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17/05/2023 | FRANCE | N°21/03449

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 17 mai 2023, 21/03449


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 17 MAI 2023



(n° 2023/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03449 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQZ3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/04497





APPELANTE



Madame [Z] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me

Aurélie SURIER-RAYMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : A0877





INTIMÉE



S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Valérie BENICHOU, avocat au barreau de PAR...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° 2023/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03449 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQZ3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/04497

APPELANTE

Madame [Z] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélie SURIER-RAYMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : A0877

INTIMÉE

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0891

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La Société générale a employé Mme [Z] [G], née en 1982, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 octobre 2008 en qualité de technicienne back office.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la banque.

En dernier lieu, Mme [G] était responsable d'équipe ' opération au sein du département contrôle dépositaire France, niveau 1 et sa rémunération mensuelle brute moyenne sur les 3 derniers mois (option la plus favorable) s'élevait en dernier lieu à la somme de 3 888,87 €.

Par lettre notifiée le 13 février 2018, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 21 février 2018.

Mme [G] a ensuite été licenciée pour faute en application de l'article 27 de la convention collective de la banque par lettre notifiée le 8 mars 2018.

La lettre de licenciement indique :

« La Commission Paritaire de Recours Interne - Services Centraux - Catégorie des Cadres - s'est réunie le 11 avril 2018 pour statuer sur le recours que vous avez exercé contre la sanction qui vous a été notifiée le 12 mars 2018. Une copie du procès-verbal de la séance est jointe à la présente.

Connaissance prise de l'avis de cette Commission, Société Générale prononce, dans le cadre de l'article 27 de la Convention Collective de la Banque, votre licenciement fondé sur les éléments suivants:

Vous avez été embauchée par Société Générale le 13 octobre 2008. Depuis le 1er juin 2015, vous occupez le poste de Responsable d'équipe Opérations au sein du département Contrôle Dépositaire France à SGSS.

Au regard de votre positionnement hiérarchique et du degré de responsabilités qui sont les vôtres, il vous incombe d'adopter un comportement professionnel exemplaire et respectueux vis-à-vis de l'ensemble de vos collaborateurs et conforme aux règles, principes et valeurs du Groupe.

Or, nous avons été alertés par des collaborateurs de votre équipe sur des comportements agressifs de votre part (critiques, menaces, mensonges, dénigrements, manipulations, pressions et rapports de force).

Des entretiens RH ont alors été menés et formalisés entre le 14 Décembre 2017 et le 16 Janvier 2018 avec l'ensemble de votre équipe, vous-même et votre manager direct pour recueillir des éléments factuels qui permettent d'avoir une vision claire et objective. Au vu de ces entretiens, nous avons pris conscience de la gravité des faits.

Ces agissements ont eu des conséquences pour certains de vos collaborateurs, qui ont connu une dégradation de leurs conditions de travail et se sont trouvés dans une réelle situation de mal-être.

1 - Plusieurs collaborateurs de votre équipe nous ont informés du fait que vous adoptez, régulièrement un comportement agressif, et que vous faites régner un climat délétère au sein de votre équipe. Vous n'acceptez pas la contradiction et vous n'hésitez pas à hausser le ton, voire à crier, pour intimider votre interlocuteur.

Ainsi, à titre d'exemples non exhaustifs, vous avez tenu les propos suivants:

- « Le 8 novembre 2017, j'ai pu assister à une réunion de l'équipe et je me suis aperçu du management de [Z]: elle décide et ne supporte pas d'être contredite. J'ai pu ainsi être témoin lors de cette réunion d'une altercation violente de [Z] à l'encontre de l'une de ses collaboratrices, l'accusant publiquement de mensonges ».

- « Lors d'une réunion du 6 avri12017, elle a fait preuve d'agressivité, claquant la porte car ne supportant pas d'être prise en défaut. Cela m'a marqué plus particulièrement en raison de la violence dont elle a fait preuve ce jour ».

- « [Z] a réussi à créer une sorte d'ambiance de "terreur" »,

- « Elle a besoin de montrer son autorité, elle élève très facilement la voix, il n'y a aucune possibilité de discussion (...). Si nous insistons, elle nous dit systématiquement (et devant tout le monde) que si nous ne sommes pas contents, nous pouvons partir du service et qu'elle ne nous retiendra pas ».

- « Je viens travailler la boule au ventre car je ne sais pas ce qui m'attend au cours de la journée ».

