Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 11 MAI 2023
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00006 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBF4O
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° 19/00200
APPELANT
Monsieur [O] [S] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Laurence SOLOVIEFF, avocat au barreau de PARIS, toque : A0007
(Bénéficiaire de l'aide juridictionnelle numéro BAJ 2020/026629)
INTIMEE
CITYLOG S.A.R.L venant aux droits de la S.A.R.L. ARGO (radiée le 28 février 2022)
immatriculée au RCS de CRETEIL sous le n°B418113320
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me David HAURE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS Présidente de la chambre
Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [S] [O] [F] a été engagé par la société à responsabilité limitée (SARL) Etrif, devenue la SARL Argo, suivant contrat à durée déterminée en date du 30 mai 2007, en qualité de rippeur manutentionnaire. Le 28 février 2008, un contrat à durée indéterminée a été signé entre les parties pour un poste de chauffeur livreur.
La SARL Argo créée au mois d'octobre 1993 a pour principale activité le transport routier de fret de proximité et, notamment, celui de journaux et magazines nationaux et locaux.
Elle comprenait trois établissements, dont un établissement dénommé « ETRIF ».
Après la fermeture de l'établissement ETRIF, en septembre 2010, le salarié a continué à exercer ses fonctions au sein de l'établissement principal de la SARL Argo.
En juin 2011, le salarié a demandé le paiement des majorations dues au titre de ses heures de nuit pour le mois de mai 2011, ainsi qu'une indemnisation pour les repos compensateurs. L'employeur a fait droit à cette première demande de régularisation, puis, à une seconde pour les heures de nuit effectuées en mars et avril 2011.
En septembre 2011, avec l'aide d'une organisation syndicale, le salarié a formé les mêmes demandes pour toutes les heures de nuit accomplies depuis son embauche. Il a, également, réclamé le paiement d'heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées à l'occasion de la livraison du journal « le Monde ».
La SARL Argo a procédé aux régularisations des sommes dues au titre des heures de nuit mais a refusé de régler les heures supplémentaires sollicitées par le salarié.
Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 1 796,01 euros.
Par courrier en date du 12 octobre 2012, M. [S] [O] [F] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 23 octobre suivant, puis reporté au 29 octobre. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
Le 5 novembre 2012, le salarié s'est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :
"Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave : en date du 11 octobre 2012, vous avez agressé verbalement et physiquement un préposé de notre client S.P.P.S. Vous avez attrapé cette personne au cou en exerçant un début d'étranglement. Cette conduite met en cause le bon fonctionnement de notre entreprise. Les explications recueillies auprès de vous, au cours de notre entretien du 29 octobre 2012, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave".
Le 30 juin 2014, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, dans sa section Commerce, pour contester son licenciement et solliciter un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et une indemnité pour repos compensateur et travail dissimulé.
Le 8 janvier 2018, l'affaire a été renvoyée devant la formation de départage.
Le 13 décembre 2019, le juge départiteur statuant seul a :
- débouté M. [S] [O] [F] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SARLArgo
- débouté la SARLArgo de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. [S] [O] [F] aux dépens.
Par déclaration du 20 décembre 2019, M. [S] [O] [F] a relevé appel du jugement de première instance.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 15 février 2023 aux termes desquelles
M. [S] [O] [F] demande à la cour d'appel de :
In limine litis,
Vu la fusion de la société Argo et de la société Citylog et de l'apport de son patrimoine au bénéfice de la société Citylog,
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 20 avril 2022,
- donner acte à la société Citylog qu'elle intervient volontairement à la procédure pendante,
Sur le fond
- juger recevable et bien-fondé Monsieur [S] [F] en son appel principal,
- infirmer les chefs du jugement prononcé le 13 décembre 2019 par le juge départiteur du
conseil de prud'hommes de Créteil aux termes desquels Monsieur [F] a été débouté de
l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens
Et statuant à nouveau,
1) Sur la demande de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires.
