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11/05/2023 | FRANCE | N°22/06970

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 11 mai 2023, 22/06970


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 11 MAI 2023

(n° , 34 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06970 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTGJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - n° 20/00215





APPELANTS

Monsieur [C], Maurice, [J] [T]

[Adresse 8]

[Localité 9]

représenté par Me Audrey KALIFA de la SELEURL AUDREY

KALIFA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0942

substituée par Me Benjamin BAILLAUD, avocat au barreau de PARIS



Madame [O] [E] épouse [T]

[Adresse 8]

[Localité...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 11 MAI 2023

(n° , 34 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06970 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTGJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - n° 20/00215

APPELANTS

Monsieur [C], Maurice, [J] [T]

[Adresse 8]

[Localité 9]

représenté par Me Audrey KALIFA de la SELEURL AUDREY KALIFA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0942

substituée par Me Benjamin BAILLAUD, avocat au barreau de PARIS

Madame [O] [E] épouse [T]

[Adresse 8]

[Localité 9]

représentée par Me Audrey KALIFA de la SELEURL AUDREY KALIFA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0942

substituée par Me Benjamin BAILLAUD, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF)

[Adresse 7]

[Localité 10]

représenté par Me Michaël MOUSSAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : T07 substitué à l'audience par Me François DAUCHY, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 19]

[Adresse 19]

[Localité 12]

représentée par Madame [V] [Z], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Marie MONGIN, Conseillère

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

 

Par décret n°2015-99 du 28 janvier 2015, l'opération de requalification des copropriétés dégradées du quartier dit du [Adresse 17], comprenant les copropriétés du Chêne Pointu et de l'[Adresse 14], a été déclarée d'intérêt national et sa mise en 'uvre a été confiée à l'Établissement Public Foncier d'Ile de France (ci-après l'EPFIF).

 

La copropriété de l'[Adresse 14] est située dans le périmètre de la ZAC dite du [Adresse 17], qui a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique par arrêté préfectoral n°2019-2388 du 6 septembre 2019.

 

Par arrêté préfectoral n°2021-0701 du 19 mars 2021 les lots situés dans le bâtiment 10 de la copropriété du l'[Adresse 14] ont été déclarés cessibles au profit de l'EPFIF.

Sont notamment concernés par l'opération Monsieur [C] [T] et Madame [O] [T] (ci-après les consorts [T]) en tant que propriétaires des lots n° 52, 148 (appartements), 188, 290 (caves) 1316 et 1298 (emplacements de stationnement) du bâtiment 10 de la copropriété cadastre' AM [Cadastre 21] et [Adresse 2], à [Localité 18].

L'EFPIF a notifié son mémoire valant offres d'indemnisation aux consorts [T] par actes d'huissier  du 17 fe'vrier 2020, de'livre's selon les modalite's des articles 656 et 658 du code de procédure civile.

 

Par requête et mémoire reçus au greffe le 23 juin 2020, l'EPFIF a saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny en vue de la fixation judiciaire du prix du bien préempté.

 

Une ordonnance d'expropriation a été rendue le 21 octobre 2021 emportant transfert de propriété' au profit de l'EPFIF.

 

Par un jugement du 8 mars 2022, après transport sur les lieux le 28 septembre 2021, le juge de l'expropriation de Bobigny a :

-         Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 28 septembre 2021 ;

-         Annexé à la de'cision :

o   les termes de comparaison produits par l'EPFIF (tableaux 1, 2 et 3) ;

o   les termes de comparaison verse's par le commissaire du gouvernement (tableaux 4. 5, 6, 7, 8, 9 et 10) ;

o   a retenu comme date de référence le 11 mars 2018 en application de l'article L322-2 du code de l'expropriation applicable à une ZAC, soit 1 an avant l'ouverture de l'enquête

-         Fixé l'indemnité due par l'EPFIF aux consorts [T] au titre de la dépossession des lots n°52, 148 (appartements),188, 290 (caves) 1316 et 1298 (emplacements de stationnement) du bâtiment 10 de la copropriété de [Adresse 2], à [Localité 18] la somme de 136.100 euros en valeurs libres et occupées.

-         Dit que ce montant arrondi se décompose de la manière suivante :

o   66.990 euros, au titre de l'indemnité principale pour les lots 52, 188 et 1316 : 64480 euros (56m² X1115 euros/m²) + 2310 euros

o   7.699 euros, au titre de l'indemnité de remploi,

o   51.590 euros, au titre de l'indemnité principale pour les lots 148, 290 et 1298 : 49280 euros (56m² X 880 euros/m²) + 2310 euros

o   6.159 euros, au titre de l'indemnité de remploi,

o   3.600 euros au titre de perte de revenus locatifs pour le lot N°148

-         Rejeté les demandes des consorts [T] au titre de la perte des revenus locatifs relatifs aux lots n°52, 188 et 1316,

-         Condamné l'EPFIF à payer aux consorts [T] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-      Condamné l'EPFIF au paiement des dépens.

 

Les consorts [T] ont interjeté appel du jugement le 16 avril 2022 limité en ce que le premier juge a fixé à 136.100 euros l'indemnité due par l'EPFIF aux consorts [T] et sur l'indemnité accessoire au titre de la perte des revenus locatifs.

 

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

 

1/ déposées au greffe le 18 juillet 2022 par les consorts [T], notifiées le 18 juillet 2022 (AR intimé le 20 juillet 2022 et AR CG le 20 juillet 2022) aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

-         Réformer le jugement rendu par le tribunal Judiciaire de Bobigny le 8 mars 2022 en ce qu'il a :

o   Fixé l'indemnité due par l'EPFIF aux consorts [T] au titre de la dépossession des lots n°52, 148 (appartements), 188, 290 (caves) 1316 et 1298 (emplacements de stationnement) du bâtiment 10 de la copropriété de [Adresse 2], à [Localité 18] la somme de 136.100 euros en valeurs libres et occupées.

o   Dit que ce montant arrondi se décompose de la manière suivante :

'  66.990 euros, au titre de l'indemnité principale pour les lots 52,188 et 1316 ;

'  7.699 euros, au titre de l'indemnité de remploi,

'  51.590 euros, au titre de l'indemnité principale pour les lots 148, 290 et 1298,

'  6.159 euros, au titre de l'indemnité de remploi,

'  3.600 euros au titre de la perte des revenus locatifs

o   Rejeté les demandes des consorts [T] au titre de la perte des revenus locatifs relatifs aux lots n°52, 188 et 1316,

Et statuant à nouveau :

-         Fixer l'indemnité due par l'EPFIF aux consorts [T] au titre de la dépossession des lots n°52 et 148, 188 et 290 et 1316 et 1298 du bâtiment 10 de la copropriété de [Adresse 2] à [Localité 18] à la somme de 225.000 euros en valeurs libres et en tout cas sans abattement pour l'occupation, se décomposant ainsi :

o   100 000 euros au titre de l'indemnité principale pour les lots 52, 188 et 1316,

o   12 500 euros au titre de l'indemnité de remploi,

o   100 000 euros au titre de l'indemnité principale pour les lots 148, 290 et 1298, et à tout le moins 90 000 euros en valeur occupée,

o  12.500 euros au titre de l'indemnité de remploi et à tout le moins 11.500 euros.

A titre subsidiaire,

-         Fixer l'indemnité due par l'EPFIF aux consorts [T] au titre de la dépossession des lots 52 et 148, 188 et 290 et 1316 et 1298 du bâtiment 10 de la copropriété de [Adresse 14] à [Localité 18] à la somme de 179.482 euros en valeurs libres et en tout cas sans abattement pour l'occupation, se décomposant ainsi :

-         79 310 euros au titre de l'indemnité principale pour les lots 52, 188 et 1316,

-         10 431 euros au titre de l'indemnité de remploi,

-         79 310 euros au titre de l'indemnité principale pour les lots 148, 290 et 1298 et à tout le moins 69 510 euros en valeur occupe'e,

-         10 431 euros au titre de l'indemnité de remploi, et à tout le moins 9 451 euros.

En tout état de cause,

-         Fixer l'indemnité due par l'EPFIF aux consorts [T] au titre de la dépossession des lots 52 et 148, 188 et 290 et 1316 et 1298 du bâtiment 10 de la copropriété de [Adresse 14] à [Localité 18] à la somme de 16 560 euros, dont :

-         9 360 euros au titre de l'indemnité accessoire de perte de  revenus locatifs pour les lots 52, 188 et 1316,

-         7.200 euros au titre de l'indemnité accessoire de perte de loyers pour les lots 148, 290 et 1298,

-     Condamner l'EPFIF à payer aux consorts [T] la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-         Condamner l'EPFIF aux de'pens.

 

2/ déposées au greffe le 3 février 2023 par les consorts [T], notifiées le 6 mars 2023 (AR intimé pas encore reçu et AR CG pas encore reçu) aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

-         Rejeter les demandes de réformation du jugement de l'EPFIF,

-         Rejeter toutes les prétentions et demandes adverses.

 

3/ adressées au greffe le 17 octobre 2022 par l'EPFIF, notifiées le 19 octobre 2022 (AR intimé le 21 octobre 2022 et AR CG non reçu), aux termes desquelles il formé appel incident et il est demandé à la cour de :

-         Débouter les époux [T] de l'ensemble de leurs demandes, fins, et prétentions tendant à obtenir la réformation du jugement du 8 mars 2022,

Incidemment,

-         Infirmer partiellement le jugement du 8 mars 2022 en ce qu'il a :

o   Fixé la date de référence au 11 mars 2018 soit un an avant l'ouverture de l'enquête publique,

o   Appliqué une majoration de 10% au motif de l'entrée en exploitation de la nouvelle ligne du tramway T4,

o   Alloué une indemnité complémentaire de 2.320 euros aux expropriés pour chacun des deux emplacements dont ils ont été dépossédés,

Par suite,

-         Réformer le jugement du 8 mars 2022 en fixant le montant des indemnités à revenir à l'expropriée pour la dépossession des lots de copropriété n° 52, 188, 1316, 148, 290, 1298 ainsi que des 2918/1.000.000° des parties communes générales intégrées de l'immeuble sis [Adresse 14] comme suit :

 

A.  INDEMNITE PRINCIPALE

1.    Appartement situé au 63ème e'tage (lot n°148) :

-         Méthode d'évaluation : globale - caves et parties communes générales intégrées

-         État : moyen à bon

-         Valeur unitaire retenue : 880 euros/m², valeur occupée

-         Superficie retenue : 56 m²

 

2.    Appartement situé au 35ème étage (lot n°52) :

-         Méthode d'évaluation : globale - caves et parties communes générales intégrées

-         État : bon

-         Valeur unitaire retenue : 1.155 euros/m², valeur libre

-         Superficie retenue : 56 m²,

 

Soit une indemnité principale de (1.155 euros/m² x 56 m²) + (880 euros/m² x 56 m²) = 113.960 euros

 

B.  INDEMNITES ACCESSOIRES

1.    Indemnité pour perte de revenus locatifs pour l'appartement du 68ème étage (lot n°148) : 6 mois de loyers soit 3.600 euros,

2.    Frais de remploi :

20 % sur 5.000 euros = 1.000 euros,

15 % sur 10.000 euros = 1.500,00 euros,

10 % sur 98.960 euros = 9896,00 euros.

 

Total frais de remploi : 12.396,00 euros

 

Total indemnité de dépossession : 129.956 euros en valeurs libre et occupée, sauf à parfaire.

 

4/ adressées au greffe le 17 octobre 2022 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 19 octobre 2022 (AR appelant le 20 octobre 2022 et AR intimé le 20 octobre 2022), qui  demande la confirmation du jugement avec la fixation de l'indemnité totale de dépossession comme suit :

-        Indemnité principale : 118580 euros

-        Indemnité de remploi : 13858 euros

-        Indemnités accessoires : 3600 euros

-        Soit une indemnité totale de 136038 euros arrondie à 136100 euros.