- « En avril 2016, [Z] m'a demandé d'absorber la mission d'un intérimaire. Je lui ai répondu que mathématiquement, il ne me serait pas possible d'intégrer 14 ou 15 semaines dans 11. [Z] m'a répondu: "c'est comme ça, pas autrement, c'est moi la chef qui décide"».

2 - Vos collaborateurs se plaignent du fait que vous utilisez constamment la menace, de façon plus ou moins déguisée, et que vous avez recours aux mensonges et à la manipulation dans le management de votre équipe. A titre d'exemples :

- « Elle nous reçoit régulièrement en one to one pour nous menacer ou nous critiquer. Lors de ces points, elle nous dit qu'elle sait qu'on la critique, qu'elle est au courant de tout ce que I' on peut dire car il y a des personnes qui le lui répètent ».

- « Elle est injuste et elle nous menace régulièrement (...). Elle nous dit régulièrement que c'est elle qui choisit nos primes et augmentations; que lorsque l'on sera en mobilité elle sera obligatoirement contactée par notre futur manager et pourra faire en sorte que l'on soit pris ou refusé à ce poste ».

- « Elle jure tout le temps sur la tête de ses filles et nous nous apercevons souvent que c'est faux. Par exemple elle m'a proposé la semaine dernière [fin décembre 2017] le poste de référent avec une augmentation de salaire conséquente à la clef. [F] [O] m'a confirmé que ce poste n'existait pas et qu'il n'était pas envisagé de le créer ».

3 - Plusieurs de vos collaborateurs décrivent des changements très fréquents d'opinions, de comportements, de sentiments de votre part, ce qui produit un sentiment de malaise et d'instabilité dans l'équipe. A titre d'exemples :

- « Lors du comité hebdomadaire avec les autres managers, [Z] a un comportement extrêmement variable et imprévisible. Elle est souvent sur la défensive et ne se remet jamais en cause, accusant les autres de créer des problèmes ».

- « Je ne comprends pas les changements d'attitude de [Z]. Lors d'un one to one, elle me dit que je suis un très bon auditeur doté d'un bon esprit d'équipe et lors d'un autre one to one, elle dit qu'elle serait meilleure auditrice que moi car plus intelligente. Je lui réponds

" Je considère que tu fais du harcèlement" et elle ajoute "c' est comme ça"

- « Elle souffle constamment " le chaud et le froid " en one to one : soit elle nous fait des reproches, soit elle nous encense ».

4 - il a également été porté à notre connaissance des témoignages selon lesquels vous divisez votre équipe en créant de la suspicion et en appliquant volontairement des inégalités de traitement entre les salariés. A titre d'exemples :

- « Elle critique tous les membres de son équipe lors des one to one (...) On ne peut pas être à la fois bien avec l'équipe et bien avec elle ... Il faut obligatoirement choisir son camp [...]

- « Elle justifie ses actions à partir de rumeurs ou de remarques provenant d'autres collègues [... ]

- « J'avais insisté pour qu'elle organise une réunion avec une collègue et un ancien stagiaire car elle nous avait reçu chacune en one to one pour nous dire qu'il nous avait critiqués. Du coup nous étions allés voir directement le stagiaire qui nous avait soutenu ne jamais avoir eu de propos négatifs sur nous ».

- « Elle divise l'équipe par son comportement: l'équité n'était pas respectée dans cette équipe. Ainsi pour le planning, la répartition des missions n'est pas équitable entre tous les auditeurs ».

Outre le fait que ces agissements sont totalement inacceptables, ils sont de nature à déstabiliser les membres de votre équipe et à engendrer, de fait, un climat de travail anxiogène empreint d'un manque de sérénité certain.

Nous ne saurions tolérer une telle attitude qui, non seulement constitue une violation caractérisée de vos obligations, en totale contradiction avec les valeurs de respect et d'éthique qui sont les nôtres mais nuit également au bon fonctionnement de votre équipe.

Nous confirmons que votre comportement inadmissible rend impossible votre maintien au sein de Société Générale. En conséquence, Société Générale prononce votre licenciement pour faute en application de l'article 27 de la Convention Collective.

Votre licenciement prendra effet à la première présentation de la présente lettre recommandée avec avis de réception. Cette date de prise d'effet de votre licenciement marque le point de départ de votre préavis fixé conventionnellement à trois mois, préavis que nous vous dispensons d'exécuter. Votre salaire vous sera maintenu pendant la durée de celui-ci.

