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17/05/2023 | FRANCE | N°20/03567

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 17 mai 2023, 20/03567


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 17 MAI 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03567 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4W4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F18/00576





APPELANT



Monsieur [H] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

R

eprésenté par Me Bénédicte RENAUD-XIRAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0743



INTIMEE



S.A.R.L. BAIN CONCEPT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marjorie BESSE, av...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03567 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4W4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F18/00576

APPELANT

Monsieur [H] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Bénédicte RENAUD-XIRAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0743

INTIMEE

S.A.R.L. BAIN CONCEPT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marjorie BESSE, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame NEMOZ-BENILAN Roselyne, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne MENARD, présidente

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne MENARD, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [H] [L] a été engagé, d'abord par la société ITAL DECOR le 10 mai 2004 en qualité de vendeur puis, le 1er novembre 2006, par la société BAIN CONCEPT, appartenant au même groupe, avec reprise d'ancienneté au 10 mai 2004. La rémunération mentionnée au contrat de travail était composée d'un fixe et de commissions.

Le 24 juillet 2017 M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied conservatoire, qui s'est tenu le 31 juillet.

Le 28 août 2017, M. [L] a été licencié pour faute grave par lettre ainsi motivée :'Vos missions consistent à accueillir, conseiller et accompagner les clients dans l'acte de vente de carrelage et de salle de bains, qu'il s'agisse de produits ou de projets clés en main.

Vous avez la responsabilité de gérer des projets variés en totale autonomie, de la conception à la réception du chantier.

Or, depuis plusieurs mois, nous avons constaté des carences et des dysfonctionnements

importants que nous vous avons signalés.

Nous nous sommes entretenus à plusieurs reprises, avons organisé des réunions de recadrage depuis 20l5,20l6 et tout au long de l'année 2017, afin de vous permettre de comprendre et d'appliquer ce que nous attendons de vous.

Nous avons également attiré votre attention sur les difficultés relationnelles avec des clients,

sous-traitants, fournisseurs et collègues, engendrés par votre comportement et nous vous

avons demandé d'y remédier sans délai.

Or, nous constatons que vous n'avez pas respecté les missions qui étaient les vôtres et les

responsabilités qui vous incombaient. La situation ne s'est pas améliorée et s'est même

fortement dégradée, au point que vous avez eu une altercation physique grave avec un de nos fournisseurs, dans les locaux de l'entreprise.

Sur les divers dysfonctionnements constatés

Comme nous vous l'avons déjà indiqué à plusieurs, reprises, votre travail ne consiste pas

seulement à faire signer des bons de commandes aux clients.

Vous vous devez d'assurer le suivi de chaque projet personnellement du début jusqu'à la fin,

en vous assurant de la satisfaction du client au regard de ses attentes initiales.

Notre entreprise a besoin de fidéliser ses clients et de conserver une image de marque

irréprochable.

Pour travailler correctement, nous avons également besoin de donner des informations

précises et fiables à nos fournisseurs et à nos sous-traitants.

Or, nous avons à déplorer plusieurs manquements de votre part :

Absence de précisions dans la prise des commandes (manuelles ou informatiques) : il manque très fréquemment des références produit. Cela génère du travail supplémentaire et une perte de temps pour vos collègues lorsqu'il s'agit d'assurer le suivi de la commande.

De plus vous ne faites aucun effort de communication avec vos collègues et entretenez de

mauvaises relations avec eux, ce qui génère une ambiance de travail tendue.

Manque de suivi des chantiers une fois que vous avez fait signer le bon de commande au

client.

A titre d'exemple, nous avons reçu encore récemment une plainte d'un client, Monsieur

[E] qui a fait part de son vif mécontentement quant au suivi de son projet.

Dans un e-mail en date du 19 juillet 2017, il relate les difficultés qu'il a rencontrées dans

l'aboutissement de son projet de salle de bains qui lui tenait particulièrement à c'ur et que

vous aviez en charge.

ll a passé commande les 02 et 17 décembre 2016 pour sa baignoire et la conception de sa salle de bains.