 

 

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

 

Les consorts [T] font valoir que :

Concernant l'indemnité principale, les évaluations qui ont été données en cours de procédure par l'EPFIF et/ou le Commissaire du Gouvernement étaient bien éloignées de la re'alité du marché immobilier local, respectivement 44.520 euros (795 euros / m²) pour l'appartement occupé du 6ème étage et 64.680 euros (1155 euros/m²) pour l'appartement libre du 3ème e'tage. Ces évaluations s'élevaient à une indemnité totale de dépossession de 109.200 euros. Les consorts [T], avec une telle indemnité, sont dans l'incapacité d'acheter des biens immobiliers équivalents dans le même secteur géographique. Pour s'en convaincre, il suffit de prendre connaissance de l'étude du marché dans des copropriétés situe'es dans le même périmètre, étude dont il ressort que le prix moyen au mètre carré est en re'alité de 2.560 euros.

-         Concernant la date de référence, le premier juge a rappelé que l'article L. 322-1 du code de l'Expropriation prévoit que « le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété' », soit au 21 octobre 2021, tandis que l'article L.322-2 indique que « les biens sont estimés à la date de la décision de première instance ». La cour d'appel qui annule la décision de première instance doit se placer à la date à laquelle elle statue pour estimer les biens expropriés (Cass. 3e civ. 19-11-2008 n° 07- 18.619). Le premier juge a retenu comme date relative à la consistance des biens le 21 octobre 2021 et comme date de référence, le 11 mars 2018 (un an avant l'ouverture de l'enquête).

-         Concernant la méthode d'évaluation, le premier juge a retenu la méthode par comparaison pour déterminer l'indemnité principale. Il s'agit de la méthode la plus utilisée qui consiste à fixer la valeur du bien exproprié en se référant aux valeurs d'autres biens sur le même marché. Cette méthode peut être toutefois complétée par d'autres outils d'évaluation.

-         Concernant les éléments d'appréciation et l'état des biens, dès la procédure de première instance, les consorts [T] ont contesté la proposition faite par l'EPFIF car cette proposition était particulièrement sous-évaluée eu égard à la nature des biens, de leur état d'entretien et des commodités offertes par leur localisation. L'estimation retenue par le premier juge, bien que supérieure à la proposition de l'EPFIF, demeure inferieure à ce qui est réellement due aux époux [T], raison pour laquelle ils sollicitent l'infirmation du jugement de première instance. L'indemnité principale d'expropriation doit permettre à  l'exproprié de se replacer en même et semblable état et de parvenir au rétablissement de l'équilibre rompu par la procédure d'expropriation. Les renseignements transmis par l'EPFIF et le Commissaire au gouvernement (annexes au jugement) sur les comparaisons des mutations diverses démontrent que les montants retenus sont :

o   Pour un appartement occupé en bon état, de l'ordre de 1000 euros et de l'ordre de 1200 euros/ m² lorsqu'il était en très bon état/excellent état ;

o   Pour un appartement libre en bon état, 1 155 Euros/ m² et de l'ordre de 1 375 euros / m² lorsque l'appartement était jugé en très bon état /excellent état.

Le juge de l'expropriation a retenu la valeur des appartements en les considérant uniquement en « bon état » à tort. Les appartements des consorts [T] étaient bien plus qu'en « bon état », aucun reproche n'était relevé dans le procès-verbal de transport sur les lieux et l'EPFIF considérait les appartements comme étant en « très bon état » (pièce n°23-1). Les consorts [T] ont versé aux débats des procès- verbaux de constat en date du 7 décembre 2021 qui ont été établis par Me [Y] [D], Huissier de justice, et qui démontent le parfait état des deux appartements (Pièce 21 + Pièce 22). Il est noté que les appartements sont au normes, équipés, fonctionnels (cuisine aménagée avec hotte, ventilation fonctionnelle), parfaitement entretenus. Les consorts [T] sollicitent de la cour de fixer l'indemnité principale en tenant compte :

-      Du fait qu'incontestablement, le lot 52, libre d'occupation, était en très bon état ;

-      Du fait que le lot 148 avait été libéré à la date du jugement ;

-    Du fait que le dégât des eaux survenus quelques jours seulement avant le transfert de propriété relevait de la responsabilité du propriétaire de l'appartement situé au-dessus (en l'occurrence l'EPFIF) et ne constitue pas un élément affectant les conditions d'entretien usuelles de l'appartement, comme l'a d'ailleurs relevé justement le premier juge. Sans la procédure d'expropriation, les dégâts auraient été pris en charge par l'assureur dégâts des eaux ou à tout le moins par le propriétaire de l'appartement situé au-dessus. L'EPFIF a tenté de faire croire qu'il y aurait lieu de classer ce bien « en état moyen pour défaut d'entretien » en raison de ce dégât des eaux qui lui était imputable pour tirer avantage de ses propres carences. M. [T] s'est réellement démené pour tenter de régler ce problème de dégât de eaux (pièces n°17-1 à pièce n°17-11). C'est parce qu'il avait parfaitement conscience de sa part de responsabilité dans ce sinistre que l'EPFIF a procédé au relogement en urgence de cette locataire compte tenu de la procédure d'expropriation. Le logement doit donc être pris en compte dans la détermination de sa valeur comme libre d'occupation. En tout cas sans abattement par rapport à la valeur d'un appartement libre d'occupation.

-    Les consorts [T] entendent préciser qu'au cours de l'annéee 2004 ils ont souhaite' investir dans l'immobilier pour diversifier leurs sources de revenus et se constituer un petit patrimoine immobilier transmissible à terme à leurs trois enfants. Monsieur [T] avait à cette époque perdu son emploi. Les appartements acquis ont été entièrement rénovés avant leur mise en location et sont systématiquement entretenus et repeints entre chaque locataire. Les consorts [T] ont entretenu depuis leur acquisition leurs biens en bon père de famille en offrant à la location des logements propres, aux normes, et lumineux. Les appartements des consorts [T] sont en très bon état notamment car :

o   Les installations électriques sont aux normes, elles présentent toutes deux un tableau électrique avec :

'  1 Disjoncteur général 500 mA

'  1 interrupteur différentiel 30 mA type AC

'  1 interrupteur différentiel 30 mA type A

'  Des disjoncteurs divisionnaires de valeur adaptée à chaque circuit de 10, 16, 20 et 32 ampères,

'  Les prises et points électriques sont avec la terre.

o   Les interrupteurs différentiels protègent les personnes contre les effets néfastes d'un courant de fuite (choc électrique). Les disjoncteurs divisionnaires protègent les  équipements électriques contre les surtensions. L'installation d'un certain nombre d'interrupteurs différentiels et de disjoncteurs divisionnaires dans un logement est donc obligatoire. Ils sont placés à l'intérieur du tableau électrique. Les équipements sanitaires WC et baignoire et Lavabo ainsi que toute la plomberie et les évacuations sont en excellent état y compris la robinetterie et les chasses d'eau. Il n'y a aucune fuite, le carrelage et les jointements sont en parfait état, ils assurent la parfaite étanchéité des installations.

o   Les cuisines sont équipées de plans de travail carrelés intégrant un évier inox parfaitement jointif avec le carrelage. Les mitigeurs sont en excellent état et fonctionnent parfaitement. Sous les plans de travail se trouve une structure sur mesure en menuiserie parfaitement ajustée avec en façade 3 portes en chêne. Dans chaque cuisine les crédences sont en carrelage de belle qualité le tout est parfaitement ajusté. Les plaques avec feux gaz sont en parfait état ou neuf pour le cas de l'appartement du 3ème e'tage. La cuisine de chaque appartement est équipée d'une hotte de marque d'une largeur de 90 cm. L'ensemble des portes et huisseries ouvrent et ferment parfaitement, sans vitre brisée ou fendue. Les embellissements de toutes les pièces sont à l'état de neuf pour le logement du 3ème e'tage. Il en est de même pour le logement du 6ème e'tage hormis pour les parties touchées par le dégât des eaux en provenance des appartements du dessus, appartements appartenant à l'EPFIF.

o   Les portes blindées sont neuves.

Cet excellent état des appartements est confirmé par l'EPFIF lui-même dans le cadre des procès-verbaux de remise des clefs (Pièce n°24). La valeur à prendre en compte dans le cadre de la méthode comparative est dès lors le montant des appartements de bon état à excellent état, libre d'occupation et en tout cas sans abattement pour l'occupation, soit pour chaque appartement avec dépendance (cave) : 1.375 euros/m².

-     Concernant la valeur vénale des appartements, elle doit être fixée de la façon suivante :

o   Pour les lots 52 et 188 (appartement + cave) à la somme de 77 000 euros (56 mx 1 375 euros),

o   Pour les lots 148 et 290 (appartement + cave) à la somme de 77 000 euros (56 m x 1.375 euros) et à tout le moins 67.200 euros (56 m x 1.200 euros).

-    Concernant la valeur vénale des places de stationnement, le premier jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu le montant de 2.310 euros pour chaque emplacement de stationnement (lots 1316 et 1298), soit les valeurs vénales suivantes :

o   Lots 52, 188 et 1316 : 79 310 euros en valeur libre,

o   Lots 148, 290 et 1298 : 79 310 euros en valeur libre et à tout le moins 69 510 euros en valeur occupée.

Le premier juge a omis de prendre en compte le fait que ces appartements constituaient un investissement et étaient destinés à la location pour apporter un revenu au titre des loyers perçus. Ces biens doivent dès lors être évalués en prenant en compte également le revenu qu'il devait générer, d'autant plus si aucune indemnisation pour pertes locatives n'est allouée. L'indemnité principale de dépossession doit être fixée dès lors à :

o   Lots 52, 188 et 1316 : 100 000 euros en valeur libre,

o   Lots 148, 290 et 1298 : 100 000 euros en valeur libre et à tout le moins 90.000 en valeur occupée.

Soit une indemnité principale totale de 200 000 euros et à tout le moins 190 000 euros. Concernant l'indemnité de remploi, elle sera recalculée et portée à la somme de 25 000 euros (12 500 + 12 500) et à tout le moins 24 000 euros (12 500 + 11 500).

A titre subsidiaire, si l'investissement aux fins de revenus locatifs n'est pas pris en compte, l'indemnité principale de dépossession doit être fixée a minima à :

o   Lots 52, 188 et 1316 : 79 310 euros en valeur libre,

o   Lots 148, 290 et 1298 : 79 310 euros en valeur libre et en tout cas sans abattement, et à tout le moins 69 510 en valeur occupée.

Soit une indemnité principale totale de 158.620 euros et à tout le moins 148.820 euros.

L'indemnité de remploi sera recalculée et portée à la somme de 20 862 euros (10 431 + 10 431) et à tout le moins à 19 882 euros (10 431 + 9 451).

-   Concernant les indemnités pour les préjudices subis en lien avec les pertes locatives, les consorts [T] sollicitent que leur soit allouée une indemnité de perte de loyers, correspondant à 18 mois du loyer annuel de chaque appartement. La Cour de cassation a précisé que « l'indemnité de remploi ne couvre pas le préjudice re'sultant de la perte des revenus locatifs subis par l'exproprié (n° 16-19588) ». La jurisprudence est bien établie sur ce préjudice spécifique des propriétaires qui louent leurs biens et qui est différent de l'indemnité correspondant à la seule valeur vénale du bien immobilier. Le premier juge a rejeté la demande pour l'appartement du 3ème e'tage, au motif qu'il n'était pas loué au moment du transfert de propriété. Pour l'appartement du 6ème étage, la période prise en compte a été limitée à 6 mois. Le jugement doit être infirmé sur ce point. En effet, le premier juge a omis de prendre en compte le fait que ces appartements étaient des investissements aux fins de générer des revenus. Il est rappelé que tous les préjudices subis par l'exproprié doivent faire l'objet d'une indemnisation et placé dans la situation où il se serait trouvé si l'expropriation n'avait pas eu lieu, sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit. La perte de revenus locatifs futurs doit faire l'objet d'une indemnisation des lors que le local faisait l'objet d'un bail d'habitation. Tel était le cas de l'appartement du 6ème étage (lot n°148), loué par Mme [W] (Pieces n°5 et 16). Le Tribunal avait d'ailleurs retenu une valeur de l'appartement comme occupé et opéré un abattement sur la valeur vénale. Le premier juge a, à tort, limité la période sur 6 mois alors que du fait de la sous-évaluation de l'offre de l'EPFIF une procédure a été engagée pour déterminer l'indemnité due aux expropriés. Cela fait déjà plus de 12 mois que les consorts [T] subissent une perte de revenus locatifs. La Cour doit retenir la période à prendre en compte sur 12 mois. Le premier juge a commis une erreur d'appréciation en déniant l'existence d'un préjudice pour pertes locatives pour l'appartement du 3ème étage (Lot n° 52) au motif erroné que le lien de causalité entre le défaut d'occupation et l'opération d'expropriation n'aurait pas été établi. Un tel lien de causalité résultait de facto de l'opération d'expropriation et du fait que l'appartement était proposé à la location (Pièces n°11 et 15). S'agissant d'un investissement locatif, cet appartement n'avait aucunement vocation à rester vacant. C'est ce que rappelle la 3ème chambre civile de la cour de cassation dans un arrêt du 7 avril 2015, pourvoi n°13-27547. Il s'agit d'évaluer une perte de chance du fait de l'absence de bail en cours mais il n'en demeure pas moins que la réalité du préjudice est établie dans son principe. La Cour doit infirmer le premier jugement et allouer une indemnité aux consorts [T] au titre des pertes locatives, pour l'ensemble des biens dont ils ont été dépossédés. L'indemnité pour les pertes locatives doit être fixée sur la base d'une durée de 12 mois, de'lai nécessaire - pour acquérir deux autres biens de rapport locatif équivalent, soit les loyers suivants :

o   Le loyer pratiqué pour l'appartement constituant le lot n°52 était de 780 euros (hors charges) / mois. Soit une indemnité pour perte de revenus locatifs  de 780 euros X 12 mois = 9 360 euros au titre de la perte de loyers du fait de la dépossession des lots n°52, 188 et 1316,

o   Le loyer pratique pour l'appartement constituant le lot n°148 était de 600 euros (hors charges) / mois. Soit une indemnité pour perte de revenus locatifs de 600 X 12 mois = 7 200 euros au titre de la perte de loyers du fait de la dépossession des lots n°148, 290 et 1298.

