La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2023 | FRANCE | N°20/03272

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 17 mai 2023, 20/03272


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 17 MAI 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03272 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3PS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/05279



APPELANT



Monsieur [K] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le 06 Février 1953 à [Localité

5]

Représenté par Me Anne-sophie HETET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220



INTIMEE



Société ING BELGIQUE Société de droit belge

Prise en la personne de ses représentants l...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03272 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3PS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/05279

APPELANT

Monsieur [K] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le 06 Février 1953 à [Localité 5]

Représenté par Me Anne-sophie HETET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220

INTIMEE

Société ING BELGIQUE Société de droit belge

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 1]

BELGIQUE

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François de CHANVILLE, président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M.Jean-François de CHANVILLE, président de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François de CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER,greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [K] [D], né en 1953, a été engagé par la Banque Louis Dreyfus, aux droits de laquelle vient la société ING Belgique, selon un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 1983 en qualité de 'fondé de pouvoirs de la direction financière'.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la banque.

Un accord de participation a été conclu au sein de la banque Louis Dreyfus et signé entre les partenaires sociaux le 15 décembre 1981.

Un plan d'épargne entreprise a été parallèlement mis en place le même jour par la direction de la banque Louis Dreyfus et la délégation du personnel au comité d'entreprise.

M. [K] [D] a occupé un poste de sous-directeur jusqu'au 30 octobre 1987, date à laquelle il a quitté l'entreprise.

A la date de son départ de l'entreprise, il avait une ancienneté de 4 ans et 2 mois et la banque Louis Dreyfus, aux droits de laquelle vient la société ING Belgique, occupait à titre habituel plus de dix salariés.

M. [K] [D] a pris sa retraite le 1er octobre 2016.

Faisant valoir qu'il a quitté l'entreprise, sans que ses droits acquis au titre de la participation et de l'épargne salariale ne lui soient reversés, ni lors de son départ, ni postérieurement. M. [K] [D] a saisi le 7 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 842.877,51 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de ses droits à la participation ;

- 232.835,16 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de ses versements volontaires au titre de l'épargne salariale et de l'abondement complémentaire de son employeur ;

- 15.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec mise des dépens à la charge du défendeur

Celui-ci s'est opposé à ces prétentions et a sollicité la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 septembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté celles-ci de leurs demandes respectives et condamné M. [K] [D] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 29 mai 2020, M. [K] [D] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 16 mars.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 novembre 2022, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de condamner la société ING Belgique au paiement de la somme :

- de 680 679,93 euros de dommages et intérêts, au titre de la participation, des versements volontaire dans le cadre de l'épargne d'entreprise y compris l'abondement de l'employeur,

- de 15 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 février 2021, l'intimée, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes de Paris le 16 septembre 2019, et en tout état de cause, de condamner l'appelant à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux éventuels dépens d'instance, dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques Bellichach, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur les droits à la participation et l'épargne salariale

M. [K] [D] sollicite la condamnation de la SAS ING Belgique à lui verser la somme de 680 679,93 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte par le salarié de ses droits à la participation et à ses fruits, ainsi que de la perte du versement volontaire et de l'abondement complémentaire par l'employeur sur le compte du plan d'épargne entreprise. Il soutient que la partie adverse en tant qu'ayant droit de la Banque Louis Dreyfus est à l'origine de son préjudice en ce que :

- l'employeur n'a pas déposé à l'inspection du travail le règlement des différents fonds qui recueillent l'épargne salariale ;

- il n'a pas informé le salarié des sommes et valeurs qu'il détenait au titre de la participation ;

- il n'a pas respecté l'obligation d'information qui pesait sur lui pendant l'exécution du contrat et lors du départ du salarié de l'entreprise ;

- aucune information n'a été déposée à l'inspection du travail à la suite de la fermeture du fonds commun de placement qui serait intervenue le 8 décembre 2005 ;

- il n'a pas déposé à la Caisse des dépôts et consignation les fonds correspondant à l'épargne du salarié à l'issue du délai d'un an qui a suivi son départ à l'entreprise, conformément aux prescriptions du plan de participation et du plan d'épargne entreprise.

