La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2023 | FRANCE | N°22/11495

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 17 mai 2023, 22/11495


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 17 MAI 2023



(n° 077/2023, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 22/11495 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF7WH



sur renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 16 mars 2022 (pourvoi n°A 20-22.022), d'un arrêt du pôle 5 chambre 2 de la Cour d'appel de P

ARIS rendu le 18 septembre 2020 (RG n°19/07412) rendu sur appel d'un jugement du tribunal de commerce de BOBIGNY - 7ème chambre du 26 février 2019 (...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° 077/2023, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/11495 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF7WH

sur renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 16 mars 2022 (pourvoi n°A 20-22.022), d'un arrêt du pôle 5 chambre 2 de la Cour d'appel de PARIS rendu le 18 septembre 2020 (RG n°19/07412) rendu sur appel d'un jugement du tribunal de commerce de BOBIGNY - 7ème chambre du 26 février 2019 (RG n°2018F00399)

DEMANDERESSES A LA SAISINE

S.A.R.L. LE CAFE JULES -

Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le n° 424 884 179

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Localité 7]

S.A.R.L. SUSHI SHOP KING KONG

Inscrite au RCS de BOBIGNY sous le n° 520 780 982,

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par la SELAFA MJA en la personne de Maître [C] [E], ès-qualités de Liquidateur Judiciaire de la SARL SUSHI SHOP KING KONG.

[Adresse 1]

Représentées par Me Plamenka KUNA RENARD de l'AARPI SKILLS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0145

Ayant pour avocat plaidant Me François-René LEBATARD de la SELASU IDA - AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDERESSE A LA SAISINE

S.A.R.L. FLAC

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro 423 860 964

Représentée par Monsieur [V] [X] [P] [A] pris en sa qualité de mandataire ad hoc

[Adresse 2]

[Localité 7]

Défaillante

INTERVENANT FORCÉ :

Monsieur [V] [X] [P] [A]

Pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société FLAC

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Linda BOUSSOUAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0235

Ayant pour Avocat plaidant Maître Lounis KEMMACHE, avocat au Barreau du Val d'Oise, toque 250

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, Présidente,

Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère,

Mme Déborah BOHEE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

- Rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Les sociétés LE CAFE JULES et SUSHI SHOP KING KONG ( ci après SSKK), immatriculées les 15 septembre 2009 et 9 mars 2010, exploitent respectivement un café, bar, restaurant sous l'enseigne « Café Balthazar » et une activité de restauration rapide japonaise, sous l'enseigne « Sushi Shop », dans l'immeuble Balthazar, [Adresse 6] à [Localité 7], en vertu de baux commerciaux consentis les 3 juillet et 15 octobre 2009.

La société FLAC (immatriculée le 16 septembre 2004) exerçait une activité de restauration, sous l'enseigne « Pizza Piu », sur la même place, pour laquelle elle a bénéficié d'une convention d'occupation du domaine public, conclue avec la Communauté d'agglomération de Plaine Commune pour la première fois le 2 avril 2004 pour une durée de 5 ans, renouvelée le 10 avril 2009, puis le 18 août 2014 pour une durée de 3 ans prenant effet au 6 avril 2014 et expirant le 5 avril 2017.

Reprochant à la société FLAC de ne pas avoir libéré les lieux au terme du dernier renouvellement de la convention et arguant de ce que la poursuite de son activité depuis cette date, dans le cadre d'une occupation illicite du domaine public, était constitutive d'une concurrence déloyale à leur égard, les sociétés LE CAFE JULES et SSKK l'ont fait assigner en réparation de leur préjudice.

Elles ont fait constater, par huissier de justice le 11 novembre 2017, la poursuite de l'activité du restaurant «Pizza Piu» et, après une sommation interpellative infructueuse à la société Flac le 14 novembre 2017, ont fait assigner cette dernière devant la juridiction des référés du tribunal de commerce de Bobigny.

Le juge des référés a, par ordonnance du 19 mars 2018, dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé la cause à la juridiction du fond qui a rendu le 26 février 2019 le jugement dont appel a été interjeté qui :

- s'est déclaré compétent pour trancher le litige et a débouté la société FLAC de sa fin de non-recevoir pour défaut de capacité et de qualité à agir des sociétés LE CAFE JULES et SSKK ;

- a débouté les sociétés LE CAFE JULES et SSKK de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et les a condamnées in solidum au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par un jugement du 12 novembre 2019, la société SSKK a été mise en liquidation judiciaire et la société MJA a été désignée comme liquidateur.