- condamner la société Argo à payer à Monsieur [S] [F], au titre des heures supplémentaires exécutées du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012 la somme brute de 72 088 euros, ainsi que la somme de 7 208 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférente
- condamner solidairement la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la société Argo à payer à Monsieur [S] [F], la somme de 50 340,12 euros nets au titre de l'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos afférente
- condamner solidairement la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la société Argo à remettre à Monsieur [S] [F] les bulletins de paie du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012 et une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir
- condamner solidairement la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la société Argo à régulariser auprès du Pôle emploi, des caisses de retraite et de sécurité sociale les charges dues pour les mêmes périodes et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours après la signification de l'arrêt à intervenir
- condamner solidairement la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la société Argo à payer à Monsieur [S] [F] la somme de 10 776 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail
- assortir lesdites sommes de l'intérêt légal à compter de leur date de convocation des parties devant le bureau de conciliation (2 juillet 2014) et en ordonner la capitalisation
2) Sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail à la société Argo
- à titre principal, juger que cette rupture constitue un licenciement sans cause réelle ni
sérieuse
- condamner, en conséquence, solidairement la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la société Argo au paiement à Monsieur [S] [F] des sommes suivantes :
* 43 104 euros nets de toute charge au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
* 3 592 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 359 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis
* 2 005,54 euros nets de toute charge au titre de l'indemnité légale de licenciement
* 1 796 euros au titre du rappel de salaires du 5 octobre au 5 novembre 2012 (mise à pied
conservatoire) et 179 euros à titre de congés payés afférents
- à titre subsidiaire et si la cour de céans estimait le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, juger que la faute grave du salarié ne ressort pas des éléments versés aux débats et en conséquence condamner solidairement la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la société Argo à payer à Monsieur [S] [F] les sommes suivantes :
* 3 592 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 359 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis
* 2 005,54 euros nets de toute charge au titre de l'indemnité légale de licenciement
* 1 796 euros au titre du rappel de salaires du 5 octobre au 5 novembre 2012 (mise à pied
conservatoire) et 179 euros à titre de congés payés afférents
- assortir lesdites sommes de l'intérêt légal à compter de leur date de convocation des parties devant le bureau de conciliation (2 juillet 2014) et en ordonner la capitalisation
3) Sur les autres demandes
- condamner solidairement la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la
société Argo à payer à Monsieur [S] [F] la somme de 8 000 euros nets de toute charge à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de l'obligation de sécurité incombant à l'employeur
- condamner solidairement la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la
société Argo à payer à Monsieur [S] [F] la somme de 12 000 euros nets de toute charge à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation des règles relatives au travail de nuit
- débouter la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la société Argo de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- condamner solidairement la société Argo et/ou la société Citylog venant aux droits de la
société Argo au paiement à Monsieur [S] [F] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile et dont distraction au profit de Maitre Laurence Solovieff ainsi qu'aux entiers dépens
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 14 février 2023, aux termes desquelles la société à responsabilité limitée (SARL) Citylog, venant aux droits de la SARL Argo à la suite de sa fusion-absorption avec cette entreprise, qui a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 28 février 2022, demande à la cour d'appel de :
- débouter M. [S] [O] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- condamner M. [S] [O] [F] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'instruction a été clôturée en date du 16 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
1/ Sur les heures supplémentaires
Selon l'article L. 3174-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci.
Le salarié fait valoir que si son contrat de travail ne stipulait aucun horaire, ses missions s'accomplissaient la nuit entre 20h/21h et 4h/5h, 6 jours sur 7. Mais, à compter de juillet 2009, il lui a été demandé de livrer le journal "Le Monde" durant la journée, de 10h00 à 16h00, en sus de ces heures de nuit et sans que ces 36 heures supplémentaires par semaine ne soient rémunérées.
Le salarié affirme avoir cumulé un horaire de nuit et de jour jusqu'en septembre 2012 et, pour en justifier, il verse aux débats :
- des décomptes des heures suplémentaires effectuées (pièces 32, 38-1 à 38-3)
- des attestations de buralistes (pièces 11 à 19)
- des feuilles de route SPPS (pièces 20, 36)
- une lettre et une attestation de la CGT (pièces 8 et 10).
M. [S] [O] [F] sollicite, en conséquence, un rappel total de 72 088 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées, outre 7 208,80 euros au titre des congés payés afférents.
L'employeur répond, qu'entre 2007 et septembre 2011, le salarié n'a jamais formulé aucune réclamation au titre des heures supplémentaires et que, lorsqu'il a été amené à en accomplir, celles-ci lui ont toujours été rémunérées, ainsi qu'en attestent ses bulletins de paie.
La société intimée affirme que M. [S] [O] [F] a toujours effectué les livraisons du journal "Le Monde" durant les heures légales prévues à son contrat de travail. Elle distingue trois périodes dans l'activité du salarié :
- du 1er novembre au 2 avril 2011: le salarié effectuait une "Tournée Chevilly n°143" entre 2h30 et 6h30 le matin et une "Tournée Le Monde'" n°369, de 11h00 à 13h00
- du 4 avril 2011 au 28 février 2012 : le salarié était affecté à une tournée [Localité 5] qui débutait à 21h et s'achevait en fonction de l'heure de la dernière livraison
- du 1er mars 2012 à fin octobre 2012 : le salarié réalisait des missions de manutention entre 21h et l'heure de la dernière livraison.
