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11/05/2023 | FRANCE | N°22/17843

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 11 mai 2023, 22/17843


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 11 MAI 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17843 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSCH



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Octobre 2022 -Président du TC de PARIS - RG n° 2022015711





APPELANTES



Mme [V] [M] [G] [L]

[Adresse 4]

[Localité 6

]



S.A. AMIKO ET CIE, RCS de Paris sous le n°562 132 589, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 6]



Représentées par...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 11 MAI 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17843 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSCH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Octobre 2022 -Président du TC de PARIS - RG n° 2022015711

APPELANTES

Mme [V] [M] [G] [L]

[Adresse 4]

[Localité 6]

S.A. AMIKO ET CIE, RCS de Paris sous le n°562 132 589, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentées par Me Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0377

INTIMEES

Mme [P] [G] [A]

C/ Maître [X] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Mme [I] [G] [F]

C/ Maître [X] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Mme [E] [H] [M] [G] épouse [N]

C/ Maître [X] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentées par Me Henri ROUCH de la SELARL WARN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0335

Assistées à l'audience par Me Naomi DALLOZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0335

PARTIE INTERVENANTE :

M. [O] [M] [G] [S]

Demeurant à [Localité 9] (CAMEROUN)

Représenté par Me Arthur BOUCHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A785

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Présidente de chambre,

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Amiko & Cie, société anonyme au capital de 150.000 euros, a été constituée le 13 décembre 1956, et est immatriculée au RCS de PARIS. Elle a pour activité l'achat, la vente et la négoce import export.

[O] [M] [G] détenait 98 % des actions de la société Amiko & Cie dont il était par ailleurs le président du conseil d'administration et directeur général.

[O] [M] [G], décédé le [Date décès 2] 2020 à [Localité 9] au Cameroun, a laissé cinq enfants héritiers, à savoir :

Mme [P] [G] [A],

Mme [I] [G] [F],

Mme [V] [M] [G] [L],

Mme [E] [H] [M] [G],

M. [O] [M] [G] [S].

Par jugement du 14 décembre 2020, le tribunal de grande instance du Wouri à Douala (Cameroun) a déclaré ouverte la succession de M. [O] [M] [G] et a désigné ses cinq enfants en qualité de cohéritiers. Ce jugement a également désigné M. [O] [M] [G] [S] en qualité d'administrateur des biens de la succession.

Mme [P] [G] [A], Mme [I] [G] [F] et Mme [E] [H] [M] [G] ont interjeté appel sur cette désignation d'administrateur.

Les cinq héritiers sont propriétaires, en indivision, des actions détenues par leur père au sein de la société Amiko & Cie.

Un procès-verbal en date du 5 mars 2020 a été dressé par le conseil d'administration ayant pour objet de :

- nommer M. [O] [M] [G] [S] en tant qu'administrateur de la société,

- ordonner la démission de M. [O] [M] [G] en tant que président du conseil d'administration,

- nommer Mme [V] [M] [G] [L] en tant que présidente du conseil d'administration et directeur général jusqu'au terme de son mandat d'administrateur, à savoir à l'issue de l'assemblée générale ordinaire statuant sur les comptes clos au 31 mars 2023.

Par un courrier du 8 décembre 2021 le conseil de Mmes [P] [G] [A], [I] [G] [F] et [E] [H] [M] [G] a sollicité auprès de la société Amiko & Cie des informations relatives au procès-verbal et à la gestion de la société.

Par acte du 29 mars 2022, Mmes [P] [G] [A], [I] [G] [F] et [E] [H] [M] [G] ont fait assigner la société Amiko & Cie et Mme [V] [M] [G] [L] devant le président du tribunal de commerce de Paris, statuant en référé, aux fins de nommer un administrateur provisoire.

Les parties défenderesses ont notamment soulevé une exception d'incompétence et ont sollicité en substance le rejet des demandes.

Par ordonnance de référé contradictoire du 3 octobre 2022, le président du tribunal de commerce de Paris a :

- désigné la société Ajrs prise en la personne de Me [Z], administrateur judiciaire demeurant [Adresse 7]), Téléphone : [XXXXXXXX01], catherine.polieaks.com, en qualité d'administrateur provisoire de la société Amiko & cie, ayant son siège social [Adresse 8], et ce, pour une durée de 6 mois, qui pourra, en cas de besoin justifié, être prorogée par une ordonnance rendue sur simple requête de l'administrateur ;

- dit qu'elle aura pour mission de gérer et administrer la société avec les pouvoirs les plus étendus, conformément aux statuts et aux lois et usages du commerce ;

