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17/05/2023 | FRANCE | N°20/06309

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 17 mai 2023, 20/06309


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 17 MAI 2023



(n° 2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06309 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNQ4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/07682





APPELANTE



S.A. SOCIETE INTERNATIONALE DE SERVICES (SIS)

[Adresse 1]

[Localité

2]



Représentée par Me Nicolas URBAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0560





INTIME



Monsieur [S] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Me Sophie ECHEGU-SANCHEZ, av...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06309 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNQ4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/07682

APPELANTE

S.A. SOCIETE INTERNATIONALE DE SERVICES (SIS)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas URBAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0560

INTIME

Monsieur [S] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Sophie ECHEGU-SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1130

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

A la suite du transfert du marché de surveillance de l'immeuble Altai le 1er octobre 2017, la société Internationale de services (SA) est devenue l'employeur de M. [S] [E] qui y travaillait comme agent SSIAP 1 depuis le 15 septembre 2012 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 étendue par arrêté du 25 juillet 1985.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 1 849,44 €.

Le 8 janvier 2018, M. [E] a fait l'objet d'un premier avertissement pour avoir, lors de sa vacation en date du 3 janvier 2018, laisser traîner ses affaires au poste de garde et avoir consulté des sites religieux alors que l'utilisation d'internet à des fins personnelles est strictement interdite.

Le 2 février 2018, il a fait l'objet d'un deuxième avertissement pour avoir, lors de sa vacation du 31 janvier au 1er février 2018, laissé le portail en position ouverte sans avoir avisé le PC de télésurveillance de cette anomalie, tel qu'a pu le constater un inspecteur passant effectuer un contrôle au hasard.

Le 8 février 2019, il a fait l'objet d'un troisième avertissement pour avoir été surpris en train de dormir dans la salle de repos par l'agent de ménage à 7h35 après sa vacation dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 janvier 2019 de 19h00 à 07h00.

Par lettre notifiée le 22 février 2019, M. [E] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 4 mars 2019.

M. [E] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre notifiée le 19 mars 2019 ; la lettre de licenciement indique :

« Le 19 février 2019, alors que vous étiez programmé pour intervenir sur le site PLACE DE SEINE de 19h à 7 heures du matin, vous vous êtes une fois de plus, endormi pendant votre service dans la salle de repos, dans laquelle vous vous êtes enfermé jusqu'à plus de 8h00 du matin, ainsi que nous en a attesté par écrit notre client.

En effet, lors de l'arrivée des techniciens de surface de la société ISOR à 6h00 du matin, ces derniers ont trouvé le bureau éteint, dans lequel vous étiez en train de dormir. Lorsqu'ils ont allumé la lumière vous les avez interpellés et leur avez manqué de respect, suite à quoi ces derniers sont allés se plaindre auprès de la gestionnaire du site.

De plus, le livreur de journaux (auprès duquel il a été reproché l'état des journaux livrés), se plaint également de ce qu'il se trouve contraint de déposer les journaux devant le poste de sécurité, exposé à la pluie, puisque vous êtes endormi dans le poste et n'ouvrez pas la porte.

Nous avons déjà eu à déplorer un comportement similaire dans la nuit du 21 au 22 janvier 2019, pour lequel nous vous avions notifié un avertissement.

Je vous rappelle que ce manquement est d'autant plus grave que vous êtes agent de sécurité, et devez, en cette qualité, veiller à la sécurité du site de notre client pendant vos vacations.

Par ailleurs, le responsable technique d'EIFFAGE se plaint également de ce que vous ne lui communiquez, comme convenu, aucun rapport de vacation effectuée et de vous trouver endormi tous les matins, ainsi qu'en atteste le chef de poste.

Le personnel d'Arpège « restauration » s'est également plaint auprès de la responsable du site de ce qu'à son arrivée il ne pouvait accéder au restaurant puisque vous n'aviez pas ouvert la porte donnant accès à leurs locaux, alors que cette porte doit être ouverte tous les matins à 4h15.

De plus, et en dépit des consignes qui vous avaient été données par notre client quant à la fermeture manuelle des portes de parking, vous les avez laissées ouvertes toute la nuit, permettant notamment à une personne sans domicile fixe d'y accéder, compromettant gravement la sécurité du site.

Ce manquement avait également fait l'objet d'un avertissement relatif à la nuit du 31 janvier au 1er février 2018.

Notre client nous a adressé le 22 février dernier, un courriel ainsi qu'un courrier dans lesquels celui-ci a exprimé son plus vif mécontentement à votre égard et nous a fermement indiqué ne plus souhaiter votre présence sur son site.

Cette conduite met en cause la bonne marche du service et compromet sérieusement notre image à l'égard de ce client.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 4 mars dernier ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

Par conséquent, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave puisque :

vous dormez pendant votre service ;

Ne respectez pas le consignes ;

Adoptez une attitude néfaste à l'égard des autres prestataires travaillant sur le site.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de réception du présent courrier, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 22 février au 19 mars 2019, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée. (...) »

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [E] avait une ancienneté de 6 ans et 6 mois.

