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16/05/2023 | FRANCE | N°20/02182

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 16 mai 2023, 20/02182


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 16 MAI 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02182 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTHX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/04213



APPELANT



Monsieur [P] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représen

té par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157



INTIMÉES



SA TELEPERFORMANCE FRANCE venant aux droits de la SAS TELEPERFORMANCE CENTRE EST

[Adresse 1]

[Lo...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 16 MAI 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02182 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTHX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/04213

APPELANT

Monsieur [P] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157

INTIMÉES

SA TELEPERFORMANCE FRANCE venant aux droits de la SAS TELEPERFORMANCE CENTRE EST

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Marine CONCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

SA ORANGE venant aux droits de la société ORANGE FRANCE SA

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Alicia CAILLIAU

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le groupe Téléperformance opère dans le secteur d'activité de la gestion de la relation client à distance et gère 255 centres d'appel au plan mondial.

En France, jusqu'à une fusion opérée en janvier 2012, la société mère Téléperformance France était complétée par quatre sociétés régionales dont la société Téléperformance Centre Est.

M. [P] [D], né en 1975, engagé par la S.A.S Téléperformance Centre Est, aux droits de laquelle vient la S.A.S.U Téléperformance France (ci- après société Téléperformance), par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1998 en qualité de responsable plateau.

Il exerçait ses fonctions sur le site de [Localité 7].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des prestataires de service.

La société Téléperformance comptait parmi ses clients la société Orange France et assurait pour cette dernière une prestation de service pour l'activité de téléphonie mobile mais aussi la prise en charge de l'assistance technique Internet.

En 2009, un projet de réorganisation et de transfert d'activité a conduit notamment à la fermeture de l'agence de [Localité 7] à laquelle M. [D] était rattaché.

Par lettre datée du 16 mai 2011, M. [D] a été licencié pour motif économique fondé sur la sauvegarde de la compétitivité.

A la date du licenciement, M. [D] avait une ancienneté de 13 ans et 4 mois et la société Téléperformance occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Souhaitant voir reconnaître la qualité de co-employeurs des sociétés Téléperformance France, Téléperformance Centre Est, et Orange, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [D] a saisi le 12 juillet 2010 le conseil de prud'hommes de Bobigny. L'affaire a été radiée le 11 avril 2012. Elle a ensuite été réintroduite le 14 octobre 2015. Elle a à nouveau été radiée le 30 novembre 2017, puis elle a été réintroduite le 29 décembre 2017.

Par jugement du 30 janvier 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny a statué comme suit :

- Prononce la mise hors de cause de la société Orange,

- Déboute M. [P] [D] de l'ensemble de ses demandes,

- Déboute la société Téléperformance France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [P] [D] aux éventuels dépens de la présente instance.

Par déclaration du 06 mars 2020, M. [D] a interjeté appel de cette décision contre la société Téléperformance France, notifiée le 07 février 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 juin 2020, M. [D] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- dire et juger que la société téléperformance France, la société téléperformance centre est et la société Orange étaient co-employeurs de M. [D],

- dire et juger que le licenciement de M. [D] n'est justifié par aucun motif économique,

- dire et juger que l'obligation de reclassement individuel n'a pas été respectée,

en conséquence,

- condamner in solidum la société Téléperformance France, la société Téléperformance Centre Est et la société Orange à verser à M. [D] trois années de salaire soit la somme de 97 919,16 euros,

- assortir les condamnations d'intérêts au taux légal,

- condamner in solidum la société Téléperformance France, la société Téléperformance Centre Est et la société Orange aux dépens,

- condamner in solidum la société Téléperformance France, la société Téléperformance Centre Est et la société Orange à verser à M. [D] la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 août 2020, la société Orange demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en sa mise hors de cause de la société Orange,

en conséquence,

- déclarer les demandes de M. [D] irrecevables à l'égard de la société Orange France SA et prononcer la mise hors de cause de cette dernière,

subsidiairement,

- constater l'absence de toute justification de préjudice de M. [D],

en conséquence :

