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11/05/2023 | FRANCE | N°21/12336

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 11 mai 2023, 21/12336


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 11 MAI 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12336

N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7BC



Décision déférée à la Cour : jugement du 08 juin 2021 - tribunal judiciaire de PARIS

RG n° 15/07406



APPELANT



Monsieur [J] [V]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Né le [Date naissance 5] 1953

Rep

résenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté par Me Eléonore DE MONAGHAN, avocat au barreau de PARIS



INTIMES



Monsieur [F] [T] [M]

[Adr...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 11 MAI 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12336

N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7BC

Décision déférée à la Cour : jugement du 08 juin 2021 - tribunal judiciaire de PARIS

RG n° 15/07406

APPELANT

Monsieur [J] [V]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Né le [Date naissance 5] 1953

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté par Me Eléonore DE MONAGHAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [F] [T] [M]

[Adresse 3]

[Localité 6]

n'a pas constitué avocat

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 2]

[Localité 8]

n'a pas constitué avocat

S.A. MUTUELLE ASSURANCES DES COMMERÇANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE (MACIF)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par Me Myriam HOUFANI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRET :

- rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 9 août 2009, M. [J] [V] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était passager d'un véhicule conduit par M. [F] [T] [M] et assuré auprès de la société MACIF.

Par ordonnance du 11 mars 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise médicale et domotique confiée au Docteur [P] et à M. [R], architecte.

Le Docteur [K] a été désigné en remplacement du Docteur [P] et les experts ont établi leur rapport le 22 janvier 2015.

Par exploit du 11 mai 2015, M. [V] a fait assigner M. [T] [M], la société MACIF ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM) devant le tribunal de grande instance de Paris, afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices consécutifs à l'accident.

Par jugement du 28 juin 2016, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande de contre-expertise de M. [V] et condamné M. [T] [M] et la société MACIF in solidum à payer à M. [V] une somme de 300 000 euros à titre de provision.

Par arrêt du 3 septembre 2018, la cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement en ce qu'il a rejeté la demande de contre-expertise et ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Docteur [X] avec pour mission limitative de :

1 - le cas échéant, se faire communiquer le dossier médical complet de la victime, avec l'accord de celle-ci ou de ses ayants droit,

en tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales

nécessaires à l'expertise, avec l'accord susvisé,

2 - déterminer l'état de la victime avant l'accident (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs),

3 - relater les constatations médicales faites après l'accident, ainsi que l'ensemble des interventions et soins y compris la rééducation,

4 - noter les doléances de la victime,

5 - examiner la victime et décrire les constatations ainsi faites (y compris taille, poids),

6 - indiquer, compte tenu de l'état de la victime, ainsi que des lésions initiales et de leur

évolution, la date de consolidation de ces lésions,

7 - décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles partiellement ou entièrement

impossibles en raison de l'accident,

Donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel qui résulte des difficultés ou impossibilités imputables à l'accident.

Donner en toute hypothèse un avis sur le taux du déficit fonctionnel actuel de la victime, tous éléments confondus (état antérieur inclus). Si un barème a été utilisé, préciser lequel,

8 - se prononcer sur la nécessité pour la victime d'être assistée par une tierce personne

(cette assistance ne devant pas être réduite en cas d'assistance familiale).

Dans l'affirmative, préciser si cette tierce personne doit ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé. Donner à cet égard toutes précisions utiles.

9 - préciser le cas échéant :

- la nécessité de l'intervention d'un personnel médical et/ou paramédical : médecins, kinésithérapeutes, infirmiers (nombre et durée moyenne de leurs interventions) ;

- la nature et le coût des soins susceptibles de rester à la charge de la victime en moyenne annuelle.

L'expert a établi son rapport le 11 mai 2019.

Par jugement du 8 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné in solidum la société MACIF et M. [T] [M] à payer à M. [V] les sommes suivantes, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation de ses préjudices :

- 4 880 euros au titre des frais divers

- 20 880 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation

- 522 360 euros au titre des arrérages échus pour la tierce personne après consolidation

- 238 218,50 euros au titre des frais de véhicule adapté

- 76 009,16 euros au titre du matériel spécialisé

- 21 357 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 45 000 euros au titre des souffrances endurées

- 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

- 300 050 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- 30 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent

- 15 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- condamné in solidum la société MACIF et M. [T] [M] à payer à M. [V] une rente trimestrielle et viagère au titre de la tierce personne pérenne d'un montant de 14 000 euros, payable à compter du 9 juin 2021 et qui sera suspendue en cas d'hospitalisation ou de prise en charge en milieu médical spécialisé supérieure à 45 jours

- dit que cette rente sera payable à terme échu avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue et sera révisable chaque année conformément aux dispositions de l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985, étant précisé que l'indexation n'interviendra et les intérêts ne seront dus qu'à compter du présent jugement,

- débouté M. [V] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels actuels et de la perte de gains professionnels futurs,

- écarté des débats les pièces 64 et 65 communiquées par M. [V],

- dit que le logement actuel de M. [V] est adaptable,

- sursis à statuer sur la liquidation du poste logement adapté,

- condamné in solidum la société MACIF et M. [T] [M] aux dépens et à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- dit que Maître André, avocat, pourra recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement commun à la CPAM,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- renvoyé l'affaire à l'audience du mardi 14 septembre 2021 à 13h30 « pour demande de M. [V] au titre du logement adapté »,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 6 juillet 2021, M. [V] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a d'une part, limité les condamnations prononcées à son bénéfice et condamné in solidum la société MACIF et M. [T] [M] à lui payer les sommes de 20 880 euros au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation, 522 360 euros au titre de l'assistance par une tierce personne après consolidation, 238 218,50 euros au titre des frais de véhicule adapté, 76 009,16 euros au titre du matériel spécialisé, 300 050 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, d'autre part, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs, et enfin en ce qu'il a dit que le logement actuel de M. [V] était adaptable et a sursis à statuer sur la liquidation de ce poste de préjudice.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [V], notifiées le 20 septembre 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :

- « rejeter l'exception d'irrecevabilité du soutien de l'appel » soulevée par la société MACIF,

- dire M. [V] recevable et bien fondé en son appel, incluant la rente tierce personne post-consolidation et y faisant droit,

- confirmer les dispositions du jugement relatives au droit à indemnisation de M. [V], aux matériels spécialisés avant consolidation, au déficit fonctionnel temporaire, au pretium doloris, au préjudice esthétique temporaire et permanent et aux frais irrépétibles de première instance,

- infirmer le jugement en ses autres dispositions,

Et statuant à nouveau,

- à titre principal, condamner M. [T] [M] et la société MACIF in solidum à payer à M. [V] une indemnité d'un montant de 2 738 617,76 euros sous forme de capital, en deniers ou quittances, outre une rente annuelle viagère d'un montant de 145 848 euros, payable trimestriellement à compter du 30 septembre 2022, suspendue en cas d'hospitalisation à compter du 46ème jour et indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985,

- réserver l'indemnisation définitive du chef du logement adapté et allouer à ce titre une indemnité provisionnelle d'un montant de 100 000 euros incluse dans les indemnités ci-dessus sollicitées,

- condamner les mêmes in solidum à lui verser la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel, en sus de l'indemnité allouée en première instance,

- condamner les mêmes aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Caroline Hatet, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- déclarer la décision à intervenir commune à la CPAM,

Vu les conclusions de la société MACIF, notifiées le 14 septembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 562, 901 alinéa 1er 4°, 954, 910-4 du code de procédure civile,

- juger qu'aucun chef de jugement rendu le 8 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris n'est expressément critiqué dans le dispositif des conclusions notifiées par M. [V] le 13 septembre 2021,

En conséquence,

- juger l'appel de M. [V] privé de tout effet dévolutif et sans objet,

- juger en tout état de cause que M. [V] n'a pas interjeté appel dans le cadre de sa déclaration d'appel du préjudice sexuel et de la rente allouée pour la tierce personne pérenne fixée à la somme de 14 000 euros payable à compter du 9 juin 2021, et en tout état de cause n'a pas visé la notion d'indivisibilité dans sa déclaration d'appel,

- juger dès lors que la cour n'est pas saisie de ces deux postes à savoir le préjudice sexuel et la rente allouée fixée à la somme de 14 000 euros payable à compter du 9 juin 2021 et que le jugement est définitif sur ces deux postes,

- entériner les rapports des médecins désignés dans ce dossier,

- confirmer le jugement entrepris en date du 8 juin 2021 rendu par la 19ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris,

- sur les frais divers fixés à la somme de 4 880 euros

- sur le fauteuil roulant manuel : 18 864,75 euros

- sur le fauteuil électrique : 41 735,66 euros

- sur le lit médicalisé : rejet

- sur le matelas anti escarres : rejet

- sur les souffrances endurées fixées à la somme de 45 000 euros

- sur le préjudice esthétique temporaire fixé à la somme de 5 000 euros

- sur le préjudice esthétique permanent fixé à la somme de 30 000 euros

- sur le préjudice sexuel fixé à la somme de 15 000 euros (non-saisine de la cour)

- sur le montant de la rente, à compter du 9 juin 2021, allouée de façon viagère d'un montant de 14 000 euros, laquelle sera suspendue en cas d'hospitalisation ou de prise en charge dans un milieu médical spécialisé supérieure à 45 jours (non-saisine de la cour),

