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17/05/2023 | FRANCE | N°21/02089

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 17 mai 2023, 21/02089


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 17 MAI 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02089 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIKP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 19/00145



APPELANT



Monsieur [E] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représen

té par Me Sophie LACEUK, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



S.A.S. MMECOM

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, to...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02089 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIKP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 19/00145

APPELANT

Monsieur [E] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Sophie LACEUK, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. MMECOM

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme MARQUES Florence, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. de CHANVILLE Jean-François, président de chambre

Mme BLANC Anne-Gaël, conseillère

Mme MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Société NP2R (aujourd'hui dénommée MMeCOM SAS) est une société spécialisée dans la commercialisation en ligne de produits alimentaires.

Dans le courant de l'année 2007, la société dont M. [E] [B] était le fondateur et le gérant, la société Extensom, a été sollicitée par les fondateurs de la société NP2R (devenue MMeCOM), afin d'assurer la conception d'un site internet permettant à l'entreprise d'assurer la vente à distance et la livraison de produits frais aux particuliers.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er octobre 2016, la société NP2R a engagé M. [E] [B] en qualité de directeur des systèmes d'information, moyennant une rémunération mensuelle de 4500 euros.

Concomittament à cette embauche, il a été conclu la cession, le 3 octobre 2016, à la société NP2R des droits de propriété intellectuelle des sites internet, logiciels et codes sources développés jusqu'alors pour le compte de M. [B].

Par acte du 31 juillet 2017, M. [B] et la société NP2R (devenue MMeCOM) ont réitéré leur accord quant à la cession de leurs droits de propriété intellectuelle et il a été ajouté à son contrat de travail une clause de non-concurrence.

Courant juillet 2017, la société NP2R a été intégralement cédée à la société Prosol Digit.

Le 26 mars 2018, M. [B] a fait l'objet d'un avertissement.

M. [B] a fait l'objet, après convocation du 16 juillet 2018 et entretien préalable fixé au 30 juillet 2018, d'un licenciement pour faute grave le 2 août 2018.

M. [E] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, le 1er février 2019, aux fins de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner son employeur à lui payer diverses sommes.

Par jugement en date du 19 janvier 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Créteil, en formation paritaire, a :

- dit que le licenciement pour faute grave est bien fondé,

- condamné la société Mmecom à verser à M. [B] les sommes suivantes :

* 5.000 euros au titre des dommages et intérêts au titre de l'illicéité de la clause de non-concurrence,

* 1.300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [B] de ses autres demandes,

- débouté la société Mmecom de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la société Mmecom.

Par déclaration au greffe en date du 19 février 2021, M. [B] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 mai 2021, M. [E] [B] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau :

- dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [B] est irrégulier,

- constater que M. [B] n'a commis aucune faute grave,

- dire et juger que le licenciement de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que la société NP2R (devenue depuis MMeCOM) a manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail de M. [B],

Et, en conséquence :

- condamner la société NP2R (devenue depuis MMeCOM) à verser à M. [B] les sommes suivantes :

* 4.500 euros (soit un mois de salaire) à titre de dommage et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

* 108.000 euros à titre d'indemnité contractuelle de licenciement,

* l'indemnité forfaitaire afférente à l'application de la clause de non-concurrence et de non-sollicitation, soit la somme totale de 27.000 euros,

* 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions prévues à la clause de non-concurrence,

* 13.500 euros (soit 3 mois de salaire) à titre d'indemnité compensatrice de préavis auxquels il convient d'ajouter 1.350 euros au titre des congés payés afférents,

* 15.750 (soit 3,5 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'exécution déloyale du contrat de travail et des conditions brutales et vexatoires du licenciement,

- la condamner à verser à M. [B] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens, y compris les éventuels dépens d'exécution,

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil de Prud'hommes.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 août 2021, la société Mmecom demande à la Cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 19 janvier 2021 en ce qu'il a :