A l'issue du préavis, vous pourrez prétendre au versement de l'indemnité légale de licenciement et recevrez vos documents de fin de contrat, notamment, votre certificat de travail ainsi qu'une attestation de Pôle Emploi.

Nous vous informons que, dans les 15 jours calendaires suivant la notification de votre licenciement, vous pourrez, si vous l'estimez nécessaire, par lettre RAR ou remise contre récépissé, demander des précisions sur les motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre. Nous aurons la faculté d'y donner suite dans un délai de 15 jours calendaires après réception de votre demande, par lettre RAR ou remise contre récépissé. Nous pourrons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours calendaires suivant la notification du licenciement. ».

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [G] avait une ancienneté de 9 ans et 4 mois ; la Société générale occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Mme [G] a saisi le 18 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« Dire le licenciement de Madame [Z] [G] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la SA Société Générale au paiement des sommes suivantes :

- Prime de l'année 2017 : 4.000 euros ;

- Congés payés sur prime : 400 euros ;

- Complément d'indemnité conventionnelle de licenciement : 16.106 euros ;

- Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 4.000 euros ;

- Dommages et intérêts pour licenciement abusif : 72.000 euros ;

- Article 700 du Code de Procédure Civile : 2.500 euros. »

Par jugement du 1er mars 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Déboute Mme [G] de l'ensemble de ses demandes

Déboute la Société générale de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [G] au dépens. »

Mme [G] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 4 avril 2021.

La constitution d'intimée de la Société générale a été transmise par voie électronique le 31 mai 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 7 février 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 21 mars 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 22 janvier 2021, Mme [G] demande à la cour de :

« Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Dire le licenciement de madame [Z] [G] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la S.A. la Société générale GENERALE RCS PARIS 552 1200 222 au paiement des sommes suivantes :

Prime de l'année 2017 4.000e.

Congés payés sur prime 400e

Complément d'indemnité de licenciement, partie conventionnelle 4.225e

Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement 4.000e

Dommages intérêts, pour licenciement abusif, 72.000e

Article 700 du CPC 3.500e »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 6 février 2023, la Société générale demande à la cour de :

« A titre principal :

' Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 1er mars 2021 ;

En conséquence,

' Dire et juger mal fondées les demandes de Madame [Z] [G] ;

' Débouter Madame [Z] [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire,

' Réduire le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicité par Madame [Z] [G] ;

' Débouter Madame [Z] [G] de ses autres demandes ;

A titre reconventionnel,

' Condamner Madame [Z] [G], à titre reconventionnel, au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

' Condamner Madame [Z] [G] aux entiers dépens. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 17 mai 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

L'article 27 de la convention collective de la banque prévoit que « L'employeur qui, en vertu de son pouvoir disciplinaire, prononce le licenciement pour faute d'un salarié doit énoncer dans la lettre de licenciement les faits incriminés ».

La lettre de licenciement mentionne les griefs suivants à l'encontre de Mme [G] :

- un comportement agressif et le fait de faire régner un climat délétère au sein de son équipe ;

- la menace, de façon plus ou moins aiguisée, les mensonges et la manipulation dans le management de son équipe ;

- les changements d'opinions, de comportements, de sentiments, ce qui produisait un sentiment de malaise et d'instabilité au sein de l'équipe ;

- la division de son équipe en créant de la suspicion et en appliquant volontairement des inégalités de traitement entre les salariés.

Mme [G] soutient à titre principal que la procédure devant la commission paritaire est nulle du fait de l'anonymisation des témoignages, et du défaut de réponse à la demande de complément d'information présentée par la représentation syndicale composant la commission paritaire.

À titre subsidiaire, Mme [G] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait de l'absence de preuves valides, des contradictions dans les différentes positions de l'employeur puisque ses évaluations de 2016 et 2017 relèvent ses qualités, et de sa mauvaise foi.

À titre très subsidiaire, Mme [G] soutient que le détournement de procédure du fait du choix de la procédure disciplinaire là, où à supposer les faits établis, il y aurait eu lieu d'utiliser la procédure conventionnelle d'accompagnement de réorientation (art. 26).

Mme [G] produit des attestations de salariés destinées à contredire les griefs en ce qu'ils mettent en avant ses qualités (pièces salarié n° 103, 104, 106, 107 et 108).