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes au titre des pertes de gains professionnels actuels et ses pertes de gains professionnels futurs,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le logement de M. [V] était adaptable et sursis à statuer sur ce poste faute de réclamation de M. [V],

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la tierce personne avant consolidation à la somme de 20 880 euros,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au titre des arrérages échus de la tierce personne après consolidation à la somme de 522 360 euros,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant du véhicule adapté à la somme de 238 218,50 euros,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant du matériel spécialisé à la somme de 76 009,16 euros et infirmer par conséquent le montant alloué au titre des coussins anti-escarre,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le déficit fonctionnel permanent à la somme de 300 050 euros,

Statuant à nouveau,

- fixé dès lors les préjudices contestés par la société MACIF de la façon suivante :

- tierce personne temporaire : 18 270 euros

- tierce personne pérenne échue arrêtée au 8 juin 2021 : 460 635,61 euros

- frais de véhicule adapté : 162 648,72 euros

- coussin anti escarres : 3 281,85 euros

- déficit fonctionnel permanent : 215 200 euros,

- déduire les provisions d'ores et déjà réglées, soit 715 700 euros avant rendu du jugement,

- débouter M. [V] de ses réclamations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens devant la cour, condamner M. [V] aux dépens devant la cour dont distraction au profit de Maître Jeanne Baechlin avocat aux offres de droit et ce en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 22 septembre 2022, par acte d'huissier délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat. Il en est de même s'agissant de M. [T] [M], auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 21 septembre 2022, par acte déposé à l'étude d'huissier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'effet dévolutif de l'appel et l'étendue de la saisine de la cour

La société MACIF fait valoir que dans ses conclusions d'appelant M. [V] conteste deux postes de préjudice qui ne figurent pas dans sa déclaration d'appel, à savoir le préjudice sexuel et le montant de la rente allouée par le tribunal au titre de l'assistance par une tierce personne après consolidation.

Rappelant que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, elle en déduit que la cour d'appel n'est pas valablement saisie de l'indemnisation du préjudice sexuel et du montant de la rente allouée par le tribunal.

Elle soutient par ailleurs que le dispositif des conclusions de M. [V] par lesquelles il sollicite la confirmation du jugement sur certains postes de préjudice, l'infirmation du jugement pour le surplus et la condamnation de la société MACIF à lui régler la somme globale de 2 581 181, 83 euros sous forme de capital, outre une rente au titre de l'assistance par une tierce personne, ne satisfait pas aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile, en ce qu'il ne rappelle pas les postes de préjudice dont l'appelant sollicite l'infirmation et formule une demande d'indemnité globale sans opérer de ventilation poste par poste contrairement aux exigences de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relatif au recours des tiers payeurs.

Elle en déduit qu'aucun chef du jugement rendu le 6 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris n'a été déféré à la cour et que l'appel de M. [V] est sans objet.

M. [V] objecte que l'appel portant sur les arrérages échus au 8 juin 2021 de l'indemnité allouée par le tribunal au titre du poste de préjudice lié s'étend en application de l'article 562 du code de procédure civile à l'indemnisation des arrérages à échoir sous forme de rente qui sont indissociables et portent sur le même poste de préjudice.

Il fait valoir en outre qu'il a satisfait aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile en mentionnant dans le dispositif de ses conclusions qu'il sollicitait la confirmation des dispositions du jugement relatives à son droit à indemnisation, au matériel spécialisé avant consolidation, au déficit fonctionnel temporaire, au pretium doloris, au préjudice esthétique temporaire et permanent et aux frais irrépétibles de première instance et l'infirmation du jugement en ses autres dispositions.

Il soutient que la société MACIF tente de lui imposer un formalisme que ni le code de procédure civile ni la jurisprudence ne prévoit et qu'il a, conformément à l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, récapitulé ses prétentions en indiquant dans le dispositif de ses écritures la somme globale sollicitée au titre de son indemnisation, étant précisé qu'il a fait précéder son dispositif d'un récapitulatif détaillé poste par poste de ses demandes indemnitaires.

Sur ce, selon l'alinéa 1er de l'article 954 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable au litige, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961 du code de procédure civile. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l'indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Aux termes des alinéas 2 et 3 du même texte, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Contrairement à ce que soutient la société MACIF ces dispositions n'imposent pas à l'appelant d'énumérer dans le dispositif de ses écritures, les chefs de dispositif du jugement dont il demande l'infirmation.

Par ailleurs, si en vertu de ce texte, la cour n'est saisie que des prétentions énoncées au dispositif des conclusions, cela n'implique pas que l'appelant soit tenu, en matière d'indemnisation du préjudice corporel, de détailler poste pas poste ses demandes indemnitaires dans le dispositif de ses écritures.

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que dans le dispositif de ses premières conclusions d'appelant, notifiées le 13 septembre 2021, comme dans celui de ses conclusions récapitulatives, notifiées le 20 septembre 2022, M. [V] a indiqué qu'il demandait à la cour de :

« - confirmer les dispositions du jugement relatives au droit à indemnisation de M. [V], au matériel spécialisé avant consolidation, au déficit fonctionnel temporaire, au pretium doloris, au préjudice esthétique temporaire et permanent et aux frais irrépétibles de première instance,

- infirmer le jugement en ses autres dispositions ».

Il a ensuite énoncé ses prétentions indemnitaires.

M. [V] a ainsi satisfait aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile.

S'agissant de l'étendue de l'appel, il convient de rappeler qu'en application de l'article 542 du code procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable au litige, « L'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ».

En l'espèce, la déclaration d'appel de M. [V] qui critique expressément le chef de dispositif du jugement ayant condamné in solidum la société MACIF et M. [T] [M] à lui payer la somme de 522 360 euros au titre des arrérages échus pour la tierce personne après consolidation, s'étend à la disposition du jugement ayant condamné les mêmes à lui payer une rente trimestrielle et viagère au titre de la tierce personne pérenne d'un montant de 14 000 euros, à compter du 9 juin 2021, compte tenu du lien de dépendance existant entre ces deux dispositions relatives à l'indemnisation d'un même poste de préjudice.

La cour est ainsi valablement saisie de ces dispositions.

En revanche, M. [V] n'ayant pas critiqué dans sa déclaration d'appel le chef du jugement déféré relatif à l'indemnisation du préjudice sexuel, la cour n'est pas saisie de cette disposition, étant rappelé que seul l'acte d'appel opère dévolution des chefs du jugement critiqués.

Enfin, en l'absence d'appel principal et incident portant sur les dispositions du jugement relatives aux postes de préjudice liés aux frais divers, au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées, aux préjudices esthétiques temporaire et permanent, la cour ne peut confirmer des dispositions dont elle n'est pas saisie et qui sont devenues définitives.

Sur l'indemnisation des préjudices de M. [V]

Il convient de rappeler que M. [V] a fait l'objet de deux expertises judiciaires, la première réalisée par le Docteur [K] et M. [R], architecte, qui ont établi leur rapport le 22 janvier 2015 et la seconde, ordonnée par la cour d'appel de ce siège, avec une mission limitée rappelée plus haut et confiée au Docteur [X] qui a clos son rapport le 11 mai 2020.

Compte tenu des limites de la mission du Docteur [X], ce dernier ne s'est pas prononcé sur certains aspects du préjudice corporel de M. [V], en particulier sur les répercussions de l'accident sur le plan professionnel, les frais de véhicule et de logement adaptés, ces postes de préjudice n'ayant ainsi été discutés que lors des opérations d'expertise du Docteur [K] et de M. [R].

Dans son rapport d'expertise, le Docteur [X] rappelle que M. [V] a présenté à la suite de l'accident survenu le 9 août 2009, un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale brève, un traumatisme thoracique associant une fracture du sternum, un hémothorax bilatéral et une contusion pulmonaire ainsi qu'un traumatisme rachidien associant une fracture luxation antérieure de C7-D1 instable, une fracture de l'épineuse de C7, une tétraparésie initiale sur compression médullaire, une fracture antéro-supérieure des plateaux vertébraux de T3, T4, et une fracture-tassement des corps vertébraux de L1, L2 et L3.

Cet expert a relevé que M. [V] présentait avant l'accident un état antérieur sur le plan ophtalmologique avec décollements de rétine bilatéraux ayant fait l'objet de traitements par laser et ayant nécessité au début des années 2000 la pose d'un implant oculaire puis d'une coque sclérale au niveau de l'oeil gauche, M. [V] conservant à la date de l'accident une perception lumineuse et une acuité visuelle d'1 ou 2/10ème à l'oeil gauche, alors que l'oeil droit présentait déjà une baisse significative d'acuité visuelle.

Il a également constaté qu'il souffrait avant l'accident d'un ulcère gastro-duedénal, d'une bronchite asthmatiforme liée au tabagisme et d'un état dépressif médicalement traité par antidépresseurs.

Le Docteur [X] a estimé que ces pathologies antérieures justifiaient un taux de déficit fonctionnel permanent de 30 %.

Il a retenu qu'étaient imputables à l'accident les éléments séquellaires suivants :

- un état anxio-dépressif pour la part imputable aux conséquences du fait traumatique,

- une tétraplégie de niveau C8 ASIA B, atteinte sensitivo-motrice touchant essentiellement les membres inférieurs et à un moindre degré le membre supérieur droit,

- des troubles neuro-psychologiques et psycho-traumatiques avec syndrome dysexécutif, quelques troubles amnésiques et quelques troubles du sommeil.

