée, en ce que l'Administration peut recourir à d'autres procédures, or selon la jurisprudence les dispositions de l'article L.16B du LPF assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, au visa des articles 6 § 1 et 13 de la Convention (cass. com., 12/10/2010, n°09-70.740). S'agissant du contrôle de proportionnalité, aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'Administration pouvait recourir à d'autres modes de preuve (cass. com., 26/10/2010, n°09-70.509) ou à d'autres procédures (cass. crim., 21/04/2014, n°12-28.696). Dès lors que les dispositions de l'article L.16B du LPF organisent la procédure de visite domiciliaire et le recours devant le Premier Président de la Cour d'appel, elles assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, de sorte que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et du domicile est proportionnalité au but poursuivi (cass. com., 20/11/2019, n°18-15.423).

En l'espèce, le JLD a valablement retenu que la procédure de visite domiciliaire était justifiée en ce qu'elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d'accéder à des documents de gestion quotidienne de l'entreprise ou relatifs à l'organisation interne, que le contribuable n'a pas l'obligation de remettre dans le cadre d'une procédure classique.

Par conséquent, il ne peut être reproché à l'Administration d'avoir fait usage de la procédure prévue par l'article L.16B du LPF, au détriment d'une procédure de contrôle inopiné ou de droit de communication.

Par ces motifs, l'administration fiscale demande de :

- confirmer l'ordonnance du JLD de Paris du 04 juillet 2022 ;

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions ;

- condamner l'appelante au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner l'appelante en tous les dépens.

SUR CE

Sur l'absence de tout rapport entre la SAS MARINA SERVICE PLUS et la société INTER INVEST.

Il convient de rappeler qu'il résulte de l'article L 16B du LPF et de la jurisprudence que la visite domiciliaire peut-être autorisée en tous lieux, dès lors qu'il est constaté que des pièces et documents se rapportant à la fraude présumée peuvent s'y trouver, ce qui est le cas des locaux de société en relations d'affaires avec une société présumée frauduleuse.

En l'espèce, le JLD a rendu une ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire à l'encontre de trois sociétés : SAS SUN BAT, SAS ECO TECH SAS et SAS MARINA SERVICES PLUS, dans sa décision il rappelle les éléments de présomption de fraude fiscale qui peuvent être retenus à l'encontre de ces trois sociétés, ainsi que les liens d'affaires entre elles (dirigeant commun en la personne de [K] notamment).

La SA INTER INVEST est désignée dans la décision à titre de société qui occupe des locaux susceptibles de détenir des documents et supports d'informations relatifs à la fraude présumée, eu égard aux relations d'affaire existant entre les SNC (dirigées par INTER INVEST) et les sociétés SUN BAT et ECO TECH visées dans l'ordonnance.

En page 9 et 10 de l'ordonnance, le JLD développe largement les relations d'affaires qui relient les sociétés avec la SA INTER INVEST : qualité de gérant d 'INTER INVEST des SNC et qualité de monteur de défiscalisation, rôle des SNC portant des investissements bénéficiant de l'aide fiscale Outre-mer, investissements donnés en location aux sociétés SAS SUN BAT, SAS ECO TECH SAS , unicité de dirigeant entre les sociétés SAS SUN BAT, SAS ECO TECH SAS et SAS MARINA SERVICES PLUS.

Il en résulte que le JLD a suffisamment caractérisé les relations d'affaires entre les trois sociétés visées dans l'ordonnance et la SA INTER INVEST, justifiant une autorisation de visite domiciliaire au sein des locaux que cette dernière occupe [Adresse 2].

Ce moyen sera rejeté.

Sur l'absence d'éléments de fait susceptibles de présumer l'existence d'une fraude dans l'octroi de l'avantage fiscal.

