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17/05/2023 | FRANCE | N°20/06334

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 17 mai 2023, 20/06334


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 17 MAI 2023



(n° 2023/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06334 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNWU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 18/01156





APPELANT



Monsieur [H] [P] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Repré

senté par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153





INTIMÉE



S.A.S.U. SODETER

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Diane BUISSON, avocat au barreau de PARIS...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° 2023/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06334 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNWU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 18/01156

APPELANT

Monsieur [H] [P] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

INTIMÉE

S.A.S.U. SODETER

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Diane BUISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : J44

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Sodeter (SASU) a employé M. [H] [P] [V], né en 1961, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2009 en qualité de maçon qualifié, niveau II.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du bâtiment (n°3193).

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 2 138,90 €.

M. [P] [V] a saisi le 31 juillet 2018 le conseil de prud'hommes de Créteil d'une action en résolution judiciaire.

Par lettre notifiée le 5 avril 2019, M. [P] [V] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 18 avril 2019.

M. [P] [V] a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre notifiée le 23 avril 2019.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [P] [V] avait une ancienneté de 10 ans.

La société Sodeter (SASU) occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Devant le conseil de prud'hommes, M. [P] [V] a formé les demandes suivantes :

« - Dire et juger que la moyenne des salaires de M. [P] [V] est de 2 138,90 € ;

- Condamner la société SODETER à payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- Condamner la société SODETER à payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination liée à l'état de santé ;

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société SODETER à lui payer la somme de 77 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société SODETER à payer la somme de 4 277,80 € à titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 427,78 € à titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis ;

- Condamner la société SODETER à payer la somme de 78,75 € à titre de rappel de salaire pour le mois d'avril 2018 et 7,87 € à titre de l'indemnité de congés payés sur le rappel des salaires ;

- Condamner la société SODETER à payer la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour les trois avertissements reçus ;

- Condamner la société SODETER à payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour abattement de 10 % ;

- Ordonner la remise de bulletin de salaire, certificat de travail, attestation pôle emploi sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document ;

- Que le conseil de céans se déclare compétent sur la liquidation de l'astreinte prononcée ;

- Condamner la société SODETER à indemniser M. [P] [V] au titre des dépens et de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Prononcer l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile. »

Par jugement du 28 août 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« DIT que la moyenne des salaires bruts de M. [P] [V] est fixée à
2 138,90 € ;

DEBOUTE M. [P] [V] de l'ensemble de ses demandes ;

DEBOUTE la société SODETER de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DEBOUTE la société SODETER de sa demande de condamnation de M. [P] [V] aux frais de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

MET les éventuels dépens de l'instance à la charge des parties. »

M. [P] [V] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 2 octobre 2020.

La constitution d'intimée de La société Sodeter (SASU) a été transmise par voie électronique le 4 novembre 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 17 janvier 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 20 mars 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 5 janvier 2023, M. [P] [V] demande à la cour de :

« Infirmer le jugement rendu entre les parties le 28 août 2020 par le Conseil de prud'hommes de Créteil section Industrie en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [V] de l'ensemble de ses demandes,

Le confirmer en ce qu'il a débouté la société SODETER de ses demandes reconventionnelles au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Dire et juger Monsieur [P] [V] bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,

Débouter la société SODETER de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce compris de son appel incident,

Prononcer la nullité des trois avertissements notifiés par l'employeur à Monsieur [P] [V], des 21 février 2018, 20 juillet 2018 et 23 octobre 2018,

Juger que Monsieur [P] [V] est victime de la part de son employeur de manquements à son obligation de sécurité, de harcèlement moral et de discrimination liée à son état de santé,

Sur la rupture du contrat de travail

A titre principal,

Juger que le contrat de travail de Monsieur [P] [V] est résilié aux torts exclusifs de la société SODETER,

Juger que la résiliation a les effets d'un licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse, et fixer la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement,

Subsidiairement,

Juger que le licenciement notifié à Monsieur [P] [V] pour inaptitude est nul et à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Juger que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement,