Il a en outre relevé que M. [V] avait fait l'objet de deux « rechutes » en rapport avec deux interventions chirurgicales en lien avec l'accident, la première pratiquée le 21 octobre 2014 pour la création d'un sphincter urinaire artificiel et la seconde réalisée en mai 2016, consistant en une entéro-cystoplastie d'agrandissement de la vessie, ces deux interventions ayant pour objet de remédier aux problèmes de fuites urinaires.

Il a conclu, notamment, son rapport dans les termes suivants:

- déficit fonctionnel temporaire total du 9 août 2009 au 30 mai 2011

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 90 % du 31 mai 2011 au 10 octobre 2011

- consolidation fixée au 10 octobre 2011

- déficit fonctionnel permanent :

* déficit fonctionnel permanent fixé à 85 %

* état antérieur 30 %. Etat actuel tous éléments confondus 90 % (imputable à l'accident de 31 à 90 %)

- assistances humaines non médicalisées, non spécialisées :

* 9 heures par jour du 31 mai 2011 au 10 octobre 2011

* 8 heures par jour du 11 octobre 2011 au 31 août 2016, date de consolidation de la rechute,

* 7 heures par jour en viager pérenne depuis le 1er septembre 2016.

- frais futurs : frais d'entretien, matériel, prise en charge médicale et paramédicale, précisés dans le corps du rapport.

Le Docteur [X] a relevé dans le corps de son rapport que M. [V] avait besoin des matériels suivants :

- planche de transfert (une à deux par an)

- lit médicalisé + matelas (location)

- fauteuil roulant manuel pliant à dossière haute et système anti-bascule (à renouveler tous les 5 ans selon usure)

- fauteuil roulant électrique (avec contrat entretien - renouvellement tous les 7 à 10 ans selon usure)

- coussins à mémoire de forme pour les fauteuils roulants (à renouveler annuellement pour chaque fauteuil roulant)

- fauteuil de douche percé pour la salle de bain et toilette (à renouveler tous les 5 à 7 ans selon usure).

Le Docteur [K] qui avait également fixé la date de consolidation au 10 octobre 2011 avait pour sa part évalué à 80 % le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident et conclu, s'agissant de l'incidence du fait dommageable sur le plan professionnel que « en raison des éléments précédemment décrits, les activités ne sont pas possibles, mais elles n'étaient déjà plus effectuées, en raison d'une atteinte oculaire sévère avec retentissement psychologique ».

L'indemnisation du préjudice corporel de M. [V] sera faite au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 5] 1953, de la date de consolidation fixée au 10 octobre 2011, de son absence d'activité professionnelle à la date de l'accident, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera, conformément à la demande de M. [V], celui publié par la Gazette du palais du 15 septembre 2020 avec un taux d'actualisation de 0 % qui est le plus approprié comme reposant sur les données démographiques, économiques et monétaires les plus pertinentes.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, les frais médicaux et pharmaceutiques et les frais d'appareillage exposés avant la date de la consolidation.

Le tribunal a indemnisé au titre d'un poste de préjudice unique intitulé « matériel spécialisé » ne distinguant pas entre les dépenses de santé antérieures à la consolidation et celles postérieures, les frais liés à l'acquisition par M. [V] le 7 juillet 2011 d'un fauteuil de douche pour un montant non contesté de 407,38 euros alors que cette dépense engagée avant la date de consolidation fixée au 10 octobre 2011 relève du poste de préjudice temporaire des dépenses de santé actuelles, les parties admettant dans leurs écritures qu'il s'agit bien de frais de matériels spécialisés engagés avant consolidation.

Il convient ainsi d'indemniser ces frais en les réintégrant dans le poste de préjudice dont ils relèvent.

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à indemniser la perte ou la diminution de revenus causée par l'accident pendant la période antérieure à la consolidation et inclut les pertes de chance de gains professionnels que la victime directe a subies pendant cette période.

M. [V] fait valoir que s'il n'est pas contesté qu'au moment de l'accident il était sans profession depuis 3 ans, il n'en demeure pas moins qu'il était à la recherche d'une nouvelle activité, que son atteinte oculaire et le retentissement psychologique induit par celle-ci n'étaient pas incompatibles avec l'exercice d'une activité professionnelle, et qu'il

a ainsi subi à la suite de l'accident une perte de chance de gains qu'il évalue jusqu'à la date de consolidation à la somme de 13 500 euros, calculée sur la base d'un demi-SMIC.

La société MACIF conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande.

Sur ce, le Docteur [K] a indiqué en page 4 de son rapport qu'à la date de l'accident, M. [V] était sans activité professionnelle depuis sept ans en raison d'une affection médicale et qu'auparavant il était commerçant dans l'agro-alimentaire ; il a précisé dans ses conclusions que cette interruption d'activité antérieure au fait dommageable était due à une atteinte oculaire sévère avec retentissement psychologique.

Les déclarations faites par M. [V] lors des opérations d'expertise réalisées par le Docteur [K] sur la date à laquelle il a cessé son activité professionnelle de commerçant est cohérente avec le fait que ses problèmes ophtalmologiques ont nécessité au début des années 2000 la pose d'un implant oculaire puis d'une coque sclérale au niveau de l'oeil gauche, ainsi que l'a relevé le Docteur [X] dans son rapport d'expertise.

M. [V] ne verse aux débats aucun élément de preuve concernant sa situation professionnelle antérieure à l'accident, la réalité de ses recherches d'emploi et le montant des revenus qu'il percevait.

Dans ces conditions, la perte de chance de gains invoquée par M. [V] qui selon ses propres déclarations lors des opérations d'expertise du Docteur [K] avait cessé toute activité professionnelle non par trois ans mais sept ans avant l'accident en raison de son état antérieur et qui était âgé de 55 ans à la date de survenance du fait dommageable le 9 août 2009, est purement hypothétique.

Le jugement qui a rejeté la demande d'indemnité de M. [V] sera confirmé.

- Assistance temporaire par une tierce personne

La nécessité de la présence auprès de M. [V] d'une tierce personne pendant la période antérieure à la consolidation pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et suppléer sa perte d'autonomie n'est pas contestée dans son principe mais elle reste discutée dans son étendue et dans son coût.

M. [V] qui critique les conclusions du Docteur [X] fait valoir que son besoin d'assistance réelle a été sous-évalué par l'expert et que son état nécessitait avant la date de consolidation une aide humaine de 12 heures dans la journée, dont 8 heures d'aide active, et de 10 heures pendant la nuit.

Il expose que ses besoins d'assistance sur une période de 24 heures sont si fréquents et dispersés qu'ils requièrent la présence d'une tierce personne 22 heures/ 24, précisant en outre qu'il ne peut rester seul la nuit dans la mesure où il serait dans l'incapacité de se lever seul en cas de danger.

M. [V] réclame ainsi en réparation de ce poste de préjudice une indemnité d'un montant de 46 189,15 euros calculée sur la base d'un taux horaire de 16 euros pour les heures d'assistance active et de 14 euros pour les heures d'assistance passive sur une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés.

A titre subsidiaire, si la cour devait entériner les conclusions du Docteur [X], il sollicite une indemnité d'un montant de 21 457 euros, calculée en fonction d'un taux horaire de 16 euros sur une année de 412 jours.

La société MACIF soutient que le Docteur [X] a parfaitement pris en compte dans son évaluation du besoin d'assistance temporaire de la victime qu'il a fixé à 9 heures par jour la problématique concernant les transferts et les difficultés de déplacement de M. [V].

Si elle demande que ce volume horaire soit entériné, elle conclut à l'infirmation du jugement concernant l'évaluation de l'indemnité, estimant que celle-ci doit être calculée sur la base d'un tarif horaire de 14 euros, s'agissant d'une assistance apportée en 2011 à une époque où le SMIC horaire était de 7,06 euros et en retenant 145 jours d'assistance incluant les jours fériés ; elle ajoute qu'une partie des frais d'assistance est entièrement prise en charge par le conseil général à hauteur de 4 heures par jour.

Elle propose ainsi d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 16 270 euros.

Sur ce, aux termes d'un rapport clair, précis et circonstancié, le Docteur [X] a évalué le besoin d'assistance temporaire de la victime entre la date de son retour à domicile et celle de la consolidation à 9 heures par jour, cette évaluation tenant compte de la problématique des transferts, y compris la nuit, et de tous les besoins en aide humaine énumérés dans son rapport, l'expert, en réponse à un dire de M. [V], ayant rappelé qu'il avait pris en considération le caractère discontinu des aides et assistances nécessaires, et relevé qu'en dehors de ces périodes, M. [V] pouvait rester seul et n'avait pas besoin d'assistance.

Il convient d'entériner ces conclusions et de retenir que le besoin d'assistance temporaire de M. [V] par une tierce personne est de 9 heures par jour.

En application du principe de la réparation intégrale, le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance familiale ni subordonné à la production de justifications des dépenses effectives.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser l'indemnisation se fera, conformément à la demande de M. [V], sur la base d'un taux horaire de 16 euros sur une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés.