L'employeur souligne, aussi, qu'aucune des pièces produites par l'appelant n'établit qu'il a livré le journal "Le Monde" après le 30 mars 2011. Au contraire, le courrier qui lui a été adressé par la CGT, en juillet 2012, fait état de livraisons jusqu'au début de l'année 2011.
Enfin, l'employeur met en doute l'authenticité des attestations de buralistes jointes aux débats, qui comportent toutes la phrase suivante, écrite de la même main :"M. [F] nous a livré le journal "Le Monde" entre l'année 2007-2012 en dehors de ses congés" et ne sont pas accompagnées des photocopies des cartes d'identité des attestants.
Mais, la cour retient que l'employeur ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir de manière objective et fiable le nombre d'heures de travail effectuées par le salarié, à défaut d'avoir mis en place un dispositif de contrôle de son temps de travail journalier.
En cet état, il sera considéré que la SARL Citylog ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient, le salarié ayant de son côté étayé sa demande, même si les documents qu'il produit ne font pas état de ses horaires de travail de jour. Il sera, donc, fait droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents formée par le salarié mais uniquement pour la période de juillet 2009 à avril 2011, puisque les attestations prérédigées versées aux débats par le salarié sont insuffisantes à démontrer qu'il aurait exercer cette activité au-delà de cette date, ce que confirme, également, le courrier de la CGT en date du 4 juillet 2012. Par ailleurs, au vu des pièces jointes aux débats, il sera considéré que le nombre d'heures supplémentaires accomplies par le salarié n'a pas dépassé 24 heures par semaine et il lui sera alloué une somme arbitrée à 25 800 euros, outre 2 580 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de ce chef.
Il sera ordonné à la SARL Citylog de délivrer à M. [S] [O] [F], dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, un bulletin de paie récapitulatif faisant état du rappel de salaires et des congés payés afférents ordonnés et à régulariser la situation du salarié auprès de Pôle emploi et des caisses de retaite et de sécurité sociale, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
2/ Sur la contrepartie obligatoire en repos
Après avoir rappelé que l'article 12 de la convention collective applicable prévoit un contingent annuel de 130 heures supplémentaires au-delà desquelles les salariés peuvent prétendre à une contreparte obligatoire en repos, M. [S] [O] [F] réclame une somme de 50 340,12 euros nets à titre d'indemnité compensatrice.
Au regard du nombre d'heures supplémentaires non rémunérées allouées au salarié au point précédent, il lui sera accordé une somme de 14 849 euros à titre d'indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos.
3/ Sur le travail dissimulé
La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail est caractérisée lorsqu'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Il appartient au juge d'apprécier l'existence d'une telle intention.
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 8223-1 du même code, qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l'employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le salarié appelant prétend qu'il ressort de ses explications et des pièces qu'il verse aux débats que la société intimée s'est volontairement abstenue de rémunérer la totalité des heures supplémentaires accomplies et de les déclarer. En conséquence, il revendique une somme de 10 776 euros à titre d'indemnité forfaitaire.
L'employeur s'étant abstenu de rémunérer et de déclarer le salarié pour les heures supplémentaires accomplies à l'occasion de la livraison du journal "Le Monde" et ayant, par la suite, refusé de régulariser cette situation quand le salarié et une organisation syndicale lui en ont fait la demande, il sera retenu que l'intention de dissimulation de l'employeur est caractérisée et il sera alloué à M. [S] [O] [F] une somme de 10 776 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
4/ Sur la violation des droits des travailleurs de nuit
M. [S] [O] [F] affirme, qu'alors qu'il a toujours été prévu qu'il effectue son travail, la nuit, il n'a jamais bénéficié d'une quelconque majoration, ni de temps de pause, ni d'une surveillance médicale renforcée, ni des mesures spécifiques définies par la loi et la convention collective applicable, jusqu'à ce qu'il saisisse une organisation syndicale, qui a obtenu de l'employeur qu'il lui règle les majorations dues au titre des heures de nuit accomplies depuis la date de son embauche, ainsi que les compensations en repos. Il sollicite, donc, une somme de 12 000 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Mais, le salarié ayant obtenu, avant la saisine de la juridiction prud'homale, une régularisation des majorations et des repos compensateurs dus au titre des heures de nuit auxquelles il pouvait prétendre et ne justifiant pas d'un préjudice distinct, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] [O] [F] de sa demande de ce chef.
5/ Sur le manquement à l'obligation de sécurité
Le salarié appelant observe, qu'ayant été contraint d'exécuter un volume de travail particulièrement important, dont une partie durant la nuit, sans que ses droits élémentaires ne soient respectés et sans visite auprès de la médecine du travail, il en a subi un préjudice au niveau de son état de santé, dont il demande réparation à hauteur de 8 000 euros.