Dans tous les cas,

Condamner la société SODETER à payer à Monsieur [P] [V] les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts pour abattement 10 % : 100.000 €

- Rappel de salaires des 3 et 16 avril 2018 : 78,75 € + congés payés : 7,87 €

- Dommages et intérêts au titre des trois avertissements annulés : 3 x 2.000 € = 6.000 €

- Dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à son obligation de sécurité :

10.000 €

- Dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination liée à l'état de santé :

50 000€

- Indemnité compensatrice de préavis (2 mois) : 4.277,80 €

- Congés payés afférents : 10 % : 427,78 €

- Indemnité pour licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse (3 ans) : 77.000 €

- Intérêts légaux à compter de la saisine avec capitalisation

- Article 700 du CPC : 4.000 €

- Dépens

Ordonner à la société SODETER de remettre les documents sociaux conformes (certificat de travail, bulletins de paie, attestation pôle emploi) sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document.

Condamner la Société SODETER en tous les dépens et dire que Maître M.H DUJARDIN, Avocat au Barreau de Paris, pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 19 mars 2021, La société Sodeter (SASU) demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Créteil du 28 août 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Créteil du 28 août 2020 en ce qu'il a débouté la société SODETER de ses demandes reconventionnelles au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

En conséquence :

- DEBOUTER Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- CONDAMNER Monsieur [P] à payer à la société SODETER la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- CONDAMNER Monsieur [P] à payer à la société SODETER la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNER Monsieur [P] aux entiers dépens. »

Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 17 mai 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la demande d'annulation des avertissements

M. [P] [V] demande l'annulation des trois avertissements suivants :

- l'avertissement du 21 février 2018 pour absence injustifiée le 21 février 2018 (pièce salarié n° 7) ;

- l'avertissement du 20 juillet 2018 pour consommation d'alcool au travail (pièce salarié n° 13) ;

- l'avertissement du 23 octobre 2018 pour absence injustifiée le 18 février 2018 (pièce salarié n° 15) ;

Il demande la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour avertissements injustifiées.

Il fait valoir que :

- l'avertissement du 21 février 2018 pour absence injustifiée n'est pas fondé : il avait averti son supérieur hiérarchique dès le 19 février 2018 de son accident du travail et du rendez-vous médical obtenu le 21 février 2018 (pièce salarié n° 5) ;

- l'avertissement du 20 juillet 2018 pour consommation d'alcool au travail n'est pas fondé : il ne consomme pas d'alcool et il en justifie (pièce salarié n° 32) ;

- l'avertissement du 23 octobre 2018 pour absence injustifiée n'est pas fondé : son absence était médicalement justifiée (pièce salarié n° 14).

En défense, la société Sodeter soutient que :

- l'avertissement du 21 février 2018 pour absence injustifiée est fondé : il n'a pas averti son employeur dès le 19 février 2018 de l'accident du travail qu'il allègue ; cet accident n'a pas été pris en charge par la CPAM (pièce employeur n° 13) et le rendez-vous médical obtenu le 21 février 2018 n'est pas un justificatif d'absence ;

- l'avertissement du 20 juillet 2018 pour consommation d'alcool au travail est fondé : son justificatif de prise de sang ne prouve rien (pièce salarié n° 32) ;

- l'avertissement du 23 octobre 2018 pour absence injustifiée est fondé : il ne produit aucun justificatif de son absence qui serait, selon lui, médicalement justifiée.

L'article L. 1333-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction et qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société Sodeter n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir le bien fondé de l'avertissement du :

- 21 février 2018 pour absence injustifiée le 21 février 2018 ; en effet si M. [P] [V] ne prouve pas qu'il a prévenu son supérieur hiérarchique, le doute doit lui profiter au motif que M. [P] [V] justifie qu'il a bien été aux urgences le 21 février 2018 comme cela ressort du certificat médical initial pour accident du travail du 19 février 2018 et qu'il a alors été placé en arrêt de travail jusqu'au 23 février 2018 puis jusqu'au 4 mars 2018.