La société Internationale de services occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [E] a saisi le 26 août 2019 le conseil de prud'hommes Paris pour former les demandes suivantes :

« Fixer la moyenne des salaires à 1 849,44 € bruts (3 derniers mois)

- A titre principal :

- Dire et juger le licenciement pour faute grave de M. [E] sans cause réelle et sérieuse

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 12 966,08 € Net

- Rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire 1 596,86 € Brut

- Congés payés afférents 159,68 € Brut

- Indemnité de licenciement légale 3 005,34 € Brut

- Indemnité compensatrice de préavis 3 698,88 € Brut

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 369,88 € Brut

- A titre subsidiaire : dire la procédure irrégulière

- Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement 1 849,44 €

- En tout état de cause :

- Remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir

- Article 700 du Code de Procédure Civile 1 500,00 €

- Exécution provisoire article 515 du Code de Procédure Civile

- Intérêts au taux légal

- Entiers dépens »

Par jugement du 9 juin 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Requalifie la rupture en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Condamne la SA SOCIETE INTERNATIONALE DE SERVICES à payer à Monsieur [S] [E] les sommes suivantes :

-1 596,86 € à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire

- 159,68 € au titre des congés payés afférents

- 3 005,34 € à titre d'indemnité de licenciement légale

- 3 698,88 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 369,88 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation.

Rappelle qu'en vertu de l'article R.1454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 1 849,44 €

- 1 849,44 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononce du jugement.

- 1 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Ordonne la remise des documents sociaux conformes au pressent jugement.

Déboute Monsieur [S] [E] du surplus de sa demande.

Déboute la SA SOCIETE INTERNATIONALE DE SERVICES de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Condamne la SA SOCIETE INTERNATIONALE DE SERVICES au paiement des entiers dépens. »

La société Internationale de services a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 2 octobre 2020.

La constitution d'intimée de M. [E] a été transmise par voie électronique le 15 octobre 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 17 janvier 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 20 mars 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 1 juin 2021, La société Internationale de services demande à la cour de :

« JUGER la société SIS recevable et bien fondé en son appel,

JUGER Monsieur [E] mal fondé en son appel incident,

En conséquence,

INFIRMER le jugement entreprise en ce qu'il a :

« Condamne la SA SOCIETE INTERNATIONALE DE SERVICES à payer à Monsieur [S] [E] les sommes suivantes :

- 1596,86 € à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire,

- 159,68 € au titre des congés payés y afférents,

- 3005,34 € à titre d'indemnité de licenciement légale,

- 3698,88 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 369,88 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payé sur préavis

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation.

Rappelle qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 1849,44 €,

- 1849,44€ à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

Avec intérêts aux taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

- 1000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne la remise des documents sociaux conforme au présent jugement.

Déboute la SA SOCIETE INTERNATIONALE DE SERVICES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA SOCIETE INTERNATIONALE DE SERVICES au paiement des entiers dépens. »

Et statuant à nouveau,

JUGER Monsieur [E] mal fondé dans l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société SIS,

DEBOUTER Monsieur [E] de toutes ses demandes,

CONDAMNER Monsieur [E] à verser à la société SIS la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur [E] aux dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 1 septembre 2021, M. [E] demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de PARIS le 9 juin 2020 en ce qu'il a :

- Fixé la moyenne de salaires à la somme de 1849,44 € bruts ;

- Condamné la Société SIS à verser à Monsieur [E] les sommes suivantes :

.1596,86 € à titre de rappels de salaires au titre de la mise à pied conservatoire ;

. 159,68 € au titre des congés payés afférents ;

. 3005,34 € à titre d'indemnité de licenciement légale ;

. 3698,88 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

. 369,88 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de PARIS le 9 juin 2020 en ce qu'il a requalifié la rupture en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave de Monsieur [E] est dénué de toute cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

CONDAMNER la Société SIS à verser à Monsieur [E] la somme de 12 946,08 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (7 mois de salaire).

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que la procédure de licenciement de Monsieur [E] est irrégulière et condamner la Société SIS à lui verser la somme de 1849,44 € nets à titre de dommages et intérêts (1 mois de salaire) ;

En tout état de cause,

CONDAMNER la Société SIS à transmettre les documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'arrêt ;

ASSORTIR les condamnations du taux d'intérêt légal ;

CONDAMNER la Société SIS à verser à Monsieur [E] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 17 mai 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que M. [E] a été licencié pour faute grave pour les faits suivants :

- il dormait pendant son service du 19 au 20 février 2019 ;

- il ne respecte pas le consignes faute de remettre le rapport de ses vacations au responsable technique du site, d'ouvrir la porte d'accès au restaurant dès 4h15 et de fermer les portes du parking la nuit ;

- il a adopté une attitude néfaste à l'égard des autres prestataires travaillant sur le site.