* jugé que le licenciement de M. [B] reposait sur une faute grave,

* débouté M. [B] de ses demandes,

Sur le licenciement pour faute grave :

A titre principal,

- débouter M. [B] de ses demandes fin et prétentions (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, paiement de la clause contractuelle de rupture),

A titre subsidiaire,

- dire et juger, à tout le moins, qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse,

Et, en conséquence,

- débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Sur la question spécifique de la clause contractuelle de rupture:

- dire et juger, à tout le moins, qu'est excessive la clause contractuelle de rupture convenue entre les parties,

Et, en conséquence,

- réduire dans de substantielles proportions les sommes qui seraient allouées à M. [B] à ce titre,

A titre superfétatoire,

Si, par impossible et à l'absurde, la Cour jugeait contrairement au Conseil le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que M. [B] ne rapporte par la preuve du moindre préjudice,

Et, par voie de conséquence,

- débouter M. [B] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour toute demande dépassant le plancher d'indemnisation légal,

A titre infiniment subsidiaire, et pour le moins,

- réduire dans de substantielles proportions les sommes qui lui seraient allouées à ce titre,

Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement:

- débouter M. [B] de sa demande indemnitaire injustifiée,

Sur les autres demandes indemnitaires :

Sur la demande au titre de la clause de non-concurrence,

- dire et juger que M. [B] été valablement délié de sa clause de non concurrence,

Et, par voie de conséquence,

- débouter M. [B] de sa demande indemnitaire injustifiée,

Sur la demande répondante de dommages et intérêts du fait des conditions vexatoires du licenciement et de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- dire et juger que cette demande indemnitaire est redondante avec la précédente,

- dire et juger que la société MMecom SAS (anciennement NP2R SAS) n'a commis aucun manquement,

Et, par voie de conséquence,

- débouter M. [B] de sa demande indemnitaire injustifiée,

A titre incident, il est demandé à la cour de :

- accueillir l'appel incident de la société Mmecom, le dire recevable,

- réformer le jugement déféré du conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a condamné la société MMecom SAS (anciennement NP2R SAS) au paiement de la somme de 5.000,000 euros à titre de dommages et intérêts pour illicéité de la clause de non-concurrence,

Et, en conséquence, statuant à nouveau :

- débouter M. [B] de toute demande de dommages et intérêts pour absence de paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence et exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a débouté la société MMecom SAS (anciennement NP2R SAS) de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Et, en conséquence, statuant à nouveau :

- condamner M. [B] au paiement de la somme de 1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

En toutes hypothèses,

- condamner M. [B] au paiement de la somme de 3.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers frais et déprens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 décembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur le licenciement pour faute grave

1-1: Sur l'irrégularité du licenciement du fait de l'absence de notification dans le délai de 30 jours.

A titre principal, le salarié soutient que faute de notification du licenciement dans le délai de 30 jours, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Contrairement à ce qu'affirme le salarié, son employeur lui a notifié son licenciement par lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 août 2018, cette lettre présentée à son domicile le 3 août 2018 est revenue avec la mention " pli avisé, non réclamé".

Il appartenait à M. [E] [B] d'aller chercher sa lettre recommandée.

La notification du licenciement a été régulière et effectuée dans le délai légal.

1-2 : Sur le fond

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de rupture du 2 août 2018 est ainsi rédigée :

« Vous étiez embauché au sein de notre Société en qualité de Directeur des Systèmes d'Information.

Nous vous rappelons avoir déjà été contraints de vous sanctionner, par un avertissement du 26 mars dernier, Cette sanction devait nécessairement vous faire prendre conscience de la nécessité d'adopter un comportement plus approprié à l'avenir et nous attendions donc légitimement de votre part une conduite exemplaire.

Or, bien au contraire, nous avons à nouveau dû déplorer vos agissements fautifs, particulièrement inacceptables et préjudiciables pour notre Société.