Il convient de rappeler que l'article L 16B du LPF prévoit que lorsque ' l'autorité judiciaire saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires [...] elle peut autoriser les agents de l'administration des impôts à rechercher la preuve de ces agissements en effectuant des visites [...]', qu'en l'espèce l'ordonnance du JLD contestée est prononcée à l'encontre des SAS SUN BAT, SAS ECO TECH SAS et SAS MARINA SERVICES PLUS, et vise expressément les articles 54 et 209-I pour l'IS et 286 pour la TVA et non l'article 199 undecies B, qu'elle ne caractérise aucune présomption de fraude dans l'octroi de l'avantage fiscal résultant des opérations d'investissements bénéficiant de l'Aide fiscale Outre-mer réalisées par des SNC dirigées par la SA INTER INVEST. Il convient de relever que pour retenir les présomptions de fraude à l'encontre des trois SAS, le JLD a retenu à juste titre, en s'appuyant sur les pièces communiquées par l'Administration fiscale et non contestées, que la SAS SUN BAT était à la fois fournisseur et exploitant/locataire de chauffe-eaux solaires d'une valeur de plus de 1,1 million d'euros en 2018 et 2019 constituant de biens d'investissements bénéficiant de l'Aide fiscale Outre-mer portés par des SNC dirigées par la SA INTER INVEST, il a également relevé que les deux sociétés visées SUN BAT et ECO TECH étaient défaillantes fiscalement alors qu'elles exploitaient leur activité à partir de ces biens d'investissements. Afin de replacer l'activité des sociétés SUN BAT et ECO TECH dans le contexte du domaine de la défiscalisation Outre-mer et les conséquences de leurs agissements sur l'octroi d'avantages fiscaux prévu à l'article 199 undecies B du CGI, le JLD a précisé les principes prévus par les dispositions de l'article 242 septies du CGI auxquels est soumise la SA INTER INVEST en sa qualité de professionnel exerçant l'activité consistant à obtenir pour autrui un avantage fiscal. Il en résulte que le JLD a évoqué à partir des agissements des deux sociétés SUN BAT et ECO TECH consistant à se soustraire à leurs obligations en matière d'impôt sur les sociétés ainsi qu'en matière de TVA, les conséquences présumées du bénéfice d'un tel avantage fiscal sur les opérations montées par la SA INTER INVEST. En ce qui concerne la SAS MARINA SERVICES PLUS, le JLD a retenu la présomption selon laquelle celle-ci semble se soustraire à ses obligations en matière d'impôt sur les sociétés et de TVA depuis 2015. Il en résulte que le JLD n'a retenu aucune présomption de fraude à l'encontre des contribuables ayant bénéficié d'une réduction d'impôt , ni même à l'encontre de la SA INTER INVEST dont l'activité est seule soumise à l'article 242 septies du CGI.

Concernant les pièces produites par l'appelante sur la nature des obligations des sociétés exploitantes et de la société INTER INVEST pour l'octroi de l'avantage fiscal (pièces 2 à 13), celles-ci ne viennent pas contredire les présomptions de fraude attribuées aux sociétés SAS SUN BAT, SAS ECO TECH SAS et SAS MARINA SERVICES PLUS, présomptions fondées sur les articles 54 et 209-I pour l'IS et 286 pour la TVA.

Ainsi, le JLD a parfaitement motivé sa décision rappelant les éléments permettant d'établir une présomption de fraude à l'encontre des trois SAS visées dans son ordonnance.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l'absence de contrôle concret du Juge des libertés et de la détention.

Il convient de rappeler que la société SA INTER INVEST a interjeté appel de l'ordonnance du JLD du TJ de [Localité 28] n° 25/2022 rendue suite à la requête de l'Administration fiscale sur le fondement de l'article L16B du LPF , qu'il résulte de cet article que 'le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée, cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite', et que 'le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée', qu'il résulte de la jurisprudence constante que le JLD doit apprécier in concreto les pièces qui lui sont soumises.