Les sociétés MJA, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SSKK et LE CAFE JULES ont interjeté appel de ce jugement le 5 avril 2019.

La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 18 septembre 2020, a confirmé le jugement déféré, rejeté toutes autres demandes des parties contraires à la motivation et condamné la société LE CAFE JULES et la société SELAFA MJA, prise en la personne de M. [C] [E] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SSKK, aux dépens.

La société FLAC a cessé son activité le 19 juillet 2019. Par procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 1er octobre 2020, il a été décidé la dissolution amiable de la société FLAC, M. [V] [A] étant désigné en qualité de liquidateur. La clôture de la liquidation a été enregistrée le 28 mars 2021 et publiée le 30 mars suivant.

Les sociétés MJA, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SSKK, et la société LE CAFE JULES ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt le 18 novembre 2020.

Par un arrêt du 16 mars 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a statué en ces termes:

- casse et annule cet arrêt, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes des sociétés LE CAFE JULES et SUSHI SHOP KING KONG au titre de la concurrence déloyale, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile;

- remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

- condamne la société FLAC, représentée par son liquidateur amiable, M. [A], aux dépens;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société FLAC, représentée par son liquidateur amiable, M. [A], à payer à la société LE CAFE JULES et à la société MJA, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SUSHI SHOP KING KONG, la somme globale de 3 000 euros.

Les sociétés MJA, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SSKK, et la société LE CAFE JULES ont saisi le 14 juin 2022 la cour d'appel de Paris, cour de renvoi autrement composée.

Par ordonnance du 2 août 2022, le président du tribunal de commerce de Bobigny a désigné M. [V] [A] en qualité de mandataire ad hoc de l'indivision découlant de la dissolution de la société FLAC, avec mission notamment de représenter la société dans les procédures mettant en cause la société dissoute.

La déclaration de saisine et les conclusions des appelantes ont été signifiées à la société FLAC représentée par son mandataire ad hoc le 17 août 2022.

Puis, les sociétés appelantes ont fait assigner en intervention forcée M. [A] pris en qualité de liquidateur amiable de la société FLAC le 17 août 2022.

Par conclusions d'incident notifiées via RPVA le 21 novembre 2022, M. [A] a demandé au conseiller de la mise en l'état de déclarer nulle l'assignation en intervention forcée délivrée à son encontre, pris en qualité de liquidateur amiable le 17 août 2022.

Par ordonnance sur incident du 31 janvier 2023, le juge de la mise en l'état a débouté M. [A] de sa demande tendant à voir déclarer nulle l'assignation en intervention forcée.

Dans leurs dernières conclusions, numérotées 4 et signifiées par RPVA le 1er février 2023, les sociétés LE CAFE JULES et SUSHI SHOP KING KONG, représentée par la société MJA, demandent à la cour de :

- déclarer la S.A.R.L. LE CAFE JULES recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et,

- déclarer la S.A.R.L. SUSHI SHOP KING KONG recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit :

1) sur l'intervention forcée de M. [A] ès qualités de liquidateur amiable de la société FLAC

Vu les articles 331, 554 et 555 du code de procédure civile

- juger recevable l'intervention forcée de M. [V] [X] [P] [A], ès qualités de liquidateur amiable de la société FLAC dans la présente instance ;

2) sur l'appel principal

Vu les articles L. 2122-1, L. 2122-1-1, L. 2122-20 2° du code général de la propriété des personnes publiques et L 1311-5 à L 1311-8 du code général des collectivités territoriales ;

Vu l'article 1240 du code civil et l'article L.237-12 du code de commerce ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 février 2019 en ce qu'il a :

- débouté l'EURL LE CAFE JULES et la S.A.R.L. SUSHI SHOP KING KONG de l'ensemble de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale ;

- condamné solidairement l'EURL LE CAFE JULES et la S.A.R.L. SUSHI SHOP KING KONG à payer à S.A.R.L. FLAC la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement l'EURL LE CAFE JULES et la S.A.R.L. SUSHI SHOP KING KONG aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