Tout d'abord, au regard de votre fonction, vous étiez personnellement en charge de la conception, de la mise à jour et de l'entretien de notre plateforme de vente en ligne. A ce titre, nous vous avions notamment demandé dès le début du mois de mai 2018 de réaliser une importante mise à jour de notre site, et ce avant le 24 mai 2018, puisque nous avions convenu de tester les mises à jour effectuées avant leur mise en application effective à l'attention de notre clientèle, notamment avant le lancement d'une campagne de communication client qui devait débuter le 06 juin 2018.

Cette mise à jour était en outre réellement indispensable car elle faisait suite à une pré-injonction du 22 février dernier de la Direction Départementale de la Protection des Populations, de mettre en conformité notre site Internet.

Or, ce n'est que le 06 juin 2018 que vous avez finalisé les mises à jour demandées, soit avec près de deux semaines de retard par rapport à l'échéance qui vous avait été communiquée. Vous n'avez pourtant à aucun moment jugé utile de prévenir votre hiérarchie, le prestataire avec lequel vous étiez pourtant censé collaborer sur ce sujet, ou la Direction, des éventuelles difficultés que vous auriez pu rencontrer et du retard que vous aviez pris dans la réalisation de cette tâche.

Surtout, bien plus grave encore, vous avez pris l'initiative de rendre immédiatement effectives les mises à jour que vous aviez opérées, et ce sans que ces dernières fassent l'objet de contrôles et de tests de notre part, comme nous vous l'avions pourtant expressément demandé.

Une telle attitude est parfaitement inacceptable. Nous ne pouvons en aucun cas tolérer que vous puissiez ainsi vous affranchir des directives données par votre hiérarchie, de surcroit à propos d'un sujet aussi important comme la mise à jour de notre site de vente en ligne. Votre comportement constitue une insubordination caractérisée que nous n'entendons certainement pas tolérer. Votre contrat de travail était pourtant parfaitement explicite : « Le salarié s'engage à se conformer aux directives et instructions émanant de la Direction Générale ou de son représentant. » Force est donc de constater que votre attitude décrite ci-dessus s'inscrit en totale violation de vos obligations contractuelles.

Votre manquement n'a d'ailleurs pas été sans conséquences puisque la version de notre site que vous avez mise en ligne présentait de très nombreux bugs, qui ont généré un nombre particulièrement important d'insatisfactions clients.

A titre d'exemple, certaines fonctionnalités de notre plateforme de vente étaient tout simplement inaccessibles à notre clientèle, empêchant donc cette dernière de finaliser les commandes de marchandises. De même, certains prix annoncés à notre clientèle lors de la sélection en ligne du produit n'étaient plus les même lors de la finalisation de l'achat. Certaines des modifications que vous aviez opérées étaient même contraires à la réglementation commerciale en vigueur, ce qui aurait pu engager la responsabilité de notre entreprise. A titre d'exemple, vous aviez annoncé des origines pour nos produits de la mer alors que la réglementation nous impose d'annoncer des zones de pêche. De même, vous n'aviez pas pris les dispositions nécessaires pour faire apparaitre les équivalences prix au kilo pour des produits vendus en pré-conditionnés, alors que la réglementation commerciale l'impose.

Cette description des difficultés rencontrées par nos clients en raison de vos manquements est malheureusement loin d'être exhaustive. De tels dysfonctionnements sur notre plateforme de vente en ligne, outre le fait qu'ils auraient pu pour certains exposer notre entreprise à des poursuite de la part des services de l'Etat, n'ont pu que générer l'insatisfaction de notre clientèle et mettre à mal notre image auprès de ces derniers, à plus forte raison en pleine période de campagne de communication clients. Ils ont en outre inévitablement généré une perte de chiffres d'affaires, de nombreux clients se trouvant en effet dans l'impossibilité de finaliser leur commande sur notre site.