- dit qu'elle disposera des pouvoirs que la loi et les décrets en vigueur confèrent au président d'une société anonyme, avec pour mission d'assurer la gestion sociale de la société Amiko & Cie incluant notamment :

de se rendre sur place et se faire communiquer l'ensemble des documents utiles à la réalisation de sa mission,

de communiquer l'ensemble des documents prévus aux articles L.225-115 et suivants du code de commerce à Mmes [P] [G] [A], [I] [G] [F] et [E] [H] [M] [G],

de faire un bilan sur la gestion de la société Amiko & Cie durant les deux dernières années,

de convoquer une assemblée générale ordinaire pour l'approbation des comptes annuels de la société s'il y a lieu et présider ladite assemblée ;

- dit que l'administrateur provisoire devra, dans le mois de sa nomination, rendre compte de l'état de la société, des perspectives d'évolution de sa situation, et, en tout état de cause, il établira un compte rendu, à la fin de sa mission ;

- l'autorisé, si nécessaire, à se faire assister de toute personne compétente de son choix ;

- dit qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement par une ordonnance rendue sur simple requête ;

- autorisé l'administrateur provisoire à requérir de l'administration des postes et télécommunications, le déroutement du courrier et de tous envois postaux adressés au siège social, et à demander qu'ils soient transmis à l'adresse de son étude, pendant la durée de sa mission ;

- dit qu'une provision de 3.000 euros sera préalablement versée à l'administrateur provisoire par les requérantes ;

- dit qu'à la diligence de l'administrateur provisoire, un extrait de l'ordonnance sera publié, conformément à la loi, dans un journal d'annonces légales et les mentions correspondantes seront portées au registre du commerce ;

- dit qu'en cas de difficultés, il lui en sera référé ;

- s'est dit incompétent sur la demande de Mmes [G] [A], [I] [G] [F] et [E] [H] [M] [G] de désignation d'un mandataire ;

- condamné Mme [M] [G] [L] [V] au paiement à Mmes [G] [A], [I] [G] [F] et [E] [H] [M] [G] de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 code de procédure civile ;

- condamné Mme [M] [G] [L] [V] aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 109,89 euros TTC dont 18,10 euros de TVA.

Par déclaration du 17 octobre 2022, la société Amiko & Cie et Mme [M] [G] [L] ont interjeté appel de cette ordonnance.

Dans leurs conclusions remises le 6 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société Amiko & Cie et Mme [M] [G] [L] demandent à la cour de :

- déclarer Mme [M] [G] [L] [V] et la société Amiko & Cie, recevables en leur appel ;

en conséquence,

- réformer l'ordonnance de référé querellée en ce qu'elle a fait droit à la demande aux fins de désignation d'un administrateur provisoire ayant pour mission de gérer et administrer la société Amiko et Cie avec les pouvoirs les plus étendus et en condamnant Mme [M] [G] [L], seule, aux entiers dépens outre le versement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

- juger irrecevable l'action aux fins de désignation d'un administrateur provisoire comme étant insuffisamment justifiée ;

- débouter les intimées de toutes leurs demandes, fin et conclusion ;

à titre reconventionnel,

- réformer la décision querellée en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle après avoir déclaré incompétent le juge des référés pour connaître de la demande visant à obtenir désignation judiciaire d'un mandataire unique de la succession de l'actionnaire majoritaire décédée ;

statuant à nouveau,

- déclarer le juge des référés pleinement compétent pour connaître de cette demande aux fins de désignation d'un mandataire unique de la succession de l'actionnaire majoritaire décédé ;

- accueillir favorablement la demande ;

en conséquence,

- désigner Mme [M] [G] [L] [V] en qualité de mandataire unique au sein de la société Amiko & Cie de l'indivision de l'actionnaire décédé M. [M]-[G] [O] ;

subsidiairement,

- désigner M. [O] [M] [G] [S] (fils) comme mandataire unique de l'indivision dans la société Amiko & Cie ;

en tout état de cause,

- condamner chacune des intimées, outre les entiers dépens, à payer la somme de 1.500 euros à Mme [M] [G] [L] [V] et à la société Amiko & Cie en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Amiko & Cie et Mme [M] [G] [L] font en substance valoir :

- que la société n'a pas été paralysée, en l'absence de toute preuve du caractère frauduleux des délibérations du conseil d'administration du 5 mars 2020 ;

- que les défaillances des nouveaux dirigeants ou les carences de gestion ne sont pas prouvées ;

- que le juge des référés du tribunal de commerce a à tort décliné sa compétence concernant la désignation d'un mandataire à l'indivision successorale.

