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17/05/2023 | FRANCE | N°20/03239

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 17 mai 2023, 20/03239


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 17 MAI 2023



(n° 2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03239 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3MF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° F 18/00701





APPELANTE



S.A.S. INTERNATIONAL COOKWARE

[Adresse 4]

[Localité 2]


>Représentée par Me Thomas LESTAVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035





INTIMÉ



Monsieur [B] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Abdelmajid BELLOUTI, avocat au barrea...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° 2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03239 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3MF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° F 18/00701

APPELANTE

S.A.S. INTERNATIONAL COOKWARE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Thomas LESTAVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035

INTIMÉ

Monsieur [B] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Abdelmajid BELLOUTI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0524

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [B] [F] a été engagé, à compter du 6 janvier 2003 par la société Neweel SA, devenue International Cookware, selon contrat de travail à durée indéterminée du 25 octobre 2002, en qualité de directeur régional, cadre catégorie 8B, coefficient 450, grade 10.

En dernier lieu, M. [F] exerçait les fonctions de responsable développement des ventes CG et B2B, coefficient 550 et classification 8C et percevait une rémunération mensuelle brute d'un montant de 6 790 euros.

La société International Cookware est une entreprise de fabrication de verrerie : plats, ustensiles de cuisine, de conservation et art de la table de la marque Pyrex.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des industries de fabrication mécanique du verre du 8 juin 1972 (n° 3079).

Elle emploie plus de 10 salariés.

Les fonctions de M. [B] [F] consistaient à:

- Manager et développer l'ensemble de la clientèle (Discount, réseaux spécialisés, web, nouveaux réseaux, BtoB, ect') pour atteindre les objectifs annuels de vente et de marge ;

- Proposer et mettre en 'uvre la stratégie prix produits et promotionnelle sur ces circuits dans le respect de la stratégie globale France ;

- Elaborer et mettre en 'uvre une démarche Category Management : Sur la base des analyses marché/ linéaires, établir des recommandations, développer des outils de merchandising et établir des partenariats en support du KAM GMS ;

- Contribuer au bon fonctionnement et à l'atteinte des objectifs de croissance de l'entité France.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 décembre 2017, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 janvier 2018 et a été mis à pied à titre conservatoire avec maintien de salaire.

La société International Cookware a notifié à M. [F] son licenciement pour motif personnel, invoquant une cause réelle et sérieuse, par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 10 janvier 2018.

Le 14 mai 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil afin de contester son licenciement.

Par jugement en date du 27 février 2020, le conseil de prud'hommes de Créteil a :

- dit que la procédure de licenciement appliquée à M. [B] [F] était irrégulière.

- requalifié le licenciement de M. [B] [F] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamné la Sas International Cookware à payer à M. [B] [F], dont la moyenne des salaires s'élève à 6 866,32 €, les sommes suivantes :

- 68 663,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- débouté M. [B] [F] du surplus de ses demandes,

- débouté la société International Cookware de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société International Cookware a interjeté appel le 27 mai 2020.

Selon conclusions signifiées à M. [F] par acte d'huissier de justice en date du 30 juillet 2020, remis au greffe, le 6 août 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société International Cookware demande de :

' Recevoir la société International Cookware dans ses conclusions,

' La déclarer bien fondée,

' Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 27 février 2020 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

' Débouter M. [B] [F] de l'ensemble de ses demandes ;

' Condamner M. [B] [F] au paiement d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la première instance.

Et en tout état de cause :

' Condamner M. [B] [F] à verser à la société International Cookware la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamner M. [B] [F] aux éventuels dépens de l'instance.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 29 octobre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens M. [F] demande de :

- débouter purement et simplement la société International Cookware de son appel

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

Dit le licenciement de M. [B] [F] sans cause réelle et sérieuse

Dit que la procédure de licenciement n'avait pas été respectée

L'infirmer sur le quantum des sommes allouées à M. [B] [F]

En conséquence

Condamner la société International Cookware à verser à M. [B] [F] la somme de 88 827,05 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société International Cookware à verser à M. [B] [F] la somme de 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement

Condamner la société International Cookware à verser à M. [B] [F] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Condamner la société International Cookware à verser à M. [B] [F] la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en ce compris les frais irrépétibles de première instance ;

Condamner la société International Cookware aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable en l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement qui délimite les termes du litige reproche à M. [F] un comportement agressif et déplacé à l'égard de l'une de ses collaboratrices, le non-respect des directives données et une absence de collaboration avec sa hiérarchie.