La date d'intervention était fixée au 26 juin 2017. Entre mars et juin, le client vous a contacté à plusieurs reprises pour prévoir tous les détails de cette intervention. Il vous a donné toutes les informations et dimensions nécessaires et vous a mis en garde concernant la taille de la baignoire à respecter au regard de la configuration de la maison.

Le client vous a remis les clés de la maison le 20 juin. Le 26 juin, jour de l'installation, il a tenté de vous joindre sans y parvenir. Il ne savait même pas si notre sous-traitant était

sur place.

Le 27 juin, il vous a laissé d'autres messages et vous ne l'avez rappelé qu'en fin de journée

pour l'informer que le sous-traitant, Monsieur [O], n'était pas disponible de la semaine.

Dans les jours qui ont suivi, le client a tenté de vous joindre en vain.

Le 12 juillet c'est le sous-traitant qui a fini par appeler M.[E] pour livrer la

baignoire dans la maison le jour-même.

En rentrant le soir, le client s'est aperçu que la baignoire n'a pas été installée dans la salle de bains, mais posée à terre dans son salon !

Le 13 juillet, il a contacté Monsieur [O] qui lui a expliqué ne pas être en mesure de

monter la baignoire à l'étage car elle était trop grande.

De plus, celui-ci n'était même pas au courant qu'il devait installer une salle de bains.

M. [E] a appelé immédiatement notre société. Comme vous étiez en congés, il vous a laissé un message et s'est rendu au magasin où nous l'avons rencontré et écouté ses

mésaventures avec stupeur et une grande gêne.

Le 14 juillet, le gérant, Monsieur [K] et le sous-traitant se sont rendus chez le client

pour constater les difficultés et lui conseiller un produit de substitution. Le client a dû les

aider à charger la baignoire trop grande dans notre camionnette.

De ce fait, M. [E] nous a écrit pour se plaindre de votre manque de réactivité et de sérieux et pour solliciter un geste commercial afin de l'indemniser pour le préjudice subi.

Autre exemple, nous avons découvert pendant vos congés les déconvenues de M. et Mme

[B] qui ont commandé une salle de bains par votre intermédiaire en avril. Nous avons

reçu de leur part une relance par e-mail du 28 juillet 2017 auquel ils ont joint les trois

courriers qu'ils vous ont envoyés et/ou remis en main propre, que vous avez omis de nous

répercuter.

Ces clients se plaignent encore une fois du manque de communication avec vous, du manque de suivi de leur commande et de leur projet et naturellement, ils sollicitent un geste

commercial de notre part.

Ces deux exemples sont malheureusement représentatifs des manquements que nous vous

reprochons depuis plusieurs mois.

En outre, vos manquements ne s'arrêtent pas à ce seul exemple car de trop nombreux

fournisseurs et sous-traitants nous alertent sur les remontées négatives des clients liées à la qualité du service que vous fournissez (délais non respectés, défaut de fiabilité des plans,. ...). Certains menacent de cesser de travailler avec nous.

Conscients de ces problématiques, nous avons organisé avec vous des réunions de mise au

point avec nos intervenants au cours des derniers mois.

Cependant, l'une d'elles s'est soldée le 21 juillet dernier par des violences physiques de votre

part.

Sur l'altercation physique du 2l juillet 2017

Le 21 juillet 2017 vous avez eu dans les locaux de l'entreprise et devant témoin, une

altercation violente avec un de nos fournisseurs, Monsieur [V].

Celui-ci avait sollicité une entrevue afin d'évoquer des difficultés rencontrées avec vous.

Nous travaillons depuis de nombreuses années avec ce fournisseur et c'est vous qui êtes à

l'origine de ce partenariat.

Monsieur [V] répond à des demandes de réalisations sur mesure de notre part.

Lors de notre réunion, il s'est plaint de votre manque de précisions dans les commandes, qui entraînent souvent des réalisations à modifier, voire à refaire ; des demandes de dernière minute ; des schémas trop souvent effectués par les poseurs sans avoir été validés par vos soins et des prix rarement validés à la commande, entraînant des discussions lors du règlement des factures.