Soit un total de 16 560 euros au titre des pertes locatives.

-       Concernant les frais et les dépens, il serait inéquitable que les époux [T] conservent à leur charge les frais qu'ils ont dû engager pour faire valoir leurs droits. Ils sollicitent que leur soit allouée la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [T] précisent dans un second jeu de conclusions que :

-  Concernant la date de référence pour la détermination des indemnités. La date du 11 mars 2018 est contestée par l'EPFIF. Sur ce point, le premier juge a parfaitement justifié sa décision en rappelant les textes en vigueur distinguant la date pour e'tablir la consistance des biens et la date pour apprécier la valeur du bien - et ce au regard de la création de la [Adresse 17] et de l'enquête publique préalable à la déclaration publique ouverte le 11 mars 2019. Le seul enjeu de cette question porte en réalité sur l'impact de la ligne de tramway T4 sur les prix des biens. L'EPFIF critique le jugement pour avoir prétendument majoré de 10% l'évaluation des biens en tenant compte de cette ligne de tramway T4. Mais, dans les faits, il est observé que le Tribunal n'a pas majoré les prix de 10% mais a plutôt refusé de retrancher 10% au prix en raison de la ligne de tramway pour l'évaluation du bien. L'EPFIF est invitée à relire le jugement de première instance sur ce point. Le jugement doit être confirmé sur l'absence de réduction des valeurs immobilières du fait de la ligne de tramway T4 et la réformation aura lieu uniquement pour tenir compte de la réelle valeur immobilière des biens des consorts [T]. L'expropriation d'un bien ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée, sous le contrôle du juge administratif. En interdisant au juge de l'expropriation, lorsqu'il fixe le montant de l'indemnité due à l'exproprié, de tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence lorsqu'ils sont provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée par l'expropriant, les dispositions contestées visent à protéger ce dernier contre la hausse de la valeur vénale du bien résultant des perspectives ouvertes par ces travaux ou opérations. Pour assurer la réparation intégrale du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, le juge peut tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence à la suite de circonstances autres que celles pre'vues au dernier alinéa de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. A ce titre, il peut notamment prendre en compte l'évolution du marché de l'immobilier pour estimer la valeur du bien exproprie à la date de sa décision. Le premier juge a précisé ainsi que : « La partie expropriante ne de'montre pas que les valeurs immobilières ont évolué' a la hausse du fait de la mise en service du tramway T4 » (et la comparaison des ventes intervenues avant et après mise en service de la ligne de tram ne le de'montre pas non plus) ; « la double condition impose'e par le texte (alinéa 4 de l'article L. 322-2) n'est pas rapportée de manière certaine »,« Les dispositions de I'article L. 322-2 du code de l'expropriation ne font pas obstacle de la prise en compte d'une hausse normale des prix du marche' immobilier dans un environnement évolutif tel que celui de la couronne parisienne ».

Dès lors, la Cour prendra bien en compte la valeur des biens au regard d'autres paramètres, telle que l'évolution du marché de l'immobilier pour estimer la valeur du bien exproprié, à la date de l'arrêt à intervenir. En tout état de cause, aucune réduction de la valeur de 10% n'est justifiée au regard de la ligne de tramway T4 et la demande de l'EPFIF à cet égard sera purement et simplement rejetée.

-       Concernant les éléments d'appréciation, dans son mémoire en appel, l'EPFIF prétend avec une particulière mauvaise foi qu'aucun élément probant ne vient démontrer la responsabilité de l'expropriant dans ce dégât des eaux qui est survenu opportunément quelques jours seulement avant le transport sur les lieux. Au final, l'EPFIF souhaite manifestement profiter de sa propre turpitude en se prévalant dc ce dégât des eaux pour considérer l'appartement en « bon état d'entretien » au lieu d'un appartement en très bon état. L'EPFIF se complait à citer le courriel de la locataire faisant état de la coupure d'électricité comme raison de son départ (Pièce n°l 7-9). Mais la Cour se reportera notamment aux pièces n° 17-1 et 17-2 qui démontrent que la coupure d'électricité a pour origine le dégât des eaux lequel a pour origine une fuite dans l'appartement au-dessus de celui de M. [T], appartement dont l'EPFIF était propriétaire. Ainsi ENEDIS atteste que : « suite à votre appel au Centre d'Appel De'pannage le 15/09/202], un technicien est intervenu et a constate' de l'humidite' sur le mur qui supporte le tableau et le disjoncteur. Il a procédé à une coupure de mise en se'curite'. Le rétablissement sera eflectue' lors de la présentation d 'une attestation de remise en conformite' e'tablie par votre e'lectricien prive' » (Piece n°17-2). Ce dégât est très important, l'eau s'e'coule du plafond et provoque la mise hors service de l'installation e'lectrique, congélateur et re'frige'rateur sont donc hors service et il n'y a plus d'électricité dans I'appartement. Il est ne'cessaire d'e'ponger en permanence l'eau qui s'e'coule du plafond » (Piece n°17-1). Il est donc invraisemblable de prétendre que la locataire serait partie pour une toute autre raison que le dégât des eaux ; alors que l'EPFIF en était responsable en sa qualité de propriétaire de l'appartement situe au- dessus qui était à l'origine du dégât des eaux qui s'est traduit par un écoulement d'eau sur le compteur d'électricité, ce qui explique que la locataire a été privée d'électricité pendant plusieurs semaines et a donc finalement quitté le logement sur offre de relogement de l'EPFIF. Il est tout aussi invraisemblable que l'EPFIF puisse bénéficier d'une réfaction sur l'indemnisation due aux époux [T] en considération des dégâts subis dans l'appartement en raison d'un dégât des eaux dont l'origine est l'absence de bon entretien d'un autre bien appartenant à l'EPFIF situé au-dessus et ce seulement 15 jours avant le transport sur les lieux.

 

L'EPFIF rétorque que :

 

-         Concernant la description du bien exproprié, il se situe au sein d'un ensemble immobilier en copropriété sis sur le territoire de la commune de [Localité 18], parcelles cadastrées section AM [Cadastre 1], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] pour 30.825 m². Dans le bâtiment B10 :

o   Lot n°52 et 1393/1.000.000° des parties communes générales : logement de type T 3, escalier B, troisième étage, d'une superficie habitable de 56 m².

o   Lot n°188 et 12/1.000.000° des parties communes générales : cave au sous-sol portant le n°21.

o   Lot n°1316 et 55/1.000.000° des parties communes générales : au rez-de-chaussée, jardin voirie n°23, un emplacement de stationnement portant le n°61.

o   Lot n°148 et 1393/ 1.000.000° des parties communes générales : logement de type T 3, escalier D, sixième étage, d'une superficie habitable de 56 m².

o   Lot n°290et 10/1.000.000° des parties communes générales : cave au sous-sol portant le n° 124.

o   Lot n°1298 et 55/1.000.000° des parties communes générales : au rez-de-chaussée, jardin voirie n°23, un emplacement de stationnement portant le n°4.

-         Concernant les éléments de moins-value justifiant une décote ce sont le suivants :

o  Les équipements communs du bâtiments 10 lesquels ont fait l'objet d'un arrêté municipal en date du 3 septembre 2018, à raison notamment des défaillances présentées par les chutes d'eau usées et eaux vannes et les réseaux de distribution en eau froide et eau chaude sanitaire, les ascenseurs, les collecteurs d'eaux usées et eaux pluviales, le système de chauffage, les canalisations enterrées et le réseau d'éclairage extérieur (Pièce n°6).

o   La vétusté des parties communes du bâtiment 10 qui a été constatée lors du transport sur les lieux. Le transport sur les lieux a permis de confirmer la vétusté des parties communes du bâtiment 10.

S'agissant des parties privatives, les constats réalisés lors du transport sur les lieux ont révélé que le bien du 3ème étage (lot n°52) est en bon état d'entretien alors que l'appartement du 6ème étage (lot n° 148) est quant à lui dans un état d'entretien moyen à bon ainsi qu'en attestent les photographies produites dans les conclusions. Il a également été constaté lors du transport sur les lieux que le logement situe au 6ème étage (lot 148), occupe par une locataire et ses enfants, était sans électricité depuis le 10 septembre 2021 à la suite d'un dégât des eaux provenant des étages supérieurs.  L'EPFIF a été contrainte d'envisager, en urgence, le relogement de la locataire pour faire cesser cette situation. Le juge de première instance a retenu :

o   Un bon état d'entretien pour l'appartement du 3ème étage (lot 52),

o   Un état moyen à bon pour l'appartement du 6ème étage (lot 148).

-         Concernant la situation locative, le transport sur les lieux a révélé que : L'appartement situé dans l'escalier B au 3ème est libre de toute occupation. L'appartement situé dans l'escalier D au 6ème étage était occupé en vertu d'un bail d'habitation pour un loyer hors charge de 600 euros (Pièce adverse n°6). L'EPFIF souligne qu'il a procédé au relogement en urgence de la locataire de Monsieur [T]. En effet, l'attention de la Cour est attirée sur le fait que l'EPFIF a été contraint de mettre en 'uvre ce relogement en urgence compte-tenu de l'absence d'électricité depuis plusieurs semaines qui contraignait la locataire et ses enfants à se servir de bougies comme seul moyen d'éclairage. De surcroit, aucun élément d'équipement ne pouvait fonctionner sans électricité (lave-linge, réfrigérateur')

-         Concernant la situation locative du lot n°148, les expropriés sollicitent l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a évalué le lot n° 148 en valeur occupée alors que le bien a été libéré à la date du jugement. Une telle affirmation relève à l'évidence d'une mauvaise compréhension des dispositions du code de l'expropriation. La consistance d'un bien s'apprécie à la date de l'ordonnance d'expropriation conformément aux dispositions de l'article L.322-1 du Code de l'expropriation. L'ordonnance d'expropriation a été prononcée le 21 octobre 2021. Or, à la date précitée, le bien était encore occupé, en atteste l'extrait du courrier reproduit ci-après qui témoigne du départ de la locataire le 25 octobre 2021, soit postérieurement à l'ordonnance d'expropriation. Ce départ correspond en réalité à la date à laquelle la locataire a été relogée par l'autorité' expropriante. Sur ce point, l'EPFIF renvoie la Cour à ses développements précédents relatifs aux conditions très particulières du relogement de la locataire des expropries (Cf. pages 13 et 14) et à la mauvaise foi évidente des époux [T]. Ainsi dès lors qu'il est constant que leur bien était occupé à la date de l'ordonnance d'expropriation, le jugement doit être confirmé sur ce point.