Dans leurs conclusions remises le 14 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, Mme [G] [A], Mme [G] [F] et Mme [N] demandent à la cour, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, de :

- déclarer Mmes [G] [A], [G] [F] et [M] [G] recevables en la forme et bien fondées au fond ;

y faisant droit,

- infirmer partiellement l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré son incompétence au profit du tribunal judiciaire de Paris pour connaître de la demande de désignation d'un mandataire unique de l'indivision ;

statuant à nouveau de ce chef et évoquant,

- déclarer la cour d'appel de céans compétente pour connaître de la demande de désignation d'un mandataire unique de l'indivision ;

- désigner tel mandataire à l'indivision successorale qui lui plaira, tiers à l'indivision ;

pour le surplus,

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- condamner M. [G] [M] [S] et Mme [M] [G] [L] à payer à Mmes [G] [A], [G] [F] et [M] [G] la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [G] [M] [S] et Mme [M] [G] [L] aux entiers dépens de la première instance et de la procédure d'appel.

Mme [G] [A], Mme [G] [F] et Mme [N] font en substance valoir :

- que la désignation d'un administrateur provisoire est justifiée par la mésentente entre les actionnaires et par les actes frauduleux commis au sein de la société, outre la gestion opaque de celle-ci ;

- que la désignation d'un mandataire à l'indivision successorale tiers aux membres de l'indivision est nécessaire.

Dans ses conclusions remises le 21 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [M] [G] [S] demande à la cour, au visa des articles 117, 118, 122 et 123 du code de procédure civile, de l'article L. 225-110 du code de commerce, de l'article 873-1 du code de procédure civile, de :

- le déclarer recevable en son intervention volontaire ;

- infirmer l'ordonnance de référé du 3 octobre 2022 querellée en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

- juger irrecevable pour violation des dispositions de l'article 12 alinéa 3 des statuts de la société Amiko & Cie, l'action engagée par Mmes [G] [A], [G] [F] et [M] [G] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, en ce que ladite action tend à permettre à ces dernières de s'immiscer dans la gestion de l'administration de la société Amiko & Cie ;

à titre reconventionnel,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce que le juge des référés s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de mandataire unique de la succession [G] [M] des actions détenues par ce dernier dans le capital de la société Amiko & Cie présentée par Mme [G] [M] [L] ;

statuant à nouveau,

- déclarer le juge des référés parfaitement compétent à connaître de la demande aux fins de désignation d'un mandataire unique de la succession [G] [M] dans l'actionnariat de la société Amiko & Cie ;

- lui donner acte, en sa qualité d'administrateur des biens judiciairement désigné de la succession [G] [M], et à ce titre, mandataire unique de l'indivision successorale, de la délégation de pouvoirs donnée à Mme [G] [M] [L] comme mandataire des actions détenues par la succession [G] [M] dans le capital de la société Amiko & Cie, pouvoir de substitution qui est fondé sur le mandat express confié à cette dernière et qui est conforme aux dispositions du code civil ;

- condamner Mmes [G] [A], [G] [F] et [M] [G] à la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner en outre Mme [G] [A], [G] [F] et [M] [G] aux dépens tant de la procédure d'instance que celle d'appel.

M. [M] [G] [S] fait en substance valoir :

- que les conditions de désignation d'un administrateur provisoire ne sont pas réunies, l'appel étant recevable et la demande en ce sens étant sans objet et dilatoire ;

- qu'ont également été violés les statuts de la société ;

- qu'il est en outre devenu l'administrateur des biens de la succession.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, il sera observé que Mmes [G] [A], [G] [F] et [M] [G], si elles font état dans le corps de leurs écritures que l'appel de Mme [M] [G] [L] serait nul, ne reprenne pas cette prétention dans leur dispositif, de sorte que la cour n'en est pas saisie en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, étant observé au surplus que les appelantes conservent la qualité de parties à la décision de première instance pouvant en relever appel.

Sur la désignation d'un administrateur provisoire

En application de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

L'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

La désignation judiciaire d'un administrateur provisoire, dès lors qu'elle porte atteinte aux droits fondamentaux des sociétés, est une mesure exceptionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.

En l'espèce, il sera relevé :

- que les héritiers de M. [O] [M] [G], actionnaires indivisaires, sont en désaccord sur la gestion de la société Amiko & Cie, ce qui s'est traduit par diverses procédures judiciaires devant les juridictions françaises et camerounaises ;

- que, pour rappel, la seule mésentente entre les actionnaires indivisaires ne peut suffire à justifier la désignation d'un administrateur provisoire, devant être établies par les demandeurs à la mesure l'impossibilité pour la société de fonctionner normalement et la menace d'un péril imminent, conditions cumulatives ;