- juger que la S.A.R.L. FLAC a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés LE CAFE JULES et SUSHI SHOP KING KONG entre le 6 avril 2017 et le 19 juillet 2019 ;

- juger que M. [V] [X] [P] [A], ès qualités de liquidateur amiable de la société FLAC a commis une faute au préjudice des sociétés LE CAFE JULES et SUSHI SHOP KING KONG ;

En conséquence,

- condamner in solidum la S.A.R.L. FLAC et M. [V] [X] [P] [A], à payer à la société LE CAFE JULES la somme de 197.085 euros en réparation du préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale imputables à la S.A.R.L. FLAC ;

- condamner in solidum la S.A.R.L. FLAC et M. [V] [X] [P] [A], à payer à la société SUSHI SHOP KING KONG la somme de 253.000 euros en réparation du préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale imputables à la S.A.R.L. FLAC ;

2) sur l'appel incident

- débouter la S.A.R.L. FLAC de son appel incident et de l'ensemble de ses demandes.

- débouter M. [A] es qualité de liquidateur amiable de l'ensemble de ses demandes.

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la S.A.R.L. FLAC et M. [V] [X] [P] [A], à payer à la S.A.R.L. LE CAFE JULES et à SSKK la somme de 6.000 € chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et ce compris les frais de procès-verbaux de constats et de sommations interpellatives et les dépens de l'instance de référé pour un montant de 65,21 euros.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 6 février 2023, M. [A], pris en qualité de liquidateur amiable de la société FLAC, demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil et L.237-12 et L.237-14 du code de commerce

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 févier 2019 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- juger que M. [A] n'a commis aucune faute dans son mandat de liquidateur amiable susceptible d'engager sa responsabilité civile

-débouter les appelantes de toutes leurs demandes de condamnation in solidum en ce qu'elles sont dirigées contre M. [A] ès qualité de liquidateur amiable

- condamner solidairement les sociétés CAFE JULES et SUSHI SHOP KING KONG à payer à M. [A] la somme de 3.000 €uros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- condamner les sociétés CAFE JULES et SUSHI SHOP KING KONG aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

La société FLAC représentée par M. [V] [A], es qualités de mandataire ad hoc n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions des appelants lui ont été signifiées par huissier de justice le 17 août 2022 par acte remis à résidence.

Le présent arrêt sera rendu par défaut.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur le périmètre de saisine de la cour

Selon les dispositions de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée, sur les seuls points atteints par la cassation.

Sa compétence ne saurait s'étendre au delà des limites de la cassation et elle ne saurait connaître des chefs de l'arrêt qui, n'ayant pas été atteints par la cassation, sont devenus irrévocables.

Il s'ensuit que la cour d'appel saisie sur renvoi après cassation, ne peut statuer que sur les chefs tels que cassés par l'arrêt du 16 mars 2022.

La cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel selon le motif suivant:

«Vu l'article 1240 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque, qui cause à autrui un dommage, oblige celui parla faute duquel il est arrivé à le réparer.

6. Pour rejeter les demandes des sociétés Le café Jules et MJA, ès qualités, l'arrêt, après avoir constaté que la société Flac ne contestait pas que la convention d'occupation du domaine public n'avait pas été renouvelée à son terme, retient qu'elle n'a eu connaissance de la décision de non-renouvellement de la convention d'occupation du domaine public que le 20 mars 2018, qu'elle n'a pas été mise en demeure de quitter les lieux, n'ayant d'ailleurs pas été expulsée. Il en déduit que la preuve du caractère illicite de l'occupation du domaine public jusqu'à la fermeture du restaurant au mois de juillet 2019 par la société Flac n'est pas rapportée, ni que le maintien dans les lieux de cette société constitue une pratique commerciale déloyale à l'égard des sociétés Le café Jules et SSKK.

7. En statuant ainsi, alors que l'occupation sans titre du domaine public résulte du seul maintien dans les lieux malgré l'absence de renouvellement de la convention d'occupation à son terme et sans que l'administration n'ait à avertir l'occupant de la décision de non-renouvellement, de sorte que le maintien dans les lieux de la société Flac était illicite et constituait un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte sus-visé.»