- 20 juillet 2018 pour consommation d'alcool au travail ; en effet la société Sodeter ne produit aucun élément de preuve permettant d'établir la consommation d'alcool au travail reprochée à M. [P] [V].

- 23 octobre 2018 pour absence injustifiée le 18 février 2018 ; en effet M. [P] [V] justifie qu'il était en arrêt de travail pour maladie le 18 octobre 2018 (pièce salarié n° 14).

Compte tenu de ce qui précède, la cour annule les trois avertissements.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande d'annulation des trois avertissements, et statuant à nouveau de ce chef, la cour annule les avertissements du 21 février 2018 pour absence injustifiée le 21 février 2018, du 20 juillet 2018 pour consommation d'alcool au travail et du 23 octobre 2018 pour absence injustifiée le 18 février 2018.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi par M. [P] [V] du chef des avertissements injustifiés doit être évaluée à la somme de 1 500 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour avertissements injustifiés et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Sodeter à payer à M. [P] [V] la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour avertissements injustifiés.

Sur l'abattement de 10% pour frais professionnels

M. [P] [V] demande la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour abattement 10 % et fait valoir, à l'appui de cette demande que :

- il n'a pas été consulté sur l'abattement pour frais professionnels qui lui a été imposé depuis le 1er avril 2009 ;

- les conséquences de cet abattement sont doubles : les indemnités journalières de sécurité sociale et les allocations de chômage sont réduites de 10 % ;

- sa demande n'est pas prescrite car le point de départ est le moment où il a effectivement pris connaissance de ses droits et compris le mécanisme de l'abattement ; lorsqu'il a signé son contrat de travail, il n'avait pas été informé par l'employeur de ses droits et des effets de l'abattement : il n'en a pris connaissance qu'au moment de ses arrêts de travail, lorsqu'il a perçu des indemnités journalières diminuées (février 2018), et plus récemment lorsqu'il s'est inscrit à Pôle emploi (septembre 2019).

La société Sodeter s'y oppose et fait valoir, à l'appui de sa contestation que :

- M. [P] [V] a donné son accord (pièce salarié n° 2) ;

- la somme demandée est exorbitante et n'est aucunement justifiée ;

- si une indemnité est accordée elle doit être limitée aux trois dernières années des cotisations qui auraient dû être versées soit 25 % de 10 % de sa rémunération, soit pour un salaire moyen de 2.138,90 € : 213,89 € × 25 % × 12 × 3 = 1.925,01 €

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [P] [V] n'a pas été informé ; en effet le formulaire relatif à l'abattement n'a pas été signé.

La cour retient aussi que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi par M. [P] [V] doit être évaluée à la somme de 2 000 € étant précisé que M. [P] [V] n'expose aucun moyen précis sur son préjudice pour justifier le quantum de sa demande.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour l'abattement de 10 % fait sans son consentement exprès et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Sodeter à payer à M. [P] [V] la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour l'abattement de 10 % fait sans son consentement exprès.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

M. [P] [V] demande la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et fait valoir, à l'appui de cette demande que :

- l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne respectant pas les préconisations du médecin du travail qui recommandait depuis 2015, et de nouveau en 2017, de limiter le port de charges lourdes ;

- afin de s'exonérer de cette responsabilité, l'employeur se limite à alléguer qu'il aurait respecté les exigences du médecin car sur un chantier, il y a plusieurs personnes et qu'il aurait été aidé dans le port des charges ;

- mais force est de constater que l'employeur n'a mis en place aucun aménagement de poste, et ne prouve pas qu'il aurait mis en place une organisation du travail de nature à préserver l'état de santé du salarié.