Il convient de rappeler qu'en l'espèce dans ses conclusions, la partie appelante a demandé l'annulation de l'ordonnance du fait de ' l'absence de contrôle concret du JLD ' en arguant de l'insufffisance des pièces fondant les présomptions de fraude, du caractère identique de l'ordonnance avec la requête, et de la signature d'une ordonnance prérédigée présentée par l'Administration fiscale dans un laps de temps court, qu'elle en déduisait que le JLD n'a pas effectué de contrôle concret de la requête qui lui était soumise.

Il résultait de l'examen in concreto par le délégué du Premier Président dans le cadre de l'appel que la requête de l'Administration s'appuyait sur 29 pièces, qu'aucune pièce à l'appui de la requête ne présente de difficulté particulière, que si l'ordonnance est rendue dans le contexte économique et fiscal du dispositif '[T] industriel', les présomptions de fraude évoquées dans la requête de l'administration et reprochées aux trois sociétés visées (la SAS SUN BAT, la SAS ECO TECH SAS et le SAS MARINA SERVICES PLUS ) concernent des 'manquements aux obligations déclaratives' dont le dispositif ne présente pas de difficulté particulière, que la lecture attentive de la requête qui a donné lieu à une ordonnance de 15 pages et le contrôle des 29 pièces n'exigent pas une étude approfondie pour la compréhension du dossier qui a pu être traité en quelques heures, que l'ordonnance, prérédigée par l'Administration fiscale ainsi que le permet la jurisprudence, a pu être signée le jour de la présentation de la requête.

Il en résulte qu'auncun élément ne permet d'établir que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces et la requête avant de rendre l'ordonnance du 4 juillet 2022.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l'absence de contrôle de proportionnalité quant à l'autorisation de la visite domiciliaire et de saisie.

L'appelante rappelle que le droit au respect de la vie privée consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme est désormais également reconnu à destination des sociétés commerciales qui subissent des visites et saisies dans leurs locaux, ce qui porte atteinte aux droits protégés par l'article 8, que selon la Cour européenne des droits de l'homme la mesure de visite et saisie opérée dans les locaux d'une société constitue une ingérence, que selon le Doyen [F] ' l'exigence de contrôle de la proportionnalité implique une recherche concrète dans chaque cas'. En l'espèce, la partie appelante considère que le JLD aurait dû vérifier in concreto si la mesure de visite domiciliaire étaient proportionnée, ce qu'il n'a pas fait en ne motivant pas son ordonnance sur ce point, alors qu'un simple contrôle de proportionnalité aurait permis au juge de se rendre compte que l'Administration pouvait recourir à d'autres voies, et notamment l'utilisation de l'article L 47 du LPF.

Ainsi la partie appelante estime que la 'perquisition fiscale' était disproportionnée.

Il convient de rappeler qu'en prenant connaissance du dossier présenté par l'Administration fiscale, le JLD exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l'administration à avoir recours à d'autres moyens d'investigation moins intrusifs. En conséquence, la signature de l'ordonnance par le JLD signifie que ce dernier entend privilégier l'enquête et les mesures prévues par l'article L 16B du LPF et qu'il considère que des diligences auprès de la société ou auprès de tiers seraient insuffisantes et dénuées de «'l'effet de surprise'», qu'au surplus aucune disposition légale n'oblige le JLD à motiver sa décision sur le caractère proportionné de la mesure.

L'article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de la vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que 'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui'. En l'espèce, il n'y a pas eu de violation des dispositions de l'article 8 de la CESDH et la mesure n'a aucunement été disproportionnée eu égard au but poursuivi.

Ce moyen sera rejeté.

Ainsi, l'ordonance n° 25/2022 rendue le 4 juillet 2022 par le JLD du Tribunal judiciaire de Paris sera confirmée.

Les circonstances de l'instance justifient l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de la DNEF.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

-Déclarons régulière et confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance 25/2022 rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS en date du 4 juillet 2022 ;

-Rejetons toute autre demande ;

-Disons qu'il convient d'accorder à la DNEF la somme de 500 euros (cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Disons que la charge des dépens sera supportée par la partie appelante.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

[J] [E]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 22/12667
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;22.12667 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award