L'indemnité de tierce personne s'établit ainsi de la manière suivante pour la période du 31 mai 2011 au 10 octobre 2011, date de la consolidation :

* 133 jours x 412 jours / 365 jours x 9 heures x 16 euros = 21 618,15 euros, ramenée à la somme de 21 457 euros pour rester dans les limites de la demande.

Si M. [V] bénéficie de 4 heures d'assistance par une tierce par jour au titre de la prestation compensatoire du handicap, il convient de rappeler que cette prestation qui n'est pas mentionnée par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 n'ouvre droit à aucune action subrogatoire contre la personne tenue à réparation du dommage et ne peut donc être imputée sur l'indemnité allouée.

Le jugement sera infirmé.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il ressort de la liste des frais futurs, annexée au décompte définitif de créance de la CPAM établi le 24 août 2015, que le montant des dépenses de santé futures prises en charge par cet organisme s'élève à la somme capitalisée de 200 861,10 euros, incluant au titre des frais d'appareillage :

- un fauteuil roulant électrique inscrit sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) sous le numéro LPP 4122757 dont le coût est pris en charge à hauteur de la somme de 3 938,01 euros,

- un fauteuil roulant manuel (LPP 4118193) dont le coût est pris en charge à hauteur de la somme de 603,65 euros,

- la location d'un lit médical (LPP 1241763) pour un montant de 14 euros par semaine, soit 728 euros par an,

- un matelas anti-escarre (LPP 1273065) dont le coût est pris en charge à hauteur de 230 euros,

- un coussin anti-escarre de classe II (LPP 1232468) dont le coût est pris en charge à hauteur de 230 euros.

Sur les frais d'acquisition et de renouvellement d'un fauteuil roulant manuel

Le tribunal a évalué à la somme de 19 468,13 euros les frais demeurant à la charge de M. [V] au titre de l'acquisition et du renouvellement tous les 5 ans d'un fauteuil roulant manuel.

M. [V] demande à la cour de confirmer cette évaluation.

La société MACIF qui conclut dans les motifs de ses écritures à la confirmation du jugement qui a fixé l'indemnisation des frais d'acquisition et de renouvellement de ce matériel à 19 468,12 euros, demande à la cour dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour de « confirmer le jugement entrepris en date du 8 juin 2021 rendu par la 19èmechambre civile du tribunal judiciaire de Paris (...) sur le fauteuil roulant manuel :18 864,75 euros », alors que le tribunal n'a pas évalué cet élément de préjudice à ce montant.

Il convient d'interpréter les termes ambigus du dispositif des conclusions de la société MACIF à la lumière des motifs en retenant qu'il est sollicité la confirmation de l'évaluation des frais demeurant à la charge de M. [V] au titre du fauteuil roulant manuel à la somme de 19 468,13 euros retenue par le tribunal.

Cette évaluation sera confirmée, eu égard à l'accord des parties.

Sur les frais d'acquisition et de renouvellement d'un fauteuil roulant électrique

Après avoir relevé que M. [V] ne communiquait qu'un devis et non une facture et que ce document ne permettait pas de connaître la part prise en charge par l'organisme social, le tribunal a estimé qu'il convenait de retenir que l'offre d'indemnisation de la société MACIF à hauteur de la somme de 41 735,66 euros était satisfactoire.

M. [V] qui expose avoir fait l'acquisition le 12 septembre 2014 d'un fauteuil roulant électrique pour un montant de 12 493,90 euros réclame une indemnité d'un montant de 62 694,40 euros au titre des frais d'acquisition et de renouvellement tous les 5 ans de cet équipement.

La société MACIF qui ne conteste pas que M. [V] a besoin d'un fauteuil roulant électrique, expose que le devis versé aux débats ne déduit pas le montant pris en charge par la CPAM alors que le code LPPR 412257 prévoit une prise en charge d'un montant de 3 938,01 euros.

Elle évalue les frais d'acquisition et de renouvellement tous les 5 ans de ce matériel à la somme de 41 735,66 euros et conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce, l'indemnisation des dépenses de santé futures, incluant les frais d'appareillage, doit s'apprécier en fonction des besoins et ne peut être subordonnée à la production de justificatifs des dépenses engagées.

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'au regard de ses séquelles, M. [V] a besoin, en sus de son fauteuil roulant manuel, d'un fauteuil roulant électrique, ce qu'a retenu le Docteur [X] dans son rapport d'expertise.

Au vu du devis versé aux débats en date du 12 septembre 2014, le coût d'acquisition d'un fauteuil électrique MAGIX AA2 avec ses accessoires s'élève à la somme de 12 493,90 euros.

En revanche, comme le relève la société MACIF, ce matériel est inscrit sur la liste des produits et prestations remboursables sous le numéro LPP 4122757 et fait l'objet d'une prise en charge dont le montant s'élève à la somme de 3 938,01 euros ainsi qu'il résulte de l'état de créance de la CPAM.

M. [V] ne peut ainsi être indemnisé que de la fraction des frais d'acquisition et de renouvellement de ce matériel restant à charge, soit la somme de 8 555,89 euros (12 490,90 - 3 938,01 euros)

En retenant une périodicité de renouvellement tous les 5 ans, la fraction restant à la charge de la victime au titre des frais d'acquisition et de renouvellement de cet équipement, dont le besoin est caractérisé dès la date de consolidation, s'établit de la manière suivante :

- dépense annuelle restant à charge : 8 555,89 euros / 5 = 1 711,18 euros

- arrérages échus entre le 10 octobre 2011, date de consolidation et la date de la liquidation

* 1 711,18 euros x 11,58 ans = 19 815,46 euros

- arrérages à échoir par capitalisation en fonction de l'euro de rente viagère prévu par le barème retenu par la cour pour un homme âgé de 69 ans à la date de la liquidation, soit 15,810

* 1 711,18 euros x 15,810 = 27 053,76 euros

Soit une somme totale de 46 869,22 euros.

* Sur les frais d'acquisition et de renouvellement d'un lit médicalisé

M. [V] fait valoir que le tribunal a rejeté à tort sa demande d'indemnisation des frais d'acquisition et de renouvellement tous les 10 ans d'un lit médicalisé au motif qu'il bénéficie d'un lit médical en location pris en charge par la CPAM et qu'il ne produit pas de facture démontrant l'existence d'un préjudice, alors qu'il n'a pas l'obligation de louer un lit électrique toute sa vie durant, dont la qualité est moindre par rapport à d'autres produits sur le marché.

Il réclame ainsi à compter du mois de septembre 2021 et pour l'avenir une indemnité d'un montant de 9 069,37 euros au titre de l'achat et du renouvellement tous les 10 ans de ce matériel.

La société MACIF objecte que faute de justification de l'acquisition d'un lit médicalisé, la réclamation de M. [V] ne peut prospérer et relève en outre que l'affirmation selon laquelle un lit médicalisé loué serait de moins bonne qualité est purement péremptoire et que le Docteur [X] a retenu la mise à disposition d'un lit médicalisé et d'un matelas de location.

Relevant qu'il ressort de la créance de la CPAM que cet organisme a prévu au titre des frais futurs la prise en charge des frais de location de ce matériel et que cette prise en charge est intégrale, la société MACIF conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté la demande de M. [V].

Sur ce, l'indemnisation des dépenses de santé futures, incluant les frais d'appareillage, doit s'apprécier en fonction des besoins et ne peut être subordonnée à la production des justificatifs des dépenses engagées.

Il convient de relever que si le Docteur [X] a fait état dans le corps de son rapport d'expertise d'un lit médicalisé en location, il a répondu dans les termes suivants au dire du conseil de M. [V] par lequel ce dernier indiquait que le lit médicalisé et le matelas anti-escarres devaient pouvoir être acquis définitivement par la victime : « Il apparaît en effet utile, voire même indispensable que le lit médicalisé et le matelas anti-escarres puissent être acquis par M. [J] [V] ».

Il a ensuite précisé qu'il avait fait état d'un matériel de location à titre indicatif, car habituellement les organismes sociaux ne prennent pas en charge l'achat des matériels mais seulement les frais de location.

Si le besoin de M. [V] a été temporairement satisfait par la location d'un lit médicalisé, il convient de retenir au vu de ces éléments que M. [V] doit pouvoir acquérir pour l'avenir un lit médicalisé.

M. [V] verse aux débats un devis établi le 2 octobre 2020 concernant plusieurs matériels spécialisés dont un lit médicalisé d'un coût unitaire de 5 250 euros.

S'il ressort de la liste des frais futurs, annexée à l'état de créance de la CPAM, que cet organisme prend en charge intégralement les frais de location d'un lit médical pour un montant annuel de 728 euros et que selon la pièce n° 24 de la société MACIF, dans le cadre du protocole d'accord entre assureurs et organismes sociaux, qui n'est pas opposable à la victime qui n'y est pas partie, la CPAM a obtenu le remboursement de ses frais futurs capitalisés, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à l'indemnisation intégrale du préjudice de la victime au titre des frais d'achat et de renouvellement d'un lit médicalisé dont le besoin est caractérisé pour l'avenir.

Au vu de ces éléments et en retenant un renouvellement du lit tous les 10 ans, le préjudice de M. [V] s'établit de la manière suivante :

- première acquisition à la date de la liquidation : 5 250 euros

- dépense annuelle : 5 250 euros / 10 ans = 525 euros

- frais de renouvellement par capitalisation selon l'euro de rente viagère prévu par le barème retenu par la cour pour un homme âgé de 79 ans à la date du premier renouvellement :

* 525 euros x 9 = 4 761 euros

Soit une somme totale de 10 011 euros, ramenée à celle de 9 069,37 euros pour rester dans les limites de la demande.

