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10/05/2023 | FRANCE | N°21/05342

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 10 mai 2023, 21/05342


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 10 mai 2023



(n° 2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05342 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3IB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/01834





APPELANTE



Madame [M] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée pa

r Me Xavier SAUVIGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : K 138





INTIMÉE



S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau d...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 10 mai 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05342 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3IB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/01834

APPELANTE

Madame [M] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Xavier SAUVIGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : K 138

INTIMÉE

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Après un contrat à durée déterminée à compter du 5 juillet 1993, prolongé de six mois, Mme [F] a été embauchée par le Crédit foncier de France selon contrat à durée indéterminée à compter du 5 juillet 1994 en qualité de chargée de gestion, correspondant au grade de secrétaire rédacteur.

Mme [F] est devenue le 1e janvier 1999 chargée d'affaires, statut cadre, au sein du service des financements structurés.

Le grade de C1 lui a été attribué en mars 2001 avec effet au 1er janvier 2001.

En 2003, Mme [F] a bénéficié d'un congé de maternité pour son premier enfant.

Par avenant en date du 9 décembre 2004, Mme [F] été soumise au régime du forfait jours à compter du 1er janvier 2005.

A compter du 1er juin 2005, à l'occasion de la fusion des sociétés Crédit Foncier, Entenial et A3C, l'intitulé de son poste a évolué pour devenir celui de directrice de clientèle au sein de l'entité 'marché des financements structures/ entreprises et investisseurs'.

A compter du 1er juin 2006, date d'application de la classification du personnel de la convention collective de la banque, la société Crédit foncier de France a positionné son emploi au niveau cible J mais a attribué à Mme [F] la classification I.

Par avenant en date du 6 septembre 2006, la durée du travail de Mme [F] a été réduite à 166 jours par an rémunérés à 80% d'un temps plein avec effet au 1er février 2007.

Mme [F] a bénéficié d'un congé de maternité au cours de l'année 2008-2009.

Lors de son évaluation annuelle, Mme [F] a exprimé le 14 avril 2017 subir une situation de discrimination salariale pour ne pas avoir été promue à la classification J à la différence de ses collègues masculins.

A compter du 1er octobre 2017, la classification J de la convention collective de la Banque a été attribuée à Mme [F].

Le 11 mars 2019, Mme [F] a demandé à bénéficier d'une augmentation individuelle de rémunération.

Dans le cadre du projet d'intégration et de redéploiement des savoir-faire et des expertises du Crédit foncier de France au sein du groupe BPCE et en application de l'accord de gestion prévisionnelle des emplois du Crédit foncier, Mme [F] a intégré Natixis à compter du 1er avril 2019, selon convention tripartite du 13 mars 2019, au poste de chargé d'affaires Financement au sein du service Real Assets - Infrastructure Finance de la société Natixis SA, statut cadre, classification J, avec un salaire pour un temps plein de 56 891,12 euros.

Le 2 mars 2020, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir juger qu'elle avait été discriminée à raison du sexe et de la maternité et obtenir son re positionnement dans la classification et des dommages-intérêts.

Elle a sollicité du bureau de conciliation qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments détenus par l'employeur afin de vérifier, par une comparaison avec d'autres salariés, si elle a fait ou non l'objet d'un traitement discriminatoire.

Par une décision en date du 6 octobre 2020, la formation de conciliation a rejeté cette demande de communication d'éléments pourtant nécessaires à la mise en état du dossier.

Par déclaration d'appel du 5 novembre 2020, Mme [F] a relevé un appel-nullité de cette décision.

Par jugement rendu le 18 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [F] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens.

Par ordonnance du 10 juin 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel nullité formé par Mme [F] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 6 octobre 2020 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Paris.

Par jugement en date du 18 mai 2021, le conseil de prud'hommes a débouté de Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, débouté la société Crédit foncier de France de ses demandes reconventionnelles et a condamné Mme [F] aux dépens.

Le 15 juin 2021, Mme [F] a interjeté appel contre le jugement statuant au fond.

Par conclusions d'incident en date du 23 août 2022, Mme [F] a sollicité du conseiller de la mise en état qu'il ordonne à l'employeur la communication des éléments de comparaison sollicités.

