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11/05/2023 | FRANCE | N°21/05013

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 11 mai 2023, 21/05013


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 11 MAI 2023



(n° 2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05013 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZRM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/02758





APPELANTE



Madame [P] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Assisté

e de Me Kristel RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : J114



INTIMÉE



S.A. SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 11 MAI 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05013 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZRM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/02758

APPELANTE

Madame [P] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assistée de Me Kristel RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : J114

INTIMÉE

S.A. SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 février 2023, en audience publique, en double rapporteur les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport et devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE':

Par contrat à durée indéterminée à effet au 1er septembre 2014, Mme [P] [X] a été embauchée par la société Swisslife assurance et patrimoine en qualité de conseillère commerciale niveau 1, moyennant une rémunération composée d'un salaire de base garanti s'élevant en dernier lieu à 1 600 euros outre un commissionnement pour une durée de travail soumise à un forfait annuel de 218 jours de travail.

À compter du 8 juin 2017, Mme [X] a bénéficié d'un plan d'accompagnement sur quatre mois.

Par courrier recommandé du 19 février 2018, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 mars 2018 puis par courrier du 7 mars 2018 elle a été convoquée, une seconde fois pour le 19 mars 2018, et elle s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle par courrier adressé sous la même forme le 12 avril 2018.

La société Swisslife assurance et patrimoine applique la convention collective nationale des travailleurs des producteurs salariés et de base des services extérieurs de protection des sociétés d'assurances et occupe habituellement au moins 11 salariés.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 2 avril 2019, afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat travail. Par jugement du 11 décembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris, section activités diverses, a débouté Mme [X] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme [X] a régulièrement relevé appel du jugement le 7 juin 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 septembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [X] prie la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens'et':

- condamner la société Swisslife à lui régler les sommes suivantes :

* 9 758 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

* 5 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral découlant de cette rupture injuste,

* 12'000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier,

* 7 398,83 euros de rappel de salaire au titre de la rémunération illicite et amortissable outre 739,88 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 000 euros de dommages-intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité et de santé,

* 5 000 euros de dommages-intérêts au titre du harcèlement et à tout le moins en raison de l'inexécution de bonne foi du contrat travail,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 en cause de première instance et 2000 euros en cause d'appel,

- condamner la société Swisslife aux dépens dont distraction au profit de Me Xavier Martinez, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis,

- ordonner la production rectifiée des documents de fin de contrat (certificat de travail, dernier bulletin de paie, attestation pour Pôle emploi) des condamnations à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- débouter la société Swisslife de toutes ses demandes et moyens contraires.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Swisslife assurances et patrimoine prie la cour de':

- confirmer le jugement,

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens et dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux de la Selarl Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2023.

MOTIVATION':

Sur le bien fondé du licenciement':

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est motivée dans les termes suivants':

« ['] Pour rappel, vous avez rejoint notre entreprise le 1er septembre 2014 en tant que conseiller commercial niveau 1. Ce poste exige un investissement important ainsi que des compétences techniques et commerciales afin d'atteindre les objectifs qui vous sont fixés contractuellement mais aussi de la rigueur et de l'organisation, nécessaires au bon développement du portefeuille qui vous est confié. Or, depuis plusieurs mois, nous sommes au regret de constater de nombreuses insuffisances dans l'exercice quotidien de votre activité qui occasionnent un décalage de plus en plus perceptible avec le niveau d'expertise que nous sommes en droit d'attendre de vous.

Tout d'abord, il vous incombe de respecter et de mettre en pratique la méthode commerciale à laquelle vous avez été formée. Celle-ci doit, en effet, vous permettre d'obtenir des résultats conformes à ce que nous sommes en droit d'attendre d'un collaborateur de votre niveau et garantit également une démarche conforme à la stratégie de l'entreprise et homogène sur l'ensemble du réseau salariés. Or, bien qu'il vous ait été demandé à plusieurs reprises par votre manager de faire évoluer votre méthode commerciale vers la méthode recommandée, nous n'avons constaté aucune évolution de nature à démontrer votre capacité d'adaptation et de remise en question de vos habitudes de travail. À titre d'exemples, nous avons constaté que vous n'appliquez pas la méthode commerciale recommandée par votre inspecteur et, notamment, vous ne faites quasiment pas d'actions de prospection. Ce manque de prospection engendre un nombre de projets faible et il est très inférieur au nombre demandé de 12 Relevés des Attentes par semaine nécessaires à la réalisation de votre minimum contractuel. De plus, il n'y a aucune feuille de route planifiée sur votre agenda et aucune activité de prospection n'est renseignée sur Coclico.