* Sur les frais d'acquisition et de renouvellement d'un matelas anti-escarres

M. [V], qui développe s'agissant du matelas anti-escarres les mêmes arguments que ceux énoncés s'agissant du lit médicalisé, réclame à compter de septembre 2021 et pour l'avenir, une indemnité d'un montant de 2 821,58 euros au titre de l'achat et du renouvellement tous les 3 ans de ce matériel.

La société MACIF soutient que les frais de location d'un matelas anti-escarres d'un montant de 115 euros par an sont intégralement pris en charge par la CPAM et qu'il convient de rejeter la réclamation de M. [V] qui fait double emploi avec la prise en charge de la sécurité sociale dont la créance a d'ores et déjà été remboursée.

Sur ce, il convient d'abord d'observer au vu de la liste des frais futurs annexée au décompte de créance du 24 août 2015 que la CPAM a prévu la prise en charge des frais d'acquisition et de renouvellement tous les deux ans d'un matelas anti-escarres pour un coût unitaire de 230 euros, soit une annuité de 115 euros.

Pour les mêmes motifs que ceux énoncés s'agissant du lit médicalisé, M. [V], qui admet bénéficier actuellement d'un matelas anti-escarres en location dont il n'est pas contesté qu'il est intégralement pris en charge par la CPAM, doit pouvoir acquérir ce matériel pour l'avenir.

M. [V] verse aux débats un devis établi le 2 octobre 2020 dont il résulte que le coût d'un matelas anti-escarres s'élève à la somme de 290 euros.

M. [V] est ainsi fondé à obtenir l'indemnisation de la fraction du coût d'achat de ce matériel restant à sa charge, soit la somme de 60 euros (290 euros - 230 euros).

En retenant une périodicité de renouvellement tous les 3 ans, qui est justifiée, les frais d'acquisition et de renouvellement du matelas anti-escarres s'établissent de la manière suivante :

- reste à charge au titre de la première acquisition à la date de la liquidation : 60 euros

- dépense annuelle : 60 euros / 3 ans = 20 euros

- frais de renouvellement par capitalisation selon l'euro de rente viagère prévu par le barème retenu par la cour pour un homme âgé de 72 ans à la date du premier renouvellement, soit 13,671 :

* 20 euros x 13,671 euros = 273,42 euros

Soit une somme totale de 333,42 euros (60 euros + 273,42 euros).

* Sur les frais d'acquisition et de renouvellement de coussins anti-escarres

M. [V] réclame au titre des frais d'acquisition et de renouvellement tous les 2 ans de deux coussins anti-escarres une indemnité d'un montant de 15 895,42 euros alors que la société MACIF propose d'évaluer les frais restant à charge au titre de ce matériel à la somme de 3 281,85 euros calculée en retenant un coût moyen par coussin de 310 euros.

Sur ce, comme l'a relevé le Docteur [X], M. [V] a besoin d'un coussin à mémoire de forme pour chacun de ses deux fauteuils roulants.

Au vu du devis en date du 2 octobre 2020, versé aux débats, le coût unitaire d'un coussin anti-escarres sur mesure qui est adapté aux besoins de M. [V] et ne revêt aucun caractère somptuaire s'élève à la somme de 950 euros, soit un montant total de 1 900 euros pour les deux coussins.

Il convient de déduire la fraction de ces frais prise en charge par la CPAM, laquelle s'élève à la somme de 230 euros, étant observé que cet organisme ne prend en charge qu'un unique coussin et que la somme de 115 euros mentionnée dans son décompte détaillé des frais futurs correspond à la dépense annuelle calculée sur la base d'un renouvellement de ce matériel tous les 2 ans.

En retenant une périodicité de renouvellement tous les 2 ans, admise par les parties, les frais d'acquisition et de renouvellement de cet équipement dont le besoin est caractérisé depuis la date de consolidation s'établissent de la manière suivante :

- dépense annuelle restant à charge : (1 900 euros - 230 euros) / 2 = 835 euros

- arrérages échus entre le 10 octobre 2011, date de consolidation et la date de la liquidation

* 835 euros x 11,58 ans = 9 669,30 euros

- arrérages à échoir par capitalisation en fonction de l'euro de rente viagère prévu par le barème retenu par la cour pour un homme âgé de 69 ans à la date de la liquidation, soit 15,810

* 835 euros x 15,810 = 13 201,35 euros

Soit une somme totale de 22 870,65 euros, ramenée à celle de 15 895,42 euros pour rester dans les limites de la demande.

******

Les dépenses de santé futures restant à la charge de M. [V] au titre des frais d'appareillage s'établissent de la manière suivante :

- fauteuil roulant manuel : 19 468,13 euros

- fauteuil roulant électrique : 46 869,22 euros

- lit médicalisé : 9 069,37 euros

- matelas anti-escarres : 333,42 euros

- coussins anti-escarres : 15 895,42 euros

Soit la somme totale de 91 635,56 euros.

Le jugement qui a condamné in solidum la société MACIF et M. [T] [M] à payer à M. [V] la somme de 76 009,16 euros au titre du matériel spécialisé sera infirmé.

- Assistance permanente par une tierce personne

La nécessité de la présence auprès de M. [V] d'une tierce personne postérieurement à la consolidation pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et suppléer sa perte d'autonomie n'est pas contestée dans son principe mais reste discutée dans son étendue et dans son coût.

M. [V] soutient que son besoin d'assistance réelle a été sous-évalué par le Docteur [X] et que son état nécessite une aide humaine de 12 heures dans la journée, dont 8 heures d'aide active, et de 10 heures pendant la nuit.

Il expose que ses besoins d'assistance sur une période de 24 heures sont si fréquents et dispersés qu'ils requièrent la présence d'une tierce personne 22 heures/ 24, précisant en outre qu'il ne peut rester seul la nuit dans la mesure où il serait dans l'incapacité de se lever seul en cas de danger.

M. [V] réclame à titre principal en réparation de ce poste de préjudice une indemnité d'un montant en capital de 1 601 131,33 euros au titre des arrérages échus ainsi qu'une rente viagère d'un montant annuel de 145 808 euros, payable trimestriellement à compter du 30 septembre 2022, l'indemnité réclamée étant calculée sur la base d'un taux horaire de 18 euros pour les heures d'assistance active et de 15 euros pour les heures d'assistance passive sur une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés.

A titre subsidiaire, si la cour devait entériner les conclusions du Docteur [X], il sollicite une indemnité en capital d'un montant de 745 900 euros et une rente viagère annuelle d'un montant de 63 875 euros à compter du 30 septembre 2022, cette indemnité étant calculée sur la base d'un tarif prestataire unique de 25 euros de l'heure pour tenir compte du fait qu'il est impossible, dans un cadre mandataire, de pouvoir obtenir une présence suffisamment fractionnée sur une journée de 24 heures pour satisfaire ses besoins.

La société MACIF soutient que le Docteur [X] a parfaitement pris en compte le caractère discontinu des aides nécessaires pour évaluer le besoin d'assistance permanente de la victime à 8 heures par jour entre le 11 octobre 2011 et le 31 août 2016 et à 7 heures par jour à compter du 1er septembre 2016.

Elle demande à la cour d'entériner les volumes horaires retenus par cet expert mais de défalquer des périodes retenues par ce dernier 9 jours d'hospitalisation de la victime en 2012, 4 jours d'hospitalisation en 2013, 7 jours d'hospitalisation en 2014 et 7 jours d'hospitalisation en 2016.

Elle conclut à l'infirmation du jugement concernant l'évaluation de l'indemnité allouée au titre de la tierce personne échue au 8 juin 2021 estimant que celle-ci doit être calculée sur la base d'un tarif horaire de 16 euros sur une année de 400 jours tenant compte des congés payés ; elle ajoute qu'une partie des frais d'assistance est entièrement prise en charge par le conseil général à hauteur de 4 heures par jour.

Elle propose ainsi d'évaluer les arrérages échus à la somme de 460 635,11 euros et dans le cas où la cour s'estimerait valablement saisie de la demande formée au titre de la tierce personne à échoir de confirmer le jugement sur le montant de la rente allouée.

Sur ce, la cour a retenu pour les motifs qui précèdent et auxquels il conviendra de se reporter qu'elle était valablement saisie par l'effet de l'appel de M. [V] des dispositions du jugement relatives à l'indemnisation de la tierce personne future sous forme d'une rente trimestrielle et viagère d'un montant de 14 000 euros à compter du 9 juin 2021.

Le Docteur [X] a évalué le besoin d'assistance permanente de la victime à 8 heures par jour entre le 11 octobre 2011, lendemain de la date de la consolidation, et le 31 août 2016 et à 7 heures par jour à compter du 1er septembre 2016, cette évaluation tenant compte de la problématique des transferts, y compris la nuit, et de tous les besoins en aide humaine énumérés dans son rapport, l'expert, en réponse à un dire de M. [V], ayant rappelé qu'il avait pris en considération le caractère discontinu des aides et assistances nécessaires, et relevé qu'en dehors de ces périodes, M. [V] pouvait rester seul et n'avait pas besoin d'assistance.