Ce dernier a rejeté ces demandes par une ordonnance en date du 15 novembre 2022.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 27 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [F] demande de :

' Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Mme [F] de l'ensemble de ses demandes ;

' Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné Mme [F] au paiement des entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

' Constater que Mme [F] a fait l'objet d'une discrimination en raison de son sexe et de sa situation de maternité et grossesse ;

En conséquence,

' Ordonner le re positionnement de Mme [F] au niveau de classification J au 1er juillet 2006 puis à la classification K au 1er janvier 2012 ;

A titre principal :

' Fixer la rémunération globale de Mme [F] au niveau de M. [J] [R] au 1er mars 2017, c'est-à-dire à la somme de 9 583,33 euros mensuels, soit 7 666,66 euros une fois ramenée à 80%, et condamner la société au paiement des rappels de salaire correspondant entre cette date et la fin de son contrat de travail, application faite de la moyenne des augmentations générales et individuelles de sa catégorie, et à la production des bulletins de salaire rectifiés correspondant ;

' Condamner le Crédit foncier au paiement de la somme de 527.050,63 euros au titre des dommages intérêts au titre de son préjudice financier ;

A titre subsidiaire :

' Fixer la rémunération globale de Mme [F] au niveau moyen des hommes de niveau K au 1er mars 2017, c'est-à-dire à la somme de 8.189,87 € mensuels, soit 6.551,89 euros une fois ramenée à 80%, et condamner la société au paiement des rappels de salaire correspondant entre cette date et la fin de son contrat de travail, application faite de la moyenne des augmentations générales et individuelles de sa catégorie, et à la production des bulletins de salaire rectifiés correspondant ;

' Condamner le Crédit foncier au paiement de la somme de 357.115,09 euros au titre des dommages et intérêts au titre de son préjudice financier ;

A titre infiniment subsidiaire :

' Fixer la rémunération globale de Mme [F] à 5.665,62 euros mensuels au 1er mars 2017, et condamner la société au paiement des rappels de salaire correspondant entre cette date et la fin de son contrat de travail, application faite de la moyenne des augmentations générales et individuelles de sa catégorie, et à la production des bulletins de salaire rectifiés correspondant ;

' Condamner le Crédit foncier au paiement de la somme de 222.012,09 euros au titre des dommages et intérêts au titre de son préjudice financier ;

En tout état de cause :

' Condamner le Crédit foncier au re-calcul de son solde de tout compte en considération de ces rappels de salaire ;

' Condamner le Crédit foncier au paiement de la somme de 20.000 euros au titre des dommages et intérêts au titre de son préjudice moral tiré de la discrimination ;

' Condamner le Crédit foncier au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'accord collectif ;

Par ailleurs,

' Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

' Condamner le Crédit foncier au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' Condamner le Crédit foncier aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 27 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, le Crédit foncier de France demande à la cour de :

- Déclarer l'appel formé par Mme [M] [F] à l'encontre du jugement rendu le 18 mai 2021 par le Conseil de prud'hommes de Paris, mal fondé ;

- Confirmer le jugement rendu le 18 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Paris en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

A titre principal,

- Déclarer les chefs de demande de Mme [M] [F] non déterminés irrecevables (remise d'un solde de tout compte recalculé') ;

- Déclarer que tous les chefs de demande de Mme [M] [F] sont mal fondés ;

- Débouter Mme [M] [F] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre vraiment subsidiaire,

- Si par extraordinaire la Cour venait à reconnaître l'existence d'un prétendu préjudice financier subi par Mme [F], il lui est demandé de ramener à de plus justes proportions les demandes de Mme [F] relatives à de dommages et intérêts, et à ce titre, de cantonner le préjudice de Mme [F] au versement d'une somme qui ne saurait dépasser le montant de 83.697, 47 € ;

En tout état de cause,

- Débouter Mme [M] [F] de sa demande de versement de la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts au titre d'un prétendu préjudice moral tiré d'une soi-disant discrimination ;

- Débouter Mme [M] [F] de sa demande de versement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts au titre d'une prétendue violation de l'accord collectif ;

Y ajoutant,

- Condamner Mme [M] [F] à verser à la société Crédit foncier de France 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 février 2023.

MOTIFS :

Sur la discrimination :

En vertu de l'article L.1132-1 du code du travail, « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison (') de son sexe,(') de sa situation familiale ou de sa grossesse (') »

L'article 1er de la loi du 27 mai 2008 dispose que : « constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, (') une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. »

L'article L.1134-1 du code du travail dispose que : « Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du Chapitre II (relatif au principe de non-discrimination et donc notamment à l'article L.1132-1) (') le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte (').

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Mme [F] justifie être demeurée au même niveau de classification, coefficient 410 devenu position C1, de 1999 à 2006 puis I selon la nouvelle nomenclature de 2006 à 2017, ne plus avoir eu d'entretien d'évaluation à compter de sa première maternité entre 2003 et 2009 à l'exception de l'année 2005, avoir connu une évolution de salaire de 2,5%, 3,3% et 1,7% en 2004, 2005, 2006, années qui ont suivi sa première grossesse alors qu'elle avait précédemment bénéficié d'une progression de salaire de 6,4% et après une période de progression de sa rémunération en 2007-2008-2009, puis avoir subi une moindre progression, de 0,7%, en 2010, année de son retour de congé de maternité, avant une augmentation de 3% en 2011 et de 2,10 % en 2012.

