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11/05/2023 | FRANCE | N°21/04660

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 11 mai 2023, 21/04660


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 11 MAI 2023



(n°2023/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04660 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXTK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/12631





APPELANT



Monsieur [D] [T]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Assisté de

Me Mathieu QUEMERE, avocat au barreau d'ESSONNE



INTIMEE



S.A. BOUYGUES TELECOM

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Laurent GAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061





COMPO...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 11 MAI 2023

(n°2023/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04660 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXTK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/12631

APPELANT

Monsieur [D] [T]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Assisté de Me Mathieu QUEMERE, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

S.A. BOUYGUES TELECOM

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent GAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour,initialement prévue au 16 mars 2023 et prorogée au 11 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 4 août 1997, la société Bouygues Telecom (ci-après la société) a embauché M. [D] [T] en qualité de chef de secteur ventes, catégorie cadre, niveau-échelon VI-3 moyennant une rémunération mensuelle forfaitaire de 16 000 francs pour une durée du travail au moins égale à 39 heures par semaine, outre une rémunération variable fixée à 11 000 francs bruts pour 100% d'objectifs réalisés et une gratification dite de treizième mois.

Les sociétés Azeide et 1913 sont des distributeurs partenaires de la société Bouygues Telecom par l'intermédiaire desquelles des offres d'abonnement sont commercialisées. Elles sont devenues des filiales de la société Bouygues Telecom respectivement en octobre 2013 et en juillet 2014 et c'est dans ce contexte que M. [T], alors directeur des filiales de distribution, en a été nommé directeur et président tout en étant hiérarchiquement rattaché au directeur du réseau de distribution de la société Bouygues Telecom.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective télécommunications et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 12 avril 2016, la société a convoqué M. [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 avril 2016.

Par lettre recommandée datée du 26 avril 2016, la société lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 22 décembre 2016.

Par jugement du 28 avril 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté M. [T] de ses demandes ;

- laissé les frais irrépétibles à la charge de chacune des parties ;

- condamné M. [T] aux dépens.

Par déclaration du 19 mai 2021, M. [T] a interjeté appel du jugement notifié le 7 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens ;

Partant,

- fixer sa rémunération brute à la somme de 16.398,48 euros ;

- dire et juger que son licenciement est, à titre principal, nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 327 969,60 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;

* 16 398,48 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier ;

* 16 398,48 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

* 40 000 euros à titre de préjudice de carrière ;

- ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés dans les 8 jours à compter de la décision à intervenir à peine d'astreinte définitive de 80 euros par jour jusqu'à parfaite exécution ;

- condamner la société au remboursement des allocations d'assurance chômage au Pôle emploi dans la limite de six mois conformément à l'article L1235-4 du code du travail ;

- assortir l'ensemble des condamnations des intérêts légaux à la date d'exigibilité pour les salaires et à la date de la saisine du conseil des prudhommes pour les autres sommes avec application de la règle de l'anatocisme (article 1343-2 du code civil) ;

- condamner la société à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 juin 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Bouygues Telecom demande à la cour de :

- confirmer en tous points le jugement excepté en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

« (') Vous occupez la fonction de Directeur des Filiales de Distribution AZEIDE Groupe et 1913 au sein de la société Bouygues Telecom, et êtes à ce titre rattaché hiérarchiquement à [S] [L], Directeur de la Direction Réseau Partenaires.

Dans le cadre de vos fonctions, vous avez pour principales missions au sein des deux filiales de :

Développer l'activité commerciale en faisant croître le parc clients fixes et mobiles.

Animer et motiver l'ensemble des équipes.

Définir et piloter les dépenses.

Garantir un climat social de qualité.

Lors de l'entretien du 22 avril, nous vous avons exposé les faits qui vous sont reprochés dans l'exercice de vos missions.

Le 09 mars 2016 la Direction de Bouygues Telecom Entreprises, en la personne de [S] [L], a été interpellée par le Délégué du Personnel de la société 1913 lui signalant des faits préoccupants, relatifs à vos méthodes de management au sein de cette société.

Il résulte de l'enquête contradictoire, immédiatement diligentée par la Direction de Bouygues Telecom Entreprises entre le 16 mars au 30 mars 2016 et mené conjointement avec le délégué du personnel à l'origine de l'alerte, les principaux faits suivants :

Comportements colériques inadaptés et vexatoires :

Il a été constaté à plusieurs reprises un comportement inadéquat de votre part, adoptant lors de réunions en présence de vos collaborateurs et de collaborateurs de Bouygues Telecom (notamment lors de la réunion managers du 03 mars 2016 et lors d'un comité de pilotage en novembre 2015) une attitude inappropriée se manifestant par une colère excessive dans un contexte professionnel, et des propos agressifs à l'égard de certains collaborateurs de votre équipe.

Ce comportement est vécu comme une tentative d'intimidation par ces derniers dans un climat d'attaques et de vexations auprès de leurs pairs, ces attaques publiques étant préjudiciable à leurs conditions de travail, et mettant l'ensemble des collaborateurs présents dans une situation de malaise.

Cette attitude doit également être déplorée lors d'entretiens individuels au cours desquelles des collaborateurs de 1913 ont fait état de propos totalement déplacés de votre part au sujet de leur organisation personnelle et familiale. Là encore, cette situation a eu pour effet de profondément déstabiliser les collaborateurs concernés.

Plaisanteries de mauvais goût stigmatisantes :

L'un de vos collaborateurs de confession judaïque a fait part de sa lassitude et de son agacement face à vos plaisanteries répétées en lien direct avec sa religion. Vous avez en effet à plusieurs reprises et en public surnommé ce dernier « [SE] » en imitant l'accent juif d'Afrique du Nord.

De tels agissements ne sont pas acceptables, qui plus est au regard de vos responsabilités.

Au surplus, il est regrettable que la relation professionnelle instituée avec votre équipe n'ait pas permis de mettre un terme à ces plaisanteries en bonne intelligence puisque le collaborateur n'a en effet pas oser vous demander d'arrêter, craignant votre réaction et d'éventuelles représailles pouvant entacher sa vie professionnelle.

Traitement inéquitable entre les collaborateurs :

Il ressort des différents entretiens un comportement inégalitaire de votre part qui a généré un réel malaise entre les salariés des deux sociétés dont vous avez la charge. En effet, sur votre seule initiative, vous avez attribué des primes exceptionnelles à trois collaboratrices d'Azéide Groupe et une collaboratrice de 1913, sans que cette décision repose sur des critères objectifs partagés par votre hiérarchie et les ressources humaines.

Il résulte de ce qui précède un climat social qualifié à maintes reprises de « délétère » par plusieurs collaborateurs au cours de l'enquête, qui est préjudiciable aux conditions de travail de votre équipe et au bon fonctionnement de cette société. En effet, nous constatons que le lien entre vous et la majorité du management de 1913 est rompu. Lors de l'enquête, une dizaine de collaborateurs ont mentionné leur malaise et pour certains leur souhait de ne plus travailler avec vous.

L'ensemble des faits préalablement reprochés sont d'autant plus inacceptables qu'ils s'inscrivent dans un contexte où vous aviez déjà été vivement alerté par votre hiérarchie en janvier 2016 suite à un mail anonyme, intitulé « 1913 destruction » transmis à [VC] [B], Directeur de la Direction marchés entreprises au sein de Bouygues Telecom. Ladite alerte portait à la fois sur vos pratiques managériales déjà dénoncées à l'époque ainsi que sur votre décision prise en présence d'un conflit d'intérêt manifeste concernant l'achat de meubles pour les sociétés AZEIDE Groupe et 1913 auprès de l'entreprise de votre épouse.

L'ensemble des éléments en notre possession et qui vous ont été exposés ne nous permettent pas d'envisager davantage votre maintien dans vos fonctions et nous amène à vous notifier votre licenciement. Néanmoins, compte tenu de votre ancienneté dans l'entreprise et malgré la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous avons décidé de retenir une faute simple et non une faute grave. La période de mise à pied conservatoire vous sera donc rémunérée. (') »

* sur le licenciement

* sur la nullité du licenciement

M. [T] soutient que son licenciement est nul en raison des vices entachant la procédure. A cet égard, il fait valoir que, contrairement à ce que prescrit l'article L. 1332-1 du code du travail, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (droit à un procès équitable) et l'article 7 de la convention n°158 de l'organisation internationale du travail (ci-après OIT), l'employeur ne lui a pas précisé par écrit avant l'entretien préalable les motifs du projet de licenciement ; que ce non-respect des droits de la défense - avec notamment la privation de l'accès aux éléments de preuve, y compris lors de l'entretien préalable - est sanctionné par la nullité du licenciement.

M. [T] fait encore valoir que la motivation du conseil de prud'hommes est contestable en ce qu'il a conclu que les droits de la défense avaient été respectés dès lors que la convocation à l'entretien préalable mentionnait la possibilité pour le salarié de se faire assister et que cet entretien s'était régulièrement tenu le 22 avril 2018, alors que la société Bouygues Telecom avait mené une enquête de façon déloyale et non respectueuse des droits de la défense, porté atteinte à son intégrité professionnelle et à son honorabilité et conduit une procédure de licenciement au mépris du droit à un procès équitable et du droit à la présomption d'innocence applicables aux procédures pour motif disciplinaire.

Ce à quoi la société réplique que, contrairement à ce que M. [T] soutient, il avait connaissance des griefs qui lui étaient faits et qu'il a pu présenter ses explications. A cet égard, la société souligne le manque de pertinence des jurisprudences invoquées par M. [T] et rappelle que l'enquête a été contradictoire puisque M. [T] a été lui-même entendu et que des salariés dont il avait donné le nom ont été entendus. La société fait valoir que, lors de l'entretien préalable, M. [T] était assisté et a pu présenter ses explications sur les griefs ; que l'employeur n'est pas tenu de préciser dans la lettre de convocation à l'entretien préalable les griefs allégués ; que seul l'objet de l'entretien doit être indiqué et que cela satisfait à l'exigence de loyauté et de respect des droits du salarié ; que le respect des droits de la défense n'impose pas que le salarié ait accès au dossier avant l'entretien préalable. La société fait également valoir qu'elle n'avait pas pris sa décision avant l'entretien préalable et en veut pour preuve que M. [T] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la rupture de son contrat de travail pour faute grave avec une mise à pied à titre conservatoire alors qu'elle a opté ensuite pour un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

L'article 7 de la convention 158 de l'OIT prévoit qu'un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu'on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l'on ne puisse pas raisonnablement attendre de l'employeur qu'il lui offre cette possibilité.

L'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après CEDH) prévoit :

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

L'article L. 1232-3 du code du travail dispose qu'au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.

Suivant l'article L. 1232-4 du code du travail, lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.

L'article R. 1232-1 du code du travail précise que la lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur.
Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien.
Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié.

Il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que l'employeur n'est tenu de préciser dans la lettre de convocation à l'entretien préalable que l'objet de la convocation et non les griefs allégués contre le salarié et que l'énonciation de l'objet de l'entretien dans cette lettre et la tenue d'un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d'être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par l'employeur satisfont à l'exigence de loyauté et du respect des droits du salarié.

Le respect des droits de la défense n'impose pas que le salarié ait accès au dossier avant l'entretien préalable.

Il résulte des termes de l'article 6 paragrahe 1 de la CEDH que cet article garantit une équité 'procédurale' à l'occasion d'un recours juridictionnel de sorte que M. [T] ne peut l'invoquer pour contester le déroulement de la procédure de licenciement.

De plus, les paragraphes 2 et 3 de cet article concernent la personne accusée d'une infraction, ce qui n'est par le cas en l'espèce.

En l'occurrence, M. [T] a été convoqué par lettre remise en main propre contre décharge le 12 avril 2016 à un entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'à la rupture du contrat de travail pour faute grave. Cette lettre fixait l'entretien au 22 avril 2016 à 9h30 au Technopole à [Localité 5] (92), précisait l'identité des personnes avec qui l'entretien se déroulerait côté employeur et indiquait à M. [T] qu'il avait la possibilité de se faire assister lors de cet entretien par une personne de son choix appartenant obligatoirement à l'entreprise. La lettre notifiait également à M. [T] une mise à pied à titre conservatoire.

Aucune des parties ne produit de compte rendu de l'entretien préalable mais, en tout état de cause, la lettre de licenciement retient trois griefs à l'encontre de M. [T] de sorte que les exigences résultant des textes du code du travail et de l'article 7 de la convention 158 de l'OIT précités ont été respectés. Au surplus, l'employeur se fonde principalement sur le contenu et les conclusions d'une enquête interne menée conjointement par le responsable hiérarchique de M. [T] assisté de deux membres des ressources humaines et le délégué du personnel ayant fait usage de son droit d'alerte. Or, il ressort des conclusions de cette enquête interne signées par le responsable hiérarchique et le délégué du personnel que M. [T] a été entendu dans le cadre de cette enquête de même que les salariés dont M. [T] avait demandé l'audition. M. [T] avait donc connaissance des principaux faits qui allaient étayer ensuite les griefs retenus dans la lettre de licenciement.

Partant, eu égard à l'ensemble de ces éléments, aucun vice susceptible d'être sanctionné par la nullité du licenciement n'a entaché la procédure de licenciement. M. [T] sera débouté de sa demande de nullité du licenciement et, corollairement, de sa demande d'indemnité pour licenciement nul. La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur le bien-fondé du licenciement pour cause réelle et sérieuse

M. [T] soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de son caractère tardif, infondé et disproportionné.

S'agissant du caractère tardif, il fait valoir que les faits présentés comme fautifs sont prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail.

S'agissant du caractère infondé, il fait valoir que la lettre de licenciement doit être circonstanciée et motivée par des éléments précis et matériellement vérifiables. Il fait également valoir que la charge de la preuve de la faute pèse sur l'employeur et que le doute profite au salarié.

S'agissant du caractère disproportionné, il fait valoir que la sanction doit tenir compte de l'ancienneté et de l'existence de sanctions préalables.

M. [T] fait enfin valoir que la motivation du conseil de prud'hommes pour conclure à l'existence d'une cause réelle et sérieuse est discutable. Il conteste que son comportement ne favorisait pas l'épanouissement personnel des collaborateurs et que son attitude aurait pu engager la responsabilité de l'employeur pour manquement à l'obligation de sécurité. Selon lui, les faits sur lesquels se fonde la société ne sont ni circonstanciés, ni précis ni datés et ont déjà été sanctionnés en janvier 2016 (mise au point ; recadrage).

Ce à quoi la société réplique que M. [T] n'avait pas été préalablement sanctionné pour les griefs retenus dans la lettre de licenciement ; qu'il avait simplement été alerté sur la nécessité de se reprendre et que les faits étayant les griefs n'étaient pas prescrits, eu égard à la date à laquelle l'employeur en a eu véritablement connaissance.

La société réplique également que le pouvoir est monté à la tête de M. [T] ; que les N+1 et N+2 de M. [T] ont reçu un courriel anonyme dénonçant la situation sociale au sein de la société 1913 et qu'ils ont alors décidé de vérifier les accusations portées dans ce courriel à l'encontre de M. [T] (fractures des équipes ; sentiment de dévalorisation des salariés) avec le délégué du personnel qui a confirmé le malaise grandissant au sein de la société 1913 (courriels de la responsable des ressources humaines) ; qu'ils ont découvert que M. [T] avait commandé du mobilier de bureau à la société de décoration d'intérieur gérée par sa conjointe, situation de conflit d'intérêts évoquée dans le guide éthique de Bouygues Telecom ; que la société n'a néanmoins pas opté pour une procédure de licenciement pour ces faits et a demandé à M. [T] de modifier ses pratiques managériales au sein de la société 1913 tout en mettant en place un comité de suivi pour faire des points réguliers avec M. [T]. La société réplique encore que la situation s'est dégradée brusquement en mars 2016 avec l'usage par le délégué du personnel de son droit d'alerte et sa demande d'enquête sur les comportements de M. [T] sur la base de plusieurs courriels transmis par des salariés ; qu'elle a alors décidé immédiatement de l'ouverture d'une enquête menée conjointement par elle et le délégué du personnel de la société 1913. La société rappelle que le code du travail ne prévoit aucun formalisme particulier concernant le déroulement des enquêtes mais qu'elle a mis en place un process répondant aux exigences de respect du principe du paritarisme, d'efficacité, d'objectivité et de traçabilité. Elle expose qu'en pratique seize salariés des sociétés 1913 et Alzeide Groupe ont été entendus et fait valoir que ces salariés n'étaient pas uniquement ceux qui étaient à l'origine de l'alerte (enquête à charge et à décharge) ; que M. [T] a été entendu (enquête contradictoire) et que des notes ont été prises lors de chaque entretien et jointes au compte-rendu d'enquête. La société fait valoir qu'il ressort des conclusions de cette enquête qu'un climat social délétère s'est installé dans la société 1913 ; que des comportements colériques à caractère humiliant, des plaisanteries de mauvais goût pouvant être interprétées comme des propos antisémites, un manque de discernement et un traitement inéquitable lors de l'attribution de primes exceptionnelles à quatre salariées sont imputés à M. [T] ; que la confiance managériale entre M. [T] et la majorité du management de la société 1913 est rompue. La société fait enfin valoir que les faits justifiaient un licenciement pour faute grave de M. [T] mais qu'en raison de son ancienneté et des services rendus antérieurement, elle a opté pour un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.

En l'espèce, l'employeur a retenu trois griefs à l'encontre de M. [T] :

- des comportements colériques inadaptés et vexatoires ;

- des plaisanteries de mauvais goût stigmatisantes ;

- un traitement inéquitable entre les collaborateurs ;

Sur la prescription des faits

Il résulte de l'article L. 1332-4 du code du travail qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il résulte des éléments produits par l'employeur que :

- le courriel de saisine de l'employeur par le délégué du personnel est daté du 9 mars 2016 et le compte rendu d'enquête interne du 11 avril 2016;

- préalablement à ce courriel, la direction avait été destinataire le 1er novembre 2015 d'un courriel anonyme sur la base duquel une mise au point avait été faite avec M. [T] en janvier 2016;

- si la lettre de licenciement précise que M. [T] avait été mis en garde sur ses pratiques managériales à la suite du courriel anonyme, ce courriel est rédigé en des termes trop généraux pour conclure que l'employeur avait, dès janvier 2016, une connaissance précise des faits sur lesquels reposent les griefs retenus dans la lettre de licenciement.

De plus, s'agissant des comportements colériques inadaptés et vexatoires, l'employeur se réfère notamment à une réunion du 3 mars 2016 et à un comité de pilotage de novembre 2015 donc à des événements postérieurs au courriel du 1er novembre 2015. S'agissant des plaisanteries de mauvais goût stigmatisantes, l'employeur justifie qu'il n'avait pas connaissance des faits qui concernent une personne déterminée avant le message d'alerte du délégué du personnel et l'enquête interne. S'agissant du traitement inéquitable entre les collaborateurs, l'employeur, qui se réfère à l'octroi de primes exceptionnelles à trois salariées de la société Azeide Groupe et à une salariée de la société 1913, justifie encore qu'il n'a pas eu connaissance de ces faits avant le message d'alerte du délégué du personnel et l'enquête interne.

Par conséquent, lorsque la société convoque M. [T] à un entretien préalable le 12 avril 2016, les faits sur lesquels les trois griefs sont fondés n'étaient pas prescrits au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail.

Enfin, si un délai de plus de deux mois s'est effectivement écoulé entre la découverte des achats de mobilier litigieux et la convocation à l'entretien préalable, l'employeur ne les invoque qu'en sus des faits révélés à l'issue de l'enquête interne.

Sur le caractère infondé

Il n'est pas nécessaire de préciser la date des faits dans la lettre de licenciement. Néanmoins, la cour relève que, pour le premier grief, la date de deux réunions y est expressément indiquée et que les trois griefs sont énoncés en des termes suffisamment précis pour être matériellement vérifiables.

Les entretiens de M. [T] avec M. [L] et M. [I] en janvier 2016 s'apparentent à des mises au point mais aucun fait n'a donné lieu à une sanction disciplinaire.

A l'appui des griefs retenus à l'encontre de M. [T], la société verse aux débats le courriel de M. [Z] [P], délégué du personnel, à M. [S] [L] en date du 9 mars 2016 accompagnés de courriels adressés à M. [P] depuis la messagerie électronique de M. [A] [U], M. [H] [F], M. [Y] [M] et M. [C] [K] [HR], tous collaborateurs de M. [T]. Elle verse également aux débats le compte-rendu de l'enquête interne menée par M. [L] et M. [P] du 16 au 30 mars 2016 au cours de laquelle seize collaborateurs ' douze de la société 1913 et quatre de la société Azeide Groupe ont été entendus. M. [U], M. [M] et M. [K] [HR] ont été auditionnés dans le cadre de cette enquête dont les conclusions sont les suivantes :

- il règne un climat social « délétère » au sein de la société 1913 qui a vu, depuis un an et demi, un nombre de départs à l'initiative des salariés anormalement élevé au regard de l'effectif de l'entreprise ;

- des comportements colériques à caractère humiliant de la part de M. [T] à maintes reprises notamment lors d'une réunion des managers le 3 mars 2016 et lors d'un comité de pilotage en novembre 2015 (attitude inappropriée se manifestant par une colère excessive dans un contexte professionnel et propos agressifs) ;

- des plaisanteries de mauvais goût de la part de M. [T] pouvant être interprétées comme des propos antisémites et particulièrement mal vécues par le salarié concerné (M. [E] [LM]) ;

- un manque de discernement et un traitement inéquitable lors de l'attribution de primes exceptionnelles à quatre collaboratrices de la société Azeide Groupe, sans concertation avec le service des ressources humaines ;

- concernant la confiance managériale : le lien entre M. [T] et la majorité du management de la société 1913 est rompu, ce qui est préjudiciable au bon fonctionnement de la société.

Ces conclusions sont dressées sur la base des comptes rendus d'entretien qui sont annexés. Toutefois, la cour relève qu'aucun des comptes rendus d'entretien n'est signé par le salarié auditionné et qu'aucune attestation émanant des salariés auditionnés n'est produite de sorte qu'aucun de ces salariés n'a officiellement endossé la responsabilité des propos qui lui sont attribués. La cour relève encore que les courriels joints à celui de M. [P] le 9 mars 2016 ne permettent pas de s'assurer de l'identité des personnes qui les ont écrits.