-         Concernant la consistance juridique et matérielle des biens, elle se trouve figée à la date de l'ordonnance d'expropriation soit le 21 octobre 2021. Les consorts [T] contestent l'état des biens qui a été retenu par le premier juge et considèrent notamment qu'au regard des travaux réalisés les biens sont en très bon état général et que l'EPFIF l'aurait reconnu également. Les expropriés produisent des constats d'huissier de justice afin d'attester du très bon état des appartements. Toutefois, les constats réalisés plus de deux mois après le transport sur les lieux n'ont aucune valeur probante. Par ailleurs, l'expropriant relève que le constat d'huissier relatif au lot n° 148 ne fait pas mention du dégât des eaux survenu dans l'appartement ainsi que des traces d'humidité pourtant dûment constatées par le premier juge lors du transport sur les lieux. Les expropries tentent ensuite de se prévaloir, des procès-verbaux de visite contradictoire réalisés dans le cadre de la mise en 'uvre de la procédure d'extrême urgence pour affirmer que l'EPFIF aurait reconnu le très bon état d'entretien des biens dont s'agit. Cette affirmation est erronée.

-         S'agissant du lot n° 148, l'expert a été contraint d'intervenir dès lors qu'un désaccord sur l'état du bien subsistait entre les parties, l'EPFIF manifestant fermement son désaccord sur le très bon état d'entretien évoqué par les expropriés (Pièce adverse n°24-1). En outre, ces procès-verbaux ont été réalisés le 4 février 2022, soit près de 5 mois après la tenue du transport sur les lieux et dans le cadre d'une procédure distincte. Par ailleurs, les expropries produisent des échanges qui sont intervenus entre l'EPFIF et M. [T] sur la conclusion d'une prise de possession anticipée qui aurait conduit à une évaluation de l'appartement du 6eme étage en valeur libre et en bon état (Pièces adverses n°19 et 20). Les époux [T] semblent ainsi prétendre que l'EPFIF et son conseil auraient manqué de diligence en ne revenant pas vers eux pour conclure cette convention de prise de possession anticipée. L'autorité expropriante s'étonne que les expropries affirment que son conseil ne serait pas revenu vers leur avocat pour évoquer cette proposition car ils n'ignorent pas que ces échanges sont couverts par le sceau de la confidentialité. Les époux [T] soutiennent enfin qu'ils ont réalisé des travaux d'entretien de sorte que les éléments d'équipement de leur bien seraient en parfait état. Le dégât des eaux et les dommages subis par le lot n° 148 étant prétendument de la seule responsabilité de l'EPFIF. Ces affirmations ne sauraient convaincre. En effet, si les appelants font état de l'ensemble des travaux d'entretien qu'ils ont réalisés sur leurs deux appartements, auxquels ils étaient légalement tenus conformément à l'obligation légale qui pèse sur un propriétaire bailleur en application de l'article 1719 du Code civil, ils ne produisent en cause d'appel aucun élément probant permettant de contester les constatations réalisées lors du transport sur les lieux. De surcroit, l'EPFIF a bien adressé plusieurs projets de convention de prise de possession anticipée aux expropriés ainsi qu'en attestent les courriels des 18, 22 et 27 octobre 2021 (Piece n°7). Or, le courriel du 27 octobre 2021 est resté sans réponse de telle sorte que les défendeurs ne peuvent prétendre de bonne foi que l'EPFIF ou son conseil auraient manque de diligence (Pièce n°8). Il est donc constant que l'expropriant n'a jamais remis en cause les états d'entretien tels que retenus par le juge de première instance. S'agissant du dégât des eaux, les époux [T] sont mal avisés de faire peser sur l'expropriant la responsabilité de ce dégât des eaux dès lors que cette assertion n'est étayée d'aucun élément probant. Leur locataire a été contrainte d'accepter le relogement en urgence par l'EPFIF, dans un immeuble voisin également voue' à la démolition, car son appartement était prive' d'électricité depuis plusieurs semaines. Les échanges entre les défendeurs et leur locataire, sans appeler d'analyse exhaustive de la part de l'autorité expropriante, témoignent incontestablement du mécontentement de la locataire, qui énonce que les propriétaires ne lui répondaient pas malgré l'urgence de la situation. La locataire a donc subi un trouble persistant auquel ses bailleurs n'ont jamais remédié. Leur demande apparait ainsi injustifiée et infondée. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu un bon état d'entretien pour l'appartement du 3eme étage et un état d'entretien moyen à bon pour l'appartement du 6ème étage.

Concernant la méthode d'évaluation, la méthode dite par actualisation des flux futurs également appelée « discounted cash flows », consiste quant à elle « à projeter, sur une période déterminée, les flux financiers qui seront générés par l'immeuble. La valeur du bien est supposée égale à la somme actualisée des flux financiers ». Les expropries ne font état d'aucune détermination de l'un des éléments précités et se bornent à affirmer, sans aucun élément probant, que leurs biens devraient être évalués en tant compte d'une plus-value arbitrairement définie de plus de 20.000 euros, ce qui témoigne une nouvelle fois du peu de sérieux de leur demande. Par ailleurs, tant le service des Domaines que la doctrine autorisée s'accordent sur le fait qu'une telle méthode est pertinente exclusivement pour des immeubles qui présentent un enjeu financier significatif. Il est bien évident qu'en l'espèce cette méthode n'apparait pas pertinente pour apprécier la valeur vénale d'un appartement situé dans un immeuble et un environnement dont les dégradations sont d'une importance telle qu'elles ont justifié la mise en 'uvre de la première ORCOD-IN en FRANCE. Il résulte de tout ce qui précède que le premier juge n'a commis aucune erreur de fait ou de droit en ne faisant pas application des méthodes d'évaluation dites par capitalisation et/ou par actualisation des flux. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a fait application de la méthode d'évaluation par comparaison, seule méthode pertinente au cas présent.

Concernant le bien fondé des valeurs unitaires retenues par la juridiction, les exposants sollicitent l'infirmation de la décision de première instance aux moyens que les valeurs unitaires retenues ne correspondraient à la valeur réelle de leur bien au regard des termes de comparaison qu'ils produisent. L'EPFIF relève qu'a l'instar de leurs écritures de première instance, les expropriés ne précisent pas les valeurs unitaires qu'ils retiennent et se bornent à indiquer des montants forfaitaires. Il n'est pas inutile de préciser que leur demande en cause d'appel est 30% inférieure à la demande qu'ils avaient formulée en première instance, à savoir 130.000 euros par appartement, ce qui témoigne du peu de sérieux de leur évaluation. Au soutien de leurs prétentions, ils se prévalent :

- d'annonces de vente d'appartements anciens ainsi que d'appartements à vendre sur plan sur le territoire de la commune de [Localité 18] (Pièces adverses n°7 et 8),

- d'estimations réalisées par des agents immobiliers non datées (Pièces adverses n°9 et 10),

-  d'une étude de marché de biens qui seraient prétendument à la vente dans le périmètre du [Adresse 17] (Pièce adverse n°13).

- des termes de comparaison produits par l'autorité expropriante (Pièces n°2 a 4).

A cet égard, si l'EPFIF ne conteste pas que les termes de comparaison qu'elle produits peuvent être retenus, encore faut-il qu'ils soient comparables aux états d'entretien du bien à savoir bon et moyen à bon. Dans ces conditions, les expropriés ne sont pas fondés à solliciter que les références pertinentes pour évaluer leurs biens sont celles relatives à des appartements en excellent état d'entretien. A peine est-il besoin de préciser que ces éléments ne peuvent servir de références exploitables. En effet, il est de jurisprudence constante que dans le cadre d'une estimation par comparaison, seules peuvent être prises en considération les décisions judiciaires et les mutations définitives (Cour d'appel de Paris, 5 novembre 2020, n° 09-70.367 et n°19/00300). Ainsi, faute pour les expropriés de produire des références pertinentes, leur demande, manifestement surévaluée et injustifiée, doit être rejetée et le jugement entrepris confirmée.

Concernant le rejet de l'indemnité pour perte de revenus locatifs s'agissant du lot n°52, les consorts [T] contestent en cause d'appel le rejet par le premier juge de leur demande d'indemnisation pour perte de revenus locatifs s'agissant du lot n°52. Ils soutiennent que le tribunal de première instance a commis une erreur de droit en jugeant que le lien de causalité entre le défaut d'occupation et la procédure d'expropriation n'était pas établi de sorte qu'ils sollicitent désormais une indemnité de 9.360 euros au titre de la perte de loyers. Toutefois, la Cour relèvera que les expropriés semblent commettre une confusion entre deux notions distinctes à savoir la perte de revenus locatifs et la perte de chance de pouvoir remettre un bien en location en raison de la procédure d'expropriation. En tout état de cause, qu'ils s'agissent de l'une ou l'autre de ces demandes, cette demande ne pourra prospérer. En application des dispositions de l'article L. 322-1 du code de l'expropriation, c'est à la date de l'ordonnance d'expropriation, et le cas échéant, à la date du jugement, que la consistance matérielle et juridique d'un bien s'apprécie, et notamment sa situation locative. En l'espèce, l'ordonnance d'expropriation a été prononcée le 21 octobre 2021. C'est donc à la date précitée que la situation locative du bien doit être appréciée. Or, à cette date, le bien était libre de toute occupation. Cet état de fait et de droit n'a d'ailleurs pas été remis en cause lors du transport sur les lieux. Dans ces conditions, il ne saurait être fait droit à la demande indemnitaire de l'exproprié, laquelle ne pourrait aboutir que si le bien était effectivement occupé. La cour ne peut pas faire droit à la demande des époux [T], ces derniers ne pouvant à la fois percevoir une indemnité libre d'occupation et une indemnité pour perte de revenus locatifs (TJ Créteil, 31 mai 2019, RG 18/00059). Il résulte de l'alinéa 1er de l'article L. 322-1 du code de l'expropriation, que le transfert de propriété s'opère à la date de l'ordonnance d'expropriation. En d'autres termes, un propriétaire exproprié reste juridiquement propriétaire de son bien jusqu'au prononcé de l'ordonnance d'expropriation.

Il dispose donc de la possibilité de mettre son bien en location jusqu'à cette date.

En l'espèce, l'ordonnance d'expropriation a été prononcée le 21 octobre 2021 de telle sorte que rien n'interdisait aux époux [T] de louer leur bien jusqu'à la date précitée. Les expropriés se contentent d'affirmer de manière péremptoire et sans aucun élément probant que plusieurs visites seraient intervenues et que c'est en raison de la seule procédure d'expropriation que les potentiels locataires auraient refusé de prendre ce bien en location. L'existence d'un mandat de mise en location ne suffit à lui seul à justifier d'un prétendu lien de causalité entre l'impossibilité de relouer leur appartement et la procédure d'expropriation (Pièce adverse n°11). En effet, admettre un tel raisonnement reviendrait à considérer que les locataires n'auraient pas pris en considération la consistance globale du bâtiment 10 qui fait partie, rappelons-le, des bâtiments les plus dégradés de la copropriété du Chêne Pointu et dont la vétusté des parties communes a été dûment constatée lors du transport sur les lieux. Cette copropriété fait également l'objet de la première ORCOD-IN de France, ce qui témoigne du peu d'attractivité de ce quartier.

Les époux [T] ne peuvent donc sérieusement affirmer que c'est en raison de la seule procédure d'expropriation menée par l'EPFIF qu'ils n'ont pas pu remettre leur bien en location alors même que leur appartement se situe dans un bâtiment dégradé avec des parties communes très vétustes, de tels éléments étant nécessairement pris en considération par les locataires pour prendre leur décision de louer ou non un appartement. Ainsi, soit le lien de causalité entre la procédure d'expropriation et l'impossibilité pour les expropries de mettre leur bien en location n'est pas avéré, soit le préjudice qu'ils prétendent avoir subi n'est pas certain. Or, l'article L. 321-1 du Code de l'expropriation prévoit que seul le préjudice direct et certain peut donner lieu à indemnité. La demande des époux [T] doit être rejetée et le jugement de première instance doit être confirmé sur ce point.

Concernant le montant de l'indemnité pour perte de revenus locatifs du lot n°148, les expropries contestent enfin le quantum de l'indemnité pour perte de revenus locatifs du lot n°l48 qui a été limité par le Tribunal  à 6 mois de loyers soit 6 mois de loyers hors charge soit 3.600 euros.

Ils soutiennent que compte-tenu du rapport locatif de leur appartement, des recherches qu'ils devront effectuer pour trouver des biens équivalents en terme de rapport, des travaux qu'ils seront contraints d'effectuer puis de trouver un locataire, le quantum de l'indemnité devrait être determiné sur la base 12 mois de loyers hors charge soit 7.200 euros.