Elle établit que son salaire de base était inférieur à celui de ses collègues hommes exerçant comme elle les fonctions d'arrangeur et ayant des connaissances professionnelles, des capacités liées à l'expérience, des responsabilités et une charge physique ou nerveuse identiques, notamment MM. [W] et [X].

Elle souligne que sa supérieure hiérarchique estimait que la qualité de son travail justifiait qu'elle obtienne la classification J ce qu'elle a mentionné dans les évaluations annuelles de Mme [F] de 2012 à 2017 et dans un courrier adressé le 29 mars 2011 au service des ressources humaines.

Elle fait valoir que sa situation s'inscrit dans un contexte de " discrimination sexuelle systémique" au sein de la société Crédit foncier exposant que les femmes représentent 63% des effectifs et donc majoritaires mais ne le sont pas parmi les cadres.

Elle établit que parmi les classifications G, H, I et J qui ont été successivement les siennes, les bilans sociaux montrent un écart de salaire entre les hommes et les femmes au sein de la société jusqu'en 2017.

Mme [F] reproche à la société Crédit foncier une réticence dolosive dans la communication des éléments de comparaison qu'elle sollicitait et qui a été rejetée par le conseiller de la mise en état. Compte tenu de cette décision du conseiller de la mise en état, à l'encontre de laquelle Mme [F] n'a pas formé de recours, la réticence dolosive invoquée n'est pas caractérisée.

Pour autant, pris dans leur ensemble, les éléments établis, font présumer une situation de discrimination à raison du sexe et de l'état de grossesse.

La société Crédit foncier établit que les dispositions de la convention collective prévoient le positionnement d'un salarié au niveau cible de son emploi ou au niveau immédiatement inférieur ou supérieur. Elle justifie ainsi de l'absence d'automaticité entre l'affectation à un emploi et l'obtention de la classification au niveau cible de l'emploi.

La classification au niveau cible relève de l'appréciation de l'employeur au regard des qualités professionnelles du salarié.

Dans le courrier adressé le 11 juillet 2006 à Mme [F], la société Crédit foncier de France indiquait s'agissant du positionnement des salariés dans la classification qu'un collaborateur confirmé est positionné au niveau cible de l'emploi, un collaborateur appelé à développer ses compétences se situe dans le groupe immédiatement inférieur et un collaborateur expert se situe dans le groupe immédiatement supérieur.

Or, le 11 juillet 2006, date de positionnement de Mme [F] au niveau I soit le niveau inférieur de la cible J, celle-ci avait été évaluée pour l'année écoulée 2005, pour chacun des items des compétences techniques, relationnelles et organisationnelles au degré 4 c'est-à-dire 'compétences exercées à un excellent niveau' et objectifs atteints, le seul item ayant été noté 2 soit 'compétences globalement acquises nécessitant encore un apprentissage' concernait la connaissance des acteurs dans un contexte de réorganisation avec affectation à un nouveau secteur, celui de l'énergie à compter de juin 2006. Au regard de ces éléments, c'est par une erreur manifeste d'appréciation que l'employeur a positionné Mme [F] au niveau I soit celui d'un collaborateur appelé à développer ses compétences alors qu'elle était collaborateur confirmé dans ses fonctions.

L'employeur ne démontre nullement que Mme [F] n'aurait pas eu le niveau de responsabilité suffisant pour être positionnée au niveau de classification cible de son emploi, soit J, cette allégation n'étant pas explicitée ni justifiée par les pièces produites.

En outre, s'il entend comparer la situation de Mme [F] à celle de Mme [U] laquelle était classifiée J en 2017 mais disposait de notes de niveau 4 alors que Mme [F] n'avait que des notes 3, il convient de relever que celles-ci ne travaillaient pas dans les mêmes domaines, Mme [U] relevant du secteur Corporate publics et Mme [F] des corporates infrastructure de sorte que la comparaison n'est pas pertinente.

Concernant la classification K revendiquée par la salariée à compter du 1er janvier 2012, il résulte des évaluations que Mme [F] a réalisé ses objectifs et donné satisfaction à son employeur ce qui a justifié une évaluation selon la nouvelle grille, à la note de 3 c'est-à-dire 'conforme' et non de 4 accordée en cas de dépassement des compétences et objectifs.