De plus, Monsieur [V] a évoqué un sujet très délicat, vous accusant d'avoir un

comportement extrêmement grave et malhonnête à son préjudice et au préjudice de notre

entreprise:

ll affirme que vous l'avez soumis à un chantage financier pour lui permettre de travailler avec notre société en exigeant de sa part le versement d'une commission occulte de 5% sur le montant des commandes, en espèces.

ll explique avoir surfacturé à notre société le coût des marchandises afin de répercuter cette

commission occulte.

Monsieur [V] a ajouté avoir cessé cette pratique depuis un moment et avoir subi de ce fait une diminution du volume des commandes de votre part.

Lors de l'entretien, le ton est monté entre vous, au point que vous l'avez poussé sous les yeux de Monsieur [Y] [K].

Du fait de cette empoignade, Monsieur [V] a chuté violemment au sol.

Monsieur [K] a dû l'aider à se relever et a mis un terme immédiatement à cette

désastreuse réunion.

Depuis, Monsieur [V] nous a informé qu'il est blessé. Il est âgé de 65 ans et se

déplace difficilement en raison de ses deux prothèses de hanche.

Il a décidé de porter plainte contre vous et nous a demandé de faire une déclaration de sinistre auprès de notre compagnie d'assurance.

Vous conviendrez aisément qu'un tel comportement est inacceptable au sein de notre

entreprise et en aucun cas excusable.

L'ensemble de vos manquements porte atteinte de manière incontestable à l'image de notre

société tant à l'égard des clients que des partenaires.

De plus, votre attitude génère un climat et une ambiance de travail tendus au sein de

l'entreprise.

Force est de constater que malgré les différents rappels à l'ordre qui vous ont été donnés, vous n'avez pas daigné respecter nos instructions ce qui constitue une attitude délibérée de votre part.

Ce comportement constitutif d'un manquement grave à vos obligations professionnelles

perturbe gravement la bonne marche de notre société.

Nous ne pouvons nous permettre de tolérer plus longtemps ces agissements.

En ce qui concerne les accusations portées contre vous au titre des commissions occultes,

nous allons mener une enquête et nous réservons la possibilité de déposer une plainte à votre encontre.

En conséquence. nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute

grave.'

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des employés et agents de maîtrise des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison du 3 juillet 1985. À la date de la rupture, la Société BAIN CONCEPT occupait habituellement moins de 10 salariés et Monsieur [L] percevait un salaire mensuel moyen brut, incluant le salaire fixe et les commissions, de 15.832 Euros.

Le 18 juin 2018, Monsieur [L] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Longjumeau pour contester son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 4 mars 2020, le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

Par actes séparés des 15 avril et 17 juin 2020, Monsieur [L] a formé appel de cette décision, appels joints par ordonnance du 24 janvier 2023.

Par ses dernières conclusions du 23 janvier 2023 auxquelles il est expressément renvoyé en

ce qui concerne ses moyens, Monsieur [L] demande à la cour d'infirmer le jugement, de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence de condamner la société BAIN CONCEPT à lui payer les sommes suivantes :

- 20.102,22 Euros à titre de complément de salaires pour la période du 29 août 2014 au 28 août 2017 et les congés payés afférents ;

- 9.129,49 Euros et les congés payés afférents, pour la même période, au titre des heures supplémentaires ;

- 193,56 Euros à titre d'indemnités spéciales pour travail de certains dimanches et jours fériés, et les congés payés afférents

- 50.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour non paiement des heures supplémentaires

depuis le mois de mai 2004 ;

- 100.178,34 Euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- 19.279,89 Euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, subsidiairement, 18.282,87 Euros, et les congés payés afférents ;

- 39.392,78 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, subsidiairement 31.665,94 Euros et les congés payés afférents ;

- 51.770,49 Euros à titre d'indemnité légale de licenciement, subsidiairement 49.093,29 Euros ;

- 300.534 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement 284.993,62 Euros ;

- 16.696,39 Euros bruts à titre d'indemnité pour procédure irrégulière, subsidiairement 15.832,91 Euros bruts ;

A titre très subsidiaire, il demande à la cour de dire que le licenciement ne repose pas sur une faute grave, en conséquence de condamner la société BAIN CONCEPT à lui payer les rappels de salaires correspondant à la mise à pied conservatoire, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité légale et l'indemnité pour procédure irrégulière pour les montants ci-dessus.