La société Sodeter s'oppose à cette demande et fait valoir, à l'appui de sa contestation que :

- elle a tout mis en 'uvre pour limiter les ports de charge de M. [P] [V] en l'assistant systématiquement d'un autre salarié ;

- pour les charges de plus de 20 kilos, les salariés sont dans ce cas systématiquement assisté de machines ;

- elle a provoqué la visite médicale du 12 septembre 2017 en écrivant au médecin du travail « Nous souhaiterions faire passer une visite médicale à Mr [P] [H]. Ce dernier ayant des difficultés à se déplacer » (pièces employeur n° 5 et 6) ;

- elle a provoqué la visite médicale du 30 novembre 2017 en écrivant au médecin du travail « Suite à notre entretien téléphonique, nous vous confirmons souhaiter un rendez-vous pour Mr [P] [H] qui a de sérieuses difficultés à marcher. Il boite et nous sommes soucieux de sa sécurité sur les chantiers suite à ce handicap » (pièces employeur n° 7 et 8) ;

- elle a provoqué la visite médicale du 16 avril 2018 en écrivant au médecin du travail « Nous vous rappelons que cette personne a des problèmes d'équilibre et des soucis pour se déplacer. Nous devons très souvent l'affecter au dépôt car certains chefs de chantier ont peur pour sa sécurité » (pièces employeur n° 9 et 10).

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Sodeter a respecté les préconisations du médecin du travail et n'a pas commis le manquement à l'obligation de sécurité allégué par M. [P] [V] ; en effet les demandes adressées au médecin du travail démontrent suffisamment que l'employeur comme les autres salariés de la société Sodeter avait le souci de respecter les restrictions médicales de M. [P] [V] et ajoutaient même des exigences accrues de protection pour sa santé.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Sur le harcèlement moral et la discrimination en raison de l'état de santé

M. [P] [V] demande la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour discrimination en raison de l'état de santé ; la société Sodeter s'oppose à cette demande.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [P] [V] invoque les faits suivants :

- le non-respect des préconisations de la médecine du travail ;

- la mise au placard : il est « parqué » au dépôt et n'est pas informé de la fermeture de l'entreprise en février 2018 (pièce salarié n° 7-2)

- la mise en 'uvre intempestive d'une procédure de rupture conventionnelle et diverses menaces (pièce salarié n° 4) et pressions exercées dans le cadre de cette procédure pour le convaincre d'accepter la rupture de son contrat, malgré son âge et l'absence de toute réelle perspective de reclassement, sans autre contrepartie que le versement de l'indemnité minimale de rupture ;

- l'absence de toute information préalable quant à la fermeture de l'entreprise, du fait des intempéries survenues au début du mois de février 2018 : il a été le seul salarié à ne pas être averti de ces jours d'arrêt-chômage intempéries, ce qui témoigne d'un traitement tout à fait discriminatoire à son endroit, en plus d'être extrêmement dégradant et humiliant ;

- le refus par son employeur d'établir sous 48h la déclaration de son accident du travail survenu le 19 février 2018 alors qu'il en a été informé, cet accident du travail ayant nécessité un arrêt de travail du 21 février 2018 au 11 mars 2018 (pièces salarié n° 5) ;

- le refus par l'employeur de lui garantir le maintien de son salaire dans ses bulletins de paie de février et mars 2018 ; l'employeur prétend opportunément que serait la faute de la PRO BTP sans en rapporter la preuve ;

- la demande de contrôle d'une absence maladie par le médecin conseil de la CPAM (pièces salarié n° 10 et 12)

- la notification de trois avertissements particulièrement infondés (pièces salarié n° 7,13 et 15).

Pour étayer ses affirmations, M. [P] [V] produit aussi la lettre de son conseil (pièce salarié n° 8).

M. [P] [V] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

En défense, la société Sodeter fait valoir :

Sur la mise au placard

- inquiète pour la santé et la sécurité de M. [P] [V] sur les chantiers, et alertée par les chefs de chantier eux même, ne souhaitant pas le faire travailler, elle a été contrainte de trouver une solution pour le protéger en l'affectant de façon ponctuelle et temporaire, au dépôt de la société afin qu'il y réalise des tâches compatibles avec son état de santé (pièces n°5 à 10) ;

Sur la rupture conventionnelle

- aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur dans la mise en 'uvre de cette faculté ;

- l'allégation de pressions et de menaces est infondée ;

Sur la fermeture de la société en février 2018

- M. [P] [V] travaillait alors dans un lieu couvert et pouvait tout à fait exercer ses fonctions malgré les conditions météorologiques ;