Nous constatons donc que vous éprouvez de véritables difficultés à organiser vos semaines de travail et à structurer votre prospection. Ainsi, vous négligez la préparation, en amont, de vos actions de prospection, alors même qu'il s'agit là d'un aspect fondamental de votre fonction de conseiller commercial devant vous permettre de développer votre activité, réaliser des affaires et, par là même, atteindre les objectifs qui vous sont fixés.

Enfin, votre hiérarchie vous a demandé à plusieurs reprises d'utiliser les outils mis à votre disposition, notamment l'outil COCLICO, vous permettant d'organiser votre activité et d'effectuer votre reporting. De plus, cet outil permet à votre inspecteur (N +1) d'analyser votre activité et ainsi de pouvoir vous assurer un accompagnement personnalisé. Or, malgré les relances de votre hiérarchie, vous n'avez pas jugé utile d'utiliser ces outils et d'assurer un reporting régulier auprès de votre manager.

Ce constat nous amène à nous interroger sur votre faculté à vous inscrire dans la stratégie de l'entreprise et à fournir les efforts nécessaires pour mener à bien les missions qui vous sont confiées. En outre, l'ensemble de ces dysfonctionnements dans l'exécution de vos missions vous ont amené à une insuffisance de résultats constatés depuis le début de l'année 2017 et qui s'est accentuée sur l'année 2017. L'ensemble de ces constats est d'autant plus regrettable que vous avez bénéficié d'un véritable soutien et accompagnement de votre hiérarchie tout au long de cette période, destinée à vous faire prendre conscience de vos axes d'amélioration et de la nécessité de vous remettre en question afin de rétablir la situation.

Cet accompagnement s'est traduit par la mise en place d'un plan d'action personnalisée d'une durée de quatre mois à partir du 15 juin 2017. Ce pacte managérial avait pour but de vous permettre de bénéficier d'un accompagnement personnalisé de votre inspecteur en rendez-vous de vente et emprise de projet. Afin que votre plan d'action soit piloté et suivi efficacement, votre inspecteur a réalisé avec vous des entretiens d'étape chaque mois.

Dans le cadre de la mise en place de ce pacte managérial, nous avons constaté au mois de mai 2017 que votre production était très en deçà des minimas requis depuis le début de l'année 2017. Vous aviez ainsi réalisé :

Aucune affaire PP Pro/ENT enregistrée,

Aucune affaire PP enregistrée,

1 affaire PU pour un montant de 100'000 euros,

7 affaires en prévoyance.

Alors que vous deviez réaliser :

2 affaires retraite pro par mois,

1 affaire SLPI/SLPE par mois.

En ce qui concerne votre production banque, vous aviez réalisé 0 €.

Par ailleurs, votre solde débiteur à fin mai 2017 s'élevait à - 3 439,44 €.

Malgré cet accompagnement, vos résultats se sont améliorés mais ils sont restés inférieurs à ce que nous étions en droit d'attendre de vous et très fragiles. Ainsi, votre hiérarchie vous a proposé de renouveler d'un mois votre pacte managérial. À l'issue de ce renouvellement, lors de votre point de suivi du 5 décembre 2017, votre hiérarchie a pu constater des progrès mais il a été clairement identifié que « vos résultats ne sont pas pérennes » et que « suite à la mise en place de ce pacte managérial, il n'y a pas eu le retour à l'efficacité ». En effet, sur l'année 2017, vos résultats sont très en deçà de ce que nous sommes en droit d'attendre de. À fin décembre 2017, vos chiffres sont les suivants :

3 affaires en PP Pro/ENT, alors même que l'objectif est de 2 par mois ;

1 affaire S LPE/SLPI, l'objectif étant de 1 par mois ;

une efficacité PP Pro/ENT de 0,30 alors même que l'efficacité attendue sur l'année est de 2,

une efficacité SLPE/SLPI de 0,1 l'efficacité attendue étant de 1.

En outre, à fin décembre 2017, par comparaison avec les conseillers commerciaux ayant une ancienneté similaire à la vôtre, vos chiffres sont les suivants :

En production pondérée cible : 468'397 euros contre une moyenne de 1'141'048 euros, soit un écart de-59 % ;

En vente de contrats Retraite « professionnels et entreprises » : 6420 euros contre une moyenne de 50'202 euros, soit un écart de-87,2 % ;

En vente totale de contrats « Retraite » 6420 euros contre une moyenne de 60'443 euros, soit un écart de - 89,4 % ;

En vente totale de prévoyance de TNS : 747 euros contre une moyenne de 6556 euros, soit un écart de - 88,6 % ;

En banque : vous n'avez pas aucune affaire contre une moyenne de 74'925 euros soit un écart de 100 %.

Ces résultats vous positionnent à fin décembre 2017 à la 269ème position du classement général des conseillers commerciaux sur 321 (en dehors des conseillers commerciaux entrés en 2017 et des collaborateurs absents pour en arrêt longue maladie ).

Par ailleurs, ces résultats ne vous ont pas permis d'amortir votre salaire : votre solde débiteur à fin décembre 2017 s'élève à ' 6 915,52 euros.

En outre, à fin février 2018, par comparaison avec les conseillers commerciaux ayant une ancienneté similaire à la vôtre, vos résultats restent en deçà des attentes de l'entreprise.

En conséquence, l'ensemble des difficultés que vous rencontrez dans l'exercice de vos missions, vos résultats particulièrement préoccupants depuis 2017 ainsi que votre incapacité à prendre en compte les axes d'améliorations qui vous ont été signifiés, nous amènent à remettre en cause votre implication et votre investissement dans vos fonctions et aboutissent à perturber l'activité de notre Direction Régionale et de manière plus générale, le bon fonctionnement de notre entreprise. Dans ce contexte, vous comprendrez que nous ne pouvons, en aucun cas, laisser perdurer une telle situation, eu égard aux conséquences préjudiciables qu'elle entraîne sur le bon développement des portefeuilles qui vous ont été attribués.

En conséquence de l'ensemble des éléments susmentionnés, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle. ['] »

La cour rappelle que l'incompétence ou l'insuffisance professionnelle d'un salarié se manifeste par sa difficulté à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté et peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle fait l'objet d'une appréciation objective. Il n'est pas nécessaire que l'inadaptation à l'emploi ou l'incompétence du salarié se soient traduites par une faute. Il importe cependant que les insuffisances alléguées par l'employeur se soient manifestées par des éléments extérieurs, par des anomalies de nature à entraver la bonne marche de l'entreprise, et susceptibles de vérifications objectives.

La société Swisslife assurances et patrimoine soutient que l'insuffisance professionnelle est caractérisée dans la mesure où Mme [X] a présenté une insuffisance de résultats alors que ses objectifs étaient tout à fait réalisables, que leur non atteinte est exclusivement imputable à la salariée tandis qu'elle-même a tout mis en 'uvre pour l'accompagner.

Mme [X] de son côté soutient que son licenciement est injustifié, qu'aucune méthode commerciale particulière ne lui a été précisée, qu'aucune aide ne lui a été apportée, que l'employeur n'établit pas qu'elle n'a pas atteint ses objectifs de rendez vous de prospection, que ses affaires n'étaient pas enregistrées, que le matériel mis à disposition était vétuste et non opérationnel, et qu'il s'agissait en réalité par ce licenciement d'organiser la diminution de la masse salariale.

La société Swisslife assurances et patrimoine s'appuie en premier lieu sur l'accord-cadre relatif au statut et à la rémunération des conseillers commerciaux communiqués par la salariée qui prévoit que le conseiller commercial doit suivre un stage d'habilitation pour lui permettre d'acquérir les fondamentaux de l'assurance et la connaissance des produits et outils d'aide à la vente Swisslife et leur renseigne l'application scrupuleuse d'une méthodologie commerciale. Elle produit le livret de stage de Mme [X], signé par celle-ci faisant apparaître la nature de l'enseignement suivi et le livret d'accueil des conseillers commerciaux intitulés « stage habilitation conseiller commercial » rappelant les objectifs hebdomadaires du conseiller commercial de 12 RDA nécessaires, obtenus en réalisant au minimum 45 visites par semaine, en indiquant 100 prospects sur la feuille de route et en établissant une liste de 150 prospects. Elle s'appuie également sur les dispositions contractuelles inscrites sous la rubrique « fonctions et minimum d'activité » qui prévoient l'application de la méthodologie commerciale enseignée afin de réaliser au moins 12 projets par semaine travaillée donnant lieu à 10 entretiens de conclusion par semaine travaillée, la réalisation d'un minimum de 2,2 contrats retraite par mois, 5 contrats prévoyance TNS et/ou entreprises par an et 200'000 euros de prime unique new cash par an pour les deux premières années puis cinq contrats prévoyance TNS et/ou entreprise et 300'000 euros de prime unique new cash.

De son côté, Mme [X] conteste s'être vu contractualiser une méthode commerciale particulière. Elle soutient qu'aucune documentation précise ne lui a jamais été envoyée mais la cour considère que ses allégations sont contredites tant par le livret de stage que par les dispositions contractuelles qu'elle a signés. Par ailleurs, Mme [X] indique qu'elle estime avoir rempli l'ensemble de ses obligations et qu'il appartient à l'employeur de justifier que les 12 RDA par semaine n'ont pas été réalisés, s'appuyant sur le suivi individuel du concours « the crew vs solidus'» tel que communiqué le 30 avril 2018 et qui fait apparaître qu'une autre salariée Mme [W] [H] n'a cumulé aucun rendez-vous prospects clients, que l'ensemble des commerciaux (MM et Mmes [T], [M], [A] et [I]) ne réalisaient nullement les 12 rendez-vous hebdomadaires et sur les résultats du challenge « les pros de l'efficacité » faisant apparaître au 31 janvier 2018 qu'elle était classée 44e sur 361. Sur ce dernier point, l'employeur fait valoir qu'il ne s'agissait que d'un classement provisoire et qu'en réalité elle était classée 103ème fin janvier 2018 et 225ème fin avril 2018 ce dont il justifie en communiquant les classements mensuels et le classement annuel faisant apparaître que Mme [X] a été classée 276ème sur 361 pour l'année 2017. Enfin, la cour observe que la comparaison que fait Mme [X] avec d'autres salariés s'agissant du suivi individuel du 30 avril 2018 n'est pas pertinente à défaut de justifier que ces salariés étaient dans une situation d'ancienneté et de qualification comparable à la sienne.

Sur le caractère réaliste des objectifs, l'employeur fait valoir que'sur les six niveaux de conseillers commerciaux classés CC1 à CC6, les CC1 comme Mme [X] ont les plus faibles objectifs. Il produit un tableau des soldes créditeur et débiteur des commerciaux établis à fin décembre 2017 faisant apparaître que la plupart des salariés CC 1 ont un solde créditeur et non un solde débiteur contrairement à Mme [X] et souligne qu'en 2015, le tableau des meilleurs commerciaux du mois justifie que la première du classement commercial était une salariée statut CC1 ayant une ancienneté comparable à celle de Mme [X]. Mme [X] conteste la valeur probante de ces pièces en soulignant qu'elles ne sont justifiées par aucun document, mais la cour relève que l'une d'entre elle en date du 10 mai 2017 consiste en la notification à Mme [X] du pacte managérial faisant état d'un solde débiteur à fin mai 2017 de 3439,44 euros qu'elle n'a pas contestés, ledit pacte lui ayant été appliqué avec son consentement La cour considère dès lors ces éléments suffisants pour établir le caractère réaliste des objectifs et la cour observe que Mme [X] ne produit aucun élément de nature à établir une quelconque contestation de sa part.

L'employeur reproche à Mme [X] son incapacité à se plier à la méthode commerciale à laquelle elle avait été formée durant le stage, et de pas utiliser les outils mis à sa disposition et notamment l'agenda COCLICO ce qui empêchait son inspecteur de superviser, d'analyser et de reporter son activité. Il fait valoir que le supérieur hiérarchique de Mme [X] était obligé de la relancer pour qu'elle remplisse les comptes-rendus d'activité (CRA et l'agenda COCLICO ainsi que cela ressort des mails qui lui a adressés les 25 septembre et 16 novembre 2017. Il communique également l'historique des connexions au logiciel de gestion de la relation client établissant que sur la période comprise entre mars 2017 et février 2018 elle s'est connectée 91 fois de façon totalement irrégulière alors qu'elle devait s'y connecter quotidiennement sur les jours ouvrés. Il produit enfin un tableau des activités de prospection établissant selon lui qu'elle n'effectuait pas suffisamment de visites (651 visites alors qu'elle était censée en réaliser 45 par semaine soit un taux d'accomplissement de 27 %) 155 rendez-vous découverte des attentes (RDA) pour un objectif de 12 par semaine soit un taux d'accomplissement de 24 % et sur l'année 2007 elle a réalisé 51 rendez-vous de signatures pour 155 rendez vous découverte, c'est-à-dire, selon lui, qu'elle a convaincu seulement 32 % des personnes prospectées de signer contrat avec Swisslife. Mme [X] fait valoir que d'autres salariés ne réalisaient non plus le nombre de rendez-vous prospects clients attendus et ne remplissaient pas régulièrement l'agenda COCLICO. Toutefois la cour relève que comme le soutient l'employeur seul un petit nombre de commerciaux ne remplissait pas quotidiennement le l'agenda COCLICO et qu'ils ne représentaient pas la majorité' Mme [X] ne citant elle-même que quelques noms sur les dizaines de conseillers commerciaux travaillant pour la société. Par ailleurs, c'est vainement que Mme [X] invoque les dysfonctionnements du logiciel COCLICO puisque tous les salariés y étaient soumis. De même, la salariée soutient qu'étaient été mis à sa disposition des moyens informatiques vétustes et non opérationnels s'appuyant sur différents mails de sa part en octobre août 2017 et février 2018 par lesquels elle signalait des difficultés sur sa connexion Internet relative à sa tablette. Toutefois à cet égard la cour relève avec l'employeur que les incidents concernent essentiellement la fin de l'année 2017 et le début de l'année 2018 et qu'ils ne suffisent pas à justifier l'insuffisance des résultats déplorés par l'employeur pour la période d'application du pacte managérial d'autant qu'elle signalait les retards d'enregistrement de sorte que les dossiers étaient tout de même pris en compte.

Mme [X] fait également valoir que l'employeur ne procédait pas à l'enregistrement électronique des affaires qu'elle générait. Elle s'appuie sur différents mails de sa part adressés à l'inspecteur pour lui signaler qu'il n'apparaît pas la signature des difficultés dans une dizaine de contrats. L'employeur sans contester les retards d'enregistrement fait valoir que les signalements concernent une période portant sur le dernier trimestre 2017 et le début de l'année 2018 et non pas sur l'ensemble de la période pendant laquelle elle a bénéficié d'un plan d'accompagnement de sorte que ces retards ne suffisent pas à justifier les mauvais résultats de la salariée, d'autant que Mme [X] signalait à l'employeur les retards qu'elle constatait.

S'agissant de l'application du pacte managérial, Mme [X] fait valoir qu'il a été conclu dans des conditions anormales, que le courrier du 10 mai 2017 ne lui a été remis que le 23 juin 2017 avec des objectifs à réaliser durant l'été' pendant la période la plus creuse et alors qu'elle était en congé sur la période du 14 juillet au 4 août 2017' que M. [R] n'a jamais assuré effectivement son rôle de suivi du plan managérial et demandait à ses collaborateurs en pacte de remplir eux-mêmes les fiches de suivi alors que cela relevait de sa responsabilité exclusive.

La cour relève que le démarrage du plan a été fixé au 15 juin 2017, que s'il comprenait la période d'été, les objectifs ont été fixés en conséquence et le plan d'action prolongé pour tenir compte des congés de Mme [X] ainsi que cela ressort du mail de M. [O] en date du 8 août 2017. Par ailleurs la cour relève que le suivi du plan d'accompagnement a donné lieu à quatre mails de M. [O] relevant l'insuffisance du renseignement du logiciel COCLICO ce qui rendait d'autant plus difficile la supervision par M. [R] et par ailleurs il ne ressort pas du mail de M. [R] du 2 janvier 2017 qu'il se déchargeait sur Mme [X] de son propre travail pendant la période de fonctionnement du plan d'accompagnement le mail étant antérieur à sa mise ne place. Enfin, Mme [X] verse aux débats une attestation de Mme [J] faisant état de l'insuffisance du suivi de M. [R] mais cette attestation ne suffit pas à emporter la conviction de la cour dès lors que l'employeur fait valoir sans être critiqué ou contredit par la salariée que Mme [J] a elle-même été licenciée pour insuffisance professionnelle.

Enfin, Mme [X] soutient que les chiffres énoncés ne sont pas représentatifs de sa valeur commerciale en faisant valoir que pour 2017 son chiffre d'affaires était de 370'357 euros en ne comptabilisant que 22 affaires alors qu'en 2016 son chiffre d'affaires était moindre 364 747 euros pour un nombre d'affaires plus important de 65. Elle soutient que dès lors, elle démontre que le nombre d'affaires n'est pas conforme à la réalité du travail effectué. Par ailleurs elle fait valoir que le chiffre d'affaires 2017 est en-deçà de ce qui aurait dû être comptabilisé puisque certaines affaires contractées n'ont pas été inscrites de sorte que son chiffre devrait aurait dû être majoré de plus de 10'000 euros. Toutefois la cour considère que ces éléments ne suffisent pas à démontrer que les chiffres établis par l'employeur étaient erronés puisque comme il a été vu ci dessus les affaires non enregistrées étaient tout de même pris en compte et que l'insuffisance du chiffre d'affaire n'est pas le seul élément produit par l'employeur pour caractériser l'insuffisance professionnelle qu'il reproche à sa salariée.

En conséquence de ce qui précède, la cour considère que l'insuffisance professionnelle de Mme [X] est caractérisée par un non-respect de la méthode commerciale prônée par l'employeur et une insuffisance de ses résultats au regard des objectifs réalisables qui lui étaient assignés et alors qu'elle a bénéficié d'un plan d'accompagnement de plusieurs mois.

Mme [X] est donc déboutée des demandes financières qu'elle présentait au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ( indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, dommages-intérêts au titre du préjudice financier). Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces chefs de demande.

Sur les demandes présentées au titre de l'exécution du contrat de travail':

Sur la demande présentée au titre de la rémunération variable':

Mme [X] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 7 398,83 euros à titre de rappel de rémunération variable pour la période comprise entre eux le mois de janvier 2016 et le mois de décembre 2017.

Elle soutient que le système de rémunération amortissable pratiqué illicitement par l'employeur a pour effet que lorsqu'elle réalise des affaires nouvelles engendrant des commissions relativement conséquentes, les débits correspondant aux affaires non réalisées viennent s'imputer en négatif sur cette rémunération sans qu'elle ait aucun moyen de contrôle sur l'application de ces avances.

Elle explique que le contrat de travail prévoit un salaire mensuel de base non amortissable auquel s'ajoutent 50 % des commissions calculées selon le barème de commissionnement en vigueur joint en annexe, lequel ne lui a jamais été remis, puis 100 % du barème, passée une période de six mois. Elle fait également valoir qu'elle est susceptible de percevoir d'après les dispositions contractuelles des surcommissions calculées selon un barème de surcommissionnement qui aurait dû lui être remis par l'inspecteur, ce qui n'a pas été le cas.

Elle fait également valoir que ce type de rémunération doit être prévu au sein de la convention collective, qu'il appartient à l'employeur de justifier des avances sur commissions notamment de l'entier calcul qu'il pratique de manière à lui permettre de vérifier son salaire global brut contractuel et qu'elle ne doit pas supporter le risque de l'entreprise la variation de la rémunération devant reposer sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur.