Il sollicite l'allocation d'une somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures d'appel et de première instance, la délivrance d'un certificat de travail, de bulletins de paie et de l'attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir, dans les 15 jours de la notification.

Par ses dernières conclusions du 1er septembre 2021 auxquelles il est expressément renvoyé en ce qui concerne ses moyens, la Société BAIN CONCEPT demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de débouter Monsieur [L] de l'intégralité de ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 3.000,00 Euros, au titre des frais d'avocat engagés en première instance en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et 4.000,00 Euros au titre des frais engagés en cause d'appel.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat

En vertu des dispositions de l'article L. 3123-14 du Code du travail, le contrat à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois ; en l'absence de mention de cette répartition, l'emploi est présumé à temps complet et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, l'article 5 du contrat de travail de M.[L] est ainsi libellé : 'La rémunération de M.[L] sera établie sur la base d'un salaire fixe de 680 Euros brut mensuel et d'une commission correspondant à 10% du chiffre d'affaires commandé pour 80 heures de travail. Cette somme comprend le paiement des congés payés'. Et l'article 6 mentionne que 'les horaires de travail de M.[L] seront ceux habituellement pratiqués au sein du service dans lequel il est affecté et dont il déclare avoir pris connaissance au moment de l'embauche'.

La Société BAIN CONCEPT ne conteste pas l'embauche à temps partiel de M.[L] à hauteur de 80 heures par mois, mais prétend qu'il s'agissait de la volonté du salarié qui souhaitait se consacrer à d'autres activités personnelles ou professionnelles ; qu'en dépit d'une rédaction maladroite du contrat de travail, aucun des salariés de l'entreprise n'était constamment présent sur la totalité des temps d'ouverture du magasin ; que M.[L] régulait ses horaires en fonction des rendez-vous qu'il fixait lui-même, et qu'il lui était parfaitement possible de réaliser son CA en 80 heures par mois. Elle ajoute que M.[L] travaillait en parallèle pour la société PR3/PRETI, et ce pendant des mois entiers, enfin qu'il était absent de son poste de travail environ 9 semaines par an, que ce soit pour convenances personnelles ou pour congés payés.

Toutefois, dès lors qu'il est constant que le contrat de travail de M.[L] ne précisait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois, la Société BAIN CONCEPT doit apporter la preuve que M.[L] connaissait exactement son rythme de travail. Or le seul élément concret dont elle se prévaut est l'emploi de l'intéressé par la société PR3/PRETI ; mais contrairement à ce qu'elle affirme, il ressort des pièces produites de part et d'autre - attestations de la société PR3, bulletins de salaires avec mention des commissions perçues et bons de commande - que ce travail au profit de la société PR3, rémunéré à la commission, était strictement limité à la durée de la foire de [Localité 5], soit 10 jours par an et n'était pas exclusif de celui accompli au profit de la Société BAIN CONCEPT, y compris pendant ces périodes ; en toute hypothèse, cet emploi épisodique ne suffit pas à démontrer que le salarié n'était pas à la disposition totale de la Société BAIN CONCEPT pendant les autres semaines et mois de l'année, conformément au demeurant aux dispositions de son contrat de travail telles que ci-dessus rappelées qui démontrent que M.[L] ne travaillait pas à sa guise comme le prétend l'employeur, mais devait être présent au sein du magasin où il disposait, selon sa fiche de poste, d'un bureau, d'une ligne téléphonique et d'un poste informatique. Il devait y accueillir et conseiller le client, prendre en charge l'acte de vente, suivre le chantier et assurer le service après-vente.