- limiter à la stricte application des dispositions légales l'indemnité susceptible d'être allouée soit à 6 mois maximum de salaire (sous réserve de la production préalable suite à injonction de la juridiction de ses 12 derniers bulletins de paie avant la notification du licenciement permettant de fixer un salaire moyen), l'appelant n'étant pas fondé à invoquer les conséquences indemnitaires d'une nullité de son licenciement.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 02 septembre 2020, la société Téléperformance France demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 30 janvier 2020 en ce qu'il a débouté M. [D] de l'intégralité de ses demandes et a mis hors de cause la société Orange,

par conséquent :

- à titre principal :

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [D] à verser à la société Téléperformance France la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

à titre subsidiaire si par extraordinaire la cour d'appel de Paris devait juger que le licenciement de M. [D] est sans cause réelle et sérieuse :

- limiter le montant des dommages et intérêts alloués au salarié à l'équivalent de six mois de salaire,

en tout état de cause :

- condamner M. [D] à verser à Téléperformance France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 07 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur l'existence du co-emploi

Il est constant qu'il appartient au salarié qui revendique une pluralité d'employeurs de rapporter la preuve soit d'une simultanéité d'un lien de subordination à l'égard de ceux-ci, soit en dehors de l'existence d'un lien de subordination, de l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les sociétés qualifiées de co-employeurs.

Pour infirmation du jugement déféré et au titre de la démonstration qui lui incombe de la qualité de co-employeurs des sociétés Orange et Téléperformance France, M. [D] fait valoir l'existence d'une immixtion de la société Orange dans la gestion économique et sociale de la société Téléperformance France qu'il caractérise même si les sociétés n'avaient pas de liens capitalistiques, par le fait que la société Orange s'immisçait dans la gestion économique et sociale de la société Téléperformance, assurait la direction opérationnelle des activités de téléconseils des centres d'appel dont l'encadrement recevait ses ordres de la société dominante et réduisait les centres d'appel Orange de Téléperformance à l'état de simples établissements d'Orange.

La société Téléperformance réplique pour confirmation de la décision déférée, qu'elle assure pour le compte de France Télécom des contrats de prestation de services tant en matière d'appels entrants (activités de commercialisation de nouveaux produits, de traitement des clients Mobile, d'assistance commerciale et technique internet) dans le respect du cahier des charges convenu avec le client, après fourniture de la documentation nécessaire à l'accomplissement de la prestation et accès à certains logiciels et bases de données internes à France Télécom. Elle souligne qu'elle reste le seul détenteur du pouvoir hiérarchique sur ses personnels dont elle assure la gestion hiérarchique et comptable et sociale. Elle indique qu'elle entretient avec France Télécom comme avec ses autres clients des rapports purement commerciaux de donneur d'ordre à prestataire de services, sans liens capitalistiques ni aucune filiale ou dirigeant communs.

La société Orange fait valoir pour confirmation du jugement déféré, qu'elle n'est pas co-employeur de l'appelant et qu'elle doit être mise hors de cause. Elle souligne qu'il n'existe aucun lien de subordination entre l'appelant et elle-même et soutient que la triple confusion d'intérêts n'a vocation à s'appliquer que dans les groupes de sociétés, ce qui n'est pas le cas, et qu'en tout état de cause le critère de la triple confusion n'est pas rempli en l'espèce. Elle explique en effet qu'aucune immixtion dans la gestion économique ou du personnel n'est rapportée. Elle souligne que les documents commerciaux de présentation des offres mobiles déployées par la société Orange étaient mis à disposition des salariés de la société Téléperformance pour l'exécution de leur prestation, qu'elle n'a jamais donné d'ordres à l'appelant, ni contrôlé son travail, ni sanctionné ce dernier. Elle conteste toute confusion de direction ou d'activités.

La cour relève qu'aucune pièce du dossier versée par l'appelant n'établit que la société Orange lui donnait directement des instructions, lui réclamait des comptes, fixait ses horaires de travail ou de congés, lui versait une rémunération ou exerçait à son égard un pouvoir disciplinaire.

S'il ressort du cahier des charges liant la société Orange à son prestataire la société Téléperformance des exigences très détaillées quant aux modalités d'exécution des tâches déléguées à cette dernière, celles-ci n'excèdent toutefois pas le cadre normal et habituel des relations contractuelles entre un prestataire de services et son donneur d'ordres.