L'intéressé souligne que la société s'est ainsi enrichie de ces fonds, qui lui avaient conféré antérieurement des avantages fiscaux liés aux abondements

La SAS ING Belgique soulève la prescription de ces demandes, soit triennale si l'on retenait une action salariale, soit biennale si l'on retenait une action relative à l'exécution du contrat ou encore quinquennale si on retient la prescription de droit commun de l'article 2224 du Code civil, puisque la période d'emploi en cause s'est écoulée entre le 1er août 1983 et le 30 octobre 1987. Elle soutient que le salarié ne peut retarder le point de départ du délai de prescription du fait d'un défaut d'information, puisqu'il ne justifie pas avoir informé en temps utile la société de ses changements d'adresse, ni ne démontre n'avoir pas reçu les informations voulues. Sur le dépôt des fonds à la Caisse des Dépôts et Consignations imposé à l'employeur un an après le départ du salarié de l'entreprise, l'intimée répond que cet organisme n'a pas dû avoir conservé le compte ouvert au nom de M. [K] [D] du fait de la prescription.

Sur ce

Le salarié est resté à la banque Louis-Dreyfus du 1er août 1983 au 30 octobre 1987.

Un accord de participation modifié le 15 décembre 1981 prévoyait :

- après la clôture des comptes de l'exercice, une réserve spéciale de participation des salariés est constituée par l'entreprise dont le montant est calculé pour chaque salarié à partir du bénéfice net comptable de l'entreprise ;

- ces sommes, en règle générale, demeurent indisponibles pendant 5 ans ;

- lorsqu'un salarié, titulaire d'une créance sur la réserve spéciale de participation quitte l'entreprise sans être dans l'un des cas donnant lieu à une mainlevée de l'indisponibilité prévu par l'article R 442-15 du Code du travail dans sa rédaction alors en vigueur, il lui est remis une attestation indiquant la nature et le montant de ses droits, ainsi que la date à partir de laquelle ceux-ci deviendront exigibles ;

- lorsque le salarié ne pourra être atteint à la dernière adresse indiquée par lui, les sommes et droits auxquels il peut prétendre seront tenus à sa disposition par l'entreprise pendant un délai d'un an à compter de la date d'expiration du blocage de ses droits ; passé ce temps, ils seront remis à la caisse des dépôts et consignations où l'intéressé pourra les réclamer jusqu'au terme de la prescription trentenaire.

Un accord sur le plan d'épargne d'entreprise modifié le 15 décembre 1981 disposait que:

- le plan est alimenté par les sommes attribuées aux salariés en application de l'accord de participation, par les versements personnels des salariés, par les versements complémentaires tels que déterminés à l'article 7 dudit accord, émanant de l'entreprise et par les revenus et produits des placements effectués ;

- lors de chaque souscription de parts, un relevé nominatif indiquant le nombre de parts acquises et le prix de souscription est remis au salarié qui reçoit au moins une fois par an un relevé des parts dont il est propriétaire, rappelant les dates de disponibilité ;

- lorsque le salarié ne pourra être atteint à la dernière adresse indiquée par lui, les sommes et droits auxquels il peut prétendre seront tenus à sa disposition par l'entreprise pendant un délai d'un an à compter de la date d'expiration du blocage de ses droits ; passé ce temps, ils seront remis à la caisse des dépôts et consignations où l'intéressé pourra les réclamer jusqu'au terme de la prescription.

Le conseil des prud'hommes a été saisi le 7 juillet 2017, alors que le délai pendant lequel la SAS ING Belgique devait tenir à la disposition du salarié via la Caisse des dépôts et consignations a expiré au plus tôt 31 ans après le départ du salarié de la banque Louis-Dreyfus, soit le 30 octobre 2018.

Aucun délai de prescription autre que celui de 30 ans défini par l'accord d'entreprise n'a lieu de s'appliquer et l'exception d'irrecevabilité doit donc être rejetée.

Il ressort du site Ciclade de la Caisse des dépôts et consignations qu'aucun compte n'existe au nom de l'intéressé, ce qui induit que les fonds dus à M. [K] [D] n'y ont pas été déposés par l'employeur comme il l'aurait dû.

Au surplus, la SAS ING Belgique ne justifie pas que la société dont elle tient ses droits, la Banque Louis-Dreyfus a rempli ses obligations d'information telles qu'elles sont rappelées à propos du plan d'épargne et de l'accord de participation.