- sur le comportement agressif et déplacé à l'égard de l'une de ses collaboratrices :

L'employeur reproche à M. [F] d'avoir adopté une attitude inadaptée le 13 décembre 2017, à la suite d'un désaccord professionnel avec Mme [E] [U], en se positionnant debout à quelques centimètres de sa collaboratrice et en s'adressant à elle sur un ton autoritaire et virulent, d'avoir réitéré ce comportement le lendemain, dans la matinée, et ce malgré un coaching individuel financé par l'entreprise en 2013 lequel avait fait suite à un précédent incident.

M. [F] conteste avoir adopté, le 13 décembre 2017, un comportement agressif et déplacé envers Mme [E] [U] et fait valoir que les échanges électroniques entre M. [F] et Mme [U] étaient professionnels et respectueux aussi bien avant qu'après leur entretien oral. Il souligne que celle-ci ne lui a pas reproché directement son comportement et exprime dans les courriels produits surtout son regret que son travail n'ait pas été pris en compte dans la vente en cause.

La société verse aux débats le courriel adressé le 15 décembre 2017 par Mme [H], salariée du service communication de la société, à Mme [A], chef du service marketing, aux termes duquel Mme [H] écrit avoir été 'témoin d'un échange très tendu entre [E] [U] et [B] [F]' dans l'open space le 13 décembre 2017 et indique que 'le ton autoritaire de [B] m'a fait lever la tête', ' la discussion concernait la vente' sur Ventes privées et que le ton utilisé par M. [F] était 'autoritaire et virulent', '[E] était assise à son bureau et [B] était debout tout près d'elle. J'ai trouvé cette posture intimidante. J'ai vu que [E] commençait à être submergée par les émotions mais [B] a continué à lui parler avec un ton très autoritaire. [B] reprochait à [E] de ne pas l'avoir mis en copie du mail envoyé à [O] avec tout le contenu optimisé pour la vente. [E] lui a montré le mail et il était bien en copie'. Mme [H] précise qu'elle s'est alors isolée avec Mme [U] dans une salle de réunion et que cette dernière lui a confié 'qu'elle se sentait mal et fautive de quelque chose' et qu'elle était 'choquée de l'attitude de [B]', elle était également déçue et frustrée que toutes ces heures de travail n'aient servi à rien. Mme [H] ajoute que '[B] est arrivé dans la salle de réunion en demandant à [E] pourquoi elle n'avait pas encore envoyé le mail' puis ils ont parlé tous les trois sur le process des ventes privées, et précise que 'au cours de cette discussion le ton de [B] était plus amical et il a même dit à [E] 'je t'adore' mais 'le lendemain, 14 décembre, [B] est venu à de nombreuses reprises au bureau de [E]'. Celle-ci a exprimé à Mme [H] qu'elle était 'mal à l'aise car la veille dans la matinée du 13 décembre, [B] lui avait dit de faire attention à ce qu'elle allait faire remonter'.

M. [L], autre salarié, a également adressé un mail à sa supérieure, Mme [I], le 15 décembre 2017 aux termes duquel il indique avoir entendu le 13 décembre vers 18 heures alors qu'il était à son bureau une discussion tendue entre [E] [U] et [B] [F] et précise que [E] [U] ne vivait pas bien cette situation, qu'elle était déstabilisée, et ajoute qu'après le départ de M. [F], il est allé lui-même demander à Mme [U] si elle allait bien. Il écrit avoir vu M. [F] entrer ensuite dans la salle de pause dans laquelle Mme [U] s'était isolée avec Mme [H]. Il indique également que le lendemain matin, M. [F] 'est passé au bureau de [E] à plusieurs reprises à des intervalles de temps très court alors qu'elle était déjà en communication' et 's'est montré pressant en lui demandant alors qu'elle 'était en ligne si elle finissait sa réunion bientôt pour discuter avec elle'.