Ainsi le fait que la société Téléperformance ait été soumise à des reportings réguliers par le biais de ses managers relève du droit du donneur d'ordre de vérifier la qualité de la prestation déléguée et réalisée étant observé qu'il n'est pas démontré que l'appelant ait du rendre des comptes directement à la société Orange.

En outre, la mise à disposition du prestataire par le donneur d'ordre d'outils informatiques spécifiques ainsi que de la documentation technique propres à la société Orange était destinée à permettre aux salariés d'exécuter la mission qui leur était confiée sans qu'il puisse en être déduit une subordination à l'égard de la société Orange. Il en va de même de l'obligation de participation à des formations, imposée par le cahier des charges et justifiée par la technicité de la matière mais aussi par le souci d'uniformiser les méthodes de travail et le verbatim en cours au sein de la société Orange sans qu'il puisse être déduit que par la fixation des jours de formations, la société Orange imposait et contrôlait le respect des horaires ou en sanctionnait le non-respect. A cet égard, la cour observe que le non-respect des consignes imposées par Orange, était sanctionné par la société Téléperformance elle-même qui seule exerçait son pouvoir disciplinaire (courrier concernant M. [H] pièce 44 appelant).

Le fait que les salariés étaient amenés à envoyer des courriers aux clients Orange sur du papier à en-tête de la société Orange s'inscrivait dans l'exécution normale du contrat de sous-traitance liant leur employeur au donneur d'ordre sans qu'il puisse en être déduit une intégration au sein des effectifs de ce dernier. (pièce 56, appelant).

Enfin, ainsi que le soutient la société Téléperformance, il n'est pas contesté qu' elle seule fixait la rémunération et payait ses collaborateurs même si elle pouvait tenir compte des résultats obtenus dans l'exercice de leurs fonctions au profit du donneur d'ordre.

Il s'en déduit qu'il n'est pas établi que la société Orange exerçait à l'égard de l'appelant les pouvoirs d'un employeur.

Quant à la confusion d'activités, d'intérêts et de direction, il est constant que la société Orange et la société Téléperformance ne font pas partie du même groupe. Il est en outre admis qu'elles n'ont pas de liens capitalistiques et il n'est ni soutenu ni allégué qu'elles ont des dirigeants communs. Leurs activités respectives sont distinctes, l'une étant opérateur de communications téléphoniques et électroniques, l'autre mettant en oeuvre des modalités de gestion à distance de la relation avec la clientèle.

Enfin, la confusion d'intérêts invoquée est démentie par la nature des relations contractuelles de donneur d'ordre à prestataire, chacune des parties étant mue par sa logique économique propre.

La cour en déduit par confirmation du jugement déféré, que c'est à juste titre que la société Orange a été mise hors de cause, l'appelant ne démontrant pas que celle-ci avait la qualité de co-employeur à son égard, que ce soit au titre de la subordination juridique ou au titre de la confusion entre les sociétés. C'est par conséquent à bon droit que l'appelant a été débouté de ses prétentions à l'égard de la société Orange.Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation du jugement déféré, l'appelant conteste l'absence de justification économique valable de son licenciement et invoque la violation de l'obligation de reclassement individuel.

Pour confirmation de la décision, la société Téléperformance France rappelle qu'elle a subi de loures pertes récurrentes à compter de 2008, de nature à obérer les résultats mondiaux du groupe et sa capacité à investir et qu'elles menaçaient sa compétitivité dans son ensemble.

La lettre de licenciement datée du 16 mai 2011 était ainsi essentiellement libellée :

« Par le présent courrier, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement économique.

Les motifs à l'appui de notre décision sont les suivants :

Compte tenu des effets conjugués de la crise, de la pression sur les prix et de l'évolution de la demande, le groupe Téléperformance connaît un net ralentissement de son chiffre d'affaires et une baisse de ses résultats au niveau du groupe.