- les autres salariés qui étaient empêchés de venir en raison de la météo ont été autorisés à ne pas venir travailler ;

Sur le refus de l'employeur de déclarer l'accident du travail du 19 février 2018

- M. [P] [V] n'a jamais informé la société qu'il aurait été victime d'un accident du travail le 19 février 2018 ; ce n'est que par courrier de la CPAM du 27 mars 2018 reçu le 3 avril 2018 que la société a été informée du prétendu accident du travail (pièce employeur n° 11) ; la société a alors adressé la déclaration d'accident du travail à la CPAM en précisant n'avoir pas été informée de l'accident ni de ses circonstances (pièce employeur n° 12) et par décision du 23 juillet 2018 la CPAM a d'ailleurs considéré qu'il n'existait aucun accident du travail et M. [P] [V] n'a jamais contesté cette décision (pièce employeur n° 13) ;

Sur le refus de l'employeur de maintenir le salaire en février et mars 2018 pendant les arrêts maladie

- pour l'arrêt de travail du 21 février au 12 mars 2018 ce n'est pas la société qui devait maintenir le salaire de M. [P] [V] mais directement l'organisme de prévoyance PROBTP ; la société a procédé auprès de cet organisme à la déclaration de l'arrêt maladie ;

Sur le contrôle de l'arrêt de travail

- l'employeur a parfaitement et légalement le droit de procéder à ce type de contrôle, et M. [P] [V] est bien malvenu de contester ce contrôle, dans la mesure où alors qu'il était censé être en arrêt maladie, il ne se trouvait pas à son domicile (pièce employeur n° 20) ; cette absence autorisait l'employeur à suspendre le versement des indemnités complémentaires, ce qui n'a pas été fait ;

Sur les avertissements

- ils sont tous justifiés.

A l'appui de ses moyens, la société Sodeter produit les pièces suivantes

- n°5 Courriel SODETER du 31 août 2017

- n°6 Visite médicale du 12 septembre 2017

- n°7 Courriel SODETER 21 novembre 2017

- n°8 Visite médicale du 30 novembre 2017

- n°9 Courriel SODETER du 10 avril 2018

- n°10 Visite médicale du 16 avril 2018

- n°11 Courrier CPAM du 27 mars 2018

- n°12 Déclaration d'accident du travail

- n°13 Décision de la CPAM du 23 juillet 2018

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Sodeter échoue à démontrer que les faits matériellement établis relativement aux avertissements par M. [P] [V] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et à toute discrimination ; le harcèlement moral et la discrimination en raison de l'état de santé de M. [P] [V] est donc établi peu important que les autres faits invoqués par M. [P] [V] sont effectivement justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La cour retient en particulier que la succession d'avertissements injustifiés a eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de M. [P] [V] susceptible de porter atteinte à ses droits.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus, compte tenu du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour M. [P] [V], que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 3 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour discrimination en raison de l'état de santé et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Sodeter à

payer à M. [P] [V] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour discrimination en raison de l'état de santé.

Sur la résolution judiciaire

M. [P] [V] demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Sodeter du fait du harcèlement moral et de la discrimination ; la société Sodeter s'oppose à cette demande.

La cour rappelle que le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur lorsque celui-ci n'exécute pas une ou plusieurs obligations essentielles du contrat qui lui incombent ; que les juges du fond disposent alors d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Compte tenu de ce qui précède, il est suffisamment établi par les pièces du dossier et par les débats que les manquements de la société Sodeter retenus par la cour en ce qui concerne le harcèlement moral et la discrimination sont d'une gravité telle qu'ils font obstacle à la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, la cour dit que la demande de résiliation est fondée, et que la rupture est imputable à l'employeur ; la résiliation produit les effets d'un licenciement nul.