Quant à la prise de congés, y compris au-delà de la durée légale ou conventionnelle, ce qui est contesté au demeurant par M.[L], elle est sans aucun rapport avec le rythme hebdomadaire de travail du salarié.

Il convient dans ces conditions de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, le jugement étant infirmé de ce chef.

Dès lors qu'il a été fait droit à sa demande de requalification d'un temps partiel en temps plein, et ce depuis l'origine de la relation de travail, M.[L] a droit, dans la limite de la durée légale de travail, à un rappel des salaires non payés et non pas à des heures complémentaires majorées. Il n'en demeure pas moins que la demande de rappel de salaires de M.[L] n'excède pas le montant du salaire dû pour une requalification sur la base d'un plein temps (incluant les jours fériés, les congés payés et les absences pour fermeture du magasin) sans majoration, si bien qu'il convient de faire droit intégralement à sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents.

M.[L] est également en droit de solliciter le règlement des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale de 35 heures par semaine, conformément aux dispositions de l'article L3171-4 du code du travail selon lequel, en cas de litige il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M.[L] produit un tableau précisant ses horaires journaliers de travail, faisant apparaître l'accomplissement d'heures de travail au-delà de la durée légale de 35 heures. La Société BAIN CONCEPT réplique qu'il ne s'occupait pas des tâches administratives et logistiques lourdes, du suivi des chantiers et des plannings, ni des saisies informatiques ; que les rendez-vous de chantiers étaient assurés par des sous-traitants, le salarié se bornant à effectuer des choix de produits et à remettre des bons de commande remplis manuellement ; qu'il n'était pas en permanence au magasin comme le démontrent les nombreux emails qui lui étaient envoyés sur son adresse mail personnelle. Ces éléments, contestés par le salarié, ne sont pas de nature à faire la preuve des heures de travail accomplies, dont il incombe à l'employeur d'assurer le contrôle et force est de constater qu'aucun élément n'est produit par la société qui vienne utilement contredire le tableau détaillé établi par M.[L]. Néanmoins, il n'est pas contesté par ce dernier qu'il travaillait pendant la foire de [Localité 5], aussi bien pour la société PR3/PRETI que pour son employeur ; il ne peut donc faire peser sur ce dernier les heures supplémentaires générées par le surcroît de travail accompli au profit de la société PR3/PRETI.

Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires à hauteur de 7.719 Euros, outre les congés payés afférents.

Sur les majorations pour dimanches et jours fériés

M.[L] justifie, au vu du tableau produit et de l'attestation du gérant de la société PR3/PRETI, qu'il a travaillé les dimanches et jours fériés pendant la foire de [Localité 5], pour le compte à la fois de cette société et de son employeur, si bien qu'il a droit à une majoration de son salaire pour les heures accomplies conformément aux dispositions de l'article 89 de la convention collective ; il convient de faire droit à sa demande sur ce point.

Sur les dommages et intérêts

M.[L] ne justifiant ni de la mauvaise foi de l'employeur, ni d'un préjudice que les intérêts de retard ne suffiraient pas à réparer, doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts, étant précisé que les rappels de salaire ordonnés par la cour lui permettent de régulariser ses droits vis-à-vis des organismes de retraite.

Sur le travail dissimulé

Au vu des éléments du dossier, le salaire de M.[L] était composé pour l'essentiel de commissions dont le montant était sans commune mesure avec le montant de son salaire fixe, et il n'est pas établi par l'intéressé, qui n'a jamais émis la moindre réclamation à cet égard, qu'en mentionnant sur son contrat de travail, une durée de 80 heures de travail par mois, l'employeur ait entendu se soustraire au paiement d'un salaire fixe sur la base d'un temps complet. De même, si l'employeur s'est abstenu de contrôler le temps de travail de son salarié, comme il en avait le devoir, cette négligence ne suffit pas à caractériser l'intention de dissimulation d'heures supplémentaires.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M.[L] de ce chef de demande.