De tels constats sont absolument inadmissibles. Cette situation ne se serait pas produite si vous aviez respecté les délais qui vous avaient été donnés pour la réalisation de la nouvelle version de notre site, et, surtout, si vous n'aviez pas méconnu notre directive expresse de nous soumettre au préalable pour contrôle et test cette mise à jour.

Il ne s'agit malheureusement pas là de manquements isolés.

En effet, plus grave encore, nous avons découvert avec stupéfaction le 08 juin 2018, que vous aviez pris la liberté, sans obtenir une quelconque validation et sans même en informer votre hiérarchie ou vos collègues de travail, de modifier au gré de votre envie une de nos conditions générales de vente.

Ainsi, de façon totalement incompréhensible, vous aviez décidé de changer les conditions dans lesquelles les frais de livraison étaient offerts à nos clients, ce qui, là encore, n'a pu que générer leur insatisfaction. En effet, alors qu'auparavant, la livraison de marchandises était gratuite pour toute commande de marchandises d'une valeur totale supérieure à 120 euros pour une livraison en Ile-de-France hors [Localité 5] ou en Province, sans tenir compte de l'application d'une première remise commerciale de 10% attribuée selon nos offres de fidélité, vous avez décidé que la livraison ne serait désormais gratuite qu'en cas de commande de marchandises pour une valeur supérieure à 120 euros, après application de cette remise commerciale de 10%. Cette décision prise sans aucune concertation se trouvait donc être défavorable pour notre clientèle et il a donc fallu que la Direction vous enjoigne par écrit de revenir aux anciennes conditions.

Compte tenu de vos fonctions de Directeur des Systèmes d'Information, il ne vous appartenait en aucune façon de prendre une telle initiative, sans même en informer la Direction. Une telle décision ne relevait absolument pas de votre responsabilité, ce que vous saviez parfaitement.

Pour terminer, nous vous avions expressément alerté, depuis plusieurs mois, sur la nécessité de modifier votre comportement à l'égard des salariés de notre prestataire CLEVER AGE, avec lesquels vous deviez nécessairement collaborer, et d'adopter à leur égard une attitude courtoise et constructive.

Or, malgré nos demandes répétées, vous n'avez eu de cesse d'adopter des comportements inappropriés aux antipodes de nos attentes.

A titre d'exemple, lors d'un échange par mail en date du 22 juin 2018 avec notre prestataire CLEVER AGE, vous vous êtes permis de remettre en cause, de façon totalement injustifiée et inappropriée, les compétences professionnelles d'un de leur collaborateurs, en indiquant notamment « ce que je comprends surtout, c'est que votre admin sys n'y connait absolument

», ou encore « quand tu es un tant soit peu pas trop borné (osons intelligent)... »

De même, de manière totalement délibérée, vous n'aviez aucunement tenu informé notre prestataire du changement de version de notre site réalisé début juin 2018 et des modifications que vous opériez, ce qui ne leur a notamment pas permis d'intervenir pour résoudre certains des dysfonctionnements évoqués auparavant.

Vos attitudes négatives répétées à l'égard de notre prestataire ont été telles que ce dernier nous a expressément indiqué, par mail du 27 juin 2018, qu'il n'acceptait plus de travailler avec vous, risquant ainsi de mettre un terme à leur prestation.

Les comportements décrits ci-dessus sont d'autant plus intolérables que nous avions déjà été contraints de vous sanctionner, en mars dernier, notamment après avoir adopté une attitude inacceptable à l'égard de notre prestataire CLEVER AGE. Force est malheureusement de constater que cette sanction n'aura pas été suivie d'effet puisque vous avez persisté dans votre comportement fautif.

Compte tenu de vos agissements fautifs, nous vous avons donc été contraints d'engager à votre encontre une procédure disciplinaire pouvant aboutir à votre licenciement. Les explications recueillies lors de votre entretien préalable ne nous ont en aucun cas permis de modifier notre appréciation de la situation.