La comparaison des évaluations de Mme [F] avec celles de MM. [W] et [I] qui exerçaient comme elle les fonctions de directeur de clientèle 'corporate financement projet et infrastructures', révèle qu'alors que Mme [F] conservait une note de 3 de 2012 à 2018, ces derniers étaient évalués à 4 respectivement à compter de 2015 pour le premier et en 2018 pour le second et n'ont obtenu le positionnement K c'est-à-dire au delà de la classification cible qu'en 2018. La société Crédit foncier de France apporte ainsi une

justification objective à l'absence de positionnement de Mme [F] au positionnement K consistant dans l'absence de dépassement des attendus professionnels de l'emploi cible.

Les comparaisons avec MM. [V] et [Y] ne sont pas pertinentes sur la période considérée respectivement à compter de 2012 et 2014 car ceux-ci exerçaient alors des fonctions de directeur segments comportant notamment des fonctions managériales, distinctes de celles de Mme [F].

La comparaison avec M. [R], supérieur hiérarchique de Mme [F], n'est pas plus efficiente.

S'agissant de l'évolution de la rémunération de Mme [F] indépendamment de l'évolution du positionnement dans la classification, la société établit que la salariée avait bénéficié d'une augmentation exceptionnelle en 2001 dans le cadre d'une remise à niveau des rémunérations pratiquées au sein de la société par rapport au marché du travail laquelle s'était élevée à 19,5% sans commune mesure avec les augmentations individuelles pratiquées antérieurement et postérieurement. L'employeur apporte ainsi une justification objective aux évolutions des taux d'augmentation, étrangère à toute discrimination liée aux deux grossesses de Mme [F] intervenues en 2003 et 2009.

Si l'employeur établit que Mme [F] percevait en décembre 2018 une rémunération comparable à celle de M. [B], âgé de 57 ans quand Mme [F] avait 51 ans, et avait une expérience de 25 ans comme cette dernière et exerçait comme elle les fonctions de directeur de clientèle 'corporate' financements projets et infras, il ne produit pas les bulletins de paie antérieurs de M. [B] et notamment sur la période 2006 à 2017.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que seule la période de 2006 à 2017 au cours de laquelle Mme [F] n'a pas bénéficié de la classification J et du salaire de base attaché à cette classification, ne trouve pas de justification étrangère à la discrimination présumée à raison du sexe.

La cour a dès lors la conviction que Mme [F] a subi une discrimination à raison de son sexe.

Il résulte des pièces produites que l'écart de salaire entre la classification I et J est de 470 euros bruts par mois sur le salaire de base.

Mme [F] doit être replacée dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si elle n'avait pas été discriminée. Celle-ci n'étant plus salariée du Crédit foncier de France, il n'y a pas lieu à repositionnement pour l'avenir. Le préjudice subi sera réparé par des dommages-intérêts.

S'agissant d'une discrimination salariale à raison du sexe, et en l'absence de véritable panel, la situation de Mme [F] sera réparée en comparaison du salaire moyen perçu par les deux salariés ayant des situations professionnelles comparables, MM. [W] et [I], et pour lesquels des données chiffrées et qualitatives ont été communiquées et discutées par les parties.

Le préjudice financier subi par Mme [F] du fait de cette discrimination de 2006 à 2017, en termes de salaire et d'incidence retraite, sera réparé par l'allocation de la somme de 95 000 euros et son préjudice moral par l'allocation de la somme de 5 000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

L'accord égalité femmes/hommes signé le 19 décembre 2017 prévoit à l'article 8 que : « Le Crédit Foncier veille à promouvoir un accès identique, à la promotion et aux postes à responsabilités et favorise la construction de parcours de carrière sans distinction de sexe »

La discrimination subie par Mme [F] établit que l'employeur n'a pas respecté ses engagements en ne conférant pas à celle-ci la classification J alors même que sa supérieure hiérarchique concluait ses évaluations annuelles en faveur d'une telle progression.

Pour autant, Mme [F] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui déjà indemnisé les dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination.

La demande indemnitaire est en conséquence rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Les créances indemnitaires produiront des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts échus sur une année entière est prononcée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Crédit foncier de France est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de re positionnement au niveau de classification K et la demande de dommages-intérêts pour violation de l'accord collectif,

LE CONFIRME de ces chefs,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

JUGE que Mme [M] [F] a subi une discrimination à raison du sexe,

DIT qu'elle relevait du positionnement J de la convention collective de la banque à compter du 1er janvier 2006,

CONDAMNE la société Crédit foncier de France à payer à Mme [M] [F] les sommes de :

- 95 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

DIT que ces sommes produiront intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus sur une année entière,

CONDAMNE la société Crédit foncier de France à payer à Mme [M] [F] les sommes de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Crédit foncier de France aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/05342
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;21.05342 ?
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