La date de rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande de résiliation judiciaire et statuant à nouveau de ce chef, la cour :

- ordonne la résolution judiciaire du contrat de travail de M. [P] [V] aux torts de la société Sodeter ;

- dit que la date de rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement ;

- dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produira les effets d'un licenciement nul.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

M. [P] [V] demande la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ; la société Sodeter s'oppose à cette demande.

Tout salarié victime d'un licenciement nul qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [P] [V], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [P] [V] doit être évaluée à la somme de 13 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de M. [P] [V] au passif de la société Sodeter à la somme de 13 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

Le licenciement de M. [P] [V] ayant été jugé nul, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du Code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société Sodeter aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [P] [V], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [P] [V] demande la somme de 4 277,80 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; la société Sodeter s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

En application de articles L. 1234-1 et L. 1234-2 du Code du travail, le salarié a droit à un délai-congé dont la durée varie en fonction de l'ancienneté : avec une ancienneté supérieure à 2 ans, la durée du préavis est fixée à 2 mois ; l'indemnité légale de préavis doit donc être fixée à la somme de 4 277,80 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Sodeter à payer à M. [P] [V] la somme de 4 277,80 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

M. [P] [V] demande la somme de 427,78 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; la société Sodeter s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Par application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 4 277,80 €, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [P] [V] ; en conséquence, l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis due à M. [P] [V] est fixée à la somme de 427,78 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Sodeter à payer à M. [P] [V] la somme de 427,78 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur les salaires des 3 et 16 avril 2018

M. [P] [V] demande la somme de 78,75 € au titre des salaires déduits à tort en avril 2018 (pièce salarié n° 6) et la somme de 7,87 € au titre des congés payés afférents ; la société Sodeter s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [P] [V] est bien fondé dans cette demande au motif que le bulletin de salaire mentionne effectivement en avril 2018 une déduction de 78,75 € pour des absences non rémunérées alors que la société Sodeter ne produit aucun élément sur ce point.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande de rappel de salaire, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société

Sodeter à payer à M. [P] [V] les sommes de 78,75 € au titre des salaires déduits à tort en avril 2018 et de 7,87 € au titre des congés payés afférents.

Sur la délivrance de documents

M. [P] [V] demande la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il est cependant établi qu'ils ne sont pas conformes ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par M. [P] [V].

Rien ne permet de présumer que la société Sodeter va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n'y a donc pas lieu d'ordonner une astreinte.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé qu'il a ordonné à la société Sodeter de remettre M. [P] [V] le certificat de travail, les bulletins de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision.

Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point, et statuant à nouveau, la cour ordonne à la société Sodeter de remettre M. [P] [V] le certificat de travail, les bulletins de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision,

Sur la demande reconventionnelle en dommage et intérêts pour procédure abusive

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par la société Sodeter est rejetée, le fait d'exercer son droit d'agir en raison des litiges opposant les parties n'étant pas en soi abusif.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Sodeter de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Sodeter de la convocation devant le bureau de conciliation.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière.

La cour condamne la société Sodeter aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Sodeter à payer à M. [P] [V] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [P] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et la société Sodeter de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Annule les avertissements du 21 février 2018 pour absence injustifiée le 21 février 2018, du 20 juillet 2018 pour consommation d'alcool au travail et du 23 octobre 2018 pour absence injustifiée le 18 février 2018 ;

Ordonne la résolution judiciaire du contrat de travail de M. [P] [V] aux torts de la société Sodeter ;

Dit que la date de rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement ;

Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produira les effets d'un licenciement nul,

Condamne la société Sodeter à payer à M. [P] [V] les sommes de :

- 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour avertissements injustifiés ;

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour l'abattement de 10 % fait sans son consentement exprès ;

- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour discrimination en raison de l'état de santé ;

- 13 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- 4 277,80 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 427,78 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ;

- 78,75 € au titre des salaires déduits à tort en avril 2018 ;

- 7,87 € au titre des congés payés afférents ;

Dit que les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Dit que les autres sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Sodeter de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Ordonne la capitalisation des intérêts et dit qu'elle s'opérera par année entière ;

Ordonne le remboursement par la société Sodeter aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [P] [V], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

Condamne la société Sodeter à verser à M. [P] [V] une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société Sodeter aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/06334
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;20.06334 ?
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