Au regard de votre fonction et des importantes responsabilités qui vous étaient confiées, vous deviez nécessairement faire preuve d'une exemplarité sans faille. Force est malheureusement de constater que vous avez gravement, et de manière répétée, manqué à ce devoir.

Par conséquent, l'ensemble des éléments exposés ci-dessus démontre de manière irréfutable que votre comportement est gravement préjudiciable pour notre Société et n'est certainement plus compatible avec la poursuite de votre contrat de travail.

Dans ces conditions, nous vous notifions votre licenciement immédiat pour faute grave qui prendra effet dès la date d'envoi de cette lettre ».

Le salarié soutient que la mission qui lui a été confiée consistait non pas à des mises à jour du site internet mais à une modification importante de l'ensemble du système informatique (création de bases de données et d'outils spécifiques accessible aux sociétés NP2R, Prosol et aux autres partenaires), correspondant à un énorme travail alors que l'ensemble des informations ne lui ont pas toujours été fournies à temps. Il indique qu'il a averti sa hiérarchie des difficultés rencontrées, sa hiérarchie pouvant suivre "en temps réel" ses avancées. Il nie avoir modifié les conditions des frais de livraison.

En l'état des éléments soumis à son appréciation, la cour constate que le salarié, qui prétend que la tâche de refonte du site mon-marché.fr ne pouvait se faire dans les délais qui lui ont été impartis, a refusé l'aide qui lui était offerte par sa hiérarchie par le biais d'un prestataire extérieur, prétendant pourvoir tout gérer seul, n'a pas signalé à sa hiérarchie le retard pris, a , à la date prévue, mis en ligne la nouvelle version du logiciel SANS que les tests nécessaires préalablement à cette mise en ligne n'aient été effectués, de multiples disfonctionnements ayant alors été constatés ( constats d'autres salariés, "remontées " et plaintes de clients).

Par ailleurs, il résulte de l'échange de mails du 8 juin 2018, intervenu entre M. [H] [G] ( directeur général) et M. [E] [B] qu'il est à l'origine, sans aucune instruction en ce sens de sa hiérarchie et sans en avoir fait part préalablement, de la modification des conditions pour bénéficier de la livraison gratuite ( dans un sens moins favorable pour le client).

Le salarié a également été peu amène avec les intervenants du prestataire extérieur ( mail du 22 juin 2018).

Enfin, le salarié, averti le 26 mars 2018, a un passé disciplinaire.

L'ensemble de ces faits caractérisent bien un comportement fautif de la part du salarié. Néanmoins, la cour constate qu'elle ne rendait impossible le maintien de M. [E] [B] dans l'entreprise pendant la durée du préavis puisque l'employeur, informé de ces éléments dès le 6 juin 2018, ayant convoqué l'intéressé à un entretien préalable le 16 juillet 2018 ( soit quasiment 6 semaines plus tard) lequel s'est tenu le 30 juillet 2018.

Le licenciement pour faute est ainsi requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 4500 euros.

2-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à trois mois de préavis. Il lui est dû de ce chef au salarié la somme de 13500 euros, outre la somme de 1350 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2 -2-Sur l'indemnité contractuelle de licenciement

Aux termes de l'article 11 du contrat de travail, modifié suivant avenant en date du 31 juillet 2017, il est convenu une indemnité de 108000 euros au profit du salarié en cas de licenciement autre que pour faute grave ou lourde.

Le salarié sollicite cette somme.

La société soutient que la clause s'analyse en une clause pénale, pouvant dés lors être modérée par le juge lorsqu'elle est, comme en l'espèce, manifestement excessive, le salarié ayant moins de deux années d'ancienneté alors que la clause représente 2 années de salaires.