Pour justifier sa créance et le préjudice subséquent tel qu'il résulte de la perte de son plan d'épargne, M. [K] [D] produit un calcul clair, précis et détaillé établi par un actuaire à savoir le cabinet SOGEAPER, qui aboutit à une somme de 680 679,93 euros de préjudice.

Les étapes du calcul de ce document sont les suivantes :

- les bulletins de salaire donnent l'alimentation du plan d'épargne par le salarié ;

- l'art 7 du plan d'épargne permet de calculer l'abondement alloué par l'employeur puisqu'il s'agit d'un pourcentage des versements du salarié ;

- il se déduit de l'accord de participation le dépôt sur le fonds commun de placement 0015 de la distribution en faveur de M. [K] [D], dont l'ampleur est dépend de son salaire et du plafond fixé en fonction du plafond de la Sécurité Sociale chaque année.

Sur l'estimation par l'actuaire des pertes de gains subis par le salarié sur toute la période durant laquelle les avoirs auraient dû fructifier, l'employeur ne saurait se prévaloir d'une fermeture hypothétique du fonds commun de placement en 2005, une telle mesure devant s'analyser en l'absence de solution de substitution et d'information des bénéficiaires comme une exonération de responsabilité de la perte subie.

L'évaluation des fruits repose : sur la répartition prévue par le plan d'épargne des avoirs entre 75% d'actions française et 25% d'obligations d'Etat ; sur les travaux du professeur [W] pour la période antérieure à la création du CAC 40 en 1987 et à partir d'une documentation donnant l'évolution du CAC 40 que la cour retient comme pertinente pour la période postérieure.

Les objections soulevées par la société qui partent du postulat selon lequel l'évolution du CAC 40 doit être examinée jusqu'à la fermeture prétendue du fonds commun de placement ne sont pas pertinentes, dés lors que la cour ne prend pas en compte cette interruption de l'obligation de restitution par l'employeur et que l'étude porte, dès lors à juste titre, sur une évolution qui s'est prolongée jusqu'en 2018.

Cependant, la référence au CAC 40 est arbitraire et ne peut servir de base que dans le cadre de l'étude d'une perte de chances d'obtenir un tel résultat.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour fixe le préjudice de M. [K] [D] à la somme de 550 000 euros.

2 : Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive

M. [K] [D] sollicite la condamnation de la SAS ING Belgique à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation de sa résistance abusive caractérisée selon lui par son attitude face aux réclamations du salarié : elle a prétendu ne pas avoir reçu sa lettre recommandée avec accusé de réception du 28 décembre 2015, puis la Banque Louis-Dreyfus a été reprise par la SAS ING France, puis elle lui a demandé de justifier de son emploi au sein de la Banque Louis-Dreyfus, puis elle l'a renvoyé à la SAS ING Bank NV qui n'est pas concernée, avant de dire qu'elle n'avait plus d'archives.

La société conteste avoir voulu empêcher le salarié de faire valoir ses droits.

Sur ce

Compte tenu de ce que M. [K] [D] a attendu prés de trente ans, délai pour le moins inhabituel, pour se préoccuper de ses droits, alors que plusieurs sociétés entre-temps s'étaient succédées aux droits de banque Louis-Dreyfus, la société ING Belgique a fait face à un problème de déperdition des preuves qui explique les difficultés éprouvées par la débitrice pour s'y retrouver.

A tout le moins, la mauvaise foi alléguée n'est pas établie.

Par suite la demande de dommages-intérêts sera rejetée.

3: Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner la SAS ING Belgique qui succombe à verser à M. [K] [D] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour le même motif, l'employeur sera débouté de ces chefs et condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement sauf sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et sur la demande de la SAS ING Belgique au titre des frais irrépétibles de première instance;

Statuant à nouveau ;

Condamne la SAS ING Belgique à payer à M. [K] [D] la somme de 550 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de ses droits sur le plan d'épargne salariale et l'accord de la participation en vigueur au sein de Banque Louis-Dreyfus ;

Condamne la SAS ING Belgique aux dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

Condamne la SAS ING Belgique à payer à M. [K] [D] la somme de 2 500 au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette la demande de la SAS ING Belgique au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SAS ING Belgique aux dépens d'appel ;

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03272
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;20.03272 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award