S'il résulte des constatations de l'expert que M. [V] a bénéficié en 2012 et 2013 d'hospitalisations à la journée dont les horaires d'entrée et de sortie ne sont pas précisés, il n'y a pas lieu de défalquer ces journées des périodes retenues par l'expert, alors que M. [V] a eu besoin pendant ses hospitalisations de jour de l'assistance d'une tierce personne, notamment pour le lever et le coucher, l'aide à la toilette, l'habillage, les déplacements, les repas pris à domicile et les transferts de nuit.

Le Docteur [X] a relevé que M. [V] avait fait l'objet de deux interventions chirurgicales en lien avec l'accident, la première pratiquée le 21 octobre 2014 pour la création d'un sphincter urinaire artificiel et la seconde réalisée en mai 2016, consistant en une entéro-cystoplastie d'agrandissement de la vessie.

Si l'expert n'a pas mentionné dans son rapport les dates exactes des hospitalisations liées à ces opérations, il a indiqué que selon les déclarations de M. [V] la seconde hospitalisation en vue de la réalisation d'une entéro-cystoplastie d'agrandissement avait duré environ une semaine et été un peu plus longue que la première.

M. [V] ne justifiant au cours de ces hospitalisations de courte durée, d'aucun besoin d'assistance par une tierce personne non satisfait par le personnel hospitalier, il convient de défalquer des périodes retenues par l'expert, quatre jours d'hospitalisation en 2014 et sept jours d'hospitalisation en 2016.

Il convient sous cette réserve, d'entériner les conclusions du Docteur [X] concernant l'évaluation des besoins d'assistance de M. [V] postérieurement à la date de consolidation, lesquelles reposent sur une analyse complète, documentée et pertinente de la situation de la victime.

En application du principe de la réparation intégrale, le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance permanente par une tierce personne ne saurait être réduit en raison du caractère familial de l'aide apportée ni subordonné à la justification de dépenses effectives.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 22 euros sur une année de 365 jours.

Par ailleurs, l'indemnisation de la tierce personne future se fera, conformément à la demande de M. [V], sous la forme d'une rente viagère qui constitue le mode de réparation le plus adapté à la situation de la victime et permet de préserver l'avenir.

L'indemnité de tierce personne s'établit ainsi de la manière suivante :

- pour la période du 11 octobre 2011 au 31 août 2016

* (1 786 jours - 11 jours d'hospitalisation) x 8 heures x 22 euros = 312 400 euros

- pour la période du 1er septembre 2016 jusqu'à la date de la liquidation :

* 2 444 jours x 7 heures x 22 euros = 376 376 euros

Soit un total de 688 776 euros

- pour la période à échoir à compter du 11 mai 2023 :

* rente viagère d'un montant annuel de 56 210 euros (365 jours x 7 heures x 22 euros) payables selon les modalités définies au dispositif de la présente décision

Si M. [V] bénéficie de 4 heures d'assistance par une tierce personne par jour au titre de la prestation compensatoire du handicap, il convient de rappeler que cette prestation qui n'est pas mentionnée par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 n'ouvre droit à aucune action subrogatoire contre la personne tenue à réparation du dommage et ne peut donc être imputée sur l'indemnité allouée.

Le jugement sera infirmé.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

M. [V] fait valoir qu'il a subi depuis la date de la consolidation une perte de chance de gains correspondant à un demi-SMIC jusqu'au 30 novembre 2018, date à laquelle il a atteint l'âge de 65 ans et évalue ce préjudice à la somme de 54 000 euros.

La société MACIF conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande.

Sur ce, pour les mêmes motifs que ceux énoncés s'agissant de la perte de gains professionnels actuels, la perte de chance de gains invoquée par M. [V] qui selon ses propres déclarations lors des opérations d'expertise du Docteur [K] avec cessé toute activité professionnelle non pas trois ans mais sept ans avant l'accident en raison de son état antérieur et qui était âgé de 55 ans à la date de survenance du fait dommageable le 9 août 2009 et de 57 ans à la date de consolidation, est purement hypothétique.

Le jugement sera confirmé.

- Frais de véhicule adapté

Ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation d'un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent, incluant le coût ou le surcoût lié à l'acquisition et au renouvellement du véhicule et à son entretien.

Le tribunal a chiffré ce poste de préjudice à la somme de 238 218,50 euros.

M. [V] qui conclut à l'infirmation du jugement soutient qu'au moment de l'accident il ne disposait d'aucun véhicule personnel mais seulement d'une fourgonnette dont il se servait professionnellement et reproche au tribunal d'avoir déduit à tort la valeur de ce véhicule estimée à 9 000 euros par les premiers juges.

Il ajoute que la société MACIF ne peut prétendre qu'il aurait acquis sans son handicap un véhicule automobile d'une valeur de 15 000 euros, tout en affirmant qu'il était sans revenu à la date de l'accident.

Exposant qu'il a d'abord fait l'acquisition d'un véhicule de marque Volkswagen et de type Golf dont les frais d'aménagement à son handicap se sont élevés à la somme de 13 565,96 euros puis qu'il a ensuite acquis le 31 décembre 2016 un véhicule mieux adapté de marque Chevrolet et de type Orlando pour un coût total de 79 773,50 euros, M. [V] évalue son préjudice au titre des frais de véhicule adapté à la somme de 307 504 euros se décomposant comme suit :

- 13 565,96 euros au titre des frais d'adaptation à son handicap du véhicule Volkswagen Golf

- 293 938,04 euros au titre des frais d'acquisition et de renouvellement tous les 6 ans du véhicule Chevrolet Orlando.

La société MACIF, qui conclut également à l'infirmation du jugement, soutient que pour évaluer le préjudice de M. [V] au titre des frais de véhicule adapté, il convient de déduire des frais d'acquisition et d'aménagement du véhicule Chevrolet Orlando, le coût du véhicule dont la victime aurait fait l'acquisition sans son handicap, estimé à 15 000 euros, de même que la valeur de revente du véhicule Chevrolet Orlando au bout de 7 ans pour un montant évalué à la somme de 8 500 euros.

Exposant que le véhicule Chevrolet Orlando a été acquis seulement deux ans après le véhicule adapté Volkswagen Golf alors que la périodicité de renouvellement à retenir est de 7 ans, elle estime qu'il convient de déduire des frais d'adaptation de ce nouveau véhicule dont le montant s'élève à la somme de 44 944,16 euros, la fraction des frais d'aménagement de l'ancien véhicule au prorata des cinq années non utilisées.

Elle demande ainsi à la cour de chiffrer ce poste de préjudice à la somme de 162 648,72 euros se décomposant comme suit :

- 15 662,65 euros au titre du surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule adapté

- 35 254,19 euros au titre du coût des adaptations restant à la charge de M. [V]

- 111 731,88 euros au titre des frais de renouvellement avec capitalisation viagère.

Sur ce, la nécessité pour M. [V] de disposer d'un véhicule adapté à son handicap lui permettant d'accéder au poste de conduite avec son fauteuil roulant et disposant d'une boîte de vitesses automatiques et de commandes au volant n'est pas contestée en son principe, seule l'évaluation de ce poste de préjudice étant discutée.

Il ressort des factures produites que M. [V] a fait l'acquisition le 8 janvier 2013 d'un véhicule Volkswagen Golf au prix de 22 492,13 euros qu'il a fait aménager pour l'adapter à son handicap moyennant un coût de 13 565,96 euros.

Il convient d'observer que M. [V] ne réclame que les frais d'adaptation de ce premier véhicule et non le coût ou le surcoût lié à son acquisition.

M. [R], architecte, a relevé dans son rapport d'expertise, que ce véhicule Volkswagen Golf, acquis conformément aux préconisations d'un ergothérapeute, ne convenait pas, que son utilisation était dangereuse et que M. [V] devait disposer d'un véhicule plus grand.

Le Docteur [K] a précisé en page 9 de son rapport que les tests effectués concernant l'utilisation de ce véhicule mettaient en évidence un important risque de chute.

M. [R] a validé le devis de la société Lenoir en date du 25 juin 2014 portant sur l'acquisition d'un véhicule Chevrolet Orlando avec boîte de vitesses automatiques et son aménagement pour l'adapter au handicap de la victime, incluant une rampe d'accès par l'arrière permettant d'accéder au poste de conduite en fauteuil roulant et des commandes au volant.

M. [V] a fait l'acquisition de ce dernier véhicule le 31 décembre 2016 pour un coût total de 75 773,50 euros incluant les frais d'adaptation au handicap d'un montant de 41 110,86 euros TTC ainsi qu'il résulte de la facture produite.

Dès lors qu'il est apparu à la suite des tests réalisés que le véhicule Volkswagen Golf présentait des risques pour la sécurité de M. [V], il en résulte que son changement pour un véhicule réellement adapté à son handicap était indispensable sans attendre l'échéance de la périodicité de renouvellement, de sorte qu'il n'y a pas lieu de déduire la fraction des frais d'aménagement de ce véhicule au prorata des années pendant lesquelles il n'a pas été utilisé.

Par ailleurs, si M. [V] admet qu'il était propriétaire à l'époque de l'accident d'une fourgonnette à usage professionnel qu'il avait acquise pour les besoins de son activité de commerçant, il convient de relever que cette activité professionnelle avait cessé sept ans avant la date de l'accident, ainsi qu'il résulte de ses déclarations devant le Docteur [K], déclarations dont la société MACIF se prévaut elle-même pour conclure à l'absence de perte de chance de gains professionnels.