La Société générale conteste ces moyens et fait valoir que :

- les faits sont établis par le dossier remis à la commission paritaire de recours interne et à Mme [G] (pièces employeur n° 3 pages 30 à 38, 13, 12, 10, 8, 9) ;

- les témoignages versés sont anonymes du fait de la volonté des salariés que la Société générale respecte, les salariés ayant eu peur d'éventuelles représailles ; l'employeur se devait par conséquent de prendre cette mesure de précaution destinée à assurer la protection de ses salariés ;

- l'authenticité de ces témoignages a été constatée par huissier de justice qui a pris « soin de vérifier l'identité de chacune des personnes ['] et s'est assuré qu'il s'agissait bien d'un salarié de l'entreprise », et qui a constaté que « les documents caviardés et anonymisés sont bien strictement et littéralement conformes aux documents, sur lesquels figurent les noms des salariés de SOCIETE GENERALE non caviardés et anonymisés » ; cela constitue un mode de preuve admis (pièce employeur n° 15 : procès-verbal de constat) ;

- les entretiens annuel d'évaluation que Mme [G] invoque sont antérieurs à la révélation des faits et celui de 2017 signale quand même des difficultés dans le management de Mme [G] ;

- il n'y a pas de détournement de procédure : le licenciement est disciplinaire et il est motivé par les fautes qui lui sont reprochées ;

- les attestations produites par Mme [G] ont été rédigées par d'anciens intérimaires, avec des contrats en moyenne d'à peine un an (à l'exception de M. [R] qui a ensuite été salarié, mais pas dans la même équipe que Mme [G]), et dans des équipes le plus souvent différentes de celle de Mme [G].

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; toutefois, le doute devant bénéficier au salarié avec pour conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, l'employeur supporte, sinon la charge, du moins le risque de la preuve.

Les faits invoqués comme constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

A l'examen des pièces versées aux débats (pièces employeur n° 3, 15, 13, 12, 10, 8, 9 et des moyens débattus la cour retient que la Société générale n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir les faits reprochés à Mme [G] ; en effet la pièce 3 est composée de 38 pages consistant en comptes-rendus d'entretien anonymisés et en courriers électroniques anonymisés qui sont dépourvus de valeur probante dès lors qu'ils sont anonymisés ; la pièce 15 est le procès-verbal de l'huissier qui mentionne « Madame [E] me remet les originaux des documents, sur lesquels figurent les noms des salariés de la Société générale qui ne doivent pas apparaître dans les documents produits dans le débat judiciaire.

Je constate que ces noms ont été remplacés dans la copie des documents par des lettres alphabétiques, afin de garantir leur anonymat.

Je constate que les documents caviardés et anonymisés sont strictement e littéralement conformes aux documents, sur lesquels figurent les noms des salariés de la Société Générale non caviardés et anonymisés.

La copie des documents caviardés et anonymisés est annexée au présent constat. » ; cependant ce procès-verbal ne suffit pas à lever l'anonymat des témoignages produits qui restent donc anonymes pour la cour et pour Mme [G] et sont donc dépourvus de valeur probante ; la pièce 12 est un courrier électronique anonymisé lui aussi comme les pièces 8 à 10 qui sont toutes les quatre dépourvues de valeur probante ; la pièce 13 est un courrier électronique de M. [O] qui ne suffit pas à lui seul à établir les griefs même si son auteur se plaint de l'agressivité de Mme [G].

C'est donc en vain que la Société générale soutient que les éléments de preuve qu'il produit constituent un mode de preuve admis au motif qu'un témoignage anonyme est par principe dépourvu de valeur probante étant ajouté que l'anonymat fait obstacle au droit de contester en justice les faux témoignages ou les dénonciations mensongères en sorte que l'absence de valeur probante qui s'attache aux dénonciations anonymes, prévient les erreurs ou les man'uvres à laquelle sont exposées les personnes visées par de telles dénonciations ;

A contrario la cour retient que xxx rapporte suffisamment d'éléments de preuve pour contredire les griefs au motif que les attestations qu'elle produit (pièces salarié n° 103, 104, 106, 107 et 108) mettent en avant ses qualités.