Le jugement est donc définitif en ce que le tribunal s'est déclaré compétent pour trancher le litige en référence et a débouté la société FLAC de sa fin de non-recevoir pour défaut de capacité et de qualité à agir des sociétés LE CAFE JULES et SSKK.

Sur l'intervention forcée de M. [A] pris en qualité de liquidateur amiable de la société FLAC

La cour constate que l'intervention forcée de M. [A] en qualité de liquidateur amiable de la société FLAC n'est pas contestée dans ses écritures et est donc recevable.

Sur les actes de concurrence déloyale imputés à la société FLAC

Sur les actes de concurrence déloyale

Les sociétés LE CAFE JULES et SSKK rappellent d'abord être en situation de concurrence directe avec la société FLAC oeuvrant dans le même secteur de la restauration, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. Puis, les sociétés LE CAFE JULES et SSKK soutiennent que la violation de la réglementation applicable constitue un acte de concurrence déloyale ; que le non-respect d'une réglementation est susceptible de perturber le marché en plaçant une société dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents qui la respectent, dans la mesure où ceux qui s'affranchissent des réglementations se placent, nécessairement, dans une situation anormalement favorable vis-à-vis de leurs concurrents ; qu'il existe une présomption de trouble commercial pour le concurrent qui en est victime ; que le maintien illicite sur le domaine public de la SARL FLAC constitue donc un acte de concurrence déloyale commis à leur préjudice.

Comme l'a rappelé la Cour de cassation, l'occupation sans titre du domaine public résulte du seul maintien dans les lieux en l'absence de renouvellement de la convention d'occupation à son terme et sans que l'administration n'ait à avertir l'occupant de la décision de non-renouvellement, de sorte que le maintien dans les lieux de la société Flac est illicite et constitue un acte de concurrence déloyale, étant précisé que ce maintien concerne une période comprise entre le 5 avril 2017 et le 19 juillet 2019.

Le jugement dont appel doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a débouté les sociétés LE CAFE JULES et SSKK de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale.

Sur le préjudice subi par les sociétés LE CAFE JULES et SSKK

Les sociétés LE CAFE JULES et SSKK soutiennent qu'en perdant le droit d'occuper licitement le domaine public, la société FLAC a perdu tout droit à bénéficier de l'avantage concurrentiel dont elle bénéficiait auparavant ; que le préjudice provient donc directement du maintien fautif de celle-ci dans les lieux depuis le 6 avril 2017 jusqu'au 19 juillet 2019, date de cessation définitive de l'activité de la société FLAC dans son restaurant PIZZA PIU, à l'origine directe d'une perte de revenus; qu'à cet égard, la cessation de l'activité de la société FLAC a entraîné une augmentation immédiate de la fréquentation du restaurant LE CAFE BALTHAZAR exploité par le CAFE JULES et une augmentation corrélative de son chiffre d'affaires; qu'ainsi, si la société FLAC ne s'était pas maintenue illégalement sur le domaine public à partir du 6 avril 2017, le CAFE JULES aurait bénéficié d'une meilleure fréquentation et d'un chiffre d'affaires supérieur, à l'instar des restaurants évoluant dans un environnement concurrentiel non faussé ; que le manque à gagner imputable à la société FLAC est évalué pour le CAFE JULES d'avril 2017 à juillet 2019 à 197.085 euros ; que le gain manqué par la société SSKK imputable à la SARL FLAC est évalué d'avril 2017 à juillet à 253.000 euros.

En matière de préjudice, la cour rappelle que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit.

En l'espèce, l'occupation illicite du domaine public par la société FLAC lui a permis de bénéficier d'un avantage concurrentiel indéniable par rapport à ses concurrents, les sociétés LE CAFE JULES et SSKK. Il doit cependant être tenu compte de ce que la société FLAC a du, en contrepartie de cette occupation illicite, verser une indemnité d'occupation au profit de la communauté d'agglomération de Plaine Commune sur la période concernée. Par ailleurs, le fait que les locaux exploités par la société FLAC jouissent d'une meilleure commercialité que ceux exploités par les appelantes, qui offrent un moindre visibilité, est préexistant à l'acte dommageable en cause. Il convient également de tenir compte du fait que l'intégralité de la clientèle de la société FLAC n'avait pas vocation à profiter aux seuls établissements exploités par LE CAFE JULES et la société SSKK.

Il ressort de la fiche Infogreffe versée par les appelantes qu'au 30 septembre 2016 la société FLAC générait un chiffre d'affaires de 1.184.619€ pour un résultat de 92.958€.

Il ressort des éléments comptables produits d'abord par la société LE CAFE JULES que, consécutivement à la fin de l'exploitation de son restaurant par la société FLAC, son chiffre d'affaires a augmenté de 16%, ces calculs ayant cependant porté uniquement sur une comparaison des mois de juin à septembre sur la période 2017 à 2019, et non sur une année entière. Ainsi, il convient de constater que son chiffre d'affaires sur la totalité de la période est stable soit au 31/12/2017 de 1.068.442€, pour un résultat de 5.214€, au 31/12/2018, de 1.078.639€ pour un résultat de 59.637€ et au 31/12/2019, de 1.076.644€ pour un résultat de 109.274€, aucune donnée comptable n'étant fournie pour la période postérieure tant en termes de chiffres d'affaire que de fréquentation.

Par ailleurs, le taux moyen d'occupation de son restaurant a légèrement augmenté entre 2018 et 2019 ( de 56 à 57%), même si une augmentation a été relevée entre les mois de juin 2018 et juin 2019 (période durant laquelle le restaurant de la société FLAC a été en partie fermé) ou entre les mois de septembre 2018 et septembre 2019 ( le nombre de clients étant passé entre les mois de juin 2018/juin 2019 de 3089 à 3776 et entre les mois de septembre 2018/septembre 2019 de 3104 à 3759).

La société LE CAFE JULES ne peut donc être suivie lorsqu'elle affirme que le préjudice subi en conséquence de l'occupation illicite de la société FLAC du domaine public lui aurait causé un préjudice à hauteur de 197.085 euros sur la période en extrapolant une augmentation non significative de sa fréquentation sur une période ciblée pour en déduire un manque à gagner sur l'ensemble de la période et alors que son chiffre d'affaires est resté globalement stable, même après la fermeture de l'enseigne «Pizza Piu».

Enfin, si la société CAFE JULES ne précise pas le montant du loyer réglé en contrepartie de l'occupation de ses locaux, le bail produit aux débats mentionne un loyer de 121.280€ en 2011, qui doit être mis en perspective avec l'indemnité d'occupation annuelle de 43.025,15 euros due par la société FLAC sur la même période.

Au vu de cet ensemble d'éléments, la cour estime que le préjudice subi par la société LE CAFE JULES du fait de l'occupation sans titre du domaine public par la société FLAC, sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 60.000€.

Concernant la société SSKK qui a été placée en liquidation judiciaire le 12 novembre 2019, il ressort qu'elle a réalisé un chiffre d'affaires de 868.144€ en 2018 pour un résultat déficitaire de 160.004€, un chiffre d'affaires de 914.488€ en 2017 pour un résultat déficitaire de 55.803€, et, pour la période comprise entre le 1er janvier et le 30 septembre 2019, un chiffre d'affaires de 620.161 (contre 676.028€ sur la même période en 2018). Il n'est pas versé de comparatif de fréquentation postérieure à la fin d'activité de la société FLAC mais il est établi que son chiffre d'affaire a augmenté de 20% en juin 2019 durant la période de fermeture de celle-ci.

Cependant ce seul élément ne peut servir à extrapoler le préjudice qu'aurait subi la société SSKK sur toute la période comme elle le fait pour réclamer une somme de 253.000€.

Enfin, si la société SSKK ne précise pas le montant du loyer réglé en contrepartie de l'occupation de ses locaux, la cession de bail produit aux débats mentionne un loyer de 65.920€ en 2011, qui doit être mis en perspective avec l'indemnité d'occupation annuelle de 43.025,15 euros due par la société FLAC sur la même période.

Au vu de cet ensemble d'éléments, la cour estime que le préjudice subi par la société SSKK du fait de l'occupation sans titre du domaine public, sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 40.000€.

Sur la responsabilité de M. [A], pris en qualité de liquidateur amiable de la société FLAC

Les sociétés LE CAFE JULES et SSKK constatent que la dissolution de la société FLAC est survenue le 1er octobre 2020, immédiatement après l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 septembre 2020, alors que le délai de pourvoi n'était pas encore expiré, la clôture de la liquidation étant enregistrée le 28 mars 2021 et publiée le 30 mars 2021 et la société FLAC radiée du Registre du commerce et des sociétés ; qu'elles n'ont pas été informées de ces opérations malgré la procédure en cours; que ce défaut d'information constitue une faute qui engage la responsabilité du liquidateur amiable; qu'en outre, en sa qualité de liquidateur amiable de la société FLAC, M. [A] était tenu de maintenir l'existence de la société le temps de la liquidation de la créance des appelantes et de solder le passif de la société ; que la faute du liquidateur est constituée dès lors qu'il manque à son obligation de résultat de clôturer après désintéressement de tous les créanciers au regard des procédures en cours ; que la clôture des opérations de liquidation aurait dû être différée tant que le pourvoi en cassation demeurait; que la concomitance de la dissolution de la société FLAC avec l'arrêt de la cour d'appel de Paris et la clôture des opérations de liquidation alors que cette procédure était en cours révèle l'intention manifestement frauduleuse du liquidateur amiable de porter atteinte aux droits des créanciers et d'échapper aux conséquences pécuniaires de cette procédure, dont M. [A] était parfaitement informé ; que la clôture prématurée est une faute qui cause nécessairement une perte de chance en privant les créanciers de la possibilité de recouvrer leur créance.

M. [A] soutient qu'aucune disposition légale n'imposait à la société FLAC de tenir les appelantes informées dans le cadre des opérations de liquidation amiable qui s'imposaient puisque cette dernière n'avait plus d'activité; que c'est en attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 septembre 2020 que les opérations de liquidation ont débuté ; que les appelantes n'ont jamais eu la qualité de créancières de la société FLAC ; que le pourvoi en cassation, dont la société FLAC n'était pas informée, ne constitue pas un motif de suspension des opérations de liquidation amiable qui ont été clôturées légitimement à une date à laquelle les appelantes ne détenaient aucune créance à son encontre; que les prétendues créances des appelantes ne pouvaient être inscrites au passif de la liquidation, à défaut de constituer des créances certaines liquides et exigibles à la date de clôture des opérations de liquidation; que les conditions cumulatives de la mise en jeu de sa responsabilité ne sont ainsi pas réunies.

L'article L.237-12 du code de commerce dispose que le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions.

La cour rappelle que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision.

En outre, le non-paiement d'une créance est fautif lorsque le liquidateur avait connaissance de cette créance. Par ailleurs, lorsqu'une instance est en cours, le liquidateur ne peut pas clôturer la liquidation sans prévoir une provision pour assurer le paiement de la créance litigieuse et doit informer les parties de l'existence de la procédure de liquidation.

Enfin, en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société.

La cour rappelle, par ailleurs, qu'un préjudice peut être indemnisé en termes de perte de chance, soit la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, étant précisé que la perte certaine d'une chance, même faible, est indemnisable.

En l'espèce, la société FLAC a cessé son activité le 19 juillet 2019. Par procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 1er octobre 2020, il a été décidé la dissolution amiable de la société FLAC, M. [V] [A] étant désigné en qualité de liquidateur. La clôture de la liquidation a été enregistrée le 28 mars 2021 et publiée le 30 mars suivant.

Puis, même si le tribunal de commerce de Bobigny dans son jugement du 26 février 2019, confirmé par la cour d'appel de Paris le 18 septembre 2020, avait débouté les sociétés LE CAFE JULES et SSKK de leurs demandes contre la société FLAC, il n'en demeure pas moins qu'un pourvoi a été formé contre cette décision le 18 novembre 2020 et qu'en conséquence ces décisions n'étaient pas irrévocables, l'examen du pourvoi étant en cours lors de la clôture de la liquidation amiable de la société FLAC.

Et, M. [A], en sa qualité de liquidateur amiable de la société FLAC, a nécessairement été informé de cette procédure, au regard des conditions posées notamment par l'article 977 du code de procédure civile propres à la procédure devant la Cour de cassation, de sorte que ce dernier ne peut arguer de son ignorance du pourvoi en cours pour dénier sa responsabilité.