M. [V] disposant seulement d'une fourgonnette pour l'exercice de son activité commerciale interrompue depuis sept ans à la date de l'accident en raison de son état antérieur et non d'un véhicule à usage personnel, il convient de retenir que l'achat d'un tel véhicule pour ses déplacements privés a été rendu nécessaire par l'importance de son handicap consécutif au fait dommageable, de sorte qu'il convient d'indemniser l'intégralité des frais d'acquisition du véhicule Chevrolet Orlando, sans qu'il y ait lieu de déduire la valeur résiduelle de son ancienne fourgonnette professionnelle ni un coût théorique de 15 000 euros.

Compte tenu du handicap de M. [V] limitant sa mobilité et induisant un usage plus intensif de son véhicule, il convient de retenir que celui-ci devra être renouvelé tous les six ans.

Au vu de ces éléments, le préjudice de M. [V] au titre des frais de véhicule adapté s'établit de la manière suivante :

- 13 565,96 euros au titre des frais d'aménagement du premier véhicule Volkswagen Golf qui a été utilisé jusqu'en 2016 mais s'est avéré comporter des risques pour la sécurité de la victime

- 75 773,50 euros au titre des frais de première acquisition et d'adaptation du véhicule Chevrolet Orlando le 31 décembre 2016

- 75 773,50 euros au titre des frais liés au premier renouvellement du véhicule adapté Chevrolet Orlando le 31 décembre 2022

- frais de renouvellement futurs :

(75 773,50 euros / 6 ans ) x 11,600 (euro de rente viagère prévu par le barème retenu par la cour pour un homme âgé de 75 ans le 31 décembre 2028 à la date du premier renouvellement postérieur à la liquidation) = 146 495,43 euros

Soit un total de 311 508,39 euros (13 565,96 euros + 75 773,50 euros + 75 773,50 euros + 146 495,43 euros) ramené à 307 504 euros pour rester dans les limites de la demande.

- Frais de logement adapté

Le tribunal en se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise de M. [R], architecte, dont il a rappelé les termes, a estimé que le logement de type F3 attribué à M. [V] par son bailleur social à la suite de l'accident était adaptable, que le bailleur avait donné son accord pour la réalisation des travaux à l'exception de l'extension du séjour sur la loggia, qu'un parking couvert pour le protéger des intempéries n'était pas nécessaire dans la mesure où il disposait d'un véhicule adapté performant permettant d'y entrer rapidement et qu'il n'y avait pas de contre-indication médicale à ce qu'il soit mouillé par temps de pluie.

Il a relevé en outre que le bailleur social avait proposé à M. [V] d'échanger son logement actuel avec un appartement dépendant d'une résidence achevée en 2011 et répondant aux nouvelles normes relatives aux personnes handicapées et que ce dernier ne précisait pas s'il avait effectué des démarches en ce sens.

Le tribunal a ainsi jugé dans le dispositif de sa décision que le logement actuel de M. [V] était adaptable, débouté celui-ci de sa demande de provision à valoir sur l'acquisition d'un logement adapté et sursis à statuer sur la liquidation de ce poste de préjudice.

M. [V] qui sollicite l'infirmation du jugement, fait valoir que son logement social actuel n'est pas adapté à son handicap, que ne pouvant plus comme par le passé se rendre régulièrement au Maroc pour rejoindre sa femme, cette dernière l'a rejoint en France à la suite de l'accident, qu'il doit pouvoir bénéficier d'un logement suffisamment spacieux pour y vivre avec son épouse et en particulier d'une chambre suffisamment grande pour y installer un lit de 160 cm de large et entreposer son fauteuil roulant électrique et un lève-malade, que la solution proposée par M. [R] pour agrandir la chambre est illusoire, que la cuisine de son logement actuel est trop étroite pour lui permettre d'effectuer un demi-tour, qu'il doit disposer d'un parking abrité pour le protéger des intempéries, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Il soutient ainsi qu'il doit être indemnisé du coût d'acquisition d'un logement adapté à son handicap et demande à la cour de réserver la liquidation de ce poste de préjudice jusqu'à ce qu'il ait trouvé une solution satisfaisante et de lui allouer dès à présent une indemnité provisionnelle de 100 000 euros.

La société MACIF conclut pour sa part à la confirmation du jugement en faisant valoir s'agissant de la chambre, qu'il n'est pas justifié que l'épouse de M. [V], même si elle dispose à présent d'une carte de résident de 10 ans, réside effectivement avec celui-ci, qu'avant l'accident la victime ne se rendait qu'une fois par an au Maroc pour de courts séjours, ce qui correspondait au mode de vie du couple, de sorte qu'il n'a pas justifié que l'arrivée en France de l'épouse de la victime soit la conséquence directe et certaine du fait dommageable; elle ajoute qu'en tout état de cause, il résulte des observations du Laboratoire d'accessibilité et d'autonomie auquel elle a fait appel que la chambre de M. [V] est parfaitement adaptable, même en y installant un lit de 160 cm et en y entreposant un fauteuil roulant, le besoin d'un lève-malade n'étant pas établi.

Elle estime en se fondant sur le rapport d'expertise de M. [R] et les observations du Laboratoire d'accessibilité et d'autonomie que la cuisine du logement actuel de M. [V] est adaptable au handicap de la victime qui dispose d'un fauteuil roulant électrique d'une largeur inférieure à 60 cm permettant le passage dans des zones très restreintes ainsi qu'une giration sur lui-même avec un rayon de 55 cm seulement.

Elle soutient enfin qu'un parking couvert n'est pas nécessaire dans la mesure où le véhicule Chevrolet Orlando dont dispose M. [V] comporte une rampe arrière d'embarquement, que le déploiement du dispositif commandé à distance est d'à peine 10 secondes et permet à la victime une fois arrivée près de la voiture d'embarquer instantanément.

Sur ce, M. [V] résidait à l'époque de l'accident dans un logement de type F2 dont l'expert judiciaire, M. [R], a admis qu'il n'était pas adapté au handicap de la victime.

Le bailleur de M. [V] lui a attribué après le fait dommageable un appartement de type F3 situé au rez-de-chaussée d'une résidence situé à [Localité 10], composé selon les constatations de M. [R] d'un salon de 20 m² environ, d'une loggia, de deux chambres mitoyennes séparées par un mur porteur d'une surface de 10 m² chacune, d'une cuisine, d'une salle de bains avec douche à l'italienne et de WC séparés.

Il ressort des constatations de M. [R] que les WC ne sont pas accessibles, qu'il en est de même de la loggia, que la chambre de 10 m² est trop petite pour y installer en sus du lit médicalisé des rangements usuels de type penderie et y entreposer un fauteuil roulant, que la cuisine est insuffisamment équipée et est difficilement utilisable en l'état.

L'adaptation de ce logement au handicap de M. [V] nécessite la réalisation de travaux de rénovation importants incluant la suppression du mur porteur séparant les deux chambres et de la cloison séparant les WC et la salle de bain, travaux dont l'expert a chiffré le coût à la somme de 50 000 euros, non compris les frais d'aménagement de la cuisine.

L'importance de ces travaux apparaît incompatible avec le caractère précaire d'une location, étant observé que si le bailleur social de M. [V] a, sauf s'agissant du projet d'extension du salon sur la loggia, donné un accord de principe à leur réalisation sous réserve d'une étude de structure par un bureau de contrôle, il s'est également réservé le droit de réclamer la remise en état des lieux au départ du locataire.

Par ailleurs, même si le véhicule Chevrolet Orlando dont dispose actuellement M. [V] comporte une rampe d'accès à l'arrière avec commande à distance permettant d'accéder en fauteuil roulant jusqu'au poste de conduite, il doit pouvoir bénéficier compte tenu de l'importance de son handicap et de ses difficultés de mobilité, d'un emplacement de parking privé accessible en permanence afin de ne pas être tributaire de la disponibilité aléatoire d'une place de stationnement sur la voie publique à proximité de son domicile.

Il en résulte, nonobstant l'avis de M. [R] et les observations du Laboratoire d'accessibilité et d'autonomie auquel la société MACIF a fait appel, que l'achat d'un appartement constitue pour M. [V] l'unique moyen de bénéficier de manière pérenne d'un logement adapté à son handicap.

M. [V] n'étant pas en mesure de chiffrer le coût d'un logement adapté à son handicap, il convient, conformément à sa demande, de réserver la liquidation définitive de ce poste de préjudice et de lui allouer une indemnité provisionnelle d'un montant de 100 000 euros qui ne saurait excéder les frais d'acquisition d'un tel logement.

Le jugement sera infirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Sur le déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, les souffrances chroniques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 300 050 euros en retenant un taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident de 85 % et en calculant sur la base d'un point d'incapacité de 3 530 euros pour une victime âgée de 57 ans à la date de consolidation.

M. [V] fait valoir que le Docteur [X] a fixé le taux de déficit fonctionnel permanent imputable au fait traumatique à 85 % en raison des séquelles d'une tétraplégie de niveau C8 avec une atteinte sensitivo-motrice touchant essentiellement les membres inférieurs ainsi que le membre supérieur droit, outre un état anxio-dépressif et des éléments neuro-psychologiques avec syndrome dysexécutif attaché, troubles amnésiques et troubles du sommeil.