- que, pour justifier de leur demande, Mmes [G] [A], [G] [F] et [M] [G] exposent, outre la persistance de la mésentente et les procédures judiciaires en cours (critiquant notamment le fait que M. [O] [M] [G] [S] puisse se prévaloir de la qualité d'administrateur des biens de la succession alors que cette qualité serait toujours sujette à contentieux) que des actes frauduleux auraient été commis au sein de la société Amiko & Cie lors du conseil d'administration du 5 mars 2020, qui a notamment procédé à la désignation de M. [O] [M] [G] [S] comme nouvel administrateur et à la nomination d'un nouveau président, Mme [V] [M] [G] [L], et a constaté la démission de [O] [M] [G] depuis décédé, relevant l'absence de signature d'un administrateur ou la circonstance que [O] [M] [G] était à ce moment-là à l'article de la mort ;

- que, pour autant, même à les supposer établies alors même qu'aucune décision de justice définitive n'est intervenue sur ce point, ces circonstances n'établissent ni que la société ne soit pas à ce jour en capacité de fonctionner, ni qu'elle soit menacée par un péril imminent, notamment un risque avéré quant à sa situation financière et à sa survie, ce que ne saurait établir non plus l'absence de dépôt des comptes au greffe du tribunal de commerce ;

- que, de même, l'absence de communication des documents relatifs à la gestion de la société, certes de droit s'agissant d'actionnaires, et l'absence de visibilité en résultant sur la trésorerie, l'activité, les engagements ou le patrimoine ne caractérisent pas une impossibilité de fonctionner et un péril imminent, Mmes [G] [A], [G] [F] et [M] [G] n'apportant aucun élément qui établirait une situation de péril économique ou de défaillance des organes sociaux, alors que la désignation d'un administrateur provisoire est une mesure qui doit présenter un caractère exceptionnel, l'ignorance alléguée quant à la gestion de la société par les organes sociaux n'établissant pas un tel péril ;

- que le litige de trois millions d'euros avec l'administration fiscale, repris dans la motivation de l'ordonnance entreprise, apparaît lui être résolu avec un redressement limité à la somme de 20.350 euros (courriel du conseil du 19 avril 2022), ce point n'étant pas contesté pas les parties demanderesses à la mesure ;

- qu'il est enfin relevé à juste titre par les appelantes qu'en réalité, la mésentente est relative à la succession de l'associé décédé, et non au fonctionnement même de la société en cause.

Par infirmation de la décision entreprise, il y a donc lieu de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire pour la société Amiko & Cie.

Sur la compétence du tribunal de commerce et sur la désignation d'un mandataire chargé de représenter les copropriétaires d'actions indivises

L'article L. 225-10 alinéa 2 du code de commerce dispose que les copropriétaires d'actions indivises sont représentés aux assemblées générales par l'un d'eux ou par un mandataire unique. En cas de désaccord, le mandataire est désigné en justice à la demande du copropriétaire le plus diligent.

Il est précisé par l'article R. 225-87 du même code que le mandataire chargé de représenter les copropriétaires d'actions indivises dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 225-110 est désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce, statuant en référé.

En l'espèce, c'est à tort que le président du tribunal de commerce, statuant en référé, s'est déclaré incompétent pour statuer sur cette demande, alors que la demande de désignation d'un mandataire chargé de représenter les copropriétaires d'actions indivises relève bien de sa compétence, aux termes des dispositions susrappelées, une telle demande ne devant être confondue avec une demande de désignation d'un mandataire successoral - qui relèverait elle de la compétence du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond en application des dispositions de l'article 813-1 du code civil et de l'article 1379 du code de procédure civile.

La décision sera infirmée sur ce point, étant d'une bonne administration de la justice que la cour évoque le fond du litige.

Il sera alors relevé :

- que le juge des référés, saisi en application des dispositions de l'article L. 225-110 alinéa 2 du code de commerce, peut désigner le mandataire parmi les indivisaires ou en dehors d'eux ;

- que Mme [V] [M] [G] [L], résidente française, est à même de représenter les actionnaires indivisaires, ce que souhaite aussi M. [O] [M] [G] [S] ;

- que la procédure établit l'implication de Mme [V] [M] [G] [L] en vue de la sauvegarde des intérêts sociaux, cette implication étant de nature à garantir une bonne défense de l'intérêt de l'indivision, ce alors que l'existence d'un différend entre les co-indivisaires ne constitue pas un obstacle à la désignation de l'un d'entre eux comme mandataire de l'indivision.

Aussi, dans ces circonstances, Mme [V] [M] [G] [L] sera désignée comme mandataire en charge de représenter les copropriétaires d'actions indivises.

Sur les autres demandes

Les circonstances du présent litige commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chacune des parties conservant la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare le président du tribunal du commerce compétent pour statuer en référé sur la demande de désignation d'un mandataire chargé de représenter les copropriétaires d'actions indivises ;

Désigne Mme [V] [M] [G] [L] mandataire chargée de représenter les copropriétaires d'actions indivises issues de la succession de [O] [M] [G] ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire ;

Rejette les autres demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/17843
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.17843 ?
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