En France, Téléperformance a enregistré en 2009 une chute de son chiffre d'affaires de 13% du fait de la baisse de volumes liée à l'évolution du marché et à la perte de plusieurs clients importants. Cette baisse du chiffre d'affaires s'est traduite par des pertes importantes en 2009 de 36 millions d'euros. Malgré les premières mesures entreprises depuis juillet 2009 et en raison notamment de pertes supplémentaires de clients, l'activité a encore baissé en 2010 de 15%, générant des pertes estimées à un niveau comparable de 30 millions d'euros.

Afin de sauvegarder la compétitivité du groupe, menacée par les difficultés économiques des activités en France, Téléperformance France a en conséquence été contrainte de prendre les mesures lui permettant de s'adapter au volume et à la demande de ses clients, afin d'endiguer ses pertes et d'être en mesure de rétablir ses résultats.

Dans ce cadre, Téléperformance France a du, à court terme, non seulement poursuivre le plan de redimensionnement des opérations en Ile-de-France mais également engager un plan de redimensionnement de l'ensemble de ses activités en France.

Téléperformance France a en conséquence présenté à ses institutions représentatives du personnel un projet de réorganisation de ses activités, le 1er juillet 2010, projet se concrétisant par la concentration de ses activités sur certaines de ses implantations et par la fermeture de certains centres.

Ce projet se concrétise notamment par la fermeture du centre de [Localité 7] et par la suppression de 115 postes sur ce centre.

L'entreprise a présenté un plan de sauvegarde de l'emploi ayant l'objectif d'assurer le repositionnement professionnel de chaque salarié, en interne ou en externe. Afin de limiter le nombre de départs contraints, l'entreprise a notamment prévu, dans le cadre de ce plan de sauvegarde de l'emploi, une phase préalable de volontariat en vue d'un départ amiable pour motif économique des salariés porteurs d'un projet professionnel.

Téléperformance France et sa filiale Téléperformance Centre-Est ont procédé à la confusion de leurs instances représentatives sur le projet de réorganisation, le comité central d'entreprise et le comité d'établissement de Téléperformance Centre-Est ayant rendu leur avis les 26 et 28 janvier 2011. Par ailleurs, un accord sur le projet de réorganisation et de plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu avec les organisations syndicales majoritaires le 26 janvier 2011. La phase de volontariat s'est déroulée du 31 janvier au 28 février 2011.

Au terme de cette phase de volontariat, le nombre de candidatures au départ volontaire dans la catégorie d'emploi conseillers clients à laquelle vous appartenez s'est révélé insuffisant et la suppression de 86 postes reste en conséquence envisagée dans votre catégorie d'emploi.

De par la suppression de l'ensemble des postes de votre centre, votre licenciement a par conséquent été envisagé par la société.

Nous avons déployé tous les efforts possibles pour vous reclasser au sein du groupe Téléperformance et à cette fin avons pris contact avec les différentes sociétés du groupe afin de recenser les postes disponibles qui pouvaient vous être proposés en application de l'article L. 1233-4 du code du travail.

Par courrier daté du 23 mars 2011, nous vous avons interrogé sur votre souhait éventuel d'un reclassement à l'étranger.

A défaut de réponse de votre part, vous êtes réputé ne pas avoir souhaité de reclassement à l'étranger.

Par courrier daté du 11 avril 2011, nous vous avons par ailleurs proposé une offre de reclassement ferme et personnalisée. Vous disposiez d'un délai d'un mois calendaire à compter de la présentation de cette lettre pour nous faire connaître votre réponse et votre acceptation éventuelle du poste de reclassement qui vous était proposé.

L'absence de réponse de votre part à l'expiration du délai d'un mois est assimilée à un refus de la proposition de reclassement.

Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement dans les conditions suivantes... »

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail,dans sa version applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.

La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement.

Enfin, le juge prud'homal, tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, ne peut cependant pas se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation.

C'est en vain que M. [D] soutient que le groupe Téléperformance présentait une santé financière excellente.