Il ajoute que même s'il n'avait présenté aucun état antérieur, son taux de déficit fonctionnel permanent aurait été fixé à 85 % comme c'est toujours le cas en matière de tétraplégie de ce niveau et demande à la cour de confirmer cette évaluation.

Il réclame, en revanche, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 370 000 euros dont 30 000 euros au titre de la perte de qualité de vie.

Il fait observer d'une part, que sur le seul volet physiologique, la valeur du point retenue par le tribunal est insuffisante et d'autre part, que si le déficit fonctionnel permanent de 85 % retenu par l'expert inclut éventuellement les souffrances physiques et morales définitives, le Docteur [X] ne fait référence à aucun moment à la perte de qualité de vie sociale et familiale d'une personne tétraplégique qui a abandonné tous ses loisirs et a été privée de l'ensemble des agréments normaux de la vie courante en raison de son handicap.

La société MACIF qui conclut également à l'infirmation du jugement, soutient qu'il existe manifestement une confusion de M. [V] sur le taux de déficit fonctionnel permanent à retenir et que le Docteur [X] a en réalité considéré que la part imputable au fait traumatique est un déficit fonctionnel permanent de 85 % de la capacité restante

au moment de l'accident, laquelle était de 70 % puisque la victime était atteinte d'un état antérieur justifiant un déficit fonctionnel permanent de 30 %.

La société MACIF estime ainsi que le déficit fonctionnel permanent indemnisable n'est pas de 85 % mais de 85 % de 70 % ou 60 % des 90 % retenus par l'expert comme correspondant au déficit fonctionnel permanent tous éléments confondus.

Elle relève, par ailleurs, que l'expert qui n'a pas fixé un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique mais un taux de déficit fonctionnel permanent a tenu compte de l'ensemble de ses composantes, y compris les douleurs postérieures à la consolidation et la perte de qualité de vie.

Elle demande à la cour de retenir une valeur du point d'incapacité de 3 570 euros et de chiffrer ce poste de préjudice à la somme de 214 200 euros (3 570 euros x 70 [en réalité 60]).

Sur ce, le Docteur [X] a estimé que les pathologies antérieures de M. [V] justifiaient un taux de déficit fonctionnel permanent de 30 %.

Il a retenu qu'étaient imputables à l'accident les éléments séquellaires suivants :

- un état anxio-dépressif pour la part imputable aux conséquences du fait traumatique,

-une tétraplégie de niveau C8 ASIA B, atteinte sensitivo-motrice touchant essentiellement les membres inférieurs et à un moindre degré le membre supérieur droit,

- des troubles neuro-psychologiques et psycho-traumatiques avec syndrome dysexécutif, quelques troubles amnésiques et quelques troubles du sommeil.

Il a conclu s'agissant du déficit fonctionnel permanent : « déficit fonctionnel permanent fixé à 85 % - Etat antérieur 30 %. Etat actuel tous éléments confondus 90 % (imputable à l'accident de 31 à 90 %) ».

Il a précisé dans le corps de son rapport en page 46 que « les parties conviendront que l'ensemble des éléments pour la part imputable au fait traumatique justifie un déficit fonctionnel permanent spécifique de 85 %. »

Mais il a également indiqué que « la capacité restante au moment du fait accidentel était de 70 %, les 85 % imputables au traumatisme entraînent un déficit devant s'ajouter à l'état antérieur de 85 % de 70 %, soit 60 %. Le taux global, état antérieur inclus, justifie un déficit fonctionnel permanent de 90 % tous éléments confondus (état antérieur30 % + état séquellaire imputable à l'accident 60 %). Si l'évaluation séquellaire est effectuée sur la base du déficit fonctionnel permanent ne retenant que la part imputable au traumatisme, cette évaluation doit se faire sur la base des taux s'étendant de 31 % à 90 %. »

Outre que 85 % de 70 % représentent un pourcentage de 59,5 % et non de 60 %, le rapport d'expertise n'est ni clair ni précis sur le taux de déficit fonctionnel permanent imputable selon l'expert à l'accident ( 85 % ou 60 %).

Pour expliciter la référence à « des taux s'étendant de 31 % à 90 % », le Docteur [X] a indiqué en réponse à un dire du conseil de M. [V] que « les valeurs des points sont différentes suivant que l'évaluation se fait sur l'intervalle de 0 à 60 % et/ ou de 31 % à 90 % », cette appréciation relative aux modalités d'indemnisation du déficit fonctionnel permanent excédant la question de l'évaluation du taux du déficit fonctionnel résultant des difficultés ou impossibilités imputables à l'accident et de celle du taux du déficit fonctionnel actuel de la victime, tous éléments confondus (état antérieur inclus) qui lui était posée au point 7 de sa mission.

La cour dispose toutefois des éléments nécessaires pour retenir que le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident doit être chiffré à 85 % compte tenu de l'importance des séquelles constatées qui ont radicalement modifié l'invalidité dont était antérieurement atteint M. [V] en raison de troubles ophtalmologiques, d'un état dépressif, d'un ulcère gastro-duodénal et d'une bronchite asthmatiforme liée au tabagisme qui n'empêchaient pas la victime de vivre de manière autonome dans son appartement, ni d'avoir une vie sociale alors qu'elle présente depuis l'accident une tétraplégie de niveau C8.

Au vu des séquelles constatées, des douleurs persistantes et des troubles induits dans les conditions d'existence de M. [V], qui était âgé de 57 ans à la date de consolidation, il convient d'évaluer ce poste de préjudice, en se plaçant à la date du présent arrêt, à la somme de 343 000 euros, sans qu'il y ait lieu de faire application d'une valeur abstraite d'un point d'incapacité.

Le jugement sera infirmé.

Récapitulatif

Les postes du préjudice corporel de M. [V] dont la cour est saisie s'établissent de la manière suivante :

- dépenses de santé actuelles (matériel spécialisé acquis antérieurement à la consolidation) : 407,38 euros

- perte de gains professionnels actuels : rejet (confirmation)

- assistance temporaire par une tierce personne : 21 457 euros (infirmation)

- dépenses de santé futures à charge :91 635,56 euros (infirmation)

- assistance permanente par une tierce personne : 688 776 euros en capital outre une rente viagère d'un montant annuel de 56 210 euros payable selon les modalités définies au dispositif de la présente décision

- perte de gains professionnels futurs : rejet (confirmation)

- frais de véhicule adapté : 307 504 euros (infirmation)

- frais de logement adapté : la liquidation définitive réservée et allocation d'une indemnité provisionnelle d'un montant de 100 000 euros (infirmation)

- déficit fonctionnel permanent : 343 000 euros (infirmation).

Sur les demandes annexes

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à la CPAM qui est en la cause.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

M. [T] [M] et la société MACIF qui succombent partiellement dans leurs prétentions et sont tenus à indemnisation supporteront in solidum la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [V] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, et par mise à disposition au greffe,

- Constate que les conclusions de M. [J] [V] satisfont aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile,

- Rejette en conséquence le moyen de la société MACIF selon lequel la cour ne serait saisie d'aucune des dispositions du jugement, l'appel de M. [J] [V] étant sans objet,

- Dit que la cour d'appel est valablement saisie par l'effet de l'appel de M. [J] [V] des dispositions du jugement déféré par lesquelles le tribunal a condamné in solidum la société MACIF et M. [F] [T] [M] à lui payer une rente trimestrielle et viagère au titre de la tierce personne pérenne d'un montant de 14 000 euros, à compter du 9 juin 2021,

Dit que la cour d'appel n'est pas saisie des dispositions du jugement relatives à l'indemnisation du préjudice sexuel de M. [J] [V], de même que de celles relatives aux postes de préjudice liés aux frais divers, au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées, aux préjudices esthétiques temporaire et permanent,

- Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [J] [V] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels actuels et de la perte de gains professionnels futurs ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- L'infirme pour le surplus dans les limites de l'appel,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne in solidum la société MACIF et M. [F] [T] [M] à payer à M. [J] [V], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement non déduites, les sommes suivantes en réparation des postes de

préjudice ci-après:

- dépenses de santé actuelles (matériel spécialisé acquis antérieurement à la consolidation) : 407,38 euros

- assistance temporaire par une tierce personne : 21 457 euros

- dépenses de santé futures à charge : 92 042,94 euros

- frais de véhicule adapté : 307 504 euros

- déficit fonctionnel permanent : 343 000 euros

- Condamne in solidum la société MACIF et M. [F] [T] [M] à payer à M. [J] [V], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement non déduites, au titre du poste de préjudice lié à son besoin d'assistance permanente par une tierce personne :

* en capital la somme de 688 776 euros,

* une rente annuelle viagère d'un montant de 56 210 euros, payable trimestriellement, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46ème jour et ce, à compter du 11 mai 2023,

- Réserve la liquidation définitive du poste de préjudice lié aux frais de logement adapté,

- Condamne in solidum la société MACIF et M. [F] [T] [M] à payer à M. [J] [V] une indemnité provisionnelle de 100 000 euros au titre de ce poste de préjudice,

- Condamne in solidum la société MACIF et M. [F] [T] [M] à payer à M. [J] [V], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- Condamne in solidum la société MACIF et M. [F] [T] [M] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/12336
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.12336 ?
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