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. Le licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié.

Il appartient à l'employeur seul, lorsqu'il invoque la faute grave, d'en apporter la preuve et lorsqu'un doute subsiste, il profite au salarié.

C'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le Conseil de Prud'hommes après avoir examiné les pièces produites, a considéré que les faits commis le 21 juillet étaient matériellement établis et qu'ils étaient constitutifs d'une faute grave.

M.[L] prétend que Monsieur [V] était un fournisseur à problème avec lequel plusieurs autres vendeurs avaient eu des altercations et, surtout, qu'il l'avait menacé la veille de la réunion au siège de la société, proférant des menaces et des insultes sur son portable ('Demain je vais vous choper par le cobalc et je vais vous bourrer la gueule, ne vous inquiétez pas) ; il reproche à l'employeur, au courant de ces menaces, de les avoir mis en présence, faisant ainsi preuve d'imprudence en les exposant à une confrontation physique. Il affirme que c'est l'intéressé qui s'est brutalement retourné pour le saisir au col, mettant ainsi en oeuvre ses menaces et qu'il n'a fait que le repousser.

Il reste que M.[L] n'a pas été contraint par l'employeur à participer à cette réunion, laquelle, au vu de l'entretien préalable, était destinée à permettre aux protagonistes de s'expliquer sur les tensions survenues entre eux. La version de M.[L] selon laquelle il aurait été saisi par le col n'est pas établie ; dans son propre dépôt de plainte du 1er août, il ne fait qu'évoquer' un geste brusque', sans autre précision, qu'il aurait 'interprété' comme une menace ; toujours est-il qu'il reconnaît avoir poussé Monsieur [V], suffisamment violemment pour que ce dernier chute sur le sol ce qui a entraîné une ITT de 10 jours et une plainte de Monsieur [V] déposée le jour même ; les provocations de la victime, qui sont restées dans le domaine verbal, n'étaient pas de nature à excuser cette agression physique à l'encontre d'un fournisseur, au siège de la société ; cette agression et ses conséquences justifiaient que l'employeur mette un terme immédiatement au contrat de travail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M.[L] de se demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, subsidiairement, non justifié par une faute grave.

Sur la régularité de la procédure

M.[L] fait valoir, d'une part que l'épouse de l'employeur, Mme [K], qui a assisté à l'entretien préalable, n'était pas salariée de la société et, d'autre part, que l'ensemble des griefs n'a pas été évoqué lors de cet entretien. Toutefois, il ne donne aucune explication sur le grief que lui aurait causé la présence de Mme [K] ; quant au reproche principal qui a justifié le licenciement pour faute grave, il a bien été évoqué au cours de l'entretien préalable, si bien que là encore, le fait que certains des autres griefs n'ont pas été abordés ne lui a pas causé de préjudice spécifique.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité pour procédure irrégulière.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [L] de ses demandes de rappel de salaires pendant la mise à pied conservatoire, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité légale de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour irrégularité de la procédure, dommages et intérêts au titre du non paiement des heures supplémentaires et indemnité pour travail dissimulé.

L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau des chefs infirmés ;

REQUALIFIE le contrat à temps partiel en contrat à temps complet ;

CONDAMNE la Société BAIN CONCEPT à payer à Monsieur [L] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation :

- 20.102,22 Euros à titre de rappel de salaires pour la période du 29 août 2014 au 28 août 2017 et 2.010,20 Euros pour les congés payés afférents ;

- 7.719 Euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires et 771,90 Euros pour les congés payés afférents ;

- 193,56 Euros pour à titre de rappel de salaires pour travail le dimanche et les jours fériés et 19,35 Euros pour les congés payés afférents ;

ORDONNE à la Société BAIN CONCEPT de remettre à Monsieur [L] les bulletins de salaires et attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

CONDAMNE la Société BAIN CONCEPT à payer à Monsieur [L] la somme de 2.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

MET les dépens de première instance et d'appel à la charge de la Société BAIN CONCEPT.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 20/03567
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;20.03567 ?
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