Une telle demande sera immanquablement rejetée.

A titre liminaire, l'attention de la Cour est attirée sur l'incohérence de la demande des époux [T] qui prétendent que leur bien est libre d'occupation mais sollicitent tout de même une indemnité pour perte de revenus locatifs qui, par définition, ne peut être due que lorsqu'un bien est occupé.

Cette précision étant faite, l'autorité expropriante ne remet pas en cause le principe de cette indemnisation.

Ainsi qu'il a été constaté lors du transport sur les lieux, le bien était occupé par des locataires à la date de l'ordonnance d'expropriation, pour un loyer hors charge de 600 euros. Pour autant, les expropriés ne peuvent soutenir que leur bien présenté des spécificités telles que le quantum de l'indemnisation devait être fixé à 12 mois de loyer hors charge. Cet argumentaire aurait pu s'entendre s'agissant d'un immeuble de rapport bénéficiant soit d'une rentabilité importante, d'une situation géographique très recherchée ou bien encore d'éléments d'équipements spécifiques. Tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce. En effet, ainsi qu'il a été précédemment rappelé, le bâtiment 10 fait partie des bâtiments les plus dégradés de la copropriété du Chêne Pointu et dont la vétusté des parties communes a été dûment constatée lors du transport sur les lieux. Par ailleurs, rappelons également que cette copropriété fait également l'objet de la première ORCOD-IN de France, ce qui témoigne du peu d'attractivité de ce quartier. Dans ces conditions, le bien des expropries ne présente pas de spécificités particulières qui justifierait que le quantum de leur indemnisation soit porté à 12 mois de loyers. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

-         Concernant l'appel incident de l'EPFIF, elle conteste notamment :

o  la date de référence retenue, à savoir le 11 mars 2018 soit un an avant l'ouverture de l'enquête publique (A),

o  le principe de la plus-value de 10 % retenue à raison de l'entrée en exploitation de la ligne du Tramway T 4 (B),

Il résulte de ce qui précède que la date de référence à retenir lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien. Au cas présent, par délibération n°2015.01.27.07 du Conseil municipal de la Commune de [Localité 18] en date du 27 janvier 2015, un droit de préemption urbain renforce a été instauré sur le territoire de la commune (Pièce n°1). Ce droit de préemption a ensuite été délégué à l'EPFIF sur le périmètre de l'ORCOD-IN par la Commune suivant délibération du 26 mai 2015, délégation ensuite confirmée par délibération du Conseil de Territoire de l'Établissement Public Territorial Grand Paris Grand Est en date du 28 février 2017. Or, il est constant que les biens expropriés sont situés dans le périmètre de l'ORCOD-IN de sorte qu'ils sont bien soumis au droit de préemption urbain. Dans ces conditions, en application des dispositions des articles L.213-4 et L. 213-6 du Code de l'urbanisme, la date de référence est celle de la dernière modification du PLU délimitant la zone dans laquelle est situé l'ensemble immobilier dont s'agit, à savoir la modification n°1 du 8 avril 20 16. C'est en conséquence a tort que le Tribunal a retenu comme date de référence la date du 11 mars 2018 soit un an avant l'ouverture de l'enquête publique. Au regard des développements qui précèdent le jugement ne pourra qu'être infirmé et la date de référence sera fixée au 8 avril 2016.

-        Concernant sur le principe de la majoration de 10% appliquée en raison de l'entrée en exploitation de la ligne de tramway T4, le premier juge a appliqué une majoration de 10% sur la valeur unitaire retenue ainsi que sur l'indemnité complémentaire au titre de la perte de l'emplacement de stationnement en raison de l'entrée en exploitation de la ligne de tramway 4. La motivation encourt inévitablement la censure car si l'autorité expropriante ne conteste pas qu'elle a prévu les valeurs unitaires retenues à la hausse elle a expressément précisé dans ses écritures de première instance que cette hausse ne saurait être justifiée par l'entrée en exploitation de la ligne de tramway T4. En effet en adoptant un tel raisonnement, le premier juge a méconnu les dispositions de l'article L. 322-2 du Code de l'expropriation. La date de référence est celle 8 avril 2016 et non celle du 11 mars 2018 retenue erronément par le juge de première instance. L'enquête préalable à la DUP de la [Adresse 17] s'est pour sa part tenue du 11 mars 2019 au 12 avril 2019 inclus et la mise en service de la ligne de tramway T 4 est intervenue fin 2019 après plus de 3 ans de travaux (Pièce n°5). Ces travaux étant par leur nature même des travaux publics, leur réalisation dans les 3 années ayant précédés l'enquête publique préalable à la DUP de la [Adresse 17] et leur impact éventuel ne peuvent être pris en compte comme des facteurs de plus-value. Les termes de comparaisons dont se prévaut l'autorité expropriante s'étendent de septembre 2016 à juillet 2021 sans qu'aucun d'entre eux ne permette de mettre en évidence une quelconque évolution du marché ou une quelconque pression foncière particulière, de telle sorte que l'élément susvisé est sans incidence sur la valeur vénale du bien exproprie. L'autorité expropriante attire l'attention de la cour sur le fait qu'elle s'est très récemment prononcée sur cette question dans le cadre des appels des jugements indemnitaires du Bâtiment 8 de l'ORCOD de [Localité 18]. Le jugement doit être infirmé sur ce point.

-   Concernant l'allocation d'une indemnité complémentaire au titre de la perte d'un emplacement de stationnement majorée de 10%, considérant que l'offre de l'EPFIF ne couvrait pas intégralement la valeur des lots n° 1298 et n°1316 à usage d'emplacements de stationnement, le premier juge a alloue' une indemnité complémentaire de 2.320 euros par parking, après majoration de 10%, calculée sur la base de la valeur estimée d'un emplacement (3.200 euros) divise' par la surface d'un logement de type T3, soit 56 m2 = 57,14 euros. Est ensuite soustraire de ce montant la somme de 20 euros, repre'sentant selon le premier juge la différence moyenne constate'e entre la valeur d'e'change des logements cédés sans parking et ceux ce'de's avec parkings. La différence ainsi obtenue (37 euros) est ensuite multipliée par la surface d'un logement de type T3. La même méthode que celle appliquée dans ses jugements en fixation indemnitaire relatifs aux expropriations du Bâtiment [Adresse 11] aux motifs que : sur les 134 termes de comparaison produits par l'EPFIF en première instance, seuls 8 correspondent à des ventes d'appartement avec cave et sans parking de sorte que, sur le principe, la valeur d'un parking serait intégrée à celle d'un appartement avec cave à 94%, qu'il serait nécessaire d'assurer une cohérence dans la fixation du quantum de l'indemnité compensatrice de la dépossession d'une place de parking dans le cadre d'une même opération d'expropriation, et ce d'autant plus que l'opération d'urbanisme a lieu dans un secteur géographique connaissant de multiples difficultés. Ce raisonnement doit être censuré. L'EPFIF entend à cet égard relever que les termes de comparaison produits portaient sur des cessions amiables de logements intégrant le plus souvent des caves et emplacements de stationnement extérieurs, dont aucune ne faisait l'objet d'une valorisation distincte. D'autre part, le Tribunal a lui-même, après analyse exhaustive des références qui lui étaient proposées par l'expropriant et le commissaire du gouvernement, constate' que la différence entre, d'une part, la valeur moyenne d'échange des logements avec cave mais sans parking, d'autre part, la valeur moyenne d'échange des logements avec cave et parking était en moyenne de 20 euros/m², soit un montant très faible qui tend à démontrer qu'il n'existe de fait et quelle que soit la période considérée aucune différence notable de valorisation entre le prix de cession des logements avec cave et parking et le prix de cession des logements avec cave mais sans parking. Pour s'en convaincre définitivement, l'EPFIF renvoie la Cour à l'examen des termes de comparaison produits en première instance qui en attestent incontestablement (Pièces n°2 à 4). Qu'enfin, et surtout, la cour s'est récemment prononcée sur le principe d'une telle indemnité en censurant le raisonnement retenu par le juge de première instance (RG n°21/08150). Le jugement doit immanquablement être infirmé en ce qu'il a alloué une indemnité complémentaire de 2.320 euros par chacun des deux emplacements de stationnement dont les expropriés ont été dépossédés.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

-      La date de référence à prendre en compte sur le fondement des articles L211-1 et L213-4 du code de l'urbanisme est en l'espèce , le PLU approuvé le 10 juillet 2012 avec modification N°1 du 8 avril 2016 , mise en conformité par délibération du Conseil du Territoire du 26 septembre 2017 et modification N°2 approuvée par délibération du Conseil du Territoire du 13 novembre 2018, mise en compatibilité par arrêté préfectoral du 6 septembre 2019 ;

-      à cette date de référence, le bien est situé en zone UR1, correspondant au renouvellement urbain du centre-ville.

-   Concernant la situation géographique du bien, il se situe dans un quartier de grands ensembles, aujourd'hui en pleine restructuration.

-      Concernant la description du bien, il se situe au sein du bâtiment [Adresse 16], est établi au Sud de l'[Adresse 13], perpendiculairement à celle-ci, et en retrait. II fut édifié en 1966. Il comprend un sous-sol à usage de caves, un rez-de-chaussée à usage d'habitation, dix étages à usage d'habitation et une terrasse portant des séchoirs communs. ll est divisé en entrées, respectivement désignées par les lettres A,B ,C et D, desservies chacune par un escalier et un ascenseur. Le bâtiment comprend, au total en ses quatre entrées, 767 appartements dont 722 appartements  de type F3, 45 appartements type F4 ainsi que divers locaux communs (un logement de gardien, un local à bicyclettes et un local à voitures d'enfants, un local commun et un local de transformateur).

-     Concernant la situation locative, les locaux des lots n°52, 188 et 1316 sont considérés libre d'occupation et les lots n°148, 290 et 1298 sont considérés comme occupés. 

-    Concernant la valeur unitaire, l'appelant indique que le juge a commis une erreur d'appréciation sur le niveau d'entretien des appartements en les qualifiant de bon état et sollicite la requalification en excellent état d'entretien et la détermination d'une valeur unitaire libre d'occupation de 1.375 euros/m2. Le procès-verbal de transport en date du 28 septembre 2021 fait état d'un bien en bon état d'entretien général pour le lot 52 et d'un bien ayant des problèmes de fuite d'eau et d'électricité pour le lot 148. ll y a donc lieu de considérer l'état des appartements comme décrit dans le procès-verbal, à savoir en bon état pour le lot 52 et moyen à bon pour le lot 148. Selon les termes retenus par le juge la valeur unitaire moyenne pour un appartement occupe en moyen à bon état (lot 148) est de 880 euros/m² et celle d'un appartement libre bon état (lot 52) est de 1152 euros/m². Ainsi, la valeur vénale des lots est la suivante :

o   lot 52 (appartement et cave) en valeur libre : 1.155 x 56 = 64 680 euros,

o   lot 148 (appartement et cave) : 880 x 56 = 49 280 euros.

La valeur vénale des emplacements de stationnement (lot 1316 et 1298) fixe à 2.310 euros/emplacement par le juge n'est pas contestée.

-         Concernant l'indemnité au titre de la perte de revenus locatifs, l'appelant sollicite la fixation d'une indemnité au titre de la perte de revenus locatifs à la somme de 16 560 euros, en se basant sur 12 mois de loyer pratiques pour chaque appartement. Soit :

-         9 360 euros (780 x 12) pour les lots 52, 188 et 1316,

-         7 200 euros (600 x 12) pour les lots 148, 290 et 1298

Il est constant que la perte de revenus locatifs générée par une expropriation fait l'objet d'une indemnisation destinée à compenser la perte, de loyers ou d'indemnité d'occupation prévisible entre le moment où le propriétaire ne perçoit plus les-revenus de ses biens du fait de l'opération d'expropriation et celui où il est à nouveau en situation de percevoir des revenus locatifs, après acquisition d'un bien équivalent et recherche de nouveaux locataires. Aucune des parties ne conteste que le lot 52 est libre de toute occupation depuis le 1er février 2020. A la date de l'ordonnance d'expropriation le 21 octobre 2021, le bien était libre depuis 18 mois. L'inoccupation du bien n'est pas du fait de la procédure d'expropriation. En conséquence, l'indemnité au titre de la perte de revenus locatifs ne peut être accordée.