Ces courriels relatent les faits de manière concordante et à deux jours du premier événement et un jour du second de sorte que c'est vainement que M. [F] fait valoir que la réaction de ses collègues n'a pas été immédiate.

- sur le non-respect des directives données et une absence de collaboration avec sa hiérarchie :

La société reproche à M. [F] d'avoir commercialisé des produits de la gamme Argento sur le site Ventes privées malgré la décision de la direction de ne plus commercialiser ces produits en France et d'avoir vendu des produits Pyrex en discount alors que ce n'était pas autorisé par la politique de la marque.

Des échanges de courriels entre M. [F] et Mme [R] sont versés aux débats, notamment un courriel du 24 novembre 2017 aux termes duquel M. [F] informe Mme [R] des produits obsolètes qu'il propose à la vente, parmi lesquels figurent des lots 'sets Candy' de marque Pyrex ce qui a fait l'objet d'une réponse de Mme [R] mentionnant que la vente de produits Pyrex en discount ne fait pas partie de la politique commerciale.

M. [F] établit toutefois avoir obtenu l'autorisation de sa supérieure pour procéder à cette vente. Le grief n'est donc pas établi.

S'agissant du stock de produits Argento déstocké en France après l'arrêt de la commercialisation en France, il résulte des échanges de courriels produits que ce stock avait été constitué avant la décision d'arrêter la vente de ces produits en France. Ce grief n'est donc pas caractérisé.

Quant à l'absence de collaboration avec sa hiérarchie, elle n'est pas caractérisée par les échanges de courriels versés aux débats.

Seul le grief relatif au comportement du salarié est donc établi.

M. [F] ne démontre pas quant à lui que son licenciement serait en réalité motivé par des considérations économiques et financières, la réorganisation qu'il invoque, mise en oeuvre en février 2017, soit antérieure de six mois aux faits, n'étant pas suffisante à l'établir.

Si M. [F] souligne que son coaching était ancien de plus de quatre années lors des faits reprochés, les évaluations qu'il verse lui-même aux débats mentionnent la nécessité de progresser en termes de respect dans l'attitude, item noté 3 soit atteint en 2013, puis 2 soit correct en 2014 puis 1 soit insatisfaisant en 2015 et 2016.

L'attitude inadaptée de M. [F] à l'égard de sa collègue par sa virulence et son caractère intimidant justifie la rupture du contrat de travail en ce qu'il caractérise un manque de respect dû aux collègues dans une collectivité de travail et nuit à leur collaboration.

La cause réelle et sérieuse invoquée au soutien du licenciement est établie. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a fait droit aux demandes indemnitaires subséquentes de M. [F].

Sur les dommages et intérêts pour conditions vexatoires de licenciement :

M. [F] reproche à son employeur de lui avoir notifié son licenciement verbalement le 15 décembre 2017 et de manière agressive en lui demandant expressément de quitter l'entreprise.

Toutefois, si le compte rendu de l'entretien préalable cite un propos d'une personne désignée sous les initiales JLL et identifiée par M. [F] comme étant M. [G] [C], selon lequel il ne voulait 'plus voir cette personne dans l'entreprise', ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour caractériser des circonstances brutales et vexatoires de rupture.

La demande de dommages-intérêts est en conséquence rejetée. Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement :

Aux termes de l'article L1235-2 du code du travail, « les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L1232-6, L1232-16 et L1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat. »

La société International Cookware n'a pas informé M. [B] [F] dans la lettre de licenciement de la possibilité pour lui de demander une précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

Pour autant, ni l'article L1232-6 ni l'article L1235-2 du code du travail ne prévoient la mention de ce droit dans la lettre de licenciement.

La société International Cookware n'a donc pas commis d'irrégularité de procédure. La demande indemnitaire est en conséquence rejetée.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de condamner M. [F] aux dépens de première instance et d'appel et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Juge que le licenciement de M. [B] [F] est justifié par une cause réelle et sérieuse,

Rejette les demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour préjudice moral et d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/03239
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;20.03239 ?
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