M. [E] conteste l'intégralité des griefs et soutient que :

- il ne dort pas pendant son service ;

- le grief sur la remise des rapports de vacation est imprécis faute de datation des faits ;

- il imprime lors de chaque vacation le rapport qu'il remet systématiquement au responsable du site ;

- il ouvre la porte d'accès au restaurant lors de chaque ronde effectuée sur les lieux du restaurant, à quatre heures ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas datés ;

- il ferme les portes du parking manuellement puisque le système de fermeture automatique dysfonctionne ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas datés ;

- les griefs n'ont été inventés que pour les besoins de son licenciement.

La société Internationale de services soutient que les faits sont établis par le rapport de M. [K], chef de poste, du 22 février 2019 (pièce employeur n° 9), le courrier électronique du 22 février 2019 de Mme [J] qui travaille pour le compte de la société Yxime, gestionnaire du site (pièce employeur n° 10) et par le courrier de la responsable de site du 22 février 2019 (pièce employeur n° 11) et qu'ils ne sont pas isolés (pièce employeur n° 5).

Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats (pièces employeur n° 9 à 11) et des moyens débattus que la société Internationale de services apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir que M. [E] dormait pendant son service du 19 au 20 février 2019, n'a pas respecté les consignes faute de remettre le rapport de sa vacation au responsable technique du site, d'ouvrir la porte d'accès au restaurant dès 4h15 pour permettre aux salariés du restaurant de s'y rendre et de fermer les portes du parking durant toute la nuit ce qui a permis à une personne sans domicile fixe de s'introduire dans le site.

Et c'est en vain que M. [E] conteste les faits alors même qu'il n'a aucunement porté plainte pour faux en écritures privées à l'encontre des auteurs des écrits le mettant en cause (pièces employeur n° 9 à 11).

La cour retient que les fautes qui lui sont reprochées sont d'une gravité telle qu'elles imposent le départ immédiat de M. [E], le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis ; en effet, non seulement les faits ne sont pas isolés comme cela ressort du rapport du chef de poste du 24 janvier 2019 (pièce employeur n° 5) et M. [E] a d'ailleurs des antécédents disciplinaires mais en outre, les faits caractérisent une violation élémentaire de son travail d'agent de sécurité : son emploi durant les vacations de 19h à 7h ne consiste pas à dormir sur son lieu de travail mais à le garder, à le surveiller, à donner accès aux travailleurs du restaurant qui viennent avant l'ouverture du site et à fermer manuellement les portes du parking quand le système de fermeture automatique dysfonctionne.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de M. [E] est justifié par une faute grave.

Par voie de conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et il est infirmé en ce qu'il a condamné la société Internationale de services à payer à M. [E] les sommes de :

-1 596,86 € à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire

- 159,68 € au titre des congés payés afférents

- 3 005,34 € à titre d'indemnité de licenciement légale

- 3 698,88 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 369,88 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute M. [E] de ses demandes relatives au rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire et aux congés payés afférents, à l'indemnité de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents.

Sur la régularité de la procédure de licenciement

Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ;

M. [E] soutient que la procédure ayant abouti à son licenciement n'est pas régulière au motif que la mention relative à l'assistance du salarié lors de l'entretien préalable fait défaut

La société Internationale de services ne formule pas de moyen contraire.

A l'examen de la convocation à l'entretien préalable (pièce salarié n° 15) et des moyens débattus, la cour constate que la mention relative à l'assistance du salarié lors de l'entretien préalable fait défaut.

Ces faits caractérisent une violation des règles de procédure impératives auxquelles est assujetti l'employeur qui veut licencier un salarié.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que la procédure de licenciement est irrégulière.

Sur les dommages et intérêts pour procédure irrégulière

M. [E] demande par confirmation du jugement une indemnité de 1 849,44 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ; la société Internationale de services s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

La violation des exigences de la procédure de licenciement est sanctionnée par le code du travail et justifie l'allocation de dommages et intérêts en application des articles L. 1235-2 et L.1235-5 du code du travail.

La cour ayant retenu que le licenciement de M. [E] a été prononcé sans observation de la procédure requise et qu'il est justifié, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-2 du code du travail dont il ressort que l'irrégularité de procédure ouvre droit à une indemnité dont la limite supérieure est fixée à un mois de salaire.

La cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi par M. [E] du chef du non-respect de la procédure de licenciement doit être évaluée à la somme de 1 849,44 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Internationale de services à payer à M. [E] la somme de 1 849,44 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière.

Sur la délivrance de documents

M. [E] demande la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il n'est cependant pas établi qu'ils ne sont pas conformes ; la demande de remise de documents est donc rejetée.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la décision du conseil de prud'hommes.

La cour condamne la société Internationale de services aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de M. [E] les frais irrépétibles.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la société Internationale de services à payer à M. [E] la somme de 1 849,44 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière et les dépens de première instance ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Dit que le licenciement pour faute grave de M. [E] est justifié ;

Déboute M. [E] de ses demandes relatives au rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire et aux congés payés afférents, à l'indemnité de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents et à l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

Y ajoutant,

Déboute M. [E] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société Internationale de services aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/06309
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;20.06309 ?
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