Toutefois, à défaut pour M. [S] [O] [F] de démontrer l'existence d'un préjudice distinct de ceux dont il a demandé réparation aux points précédents et, notamment, une atteinte à son état de santé, c'est à bon escient que les premiers juges l'ont débouté de sa demande de ce chef.
6/ Sur le licenciement pour faute grave
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.
Aux termes de la lettre de licenciement, il est fait grief au salarié d'avoir eu un comportement agressif, tant verbalement que physiquement, à l'encontre d'un préposé de la société Géodis, prestataire de la société SPPS, elle-même cliente de la SARL Argo. Au soutien de ses allégations, l'employeur verse aux débats une lettre de sa cliente dénonçant les agissements du salarié, ainsi rédigée :
"La société Géodis nous a signalé à plusieurs reprises un comportement agressif de votre chauffeur M. [F] [S] envers son personnel.
Dans la nuit du 10 au 11 octobre 2012, à 01h30, M. [F] [S] a agressé physiquement en le saisissant à la gorge un des responsables Géodis devant plusieurs témoins.
Cette situation est intolérable de tels agissements ne peuvent être admis.
La société Géodis, ainsi que la personne agressée ne souhaitent pas porter plainte, mais ont interdit à M.[F] [S] à accéder au site de [Localité 5]" (pièce 10).
L'employeur produit, aussi, une attestation de M. [H] [M], le salarié victime des agissements de l'appelant, qui prétend que M. [S] [O] [F] s'est emporté verbalement à son encontre, avant de l'attraper par le cou et de le serrer, ce qui a nécessité l'intervention des personnes présentes pour le faire lâcher prise (pièce 14-2). Il est, également, communiqué une attestation de M. [U] [K], témoin de cette agression, qui a été contraint d'intervenir pour éloigner M. [F] de M. [M] et qui précise qu'il n'y a eu aucune provocation préalable de la part de ce salarié (pièce 14-1).
L'employeur ajoute qu'en juillet 2012, le salarié s'était , déjà, signalé par un comportement violent à l'encontre d'un collègue de travail, toujours dans les locaux de Géodis (pièces 10 et 16).
Le salarié conteste les faits qui lui sont reprochés en expliquant que son interlocuteur au sein de la société Géodis lui avait demandé de ne pas charger les colis en raison d'un mouvement de grève en cours. Devant son refus de s'exécuter, le salarié de Géodis s'est approché à son contact au point qu'il a dû le repousser, mais sans violence.
M. [S] [O] [F] ajoute qu'il a demandé, lors de l'entretien préalable, qu'il soit procédé au visionnage de l'enregistrement vidéo de cette scène, ce que l'employeur a refusé. L'appelant dénie, également, l'existence d'une autre altercation violente en date de juillet 2012.
Mais, la cour retient que l'employeur verse aux débats des pièces qui justifient de la réalité des faits reprochés au salarié et, notamment, le courrier de dénonciation de la société cliente, qui précise que le salarié s'est vu interdire l'accès au site de [Localité 5] à la suite des faits, ainsi qu'une attestation d'un témoin de la scène de violence, témoignage dont il n'y a pas lieu de soupçonner le manque d'objectivité en l'absence de lien contractuel entre ce salarié et la société intimée. Le refus qui a été opposé au salarié de procéder à un visionnage des éventuelles images de l'altercation est insuffisant pour considérer que les faits ne sont pas étayés puisque la vidéo de surveillance a été réalisée au sein de la société cliente et n'est donc pas en possession de l'employeur. On peut, par ailleurs, comprendre les réticences de la société intimée à réclamer cet enregistrement qui pourrait laisser penser à sa cliente qu'elle remet en cause son courrier de dénonciation.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] [O] [F] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
7/ Sur les autres demandes
Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal, à compter du 30 septembre 2014, date de l'audience du bureau de conciliation et d'orientation, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.
Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
La SARL Citylog sera condamnée à payer à M. [S] [O] [F] une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Laurence Solovieff, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [S] [O] [F] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail
- débouté M. [S] [O] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
- débouté M. [S] [O] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour violation des règles relatives au travail de nuit
- débouté la SARL Argo de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARL Citylog, venant aux droits de la SARL Argo, à payer à M. [S] [O] [F] les sommes suivantes :
- 25 800 euros bruts à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires
- 2 580 euros bruts au titre des congés payés afférents
- 14 849 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos
- 10 776 euros bruts à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal, à compter du 30 septembre 2014 et que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Ordonne la capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière,
Ordonne à la SARL Citylog de délivrer à M. [S] [O] [F], dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, un bulletin de paie récapitulatif faisant état du rappel de salaires et des congés payés afférents ordonnés et à régulariser la situation du salarié auprès de Pôle emploi et des caisses de retaite et de sécurité sociale,
Condamne la SARL Citylog aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE