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11/05/2023 | FRANCE | N°20/00022

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 11 mai 2023, 20/00022


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 11 MAI 2023



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00022 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBF6H



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06860





APPELANT



Monsieur [D] [U]

[Adresse 4]

[Adres

se 4]

Représenté par Me Helyett LE NABOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : D0525







INTIMEE



SAS GUESS FRANCE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en ce...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 11 MAI 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00022 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBF6H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06860

APPELANT

Monsieur [D] [U]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Helyett LE NABOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : D0525

INTIMEE

SAS GUESS FRANCE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS Présidente de la chambre

Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [D] [U] a été engagé par la société par actions simplifiée (SAS) Guess, qui exerce une activité de vente de prêt-à-porter masculin et féminin et accessoires, suivant contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2011, en qualité de Responsable Régional Outlet, au statut Cadre C1 de la convention collective nationale des Maisons à succursales de vente au détail de l'habillement.

Le 1er mars 2014, le salarié a été promu aux fonctions de Directeur Retail, au statut de Cadre dirigeant, Catégorie C, position II.

Dans le dernier état des relations contractuelles, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 7 916,66 euros, à laquelle s'ajoutait une prime d'ancienneté de 89,45 euros.

Le 26 mars 2018, M. [D] [U] a été convoqué à une entretien préalable fixé au 13 avril suivant. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le 24 avril 2018, le salarié s'est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

"Nous avons déjà eu malheureusement des écarts de comportement à déplorer de votre part, mais nous avons été récemment alertés par plusieurs membres de l'équipe Retail (Districts Managers, Responsables de Magasin, Visual Merchandiser) concernant votre attitude vis-à-vis des équipes magasin que l'on peut qualifier de pression excessive, de manque de respect, de propos dégradants s'avérant très proche de harcèlement moral, voire sexuel.

En effet, devant la pression excessive que vous mettez depuis quelques mois sur vos équipes, plusieurs personnes sont venues nous exposer le mal-être qui règne au sein de la Division Retail et au sein des magasins. Monsieur [A] [H] et moi-même étant à l'écoute, plusieurs personnes, qui jusque-là n'osaient rien dire, sont venus nous trouver pour nous exposer la situation.

Tout d'abord, il s'avère que vous avez très souvent la tentation d'inviter à dîner, ou prendre un café, ou encore aller à une exposition, un certain nombre de vos collaboratrices à qui vous faites des sous-entendus, voire directement des propositions. Il s'avère que si aucune suite n'est donnée à vos propositions, la personne concernée voit sa situation au sein de GUESS se durcir et se dégrader.

Le 21 mars 2016, nous vous avions déjà alerté sur cette situation en vous adressant un avertissement suite à l'attitude déplacée que vous aviez eue à l'encontre de Mme [G] [K].

Dans ce courrier, nous vous demandions instamment de stopper immédiatement ce type de pratique et vous précision qu'étant dans une entreprise dont l'effectif est majoritairement composé de jeunes et belles femmes, une telle attitude ne pouvait que porter à confusion et semer le trouble.

Nous vous demandions donc à l'avenir de ne plus procéder à de tels dîners, voire déjeuners, en tête-à-tête et sans la présence, au minimum, de la Directrice Régionale encadrant la personne que vous invitez.

Or, force est de constater que vous n'avez absolument pas stoppé cette pratique mais que vous êtes coutumier du fait car le scénario dont Mme [G] [K] s'est plainte n'a pas manqué de se reproduire, notamment avec Mme [Z] [X].

Mme [Z] [X] nous a en effet confié que durant l'été 2017, alors que son magasin vous était directement rattaché, suite au départ de Mme [O] [I], vous lui rendiez visite très souvent et l'appeliez 2 à 3 fois par semaine. Lors d'un déjeuner avec elle au mois de juin, elle vous a fait part de sa motivation et vous lui avez confié la gestion, en parallèle du magasin de [Adresse 18], du magasin de la [Adresse 16].

Mme [Z] [X] dans un mail qu'elle a adressé à la direction a déclaré :

« Lors d'un déjeuner, [D] m'a proposé de se voir un soir et d'aller voir une expo, me demandant si je sortais le soir et mes disponibilités. J'ai dit non tout de suite en disant que je n'étais pas disponible, j'étais très gênée car je ne savais pas comment faire pour l'éviter et si cela pouvait avoir des répercussions sur mon avenir dans mon évolution professionnelle d'autant qu'il me regardait souvent d'une manière étrange en me complimentant de façon insistante sur mon physique.

Suite à cela et un mauvais résultat d'inventaire, votre attitude vis-à-vis de Mme [Z] [X] a changé littéralement et sa situation est devenue insupportable à tel point qu'elle a commencé à chercher du travail pour quitter l'entreprise bien qu'elle soit très investie dans sa mission et qu'elle aime travailler pour Guess.

Elle ajoute : « Au mois de septembre nous avons eu un mauvais résultat d'inventaire sur Saint-Lazare. C'est au même moment qu'il a positionné [E] à reprendre son réseau parisien. Cette période a juste été horrible pour moi, j'ai perdu beaucoup de poids et confiance en moi. Tout a changé au fil de ces mois, du jour au lendemain je n'ai plus eu à faire à la même personne'

Je me suis retrouvée dans un état méconnaissable je venais au travail à reculons et je souhaitais quitter la société à tout prix et au plus vite car je ne comprenais pas comment de tels actes et un tel comportement pouvait se produire impunément. Tout cela a été une source de motivation extrême j'avais l'impression d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête en permanence.

Nous vous rappelons que les faits de harcèlement sexuel sont interdits par la loi tel

que le stipule le règlement intérieur. (...)

Il s'avère, en effet que depuis quelques temps, vous entretenez une relation intime avec

Mme [R] [B], qui occupe le poste de Merchant et vous est directement rattachée.

Si votre vie privée ne nous regarde pas, nous ne pouvons tolérer que perdure une telle situation lorsqu'elle rejaillit sur la santé physique et mentale des collaborateurs.

En effet, plusieurs membres des équipes Retail sont venus nous trouver afin de nous faire part de leur mal-être, des tensions que génère cette situation et de la perte d'efficacité dans les prises de décision et le pilotage des opérations retail.

Il nous a été reporté que depuis que vous entretenez cette relation avec Mme [R] [B], vous passez la majeure partie de votre temps avec elle et ne communiquez plus avec vos équipes si ce n'est par des messages « WhatsApp » dont vous faites une utilisation abusive avec des messages souvent adressés tard le soir, ce qui renforce la pression mise sur vos équipes.

A noter que nous n'avions pas manqué de vous alerter sur l'utilisation excessive de WhatsApp, notamment lors du dernier meeting retail car plusieurs personnes étaient venues se plaindre de vos messages répétés et directifs, du type « Merci de contrôler les games plan. Tous les districts sont concernés. Ce n'est pas mon job mais le vôtre !"

La plupart des décisions concernant les opérations retail, sont prises majoritairement par vous et Mme [R] [B], sans que les Responsables Régionaux, l'équipe Visual Merchandising ou la personne en charge des opérations retail ne soient impliqués.

Afin de passer du temps avec Mme [R] [B], vous ne manquez pas de l'impliquer dans de multiples sujets n'ayant pas de lien direct avec sa fonction, ou bien s'il y a un lien, sans impliquer les personnes en lien avec cette activité.

De plus, l'importance et le positionnement que vous attribuez à Mme [R] [B] fait que cette dernière se sent investie d'un pouvoir qui rend son attitude vis-à-vis des équipes retail insupportable et qu'elle est impliquée sur de nombreux sujets ou donne son avis sur de nombreux sujets qui ne la regardent pas tels que :

- L'expansion en accompagnant dans des villes où GUESS n'est pas implanté afin de

rechercher ou évaluer des emplacements de magasin

- Les Ressources Humaines en donnant son avis sur les équipes, sur des décisions de

promotion, voire de sanction

- Les programmes de formation sans consulter la Direction des Ressources Humaines

- La supervision des opérations Retail en court-circuitant les Responsables de Région et la personne en charge des opérations Retail.

Nous avons même constaté que Mme [R] [B] rédigeait des messages pour vous et qu'elle effectuait une partie de votre travail ! A titre d'exemple, vous avez fait parvenir un message à vos équipes en date du 15 mars en faisant un « copier-coller » du message préparé par Mme [R] [B] et en oubliant d'ôter sa signature !

De plus sur ce message, vous indiquiez, sur la suggestion de Mme [R] [B], un besoin de [Localité 3] pièces pour l'ouverture du prochain Outlet de [Localité 21], là où [Localité 2] pièces étaient largement suffisantes. Vous avez donnée cette indication sans conculter la Responsable Régionale en charge de cette ouverture, Madame [E] [M], et avez communiqué une information totalement erronée

Où est votre crédibilité en tant que Directeur Retail avec une telle attitude lorsque de plus toutes vos équipes sont au courant de votre relation avec cette Mme [R] [B] '.

Le positionnement que vous attribuez à Mme [R] [B] ne correspond absolument pas à ce que nous attendons d'un Merchant, et la situation est d'autant plus préoccupante que son attitude vis-à-vis des équipes est hautaine, directive et dans certains cas humiliante.

A titre d'exemple, il nous a été reporté que lors d'une visite sur le magasin de [Localité 14], vous aviez demandé au Responsable de Magasin, Monsieur [S] [J] de prendre la mission de Référent Visual Merchandising à plein temps, alors qu'il était question au départ de le faire que 3 jours par semaine. Lors de votre échange avec lui, Mme [R] [B] s'est insérée dans la conversation et lui a déclaré : « si tu ne fais pas ce que l'on te dit, tu seras viré ».

Après votre visite, ce Responsable de Magasin était dans tous ses états et dans une situation de stress insupportable.

Fin novembre 2017, l'une de vos visites avec Mme [R] [B] sur le magasin de [Localité 19] avait entraîné un arrêt de travail du Responsable, Monsieur [Y] [F], de plus d'un mois, car il s'était senti traité comme un moins que rien.

Vos collaborateurs directs nous ont alertés sur la situation des équipes Retail en magasin qui subissent une pression aliénante, un niveau d'exigence démesuré, un manque de tact, d'exemplarité, de respect et de concertation. Vous agissez par ordres et contre ordres et déformez les consignes Corporate en amplifiant le niveau d'exigence.

Au moment de la 2e démarque des soldes d'hiver, la Responsable du Magasin de [Localité 10] nous avait contactés en pleurs ne sachant pas comment gérer la situation lorsque vous lui aviez demandé de traiter 120 colis la veille pour le lendemain ». (...)

« De plus, lorsque nous avons procédé à la vérification des faits qui nous ont été

communiqués, nous avons en effet pu constater que vous étiez la plupart des jours de la semaine en tournée magasin avec Mme [R] [B].

Si sa fonction exige qu'elle soit présente en magasin afin d'analyser les ventes et les rotations de produits, elle ne justifie en aucun cas qu'elle soit en permanence hors de son bureau en tournée avec vous.

Nous avons découvert que cette situation entraîne des coûts de déplacements excessifs et non conformes avec la politique de voyage de GUESS Europe.

Vous avez profité de l'arrivée de M. [A] [H], Responsable de Pays, qui vous a au départ donné toute sa confiance et n'avait pas connaissance de vos agissements. Ce dernier ne regardant pas vos notes de frais dans le moindre détail ne s'est pas rendu compte de vos dépenses excessives.

Or, lorsque le détail a été demandé aux services comptables, nous avons constaté que vous aviez largement abusé de cette confiance et aviez bien profité de la situation. Vos frais sur la période de de mars 2017 à mars 2018 s'élèvent à 15.961 €.

En étudiant de plus près vos notes de frais, nous avons constaté des déplacements absolument pas justifiés, toujours en compagnie de Mme [R] [B], dans certaines villes où nous n'avons pas de magasin, et de plus non validés au préalable par M. [A] [H], votre manager, tels que :

- Un séjour à [Localité 17] les 14 et 15 août 2017 en Hôtel SPA,

- Un séjour à l'hôtel Vichy Termalia Juvignac Spa Hôtel le 16 août 2017

- Un séjour au Novotel de [Localité 12] le 22 septembre 2017 avec prestation room service pour 2 personnes,

- Un déplacement à [Localité 8] du 9 au 11 novembre 2018 où vous étiez sensé être présent en magasin afin de superviser et aider les équipes pour l'ouverture du magasin. Il s'avère que vous êtes resté au magasin la seule matinée du vendredi, avez séjourné à l'Hôtel « Pomme d'Amour » le vendredi soir en compagnie de Mme [R] [B]. Les équipes certifient ne pas vous avoir vu au magasin le samedi de toute la journée et avoir fait tout le travail sans votre support !

- Un déplacement à [Localité 5] (Belgique) les 19 et 20 décembre 2017 où vous avez séjourné à l'hôtel, alors que vous n'avez rien à faire en Belgique,

- Un dîner et une nuit d'hôtel à [Localité 20] du 9 au 10 janvier alors que vous auriez pu rentrer sur [Localité 13]

Sans compter les nombreux déjeuners et dîners au restaurant non justifiés, toujours en compagnie de Mme [R] [B]. Pour ne citer que quelques exemples :

- Un dîner à [Localité 11] au Clos St Basile le dimanche 13 août 2017,

- Un dîner au Restaurant Dantes à [Localité 9] le 15 août 2017

- Un dîner au restaurant Le Carre Mer à [Localité 22]

De plus, nous avons constaté que vous faisiez supporter par l'entreprise des déjeuners dans [Localité 13] alors que vous bénéficiez d'une carte de paiement Chèque Déjeuner.

Aussi, vous n'hésitez pas à faire payer par l'entreprise un taxi le 13 octobre à 2h38 du matin depuis le domicile de Mme [R] [B] ([Localité 23]) à votre domicile !

Le 12 mars, ayant découvert ces frais excessifs, Monsieur [A] [H] vous a demandé de stopper immédiatement vos déplacements en compagnie de Mme [R] [B].

Or, contre toute attente, vous avez continué cette pratique allant contre les directives de votre hiérarchie puisque vous vous êtes rendu avec elle :

- Le 13 mars 2018 à [Localité 6] suivi d'un déjeuner à [Localité 15]

- Le 13 mars 2018 au soir à [Localité 7] à l'Hôtel Pomme d'Amour alors que ce déplacement n'était pas justifié

- Le 15 mars 2018 à [Localité 9] où c'est Mme [R] [B] qui a payé la note de restaurant sans doute pour que cela n'apparaisse pas dans vos frais.

Force est de constater que vous avez largement profité de la situation pour passer du temps en compagnie de Mme [R] [B] et générer des dépenses alors que nous sommes en situation de recherches d'économie compte tenu des résultats de l'entreprise qui sont en dessous des prévisions budgétaires et du n-1.

Toujours dans le registre des dépenses excessives, nous avons constaté des dépenses en matière de sécurité non justifiées. En interrogeant les équipes, celles-ci nous ont indiqué que les deux sociétés que vous avez missionnées pour la surveillance de vos magasins et pour des prestations diverses appartiennent à un certain dénommé « Charlie » qui est l'une de vos connaissances (Société PRO CONCEPT et MH4).

A titre indicatif, voici l'évolution des dépenses de sécurité au cours des quatre

dernières années :

En 2014 et 2015, le même type de prestations était réalisé par la société SGSP pour un montant annuel maximum de 150.000 €. Le taux de mise à disposition des agents de sécurité avec cette société était de 1,97%.

En 2016, le montant des dépenses de sécurité avec la société PRO CONCEPT s'est élevé à 264.443 €.

En 2017 le montant des dépenses de sécurité avec la société PRO CONCEPT s'est élevé à 477.545 €.

Le taux de mise à disposition des agents de sécurité avec cette société est de 2,24%.

En 2017, le montant des prestations confiées à la société MH4 s'est élevé à 152.107€

Soit un total pour ces deux sociétés sur toute l'année 2017 de : 629.652 € !

Lorsque M. [A] [H] a consulté vos équipes pour avoir un retour sur les prestations de ces deux sociétés, il s'est avéré d'une part que la couverture en agents de sécurité était démesurée et d'autre part que la prestation était loin d'être satisfaisante. A noter que vos équipes se sont souvent plaintes des prestations de ces deux sociétés et vous ont demandé de changer de prestataire, ce que vous n'avez jamais envisagé de faire.

Depuis votre mise à pied, nous avons estimé, avec vos équipes le besoin réel en agents de sécurité et il s'avère que nous pouvons largement diminuer cette dépense.

Force est de constater que vous avez engagé des coûts excessifs pour l'entreprise en privilégiant les deux sociétés de l'une de vos connaissances.

En dernier lieu, nous souhaitons ajouter que vous avez abusé de la confiance de Monsieur [A] [H] en pensant qu'il ne découvrirait pas vos pratiques inacceptables mais en plus vous lui avez manqué de respect. En effet, il nous a été reporté que vous parliez de lui à vos équipes dans des termes irrespectueux, à savoir « Mon petit rat » ou « Mon petit [H] » en expliquant qu'avec lui vous aviez les pleins pouvoirs.

Vous n'avez absolument pas pris la mesure de vos actes pensant que tout vous était permis et avez outrepassé votre fonction.

Votre savoir-être et votre savoir-faire sont en totale inadéquation d'une part, avec les valeurs de l'entreprise et ce que nous sommes en mesure d'attendre d'un Directeur Retail et d'autre part, représentent un manquement grave à vos obligations contractuelles ».

Le 17 septembre 2018, M. [D] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour contester son licenciement et solliciter des dommages-intérêts pour préjudice moral, défaut d'information sur la priorité de réembauchage et une contribution pour non-proposition du Contrat de Sécurisation Professionnelle. Il demandait aussi des rappels de salaire pour heures supplémentaires, une indemnité au titre du repos compensateur et du travail dissimulé, des rappels de rémunération variable, des dommages-intérêts pour perte de chance de lever des stock options et en réparation d'un préjudice lié à l'achat d'une voiture.

Le 25 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Paris, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :

- fixe le salaire mensuel de M. [D] [U] à 8 077,47 euros

- fait droit à la demande de rappel sur la rémunération variable de M. [D] [U] à hauteur de 73 915 euros

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation jusqu'au jour du paiement

Rappelle qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, cette condamnation est exécutoire de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 8 077,47 euros

- condamne la SAS Guess France à payer la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- déboute M. [D] [U] du surplus de ses demandes

- déboute la SAS Guess France de sa demande reconventionnelle

- condamne la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 20 décembre 2019, M. [D] [U] a relevé appel du jugement de première instance dont il a reçu notification à une date non déterminable.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 17 mars 2020, aux termes desquelles

M. [D] [U] demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement rendu le 25 septembre 2019 en ce qu'il a :

" - condamné la SAS Guess France à verser à Monsieur [D] [U] la somme de

73 915 euros au titre de la rémunération variable au titre des années 2015 à 2017"

- infirmer le jugement rendu le 25 septembre 2019 en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [D] [U] du surplus de ses demandes"

Et statuant à nouveau de :

- fixer la moyenne des salaires mensuels de Monsieur [D] [U] à la somme de

8 927,55 euros

- condamner en conséquence la société Guess France à lui verser les sommes suivantes :

* 62 492,85 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 15 404,10 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

* 24 018,33 euros au titre de son préavis

* 2 401,83 euros au titre des congés payés y afférents

* 7 759,54 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire injustifiée (du 26 mars au 24 avril 2018)

* 775,95 euros au titre des congés payés y afférents

* 17 855,10 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié aux conditions de la rupture

* 17 855,10 euros au titre de la contribution pour non-proposition du Contrat de Sécurisation Professionnelle

* 8 927,55 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information sur la priorité de réembauche

* 89 028,04 euros à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées

* 8 902,80 euros au titre des congés payés y afférents

* 42 729,67 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos

* 4 272,97 euros au titre des congés payés y afférents

* 68 634,17 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

* 73 915 euros au titre de sa rémunération variable due au titre des années 2015, 2016 et 2017

* 7 391,50 euros au titre des congés payés y afférents

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts liés à la perte de chance de lever les stock options attribuées

* 8 927,55 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice lié à l'achat d'une voiture

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

- dire que les demandes de Monsieur [U] porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation à l'audience de conciliation et d'orientation, valant mise en demeure de payer, et capitalisation des intérêts échus depuis une année

- procéder à la communication du jugement à intervenir à Monsieur le Procureur de la République, en application de l'article 40 du code de procédure pénale.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 15 juin 2020, aux termes desquelles la SAS Guess France demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement rendu le 25 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Paris dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel sur rémunération variable et à celle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et a rejeté la demande reconventionnelle de la société Guess France

- infirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné la société Guess France à payer à Monsieur [D] [U] les sommes de 73 915 euros avec intérêt au taux légal, à titre de rappel sur rémunération variable et de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau,

- débouter Monsieur [D] [U] de ses demandes à titre de rappel sur rémunération

variable et d'article 700 du code de procédure civile

- de manière générale, débouter Monsieur [D] [U] de toutes ses demandes, fins et

conclusions

Ajoutant,

- condamner Monsieur [D] [U] à payer à la société Guess France la somme de

10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- le condamner aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Edmond

Fromantin, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur la demande de rappel de rémunération variable pour les années 2015, 2016 et 2017

M. [D] [U] indique que l'article 2 de l'avenant du 1er mars 2014 à son contrat de travail stipulait, qu'en sus de sa rémunération fixe, il bénéficiait "d'une rémunération variable égale à 30 % de votre rémunération de base annuelle à objectifs atteints, dont les conditions et modalités seront définies par lettre d'objectifs séparée conformément aux directives de notre Groupe Europe et dès validation des budgets FY 2014/2015".

Sans qu'aucun objectif ne lui ait été communiqué, le salarié a perçu :

- en avril 2016, une somme de 5 000 euros, alors qu'il aurait dû percevoir 26 640 au titre des 30 % de sa rémunération annuelle [(7 400 x12) x 30 %]

- en avril 2017, une somme de 4 000 euros, alors qu'il aurait dû percevoir 28 345 au titre des 30 % de sa rémunération annuelle [(7 916,66 x12) x 30 %]

- en avril 2018 il n'a touché aucune somme, alors qu'il aurait dû percevoir 27 930 au titre des 30 % de sa rémunération annuelle [(7 916,66 x12) x 30 % x 0,98]

En conséquence, l'appelant sollicite une somme totale de 73 915 euros à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2015, 2016 et 2017.

L'employeur soutient que M. [D] [U] n'aurait pas atteint ses objectifs pour les années concernées, ce qui justifie qu'il n'ait pas perçu l'intégralité des 30 % de sa rémunération annuelle.

Mais, à défaut pour l'employeur d'établir, d'une quelconque manière, la non-atteinte par le salarié de ses objectifs au titre des années concernées et même la notification au salarié d'objectifs pour lesdites années, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de primes variables formée par le salarié.

2/ Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3174- 1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci.

M. [D] [U] prétend que, contrairement à ce qui était mentionné dans son contrat de travail, il ne bénéficiait que fictivement du statut de cadre dirigeant puisque toute son activité était contrôlée par son supérieur hiérarchique M. [H]. Ainsi, il devait transmettre son planning tous les lundis à son supérieur. En outre, ce dernier lui donnait des consignes s'agissant de l'organisation de son travail et de son emploi du temps.

Le salarié appelant affirme qu'il effectuait, a minima, les horaires de travail suivant : du lundi au vendredi de 9 heures à 19 heures, avec en moyenne une heure de pause déjeuner, autrement dit 9 heures par jour, soit 45 heures par semaine, ce qui lui permet de considérer qu'il effectuait 10 heures supplémentaires par semaine pour lesquelles il demande une indemnisation sur les trois dernières années de travail pour un montant total de 89 028,04 euros, outre 8 902,80 euros, au titre des congés payés afférents.

L'employeur répond que M. [D] [U] disposait bien, contractuellement et dans les faits, d'un statut de cadre dirigeant qui s'oppose à toute revendication en termes de temps de travail. Il rappelle, à cet égard, qu'en sa qualité de Directeur retail, l'appelant était totalement indépendant dans l'organisation de son emploi du temps, tout comme il était autonome dans les prises de décision liées à ses fonctions et qu'il bénéficiait d'un haut niveau de rémunération. Il est ajouté que le simple fait de transmettre son planning le lundi à un supérieur hiérarchique est insuffisant à exclure la qualification de cadre dirigeant.

L'employeur affirme, aussi, que le salarié procède par voie d'allégations concernant les heures de travail qu'il effectuait.

La cour rappelle que selon l'article L. 3111-2 du code du travail : "Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement". Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des II et III du code du travail sur les durées légales de travail.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que M. [D] [U] disposait d'une grande autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et de ses déplacements et la simple communication à son N+1 de son planning, pour qu'il soit informé des lieux où il se trouvait et, sans qu'il soit justifié que son supérieur hiérarchique pouvait modifier l'organisation de son temps de travail, ne permet pas de considérer que le salarié appelant ne gérait pas son temps en toute indépendance. Le salarié appelant ne conteste pas qu'il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, tant en matière commerciale qu'en matière de gestion des ressources humaines sur son secteur. Enfin, le salarié reconnaît lui-même dans ses écritures qu'il percevait une des rémunérations les plus importantes de la société, puisqu'il estime que c'est même pour cette raison et pour faire des économies que la société l'a licencié à une époque où elle rencontrait des difficultés économiques.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu le statut de cadre dirigeant du salarié, qu'il n'avait d'ailleurs jamais contesté durant la relation contractuelle et qu'il l'ont débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs et du travail dissimulé, ainsi que de sa demande subséquente de mise en oeuvre de l'article 40 du code de procédure pénale.

3/ Sur le licenciement pour faute grave

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.

Aux terme de la lettre de licenciement, il est reproché au salarié :

- un harcèlement sexuel à l'encontre d'une collaboratrice, Mme [Z] [X], qui s'est plainte d'avoir été interrogée sur ses disponibilités et invitée par l'appelant à dîner, seule, en sa compagnie, après qu'il l'eut complimentée à de nombreuses reprises sur son physique. L'intéressée a, en outre, signalé, qu'après son refus de répondre à cette invitation, elle a été victime d'un comportement hostile de la part de l'intéressé au point qu'elle a préféré quitter la société (pièces 3 et 23). L'employeur rapporte que M. [D] [U] avait déjà fait l'objet d'un avertissement notifié, en mars 2016, pour des faits similaires à l'encontre d'une autre salariée

- un harcèlement moral caractérisé par une absence de communication avec ses équipes et une utilisation abusive de WhatsApp ainsi qu'une collaboration problématique avec une salariée, Mme [R] [B], avec laquelle il entretenait une relation intime et qui en profitait pour sortir de son rôle et faire des remarques inappropriées à d'autres salariés (pièce 8). Il lui est, également, reproché une exigence exagérée et une pression sur les équipes en magasin (pièce 10)

- la comptabilisation en frais professionnels de déplacements effectués avec

Mme [R] [B], alors qu'elle n'avait pas à être associée aux tournées du salarié, avec des nuits passées dans des hôtels de charme dans des lieux où la société ne disposait pas de magasin ou des repas au restaurant durant des week-ends et des jours fériés (pièce 11). Il est même noté que le salarié n'a pas hésité à faire prendre en charge par la société une note de taxi, pour un déplacement à 2h38 du matin entre son domicile et celui de Mme [B]

- des dépenses exorbitantes en matière de prestation de sécurité en lien avec le choix du salarié de recourir à deux sociétés dirigées par une de ses relations, sans avoir informé l'employeur de l'existence d'un éventuel conflit d'intérêts (pièce 16)

- un manque de respect à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. [A] [H], dont il aurait parlé en des termes irrespectueux auprès de ses équipes.

M. [D] [U] objecte que les faits de harcèlement sexuel visés dans la lettre de licenciement sont prescrits puisque le comportement inapproprié qui lui est reproché se serait déroulé durant l'été 2017. Il constate, également, que le courriel de la salariée évoquant le comportement de l'appelant, mais surtout son sentiment de déstabilisation à la suite d'un mauvais résultat d'inventaire de son magasin, a été transmis à l'employeur le jour même de la date de notification de son licenciement et postérieurement à sa mise à pied conservatoire. Il affirme ne pas avoir été informé de ce grief lors de son entretien préalable. Il conteste les précédents faits de harcèlement sexuel qui avaient donné lieu à un avertissement en 2016 et considère qu'il ne pouvait y être fait référence dans la lettre de licenciement. Enfin, il s'étonne que face à deux accusations de harcèlement sexuel l'employeur n'ait pas fait le choix de diligenter une enquête interne pour vérifier la réalité de ces accusations.

S'agissant des faits de harcèlement moral, le salarié relève qu'il n'est pas démontré un usage excessif de sa part de WhatsApp, ni un management agressif à l'égard de ses collaborateurs, dont il joint de nombreux courriers louant ses qualités professionnelles. Il observe, également, qu'il ne peut lui être reproché le comportement que Mme [R] [B] a pu avoir avec certains salariés.

Concernant l'engagement de frais professionnels non justifiés, le salarié appelant soutient que, de par ses fonctions de "Merchant", Mme [R] [B] était parfaitement fondée à l'accompagner dans ses tournées, sans que cela n'implique une quelconque proximité entre eux. En outre, il prétend que les hôtels dans lesquels il lui est reproché d'avoir séjourné se trouvaient à proximité de villes où la société Guess avait des magasins. Enfin et surtout,

M. [D] [U] précise que ses notes de frais ont toujours été visées et contrôlées par son supérieur hiérarchique, qui n'a jamais jugé qu'elles étaient sans objet, jusqu'à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

S'agissant de l'augmentation des dépenses de sécurité, l'appelant indique qu'elle s'explique par l'accroissement du nombre de magasins sous l'enseigne Guess en 2016 et 2017 et par la hausse des vols et du risque d'attentat nécessitant un renforcement des dispositifs de sécurité.

En conclusion, le salarié appelant estime que tous les griefs retenus à son encontre sont infondés et que son licenciement n'a été motivé que par des considérations financières et le souci de l'employeur d'économiser un des salaires les plus élevés de la société, à une époque où celle-ci rencontrait des difficultés économiques. M. [D] [U] en donne d'ailleurs pour preuve le fait qu'il n'a pas été remplacé à la suite de son licenciement.

En l'état de ces éléments, la cour retient, à titre liminaire, que les faits de harcèlement sexuel, qui ont été dénoncés verbalement à l'employeur par Mme [Z] [X], avant qu'elle n'adresse un courrier de signalement en avril 2018, n'étaient pas prescrits à la date de l'engagement de la procédure de licenciement. On ne peut pas soupçonner la salariée qui a révélé ces faits de manquer d'objectivité ou d'agir en faveur de l'employeur puisque au moment où elle a alerté la société intimée sur les agissements de

M. [D] [U] elle avait quitté l'entreprise. Enfin, force est de constater que les faits qu'elle dénonce, à savoir des invitations du salarié puis un comportement autoritaire à la suite de son refus, sont en tout point similaires à ceux qui lui avaient valu un avertissement, deux ans plus tôt, dont il n'avait pas contesté judiciairement la légitimité. L'argument du salarié selon lequel ces faits n'auraient pas été évoqués lors de l'entretien préalable au licenciement n'est étayé par aucune pièce et est contesté par l'employeur.

Il est, également, rappelé, qu'en présence de la réitération d'une faute, datant de moins de deux ans, l'employeur est parfaitement fondé à invoquer la sanction antérieure et cette répétition de comportement inacceptable à l'égard des salariées féminines de la société suffit à justifier, à elle seule, le licenciement pour faute grave du salarié. Mais, à ces agissements se sont, également, ajoutés la prise en charge par la société de frais de restauration et de taxi non justifiés par les obligations professionnelles du salarié et le recours à des sociétés de sécurité, dont les prestations étaient onéreuses et qui, en outre, étaient dirigées par un ami du salarié, sans qu'il ait informé sa hiérarchie de ses liens avec ce prestataire.

Enfin, la société Guess justifie qu'elle ne rencontrait pas de difficultés économiques à la date du licenciement de M. [D] [U] susceptibles d'expliquer cette mesure.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement.

Le salarié sera, également, débouté de ses demandes subséquentes en lien avec un détournement allégué de la procédure de licenciement économique, à savoir, une demande de dommages-intérêts au titre de la contribution pour non-proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle et une demande de dommages-intérêts en raison de l'impossibilité de bénéficier de la priorité de réembauche.

4/ Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

M. [D] [U] explique que, le 26 mars 2018, lorsqu'il lui a été notifié sa mise à pied à titre conservatoire, il a été contraint de quitter son emploi "escorté tel un criminel en plein open-space jusqu'à la porte de sortie par deux salariés du service Ressources Humaines, de la société, accusé des pire maux, jetant ainsi le discrédit sur son honneur et sa réputation professionnel".

En réparation du préjudice moral subi, il réclame une somme de 17 855 euros.

Cependant, le salarié ne produit aucune pièce justifiant des faits qu'il allègue et ne démontre pas une quelconque faute de l'employeur alors que les griefs retenus à son encontre et dont il a été reconnu aux points précédents qu'ils étaient fondés pour les plus graves d'entre eux, permettaient à la société intimée de recourir à une mise à pied à titre conservatoire. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.

5/ Sur les dommages-intérêts relatifs à l'achat de la voiture de M. [D] [U]

Le salarié fait valoir que, compte tenu de la mobilité qui était inhérente à ses fonctions, il a acheté, le 20 février 2018, un véhicule automobile pour un montant de 14 000 euros et souscrit une assurance pour un montant de 1 200 euros, alors qu'il s'est vu notifier son licenciement deux mois plus tard. En conséquence, M. [D] [U] sollicite une somme de 9 927,55 euros à titre dommages-intérêts en compensation de cette acquisition qu'il a effectuée pour les besoins de son activité.

A défaut pour le salarié de justifier d'un lien entre l'acquisition d'un véhicule automobile et son activité professionnelle, qu'il a pu accomplir pendant six ans et demi sans disposer de cette voiture, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté de sa demande indemnitaire de ce chef.

6/ Sur les stock options

M. [D] [U] fait valoir qu'il lui a été accordé

- au 2 avril 2015, 1 200 stock options, représentant la somme de 6 456,35 euros

- au 30 mars 2016, 1 300 stock options, représentant la somme de 13 621,91 euros

- au 29 mars 2017, 1 400 stock options, représentant la somme de 21 214,24 euros

- en avril 2018, 1 500 stock options, représentant la somme de 28 179,94 euros

Or, il fait valoir, qu'en raison de son licenciement abusif, il n'a pu lever les options sur les actions qui lui avaient été accordées par l'entreprise. En conséquence, il réclame une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la perte de chance de pouvoir lever les options sur les actions qui lui avaient été octroyées.

Mais dès lors qu'il a été admis au point 3 que le licenciement du salarié n'était pas abusif, M. [D] [U] ne peut qu'être débouté de sa demande au titre des stock options.

7/ Sur les autres demandes

M. [D] [U], qui succombe en ses demandes au titre de la procédure d'appel, supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à la SAS Guess France une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [D] [U] à payer à la SAS Guess France une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne M. [D] [U] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 20/00022
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;20.00022 ?
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