Au contraire, les pièces versées par la société Téléperformance relatives à la situation financière et économique tant du groupe Téléperformance que de la société Téléperformance France pour les années 2009 et 2010 , non utilement critiquées révèlent :

- au niveau du groupe un résultat net en diminution notable soit une chute de 24% en 2009 (116,4 millions en 2008, 88,2 millions en 2009 et 71,9 millions en 2010 et 33,3 millions au premier semestre 2011 contre 39,1 millions à la même date en 2010 même si le chiffre d'affaires consolidé connaissait une progression.(pièces 110,111, 113 et 131 société)

- au niveau de la société Téléperformance France un chiffre d'affaires en régression depuis 2008 avec une baisse de 13% en 2009 et de 15% en 2010 soit une perte de plus de 30 millions d'euros.

- que la situation économique du groupe Téléperformance a été impactée et s'est sérieusement dégradée en raison des pertes des sociétés françaises du groupe impliquant de réagir et de mettre en place un plan de sauvegarde de la compétitivité.

C'est de façon pertinente et sans être contredite que la société Téléperformance fait observer que ni l'expert mandaté par le comité central d'entreprise, ni les organisations syndicales, ni les différents comités d'entreprise consultés dans le cadre de la procédure de licenciement n'ont contesté la nécessité de la réorganisation des activités françaises en vue de la sauvegarde de la compétitivité et les licenciements qu'elle induisait.

Il en résulte qu'il est démontré qu'à la date de la mise en 'uvre du plan de réorganisation qui comprenaient la fermeture du site de [Localité 7] sur lequel l'appelant était affecté et la suppression des emplois de ce site, la sauvegarde de la compétitivité du groupe était compromise et que des mesures étaient nécessaires pour redresser la situation économique de la société Téléperformance France mais également à la compétitivité du groupe dans son ensemble.

S'agissant de l'obligation de reclassement, aux termes des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Il n'est pas discuté que l'ensemble des salariés concernés dont M. [D], ont d'abord été destinataires d'une lettre datée du 23 mars 2011, proposant différents postes en France dont plusieurs en région parisienne. C'est en vain que l'appelant soutient que la proposition n'aurait pas été individualisée du fait que celle-ci aurait été faite à tous, alors même que les salariés concernés dont il était envisagé le licenciement exerçaient les mêmes fonctions que lui. C'est tout aussi vainement que ce dernier reproche à l'employeur d'avoir prévu un coupon-réponse permettant au salarié d'effectuer un choix adapté à sa situation ainsi que de prendre position sur un éventuel reclassement ou non à l'étranger. La cour ajoute qu'il ne peut être fait grief à l'employeur d'avoir joint en outre à ce courrier différents tableaux détaillant l'ensemble des postes de reclassement en France à pourvoir au 15 mars 2011, comprenant les précisions nécessaires, contrairement à ce que soutient l'appelant, concernant la nature des postes, leur localisation, la durée du travail et la rémunération prévue (pièces 85 et 86 société) sans qu'il puisse être soutenu qu'il s'agissait de propositions présentées en vrac et seulement à titre indicatif.

Enfin, il ne peut être considéré que les offres de reclassement étaient conditionnelles au motif qu'une période d'adaptation au nouveau poste était envisagée puisque seul le salarié aux termes de l'article 3.6.1 du plan de sauvegarde de l'emploi, pouvait y mettre fin par un écrit adressé au responsable des ressources humaines et qu'il était prévu dans ce cas, qu'il retrouverait le bénéfice des mesures du projet de plan de sauvegarde de l'emploi applicables en cas de rupture du contrat de travail.(pièce4, salarié).

La cour déduit de ce qui précède que l'employeur justifie du respect des obligations lui incombant au titre de la recherche préalable au licenciement de solutions de reclassement et que par confirmation du jugement déféré le licenciement de M. [D] reposait sur une cause réelle et sérieuse. La décision est également confirmée en ce qu'il a été débouté de l'ensemble de ses prétentions.

Sur les autres dispositions

L'employeur n'établit pas que l'action de l'appelant a dégénéré en abus, de sorte que sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

Partie perdante en son recours, M. [P] [D] est condamné aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y AJOUTANT,

DEBOUTE la SA Téléperformance France venant aux droits de la SAS Téléperformance Centre-Est de sa demande d'indemnité pour procédure abusive.

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [P] [D] aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/02182
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;20.02182 ?
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