Il ressort de ce qui précède que l'employeur n'a pas établi, à l'occasion de la présente instance, la cause réelle et sérieuse justifiant, au sens de l'article L. 1235-1 du code du travail, le licenciement de Mme [G] ; en conséquence, le licenciement de Mme [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [G] est justifié, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de Mme [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [G] demande la somme de 72 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la Société générale s'oppose à cette demande et fait valoir que Mme [G] bénéficiait d'une ancienneté de 9 ans à la date de notification de son licenciement, que conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité minimale s'élèvera à trois mois de salaire, soit 11 666,61 euros et l'indemnité maximale à 9 mois de salaire, soit 34 999,83 euros, que Mme [G] a perçu une indemnité légale de licenciement d'un montant de 9 753 euros et a retrouvé très rapidement un nouvel emploi, dès juillet 2018, avant même la fin du préavis de trois mois.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 9 ans entre 3 et 9 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [G], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [G] doit être évaluée à la somme de 12 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la Société générale à payer à Mme [G] la somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour procédure irrégulière

Mme [G] demande une indemnité de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ; la Société générale s'oppose à cette demande et fait valoir qu'il n'y a eu aucune violation de la procédure, un dossier complet ayant été remis à la commission paritaire de recours interne, qui comportait l'ensemble des éléments qui ont motivé et justifié le licenciement (pièce employeur n° 3).

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [G] est mal fondée dans cette demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure au motif d'une part que la qualité critiquable des éléments de preuve communiqués à la commission ne vicie pas la procédure, et au motif d'autre part que le défaut de réponse à la demande de complément d'information présentée par la représentation syndicale composant la commission paritaire ne vicie non plus pas la procédure dès lors que la Société générale a remis à la commission paritaire de recours interne, l'ensemble des éléments qu'elle voulait invoquer pour motiver et justifier le licenciement de Mme [G] (pièce employeur n° 3).

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière.

Sur l'indemnité de licenciement

Mme [G] demande la somme de 4 225 € au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement au motif que c'est l'indemnité conventionnelle de licenciement qui lui est due et non l'indemnité légale de licenciement dès lors que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; la Société générale s'oppose à cette demande et fait valoir que lorsque le licenciement est prononcé en application de l'article 27 de la convention collective de la banque relatif au licenciement pour faute, seule l'indemnité légale de licenciement est due.

Il est constant que Mme [G] a perçu l'indemnité légale de licenciement d'un montant de 9 753 euros.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [G] est bien fondée au motif que le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, Mme [G] a droit au bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande formée au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la Société générale à payer à Mme [G] la somme non utilement contestée en son quantum de 4 225 € au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur la prime 2017

Mme [G] demande la somme de 4 000 € au titre de la prime 2017 « Au vu des appréciations de l'année 2017 » (sic) outre la somme de 400 € au titre des congés payés afférents ; la Société générale s'oppose à cette demande et fait valoir :

- qu'il n'y a pas de droit acquis à percevoir une part variable, encore moins à percevoir d'une année sur l'autre un même montant de part variable

- que ni le contrat de travail, ni la convention collective, ni la loi ne prévoit la prime que Mme [G] réclame ;

- que les courriers adressés à Mme [G] les 23 mars 2016 et 24 mars 2017 lorsqu'une part variable lui a été attribuée (pièce employeur n° 14) sont sans équivoque et mentionne « Cette part variable, qui n'est garantie ni dans son principe ni dans son montant, est attribuée en dehors de toute obligation légale, conventionnelle ou contractuelle. Elle tient compte de votre prestation individuelle et de votre comportement au travail, de la performance de l'unité au sein de laquelle vous êtes affectée, ainsi que plus généralement de l'évolution du marché du travail. ».

- que le montant des bonus dont Mme [G] a bénéficié, a ainsi varié : 4.500 € versé en mars 2016 et 4.000 € en mars 2017 (pièce employeur n° 14)

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [G] est mal fondée dans sa demande formée au titre de la prime 2017 au motif que Mme [G] n'a pas de droit acquis à percevoir la prime qu'elle revendique pour 2017 dès lors que ni le contrat de travail, ni la convention collective, ni la loi ne prévoit la prime réclamée et qu'elle ne prouve ni même n'invoque un usage à cet égard.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande formée au titre de la prime 2017.

Sur les autres demandes

La cour condamne la Société générale aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la Société générale à payer à Mme [G] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [G] de ses demandes relatives aux dommages et intérêts pour non-respect de la procédure et à la prime 2017 ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Dit et juge que le licenciement de Mme [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la Société générale à payer à Mme [G] les sommes de :

- 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 225 € au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société générale aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/03449
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;21.03449 ?
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