De son côté, M. [T] verse aux débats une attestation de Mme [J] [MK] qui figure sur l'organigramme de la société 1913 comme travaillant sous la responsabilité de M. [E] [LM]. Il ressort de cette attestation que Mme [MK] est salariée de la société 1913 depuis 2011 et qu'elle a intégré l'équipe de direction le 1er juin 2013 en tant que manager de l'équipe commerciale sédentaire sous la présidence de M. [X] [G]. Mme [MK] explique que le rachat de la société 1913 par la société Bouygues Telecom a été très mal vécu par un groupe de salariés emmené par Mme [ZW] [V], responsable ressources humaines, et dont faisait partie M. [O] [N], M. [W] [R], M. [Z] [P] et M. [Y] [M] ; que leur objectif était d'instaurer un mauvais climat social et de « faire sauter » le nouveau président (M. [T]). Elle ajoute :

« Malgré l'implication et la bonne volonté de [D] [T] qui s'attelait à satisfaire les salariés via diverses actions (') [ZW] [V] a continué à démotiver les salariés. Chaque membre de mon équipe a démissionné.

Cet acharnement a dépassé les frontières de 1913 [Localité 6] lorsque [Z] [P] alors nommé délégué du personnel a débuté une action de lobbing auprès des autres agences pour constituer un dossier contre [D] [T]. (')

De nature positive et étant contre l'injustice je suis restée concentrée sur mes objectifs ce qui a fortement déplu à [ZW] [V] et son équipe.

Quelques instants après que [S] [L] nous a annoncé le licenciement de [D] [T], le clan réfractaire a fait le tour des bureaux de 1913 [Localité 6] pour nous proposer d'aller boire un verre tout sourire pour fêter le licenciement de [D] [T]. »

Il ressort de l'examen de l'ensemble de ces éléments que les trois griefs retenus par l'employeur ne sont pas établis par des éléments suffisamment probants et que le doute doit donc profiter à M. [T].

Par conséquent, le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les conséquences du licenciement

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [T] expose qu'il est indemnisé par Pôle emploi depuis mars 2017 après un différé d'indemnisation de sept mois et demi et écrit qu'il « n'a à ce jour aucun emploi et aucune piste sérieuse à court terme ». Il fait valoir qu'il n'a pas retrouvé d'emploi à la suite de son licenciement et que ses tentatives pour racheter une société ont échoué.

Il justifie de la délivrance le 29 août 2019 d'un certificat de qualification professionnelle de l'industrie hôtelière « commis de cuisine » au terme d'une formation qu'il a lui-même financée en lien avec son projet de rachat de société.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 53 ans - de son ancienneté - 18 ans - de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il sera alloué à M. [T], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 138 672 euros, suffisant à réparer son entier préjudice.

Sur l'indemnité pour licenciement irrégulier

A l'appui de sa demande d'indemnité pour licenciement irrégulier, M. [T] soutient que la décision de le licencier avait été prise avant de le convoquer à un entretien préalable. Il en veut pour preuve que M. [I] avait des difficultés lors de cet entretien à lui expliquer les griefs allégués et qu'il s'attachait à lire ce qui apparaissait comme une lettre de licenciement d'ores et déjà rédigée.

Ce à quoi la société réplique que la procédure de licenciement est régulière et que M. [T] se borne à multiplier les demandes de manière factice.

En l'espèce, M. [T] ne rapporte pas la preuve de ce qu'il allègue et la cour relève que la convocation à l'entretien préalable mentionnait un entretien préalable pouvant aller jusqu'à une éventuelle rupture du contrat de travail pour faute grave de sorte qu'aucun élément de la cause ne permet de conclure qu'à ce stade-là, l'employeur avait déjà pris la décision de licencier M. [T] pour cause réelle et sérieuse.

De plus, comme M. [T] le fait lui-même observer, une telle irrégularité si elle avait été établie, aurait privé le licenciement de cause réelle et sérieuse. Contrairement à ce qu'il soutient ensuite, elle ne lui aurait pas ouvert le droit de percevoir une indemnité distincte de celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. A cet égard, l'indemnité prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail pour sanctionner une irrégularité intervenue en cours de procédure n'est pas cumulable avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conséquent, M. [T] sera débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement irrégulier et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

La société devra remettre à M. [T] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

Bien que M. [T] ait sollicité l'infirmation de tous les chefs du jugement, il n'a pas présenté de demande au titre de la mise à pied abusive et du détournement de procédure. La société a sollicité la confirmation du chef du jugement qui a débouté M. [T] de cette demande. Par conséquent, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande au titre de la mise à pied.

* sur les dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

M. [T] soutient qu'il a fait l'objet d'une mesure brutale et expéditive après de nombreuses années de service et sans aucun antécédent disciplinaire. Il estime qu'il a fait l'objet d'une enquête à charge sans en être informé et sans être entendu sur les propos colportés sur lui et que la lettre de licenciement met en cause sa dignité et sa probité.

Ce à quoi la société réplique que plusieurs mois avant le licenciement, elle avait demandé à M. [T] de modifier son comportement et qu'elle a mûrement réfléchi la décision de le licencier à l'issue de l'enquête. Elle récuse donc les termes « brutal et vexatoire » et rappelle que M. [T] a été rémunéré pendant la mise à pied à titre conservatoire.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient M. [T], il ressort des conclusions de l'enquête interne signée par M. [L] et M. [P] qu'il a été entendu. Or, M. [T] ne produit aucun élément de nature à contredire utilement cette information. De plus, la décision n'a pas été prise précipitamment puisque l'employeur a attendu les conclusions de l'enquête pour convoquer M. [T] à un entretien préalable.

Dès lors, M. [T] ne démontre pas que son licenciement est intervenu de manière brutale et vexatoire. Il sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour préjudice de carrière

M. [T] soutient que son licenciement a porté un coup d'arrêt à sa carrière et que son âge est un handicap sur le marché du travail pour retrouver un emploi, notamment dans le secteur d'activité des télécommunications. Il reproche également à la société d'avoir donné de lui une image polémique et dégradée lors des prises de renseignements et de références professionnelles. Il souligne enfin l'impact de sa situation sur son droit à pension de retraite et estime cette perte à 300 euros par mois pendant 22 ans.

Ce à quoi la société réplique que M. [T] reprend toujours les mêmes « items » : son âge, son ancienneté ; qu'il ne produit aucun élément sur sa situation et qu'il se garde de préciser qu'il a débuté une activité immobilière.

La cour a pris en compte de nombreux éléments pour la fixation de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont l'âge de M. [T] et son incidence sur la recherche d'un emploi et sa situation. La cour observe que M. [T] allègue mais ne rapporte pas la preuve que la société a donné de lui une image polémique et dégradée auprès d'éventuels recruteurs. Par conséquent, M. [T] ne rapporte pas la preuve que son licenciement lui a causé un préjudice distinct de celui qui a d'ores et déjà été réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [T] sera donc débouté de sa demande et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société Bouygues Telecom de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [T] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société Bouygues Telecom sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel de sorte que la décision des premiers juges sur les dépens sera infirmée.

La société Bouygues Telecom sera également condamnée à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La décision des premiers juges sur les frais irrépétibles sera infirmée en ce qu'elle a laissé à chacune des parties la charge de ses frais.

Enfin, la société Bouygues Telecom sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce que M. [D] [T] a été débouté de ses demandes de nullité du licenciement, d'indemnité pour licenciement nul, au titre de la mise à pied abusive et du détournement de procédure, d'indemnité pour licenciement irrégulier, de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et pour préjudice de carrière ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [D] [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Bouygues Telecom à payer à M. [D] [T] la somme de 138 672 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne à la société Bouygues Telecom de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [D] [T] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités ;

Condamne la société Bouygues Telecom à payer à M. [D] [T] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Bouygues Telecom aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04660
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.04660 ?
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