La clause d'indemnité contractuelle de rupture consiste à convenir par avance du versement au salarié, en cas de rupture du contrat de travail, d'une indemnité forfaitaire. Il s'agit d'une clause pénale ( arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation n° 3755 du 17 octobre 1995)

Il est de principe que l'appréciation du caractère excessif de la clause pénale relève du pouvoir d'appréciation souverain des juges du fond et il revient à l'employeur qui refuse de verser l'intégralité du montant stipulé dans ladite clause d'apporter la preuve de son caractère excessif.

Au cas d'espèce, compte tenu de l'ancienneté du salarié, du contexte de la rupture du contrat de travail, de l'expérience du salarié devant lui permettre de retrouver aisément un travail au même niveau de responsabilité, il apparaît que le montant de la clause pénale dont il s'agit ( 108000 euros) est excessif et qu'il convient de la réduire pour la fixer à la somme de 36000 euros.

Le jugement est infirmé.

3-Sur la demande de dommage et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

Le salarié soutient que lors de l'entretien ( préalable) en date du 30 juillet 2018, la société ne l'a, à aucun moment, informé du fait qu'une mesure de licenciement était envisagée à son encontre si bien qu'il n'a pas eu l'opportunité de connaître les griefs reprochés.

La société s'insurge et affirme qu'il a bien été question des griefs faits à l'intéressé.

Il est produit aux débats, la lettre de convocation en date du 16 juillet 2018, dont l'objet est " convocation à un entretien préalable" et qui commence par la phrase suivante " Monsieur, nous envisageons de prendre à votre encontre une sanction disciplinaire, pouvant aboutir au licenciement"

C'est de manière tout à fait péremptoire que le salarié indique que l'entretien n'a pas porté sur les griefs qui lui étant faits, pouvant aboutir à son licenciement.

La demande de dommages et intérêts de ce chef est rejetée. Le jugement est confirmé.

4-Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Les circonstances du licenciement ne sont ni brutales ni vexatoires. Par ailleurs, il n'est pas rapporté la preuve d'une exécution déloyale dans l'exécution du contrat.

Le salarié est ainsi débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé de ce chef.

5-Sur la demande d'indemnité forfaitaire afférente à l'application de la clause de non concurrence et la demande de dommages et intérêts pour non paiement de cette indemnité

La cour constate que la clause de non concurrence mentionnée dans le contrat de travail (et précisée par l'avenant du 31 juillet 2017) a été levée par l'employeur dans la lettre de licenciement.

Dès lors la contrepartie financière à cette clause n'est pas due au salarié lequel ne peut pas prétendre à des dommages et intérêts.

Le jugement est confirmé

6-Sur la demande de la société MMECOM de voir infirmer sa condamantion à payer au salarié la somme de 5000 euros pour illicéité de la clause de non concurrence

Le conseil de prud'hommes a statué ultra petita en jugeant la clause de non concurrence incluse au contrat de travail nulle et en allouant la somme de 5000 euros au salarié en dédommagement. Le jugement est infirmé de ce chef.

7-Sur la demande de dommages et intérêts de la société MMECOM pour procédure abusive

Le licenciement pour faute grave de M. [E] [B] a été requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Cette demande ne peut qu'être rejetée . Le jugement est confirmé.

8-Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, la créance d'indemnité de préavis et celle d'indemnité de licenciement sont assortise d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

9-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la SAS MMECOM est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de M. [E] [B] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SAS MMECOM est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave justifié, débouté M. [E] [B] de sa demande au titre de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de congés payés y afférents et de l'indemnité de licenciement et a condamnné la société MMECOM à payer à M. [E] [B] la somme de 5000 euros pour illicéité de la clause de non concurrence,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le licenciement pour faute grave de M. [E] [B] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS MMECOM à payer à M. [E] [B] les sommes suivantes :

- 13500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1350 euros pour les congés payés afférents, outre les intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

-36000 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, outre les intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes

Condamne la SAS MMECOM à payer à M. [E] [B] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute la SAS MMECOM de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la SAS MMECOM aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/02089
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;21.02089 ?
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