Or, M. [V] [A], en sa qualité de liquidateur amiable de la société FLAC, ne justifie pas avoir informé les appelantes, ni de la procédure de liquidation amiable, ni de sa clôture. Par ailleurs, comme il a été vu, il a procédé à la liquidation de la société FLAC, puis à sa clôture, alors que le litige avec les sociétés LE CAFE JULES et SSKK n'était pas clos et que l'examen du pourvoi étant en cours devant la Cour de cassation, sans provisionner la moindre somme.

Enfin, si comme il l'avance la clôture des opérations de liquidation amiable de la société FLAC se sont soldées par un mali de liquidation de 57.662€, il appartenait au liquidateur, en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations pouvant éventuellement être prononcées à l'encontre de la société, à tout le moins, de différer la clôture de la liquidation, dans l'attente de la décision à venir de la Cour de cassation, et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective, démarche qu'il n'a pas entreprise.

Or, en s'abstenant de procéder à l'ensemble de ces démarches et en clôturant prématurément les opérations de liquidation amiable, M. [V] [A] a commis une faute, occasionnant un préjudice certain aux sociétés LE CAFE JULES et SSKK, en leur faisant perdre une chance de recouvrer leur créance et, en tout état de cause, de préserver leurs droits à l'égard de la société liquidée ou d'agir contre les associés en paiement des dettes sociales.

Cependant, il doit nécessairement être tenu compte de ce que la société FLAC était manifestement en difficulté financière à cette date, avec des pertes à hauteur de 135.926€ et un mali de liquidation de 57.662€ réglé pour pouvoir procéder à la clôture, de sorte que M. [V] [A] ne peut être déclaré responsable du préjudice global subi par les deux sociétés appelantes.

Il convient en conséquence de condamner in solidum M. [V] [A] et la société FLAC représentée par son mandataire ad hoc, au paiement des sommes ci-dessus fixées et de dire que, dans leur relation in solidum, M. [V] [A], sera tenu à hauteur de 20% de ces condamnations et la société FLAC, représentée par son mandataire ad hoc, à hauteur de 80%, en raison de la prépondérance de la faute de cette dernière, dans la survenance du dommage subi par les sociétés LE CAFE JULES et SSKK.

Sur les autres demandes:

La société FLAC représentée par son mandataire ad hoc et M. [V] [A], succombant, seront condamnés in solidum, dans les proportions fixées ci dessus, aux dépens de première instance et d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés en première instance et en appel, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de les condamner in solidum, dans les proportions fixées ci dessus, à verser à la société LE CAFE JULES et la société SSKK représentée par son liquidateur judiciaire, Maître [C] [E], chacune, une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant dans les limites de la cassation partielle,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les sociétés LE CAFE JULES et SSKK de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et les a condamnées in solidum au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant,

Déclare recevable l'intervention forcée de M. [V] [A], pris en qualité de liquidateur amiable de la société FLAC,

Condamne in solidum la société FLAC représentée par son mandataire ad hoc, M. [V] [A], et M. [V] [A] à verser à la société LE CAFE JULES une somme de 60.000€ en réparation de son préjudice commercial subi du faits des actes de concurrence déloyale,

Condamne in solidum la société FLAC représentée par son mandataire ad hoc M. [V] [A] et M. [V] [A] à verser à la société SUSHI SHOP KING KONG représentée par la SELAFA MJA en la personne de Maître [C] [E], es qualités de liquidateur judiciaire, une somme de 40.000€ en réparation de son préjudice commercial subi du faits des actes de concurrence déloyale,

Condamne in solidum la société FLAC représentée par son mandataire ad hoc M. [V] [A] et M. [V] [A] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum la société FLAC représentée par son mandataire ad hoc M. [V] [A] et M. [V] [A], à verser à la société LE CAFE JULES et à la société SUSHI SHOP KING KONG représentée par la SELAFA MJA en la personne de Maître [C] [E], es qualités de liquidateur judiciaire, chacune, une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de procès-verbaux de constats et de sommations interpellatives et les dépens de l'instance de référé pour un montant de 65,21 euros,

Dit que dans leur relation in solidum M. [V] [A], sera tenu à hauteur de 20% des condamnations prononcées et la société FLAC, représentée par son mandataire ad hoc, M. [V] [A], à hauteur de 80%.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/11495
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;22.11495 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award