La société Swisslife assurance et patrimoine s'oppose à la demande en faisant valoir à juste titre que le barème de commissions par produit conseillers commerciaux, le barème de commissionnement banque et le régime de surcommissions 2014 qui contiennent des informations précises sur le calcul de la rémunération variable ont été remis à la salariée qui en a attesté le 1er septembre 2014 ainsi que cela ressort de l'attestation sur l'honneur qu'elle produit et de la dernière page de son contrat de travail signé le 28 août 2014.

Elle fait valoir également valoir que dans l'accord-cadre communiqué par Mme [X] elle-même le système de calcul de la rémunération variable est expliqué dans son principe (calcul par quadrimestres) et qu'il suffit donc au salarié de se reporter au système au barème de commissions et deux sur commissions remis pour avoir une visibilité totale sur les objectifs annuels. Elle établit ainsi que le système de rémunération était donc prévu au sein d'un accord collectif, que le salaire minimum mensuel a toujours été garanti, que les critères quantitatifs et qualitatifs servant de base à la rémunération reposait sur trois composantes production, nouveaux clients, et qualité d'exécution qui ne faisaientt pas peser sur la salariée le risque d'entreprise.

Par ailleurs la cour a retenu que les objectifs fixés à Mme [X] étaient réalistes.

Il en résulte que, contrairement à ce que prétend la salariée, le système de rémunération variable appliquée par la société ne revêt pas un caractère illicite et elle est déboutée de sa demande de rappel de salaire à ce titre, outre les congés payés afférents. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et à tout le moins l'inexécution de bonne foi du contrat de travail :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

Mme [X] sollicite à ce titre la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts. Elle explique que la chronologie des faits permet de démontrer les agissements répétés de l'employeur de nature à la déstabiliser en qualité de collaborateur salarié, que la baisse provisoire de son activité au début de l'année 2017 était due à la perte d'un client que cependant il lui a été proposé un pacte managérial sans évoquer les conditions de déploiement de ce pacte qu'il a été appliqué pendant sa période de congés et que l'inspecteur en charge du management ne remplace ne remplissait pas les fiches de suivi, que le matériel qui lui était remis ne permettait pas de remplir le système COCLICO de façon correcte et qu'il n'a pas été tenu compte de l'ensemble des affaires qu'elle a générées pour le compte de la société et que son psychiatre a pu compter constater que son désarroi.

Comme il été vu ci dessus la cour n'a pas retenu que le pacte managérial avait été appliqué de façon déloyale, peu important que l'inspecteur soit lui-même soumis à un pacte managérial et que l'ensemble des affaires générées par Mme [X] n'avait pas été pris en compte. Pour le surplus, les dysfonctionnements du systéme COCLICO qui s'appliquaient à l'ensemble des salariés et non à la seule Mme [X] ne suffisent pas à eux seuls à établir des faits susceptibles de caractériser des agissements répétés de harcèlement moral. Par ailleurs les certificats médicaux produits par Mme [X] en l'absence de la moindre constatation du médecin du travail ne suffisent pas à établir une dégradation de son état de santé en lien avec ses conditions de travail.

La cour considère en conséquence que Mme [X] ne présente pas un ensemble de faits précis et concordants laissant supposer des agissements de harcèlement moral. Il en est de même s'agissant de l'exécution déloyale du contrat de travail évoquée 'à tout le moins' par la salariée et qui n'est pas justifiée. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de ce chefs de demande

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité ;

Mme [X] fait valoir qu'elle a subi la désorganisation de la société Swisslife et un maintien purement artificiel d'un pacte managérial alors que le tuteur était lui-même soumis à un pacte managérial.

La désorganisation de la société Swisslife n'est pas établie et le caractère artificiel du pacte managérial n'est pas davantage caractérisé comme il a été vu ci-dessus, le fait que l'inspecteur chargé du suivi était lui-même en pacte managérial ne suffisant pas à l'établir. Aucun manquement de l'employeur n'est donc démontré. La demande de dommages-intérêts est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

Mme [X], partie perdante est condamnée aux dépens. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties. Me Audrey Hinoux est autorisée à recouvrer ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Déboute Mme [P] [X] de l'ensemble de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

Condamne Mme [P] [X] aux dépens et autorise Me Audrey Hinoux à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05013
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.05013 ?
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