Le lot n°148 était donne à bail depuis le 12 juillet 2014 selon un loyer mensuel hors charge de 600 euros. La visite sur place a permis de corroborer la situation d'occupation du bien. Le départ du locataire a eu lieu postérieurement à l'ordonnance d'expropriation le 21 octobre 2021. En conséquence, l'indemnité au titre de la perte de revenus locatifs peut être accordée. L'appelant ne démontre pas que le bien présente une spécificité telle qu'un délai supérieur à 6 mois leur sera nécessaire pour acquérir un bien équivalent et rechercher un locataire. Une indemnité au titre de la perte de revenus locatifs de six mois de loyer hors charges peut être accordée, soit 3 600 euros (600 x 6) pour les lots 148, 290 et 1298. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

 

SUR CE, LA COUR

 

- sur la recevabilité des conclusions

 

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1 septembre 2017 , l'appel étant du 16 avril 2022, à peine de  caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

 

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

 

L'intimé à  un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois  mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

 

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la  même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

 

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

 

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur  réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

 

En l'espèce , les conclusions des consorts [T] du 18 juillet 2022, de l'EPFIF du 17 octobre 2022   et du commissaire du   gouvernement du 17 octobre 2022 déposées ou adressées dans les délais légaux sont recevables.

 

Les conclusions hors délai des consorts [T] du 3 février 2022  sont de pure réplique à celles de l'EPFIF appelant incident et du commissaire du gouvernement intimé, ne formulant pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux ; elles sont donc recevables.

 

AU FOND

 

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée ayant force de loi en France, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

 

Aux termes  de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

 

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

 

Aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

 

Conformément aux dispositions de l'article  L322-2, du code de l'expropriation, les biens sont  estimés à la date de la décision de première instance , seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles  L322-3 à L322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

 

Les consorts [T] ont formé un appel limité sur le montant de l'indemnité de dépossession et sur l'indemnité accessoire au titre de la perte des revenus locatifs.

 

L'appel incident de l'EPFIF concerne :

- la date de référence ;

- le principe de la majoration de 10% appliquée en raison de l'entrée en exploitation de la ligne de tramway T4 ;

- l'allocation d'une indemnité complémentaire au titre de la perte d'un emplacement de stationnement majoré de 10%.

 

L'EPFIF indique qu'il n'entend pas remettre en cause en appel les éléments suivants :

-méthode d'évaluation par comparaison ;

-la superficie des biens de 56m² ;

-la situation locative pour le lot N°52 et occupée pour le lot N°148 ;

-les valeurs unitaires retenues ;

-l'état d'entretien tel qu'il a été constaté par la juridiction de première instance ;

-le rejet de l'indemnité pour perte de revenus locatifs relative au lot N°52 ;

-l'indemnité allouée pour perte de revenus locatifs relative au lot N°148 ;

- le montant de l'indemnité de remploi.

 

Le commissaire du gouvernement demande la confirmation du jugement.

 

1° sur la date de référence

 

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu en application de l'article L 322-2 du code de l'expropriation, la création de la ZAC dite du [Adresse 17] étant antérieure de moins d'un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la DUP, la date du 11 mars 2018, soit un an avant l'ouverture de l'enquête

 

Les consorts [T] n'ont pas formé appel sur la date de référence et font  état de la date retenue par le premier juge.

L'EPFIF demande l'infirmation  , le bien étant soumis au droit de préemption et demande de retenir en application des articles L213-4 et L 213-6 du code de l'urbanisme, la date de la dernière modification du PLU délimitant la zone dans laquelle est situé l'ensemble immobilier dont s'agit, à savoir la modification N°1 du 8 avril 2016.

Le commissaire du gouvernement, intimé, indique  qu'en application des articles L 211-1 et L 213-4 du code de l'urbanisme, il s'agit du PLU approuvé le 10 juillet 2012 avec modification N°1 du 8 avril 2016, mise en conformité par délibération du Conseil du Territoire du 26/09/2017 et modification N°2 approuvée par délibération du Conseil du Territoire du 13 novembre 2018, mise en compatibilité par arrêté préfectoral du 6 septembre 2019.

Il n'a pas déposé de conclusions complémentaires suite à l'appel incident de l'EPFIF sur ce point.

 

L'article L 322-2 du code de l'expropriation dispose que :

Les biens sont estimés à la date de la décision première instance.

Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L322-3 à L322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L1 ou, dans le cas prévu à l'article L 122-4 , un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L 121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi numéro 2010'597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou , lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionné à l'article L311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.

Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au 2e alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subie depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou parla réalisation dans les 3 années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé le bien.

 

En outre, les articles L 213-4 et suivants du code de l'urbanisme prévoient des règles particulières, notamment dans le cas où le bien est grevé du  de droit de préemption urbain.

 

L'article L 213-6 du code urbanisme dispose que lorsqu'un bien soumis au droit préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L213-4.

 

L'article L 213-4a) du code de l'urbanisme prévoit que pour les biens non compris dans une zone d'aménagement différé, la date de référence devant être pris en compte est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

 

Par arrêt du 1er mars 2023 N°22-11467, la 3° chambre civile de la cour de cassation a dit qu'en application des articles L 213-4a) et L213-6 du code de l'urbanisme, lorsque le bien exproprié est soumis au droit de préemption, la date de référence pour déterminer l'usage effectif du bien, est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant , révisant ou modifiant le  POS ou le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien, règle qui s'applique également pour la qualification de terrain à bâtir.

 

En l'espèce, par délibération numéro 2015. 01. 27. 07 du conseil municipal de la commune de [Localité 18] du 27 janvier 2015, un  droit de préemption urbain renforcé a été instauré sur le territoire de la commune (pièce numéro 1.)

 

Ce droit  de préemption a ensuite été délégué à l'EPFIF sur le périmètre de l'ORCOD-IN par la commune suivant délibération du 26 mai 2015, délégation ensuite confirmée par délibération du conseil de territoire de l'établissement public territorial Grand Paris Grand Est du 28 février 2017.

 

Il est établi que les biens expropriés sont situés dans le périmètre de l'ORCOD-IN et qu'ils sont donc soumis au droit de  préemption urbain.

 

En conséquence, en application des dispositions susvisées des articles L 213-4 et L213-6 du code de l'urbanisme, la date de référence est celle de la dernière modification du PLU délimitant la zone dans laquelle est situé l'ensemble immobilier dont s'agit, à savoir la modification numéro un du 8 avril 2016.

 

En conséquence le jugement sera infirmé en ce sens.

 

2° sur la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance :

 

A- sur les copropriétés du [Adresse 2]

 

La commune de [Localité 18] est constituée de plusieurs quartiers de grands ensembles présentant de nombreux  handicaps dus à l'urbanisme développé dans les années 1960, le plan de composition reposant en effet sur la réalisation de l'autoroute A 87 qui n'a jamais vu le jour. Le quartier souffre donc de l'absence de voies expresses et de transports structurants, le seul transport en commun étant des bus et la gare RER la plus proche « [Localité 15] » étant  située à 5,5 km.

 

La réalisation de la prolongation de la ligne du tramway T4 par le STIF est en cours de réalisation et la création d'une gare de  la future ligne 16 ,  métro express, par Grand Paris Aménagement est à l' état de projet.

 

La copropriété de l'[Adresse 14] a été  édifiée en 1966 sur un terrain de 34 214 m², plat, situé près de la mairie de [Localité 18].

 

L'EPFIF et le commissaire de gouvernement exposent les conclusions d'une étude concernant les copropriétés contiguës du Chêne pointu et de l'[Adresse 14] réalisée par la commune de [Localité 18] en 2014 mettant en évidence que :

'près de 60 % des ménages ont un niveau inférieur au seuil de pauvreté,

'85 % des ménages présentent  des revenus inférieurs au plafond PLAI,

'un taux de chômage de 29 %, encore plus marqué chez les jeunes

'un quart  des familles sont monoparentales

'près de 20 % des logements sont occupés par plus d'un ménage

'l'occupation moyenne est de plus de 4 personnes par logement

'une rotation importance des propriétaires comme chez les  locataires.

 

Le commissaire du gouvernement précise qu'il résulte de cette situation une progression continue des impayés et des charges et en conséquence un déficit d'entretien du bâti, produisant une  dégradation importante du bâtiment et le  développement des situations d'insalubrité et de péril ; ces difficultés ont entraîné la mise sous administration judiciaire  de la copropriété ; les pouvoirs publics sont également intervenus dans le cadre d'un plan de sauvegarde signé entre l'État, le département et la commune de [Localité 18] le 19 janvier 2010 qui a fixé différents objectifs afin de parvenir à la requalification de la copropriété :

'résorption des impayés,

'réalisation des travaux urgents et mise aux normes,

'lutte contre les marchands de sommeil,

'individualisation des réseaux de fluides  des bâtiments afin de réaliser leur scission,

'réalisation des travaux de rénovation énergétique.

 

La conclusion du plan de sauvegarde achevé fin 2014 a relaté les limites ou impasses concernant les objectifs, notamment le redressement de la gestion, l'assainissement des finances, ou encore la réhabilitation du bâti.

 

En conséquence, l'ampleur des dégradations ont justifié la définition d'un périmètre pour une Opération de Requalification des Copropriétés dégradées d'intérêt National (ORCODIN).

 

Par décret numéro 2015-99 du 28 janvier 2015 a été déclarée d'intérêt national, l'opération de requalification des copropriétés dégradées du quartier dit du « [Adresse 17] » et  la mise en 'uvre a été confiée à l'EPFIF.

 

B- sur le bâtiment 10 de la copropriété de [Adresse 2]

 

Par arrêté préfectoral N°2021-0701 du 19 mars 2021, les lots situés dans le bâtiment 10 de la copropriété ont été déclarés cessibles au profit de l'EPFIF.

 

L'ordonnance d'expropriation emportant transfert de propriété a été rendue le 21 octobre 2021.

 

Un décret N°2021-1005 du 29 juillet 2021 a autorisé l'EPFIF à prendre possession immédiate d'immeubles dégradés situés dans le périmètre défini par le décret N°2015-99 du 28 janvier 2015 déclarant d'intérêt national l'opération de requalification de copropriétés dégradées du [Adresse 17] à [Localité 18].

 

C- sur le bien exproprié

 Il s'agit :

 '       du lot numéro 52 : 1 appartement de type F3, situé au 3e étage de l'escalier B, d'une superficie de 56 m².

Il est composé d'une entrée et d'un couloir qui dessert une cuisine, WC et une salle de bains ainsi qu'une pièce de vie et de deux  chambres, l'une d'entre elle étant accessible à partir de la pièce de vie

'        du lot numéro 148 : 1 appartement de type F3, situé au 6e étage de l'escalier D, d'une superficie de 56 m².

Il est composé d'une entrée et d'un couloir qui dessert  une cuisine, WC et une salle de bains ainsi qu'une pièce de vie et deux  chambres, l'une d'entre elle étant accessible à partir de la pièce de vie.

 

Le premier juge a retenu pour l'appartement correspondant au lot numéro 52, un bon état d'entretien et pour l'appartement correspondant au lot numéro 148 un état de moyens à bon.

 

'        des lots numéro 188 et 290, 2 caves, qui n'ont pas été visitées par le premier juge en raison d'un accès peu aisé et la présence de nombreux nuisibles ;

 

'        des lots numéro 1316 et  12988, deux  emplacements de stationnement extérieur, associés au bâtiment 10, à  l'état d'usage et sans aménagement.

 

Les consorts [T] indiquent que le premier juge a commis une erreur d'appréciation sur le niveau d'entretien de leurs appartements ce qui impacte directement le montant de l'indemnité d'expropriation et que la valeur à prendre en compte  est de bon état à  excellent, en  état libre d'occupation et en tout cas sans abattement pour occupation.

 

Ils précisent  en effet qu'aucun reproche n'était relevé dans le procès-verbal de transport sur les lieux et que l'EPFIF considérait les appartements comme étant en très bon état (pièce numéro 23-1) ; il verse au débat des procès verbaux de constat du 7 décembre 2021 établis par Maître [Y] [D], huissier de justice, qui démontrent un   parfait état de leurs deux appartements (pièce numéro 21 et numéro 22).

 

Ils ajoutent que le dégât des eaux survenu quelques jours seulement avant le transfert de propriété relève de la responsabilité du propriétaire de l'appartement situé au-dessus, en l'occurrence l'EPFIF.

 

Ils indiquent enfin que leurs appartements sont en très bon état, car les installations métriques sont aux normes, des équipements sanitaires WC baignoire et lavabo ainsi toute la plomberie les évacuations sont en excellent état y compris la robinetterie et les chasses d'eau ; les cuisines sont équipées de plans  de travail carrelés intégrant un évier inox parfaitement jointif avec le carrelage, les mitigeurs sont en excellent état et fonctionnent parfaitement ; l'ensemble des portes et huisseries ouvrées ferment parfaitement ; les embellissements de toutes les pièces sont à l'état de neuf  pour le logement du 3ème étage et il en est de même pour le logement du 6e étage hormis pour les parties touchées par le dégât des eaux ; les portes blindées sont neuves.

 

Il ne ressort pas du procès-verbal de transport sur les lieux d'aménagement particulier permettant de retenir un très bon état d'entretien général, mais uniquement un bon état d'entretien  pour le lot N°52 et de bon à moyen pout le lot N°148des appartements ; cet état est d'ailleurs corroboré par les procès-verbaux des huissiers versés aux débats.

 

En  effet, pour l'appartement correspondant lot numéro 52, il peut  être retenu un bon état d'entretien, comme cela ressort du procès verbal de transport, ce qui correspond au procès verbal d'huissier du 7 décembre 2020 ( pièce N°22)  qui fait état  de «   parfait état d'usage voir neuf  ».

 

Pour le lot numéro 148, indépendamment des responsabilités quant à l'origine des infiltrations d'eau, il ressort des correspondances, qu'il s'agit d'un problème persistant ; il ne peut donc être retenu qu'un état de moyen à  bon , tel que cela ressort du procès verbal de transport ; ces constatations ne sont pas contredites par le procès verbal d'huissier du 7 décembre 2020 (pièce N°21) qui fait état d' « un parfait état d'usage voir neuf », les photographies correspondant à un état d'usage ;

 

3° sur la date d'estimation

 

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé , il s'agit de celle du jugement  de  première instance, soit le 8 mars 2022.

 

4° sur la fixation de l'indemnité principale

 

A- sur les surfaces

 

Les surfaces pour les appartements de 56 m² ne sont pas contestées.

 

B- sur la situation locative

 

Les biens sont évalués selon leur consistance à la date de l'ordonnance  expropriation, soit en l'espèce le 21 octobre 2021.

 

Le premier juge précise que M. et  Madame [T] indiquent que le lot numéro 52 est vacant et que le lot numéro 148 était occupé par une locataire jusqu'à son départ le 25 octobre 2021, qu'ils versent  aux débats un bail d'habitation conclu le 12 juillet 2014, mais sollicitent  l'évaluation de l'appartement en valeur libre ; que lors de la visite des lieux le 28 septembre 2021, le lot numéro 52 était libre d'occupation et lot numéro 148 était occupé par un tiers.

 

En conséquence, le premier juge a indiqué que les lots numéro 52,188 et 1316 seront comparés à des cessions de biens libres et les lots numéro 148,290 et 1298 seront comparés à des cessions de biens occupés.

 

M. et Mme  [T] indiquent  que le lot numéro 52 est libre d'occupation et que le lot 148 avait été libéré à la date du jugement et qu'en conséquence les logements doivent être pris en compte comme libre d'occupation en tout cas sans abattement par rapport à la valeur d'un appartement libre d'occupation.

 

Aux termes de l'article L322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ; en conséquence en l'espèce, la consistance des biens doit être fixée à la date de l'ordonnance d'expropriation du 21 octobre 2021.

 

Il n'est pas contesté par les parties que le lot numéro 52 doit être évalué  en valeur libre.

 

S'agissant du lot numéro 148, il est établi qu'il était occupé par un locataire en vertu d'un bail d'habitation du 12 juillet 2014 et que celle-ci a quitté le logement le 25 octobre 2021, soit postérieurement à l'ordonnance d'expropriation (pièce 17-9) correspondant à son relogement par l'autorité expropriante.

 

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement dit que les lots 52, 188 et 1316 sont à comparer à des cessions de biens libres et que les lots numéro 148, 290 et 1298 sont à  comparer avec des cessions de biens occupés.

 

 

C- sur la méthode d'évaluation

 

La méthode par comparaison retenue par le premier juge n'est pas contestée par les parties.

 

En outre, les parties ne contestent pas le fait que le premier juge a dit n'y avoir pas lieu d'évaluer la cave en sus de l'appartement, la valeur de celle-ci étant intégrée à celle de l'appartement.

 

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

 

En ce qui concerne l'indemnisation pour les places de stationnement extérieur, objet de l'appel incident de l'EPFIF, celle-ci  sera examinée après examen des termes de référence des parties.

 

D- sur la fixation de l'indemnité principale

 

1° sur la valeur des appartements et des caves

 

Après examen des références des parties, le premier juge a retenu pour le lot numéro 52, en valeur libre, valeur de la cave et des tantièmes des parties communes intégrées, valeur de la place  de stationnement partiellement intégrée, une valeur de 1155 euros/m² et pour le lot numéro 148, occupé, caves intégrées et emplacement de stationnement partiellement intégré une valeur de 880 euros/m².

 

Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :

 

a)    Références de M. et Mme [T]

 

Ils invoquent une étude du marché dans des copropriétés situées dans le même périmètre, étude dont il ressort que le prix moyen au m² est arrêté de 2560 euros (pièce numéro 13).

 

Cependant, une étude de marché ne correspond pas un terme de référence, puisqu'il ne s'agit pas d'une mutation effective.

 

Ils ne produisent  pas de termes de référence, et fondent  uniquement leur  argumentation, à partir de leur demande de retenir un très bon état de leurs appartements.

 

b)   Références de l'EPFIF

 

Il ne conteste pas les valeurs retenues par le premier juge.

 

 

c)    Références du commissaire du gouvernement

 

Il demande la confirmation des valeurs retenues par le premier juge

 

2° sur l'appel incident de l'EPFIF sur le principe de la majoration de 10% appliquée en raison de l'entré en exploitation de la ligne de tramway T4

 

L'article L322-2 du code de l'expropriation  alinéa 4 dispose que quelque soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subie depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les 3 années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.

En outre, le Conseil Constitutionnel a été saisi de deux QPC relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, pour la première, des deuxième et quatrième alinéas de l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et, pour la seconde, de ce même article.

 

Par décision N°2021-915/916 du 11 juin 2021, il a notamment indiqué :

' sur le fond :

Aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789: ' la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ';

Afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique a été légalement constatée. La prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité. Pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation. En cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnité , l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée.

 

En application des articles L311-5 et L311-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, lorsqu'ils ne parviennent pas à un accord amiable sur le montant de l'indemnité, l'expropriant et l'exproprié peuvent saisir le juge de l'expropriation. Il lui appartient alors de fixer le montant de cette indemnité selon les modalités prévues aux articles L322-1 à L 322-13. Le premier alinéa de l'article L322-2 prévoit à cet égard qu'il apprécie la valeur des biens expropriés à la date de la décision de première instance. Le deuxième alinéa de ce même article impose néanmoins au juge de prendre ne considération, sous réserve de certains cas, l'usage effectif du bien à une date de référence antérieure à cette date. Son dernier alinéa exclut par ailleurs la prise en compte par le juge de l'expropriation des changements de valeur subis par le bien depuis la date de référence, lorsqu'ils résultent de certaines circonstances.

Parmi ces circonstances, les dispositions contestées interdisent au juge de tenir compte de changements de valeur du bien exproprié lorsqu'ils sont provoqués par l'annonce des travaux ou des opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée par l'expropriant.

 

Il en résulte   que la hausse de la valeur vénale du bien exproprié résultant le cas échéant, d'une telle circonstance n'a pas vocation à être prise en compte dans le calcul de l'indemnité due à l'exproprié, alors même que l'expropriant entend céder le bien à un prix déjà déterminé et incluant cette hausse.

 

En premier lieu, d'une part, l'expropriation ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée sous le contrôle du juge administratif.

 

D'autre part, en interdisant au juge de l'expropriation, lorsqu'il fixe le montant de l'indemnité due à l'exproprié, de tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence lorsqu'ils sont provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée par l'expropriant, les dispositions contestées visent à protéger ce dernier contre la hausse de la valeur vénale du bien résultant des perspectives ouvertes par ces travaux ou opérations.

 

Le législateur a ainsi entendu éviter que la réalisation d'un projet d'utilité publique soit compromise par une telle hausse de la valeur vénale du bien exproprié, au détriment du bon usage des deniers publics. Ce faisant, il a poursuivi un but d'intérêt général.

 

En second lieu, pour assurer la réparation intégrale du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, le juge peut tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de références à la suite de circonstances autres que celles prévues au dernier alinéa de l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. A ce titre, il peut notamment prendre en compte l'évolution du marché de l'immobilier pour estimer la valeur du bien exproprié à la date de sa décision.

 

Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portant pas atteinte à l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la conditions d'une juste et préalable indemnité . Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 17 de la Déclaration de 1789 doit être écarté'.

 

Le premier juge a retenu la date de référence du 11 mars 2018, qui a été infirmée par la cour.

Il indique : « dans l'espèce qui nous occupe, l'EPFIF ne précise pas :

'        d'une part, la période au cours de laquelle les travaux de prolongation du tramway T4 à [Localité 18] ont eu lieu ;

s'il n'est pas contestable que les travaux publics d'extension de la ligne T4 ont duré plus de 9 mois (période du 11 mars 2019 fin décembre 2019), il n'est pas établi que les travaux publics réalisés dans l'agglomération où est situé l'immeuble, selon les dispositions de l'article L 322-2 in fine du code de l'expropriation, ne l'ont pas été entre la mi-mars et la fin décembre 2019 ;

'        d'autre part, que l'extension de la ligne T4 ait  un lien quelconque avec l'opération d'aménagement de la [Adresse 17] ; le périmètre de ladite zone disposait, avant sa création, de voies de desserte, des réseaux de fluides nécessaires à une habitation dense et même des équipements publics indispensables à la vie du quartier (école, crèche') ; la volonté exprimée par le législateur dans le dernier alinéa de l'article L322-2 d'éviter un effet d'aubaine provoqué par l'annonce d'un projet public sur la valeur des immeubles concernés n'est dès lors pas contredite par la prise en compte de la plus-value que représente nécessairement l'arrivée d'un nouveau transport en commun dans chacune des communes qu'il  traverse, situées à l'extrémité du département de la Seine-Saint-Denis ([Localité 18], [Localité 20]).

Ainsi, au vu des éléments versés aux débats par l'EPFIF, la double condition du texte n'est pas rapportée de manière certaine. Les dispositions de l'article L 322-2 du code de l'expropriation ne font pas obstacle à la prise en compte d'une hausse normale des prix du marché immobilier dans un environnement évolutif, tel que celui de la couronne parisienne.

La desserte de la commune de l'immeuble par un nouveau moyen de transport est un facteur de plus-value dans le cadre d'une négociation immobilière. Elle ne peut, comme exposé par l'EPFIF, être constaté au vu de la comparaison :

'        d'une part, des termes DEM numéro 1 à 40 dans le tableau annexé (vente entre 2016  et juillet 2019) et

'        d'autre part, des termes  DEM numéro 41 à  69 cités dans tableau annexé (postérieurs au mois de juillet 2019) ;

'     la comparaison des deuxièmes et troisièmes colonnes de l'avant-dernier tableau montrant des valeurs identiques.

Cependant,l'EPFIF ne peut se prévaloir des offres qu'il a lui-même faite à des valeurs invariantes depuis le début de l'opération pour conclure à une absence d'évolution des valeurs sur le marché immobilier. La stagnation des valeurs immobilières exposées par l'EPFIF témoigne davantage  d'une inertie du marché  résultant de l'existence d'un acquéreur unique.

Par ailleurs, il convient de préciser que l'EPFIF :

'        n'a pas contesté la majoration par la juridiction des valeurs immobilières dans le cadre de la fixation des indemnités de dépossession du bâtiment 8 à hauteur de 10 % pour tenir compte d'une  meilleure desserte de la commune et des deux  copropriétés du Chêne Pointu et de l'[Adresse 14] ;

'        offre, dans ses derniers écritures concernant le bâtiment 10, des valeurs majorées de 10 %, semblables à celles fixées par le tribunal, et cite  les jugements précédemment rendus en 2011 ;

'        ne contestant ainsi par l'effectivité d'une plus-value et l'intégrant dans ses offres, même s'il  précise avoir fait appel incident sur ce point lorsque les expropriés du bâtiment 8 ont interjeté appel des jugements  en fixation des indemnités.

Il sera également rappelé  que la cohérence des  décisions rendues est un élément essentiel dans le cadre d'opérations d'expropriation de grande ampleur.

Pour l'évaluation des présents biens et au  regard de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus, il n'y a pas lieu d'écarter les valeurs présentées et privilégiées par la juridiction, intégrant une plus-value de 10 % au regard d'une desserte par le T4.

Quant aux travaux de la future ligne 16 de métro dans le cadre du Grand Paris express, s'agissant de l'aménagement futur, il n'y a pas lieu d'en tenir compte au regard des dates de référence retenues.

 

À l'appui de son appel, l'EPFIF indique que si elle ne conteste pas qu'elle a revu les valeurs unitaires retenues à la hausse, elle a expressément précisé dans ses écritures de première instance que cette hausse ne saurait être justifiée par l'entrée en exploitation de la ligne de tramway T4 et que le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L 322-2 du code de l'expropriation.

 

L'EPFIF a formé un appel de principe, puisqu'il  ne conteste pas les valeurs retenues par le premier juge à savoir 880 euros/m² en valeur occupée pour le lot numéro 148 et la valeur de 1155 euros/m² en valeur libre pour le lot numéro 52.

 

La date de référence retenue par la cour est celle du 8 avril 2016.

L' enquête préalable à la DUP la [Adresse 17] s'est tenue du 11 mars 2019 au 12 avril 2019 inclus et la mise en service de la ligne de tramway T4 est intervenue fin 2019 après 3 ans de travaux (pièce numéro 5).

 

En conséquence, ces travaux étant de par leur nature des travaux publics, leur réalisation dans les 3 années ayant précédé l'enquête publique préalable à la DUP de la [Adresse 17] et leur impact éventuel ne peuvent être pris en compte comme facteur de plus-value ; en tout état de cause, les termes de l'autorité expropriante de septembre 2016 à juillet 2021 ne démontrent pas une évolution du marché, ce qui démontre que la mise en service de la ligne du tramway T4 est sans incidence sur la valeur vénale du bien exproprié.

 

Il convient en conséquence, d'exclure la prise en compte de la mise en service de la ligne du tramway T4, et  de confirmer le jugement par substitution  de motifs, pour les valeurs retenues de :

'        lot numéro 52:56 m² X 1155 euros/m²= 64 680 euros en valeur libre

'        lot numéro 148:56 m²X 880 euros/m²= 49 280 euros en valeur occupée.

 

3° sur l'appel incident de l'EPFIF sur l'allocation d'une indemnité complémentaire au titre de la perte d'emplacements de  stationnement majorés de 10 %

 

M. et Mme [T] demandent la confirmation du montant de 2310 euros pour chaque emplacement de stationnement (lots 1316 et 1298).

 

L'EPFIF a formé appel incident sur l'allocation d'une indemnité complémentaire au titre de la perte d'un emplacement de stationnement majorée de 10% en indiquant :

-        les termes de comparaison produits portaient sur des cessions amiables de logements intégrant le plus souvent des caves et emplacements de stationnement extérieur, donc aucune ,ne faisait l'objet d'une valorisation distincte ;

-         le tribunal lui même après analyse exhaustive des références a constaté que la différence entre, d'une part,  entre la valeur moyenne d'échange des logements avec cave mais sans parking, d'autre part, la valeur moyenne d'échange des logements avec cave et parking était en moyenne de 20 euros/m, soit un montant très faible, ce qui démontre qu'il n'existe pas  de différence notable de valorisation entre le prix de cession des logements avec cave et parking et le prix de cession des logements avec cave mais sans parking.

 

Le commissaire du gouvernement qui a conclu le 17 octobre 2022, n'a pas déposé de conclusions complémentaires sur l'appel incident de l'EPFIF formé par conclusions du 17 octobre 2022.

 

Aux termes de l'article R311-22 du code de l'expropriation le juge statue dans la limite des prétentions des parties, tels qu'elles résultent de leur mémoire et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant.

 

En l'espèce, dans ses dernières conclusions l'EPFIF a sollicité la fixation de la valeur des biens de M. et Madame [T], en valeur partiellement occupée, avec pour l'indemnité principale, la valeur des appartements, la valeur des caves et des emplacements de stationnement intégré.

 

Dans leurs derniers écritures, M. Madame [T] ont sollicité une indemnisation en réparation de la dépossession de leur bien, avec pour l'indemnité principale, la valeur de l'appartement, la valeur de la cave et  de l'emplacement de stationnement intégrés .

 

Dans ses dernières écritures, le commissaire du gouvernement a également proposé pour l'indemnité principale, la valeur de l'appartement, la valeur de la cave et  l'emplacement de stationnement intégrés.

 

En accordant une indemnité complémentaire pour les places de stationnement de M. et Madame [T] (lots 1316 et 1298) d'un montant de 2310 euros pour chaque emplacement de stationnement, après avoir retenu une valeur de chaque appartement, valeur de stationnement partiellement intégré, le premier juge a donc statué au-delà des demandes des parties.

 

En outre, les termes retenus par le premier juge sont comparables au bien exproprié : caves et parkings intégrés et l'allocation d'une indemnité au titre de la perte d'une place de stationnement aboutit à une double indemnisation.

 

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a accordé une indemnité de 2310 euros pour chaque place de stationnement de M et  Madame [T].

 

L'indemnité principale est donc de :

'       appartement situé au 6e étage : lot numéro 148:880 euros/m² en valeur occupée X 56m²

'        appartement situé au 3e étage : lot numéro 52:1155 euros/m² en valeur libre X 56 m²

soit un total de : (1155 euros/m² X56m²) +(880 euros/m² X56 m²)= 113 960 euros.

 

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

 

       4° sur les indemnités accessoires

 

A- sur l'indemnité de remploi

 

20% sur 5000 euros= 1000 euros

15% sur 10000 euros= 1500 euos

10% sur 98970 euros= 9896 euros

soit un total de 12 396 euros.

 

Le jugement sera infirmé en ce sens.

 

B- sur l'indemnité pour perte de revenus locatifs

 

Le premier juge a rejeté la demande de M. et  Madame [T] d'indemnité accessoire pour perte de revenus locatifs pour le lot numéro 52, en indiquant qu'ils ne justifient pas d'un lien de causalité entre le défaut d'occupation du premier février 2020 au 30 octobre 2021 et l'opération d'expropriation et que celui-ci était libre de toute occupation à la date de l'ordonnance d'expropriation.

 

Il a accordé pour le lot numéro 148 une indemnité accessoire pour perte de revenus locatifs correspondant à 6 mois de loyers hors charges, soit la somme de 600 euros X 6 mois= 3600 euros.

 M. et Mme [T] demandent l'infirmation pour l'appartement du 6e étage numéro 148 en sollicitant une perte de revenus locatifs correspondant à 12 mois de loyers et pour l'appartement au 3e étage du lot numéro 152, en raison du lien de causalité avec l'expropriation, une indemnité pour perte  de revenus locatifs correspondant également à 12 mois de loyers.

 

Ils indiquent en effet que le premier juge a omis de prendre en compte le fait que ces appartements étaient des investissements aux fins de générer des revenus, que tous les préjudices subis par les expropriés doivent faire l'objet d'une indemnisation et que l'exproprié doit être replacé dans la situation où il se serait trouvé si l'expropriation n'avait pas eu lieu, sans qu'il n'en résulte ni perte ni profit.

Ils demandent donc pour le lot numéro 52:780 euros X 12 mois= 9360 euros et pour le lot numéro 148 : 600 euros X 12 mois= 7200 euros, soit un total de 16 560 euros.

 

L'EPFIF demande la confirmation en indiquant que les expropriés opèrent une confusion entre la perte de revenus locatifs et la perte de chance de pouvoir remettre un bien en location en raison de la procédure d'expropriation ; à la date de l'ordonnance d' expropriation du 21 octobre 2021, le lot numéro 52 était libre de toute occupation et  M. et Madame [T] pouvaient donc remettre celui-ci en location ; pour le lot numéro 148, ils ne présentent pas de  spécificités particulières qui justifieraient que le quantum de l'indemnisation soit porté à 12 mois de loyers.

 

Le commissaire du gouvernement conclut que le lot numéro 52 était libre de toute occupation depuis le premier février 2020, qu'il était donc libre à la date de l'ordonnance d' expropriation du 21 octobre 2021 et que l'inoccupation n'est pas du fait de la procédure d'expropriation ; il ne peut donc être accordé une indemnité au titre de perte de revenus locatifs ; pour le lot numéro 148, les appelants ne démontrent pas que ce bien présente une spécificité telle qu'un délai supérieur à 6 mois leur sera nécessaire pour acquérir un bien équivalent et rechercher un locataire.

 

A- perte de revenus locatifs pour le lot numéro 52

 

L'article L322-1 dispose que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance  portant transfert de propriété.

 

En outre, l'article L 321- 1 dudit code dispose que les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

 

Enfin l'article L 221-1 dudit code précise que l'ordonnance d' expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés.

 

Il est établi que l'ordonnance d'expropriation été prononcée le 21 octobre 2021, et qu'à cette date le bien était libre de toute occupation.

 

En outre, M. Madame [T] ne démontrent  pas le lien de causalité entre le défaut d'occupation de ce lot du 1er février 2020 au 31 octobre 2021 et l'opération d'expropriation.

 

Enfin, M. et Madame [T] sont restés propriétaires de leur bien jusqu'au prononcé de l'ordonnance d'expropriation et avaient donc la possibilité de le mettre en location jusqu'à cette date, l'existence du mandat de mise en location (pièces numéro 11)  ne démontre pas le lien de causalité entre l'impossibilité de relouer et la procédure d'expropriation.

 

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a exactement débouté M. et Madame [T] de leur demande d'indemnité accessoire pour perte de revenus locatifs pour le lot numéro 52.

 

B- perte de revenus locatifs pour le lot numéro 148

 

M. et  Madame [T] contestent le quantum de l'indemnité pour perte de revenus locatifs, en sollicitant 12 mois de loyers hors charge soit 7200 euros.

 

Il ne démontrent  pas que ce lot présente des spécificités particulières pour qu'un délai supérieur à 6 mois leur soit nécessaire pour acquérir un bien équivalent et rechercher un locataire.

 

Il convient  en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement fixé l'indemnité pour perte de revenus locatifs pour ce lot à 6 mois de loyers soit la somme de 7200 euros.

L'indemnité totale de dépossession est donc de :

113 960 euros (indemnité principale)+ 12396 euros (indemnité de remploi)+ 3600 euros (indemnité accessoire pour perdre du locatif)= 129 956 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

 

-         Sur l'article 700 du code de procédure civile

 

L'équité commande de confirmer le jugement qui a condamné l'EPFIF à verser à M. et Mme [T] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

   

L'équité commande de débouter M. et  Madame [T] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

 

- sur les dépens.

 

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L312-1 du code de l'expropriation.

 

M. et Madame [T] perdant le procès seront condamnés aux dépens d'appel.

 

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

 

Déclare recevables les conclusions des parties ;

 

Statuant dans les limites des appels,

 

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

 

Statuant à nouveau,

 

Fixe la date de référence au 8 avril 2016 ;

Fixe en conséquence à la somme de  129 956 euros, l'indemnité totale de dépossession due par l'Etablissement Public Foncier d'Ile de France à M. et Madame [T] , au titre  de la dépossession des lots numéro 52, 148 (appartements), 188, 290 (caves) 1316 et 1298 (emplacements de stationnement) du bâtiment 10 de la copropriété de [Adresse 2] à [Localité 18] se décomposant comme suit :

- indemnité principale : 113 960 euros;

- indemnité de remploi : 12 396 euros

- indemnité pour perte de revenus locatifs : 3600  euros;

 

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

 

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

 

Déboute M. et Madame [T] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Condamne M. et Madame [T]  aux dépens.

 

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 22/06970
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.06970 ?
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