Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 10 MAI 2023
(n° 87 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/01740 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC76R
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2021 - Tribunal de Commerce de PARIS, 3ème chambre - RG n° 2018062275
APPELANTES
SAS [F] FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 382 116 457
[Adresse 3]
[Localité 6]
SARL MKT PROMOTION agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 529 206 344
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentées par Maître Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque L0010, avocat postulant
Assistées de Maître Rémi DE BALMANN de la SCP D, M & D, avocat au barreau de PARIS, Toque P52, avocat plaidant
INTIMES
Maître [T] [Y] es-qualité de mandataire liquidateur de la société LES MAISONS JPR. prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS d'ARRAS sous le numéro 818 115 867
[Adresse 1]
[Localité 5]
Monsieur [D] [K]
Né le 14 Mai 1987 à LENS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Maître François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J125, avocat postulant
Assistés de Maître Charlotte BELLET, avocat au barreau de PARIS, toque P166, substituée par Maître Rodolphe PERRIER, de la SCP BMGB, avocat au barreau de PARIS, toque P166, avocats plaidants
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, première présidente de chambre, chargée du rapport, et Monsieur Julien RICHAUD, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, première présidente de chambre
Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère
Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, première présidente de chambre et par Monsieur MARTINEZ, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société [F] France (ci-après "[F]") commercialise, au travers de la conclusion de contrats de franchise, un concept de construction de maisons individuelles "en prêt-à-finir", par lequel le franchisé, après avoir sous-traité les opérations de construction, livre à ses clients des maisons construites au stade hors d'eau/hors d'air et les équipements et matériaux de second 'uvre leur permettant de faire seuls les travaux de finition et de réaliser ainsi une économie sur le coût global de construction.
Le franchisé est essentiellement en charge de la promotion et commercialisation des maisons individuelles en prêt-à-finir, s'engageant à sous-traiter l'intégralité de l'exécution des chantiers à l'entité désignée par le franchiseur.
La société MKT Promotion (ci-après "MKT"), filiale à 100 % de [F], est active dans le secteur de la construction de maisons individuelles.
Le 30 novembre 2015, la société [F] a signé avec Monsieur [D] [K] agissant tant en son nom personnel qu'en leur qualité de représentant de la société en formation qu'il s'engageait à créer pour exploiter le contrat (Les Maisons JPR), un contrat de micro-franchise pour le secteur du [Localité 8] (62) pour une durée de 7 ans, ramenée ensuite à 3 ans avec effet à compter du 1er janvier 2016, moyennant paiement d'une redevance d'exploitation de 8 % et d'une redevance de publicité de 3 % du CA HT.
Ce même jour, 30 novembre 2015, en application des dispositions contractuelles, il a ès qualités conclu avec la société MKT :
- une convention de sous-traitance confiant à MKT le suivi administratif (permis de construire) et la réalisation technique des chantiers de construction des maisons commandées par les clients ; et
- un mandat de gestion confiant à MKT, agissant pour le compte du franchisé, la gestion de la relation financière avec les clients acheteurs (facturation et encaissement des appels de fonds) et avec le franchiseur (paiement des redevances).
L'activité de la société Les Maisons JPR, immatriculée le 1er février 2016, consiste à promouvoir et de commercialiser des maisons individuelles et d'exploiter la franchise [F]. C'est à elle qu'il revient de signer le contrat de construction individuelle avec le client final.
Alléguant de manquements graves de [F] et MKT à leurs obligations contractuelles, la société Les Maisons JPR a, par LRAR du 22 juin 2018, prononcé la résiliation à effet immédiat du contrat et de la convention conclus le 30 novembre 2015.
ll y est notamment fait référence à :
- des malfaçons répétées et inacceptables,
- l'insatisfaction exprimée par 7 clients sur les 9 maisons livrées à ce jour,
- l'insatisfaction exprimée par une très grande majorité des clients pour lesquels les dossiers sont en cours,
- les témoignages d'insatisfaction sur les réseaux sociaux,
- l'impact des retards de livraison de maisons sur la trésorerie de la franchisée (auquel s'ajoute la TVA payée sur les appels de fonds et récupérée uniquement en fin de chantier) ;
- les attestations des commerciaux,
- une impossibilité totale de recruter et de fidéliser les artisans en raison de la mauvaise réputation de l'enseigne [F] ;
- des appels de fonds anticipés sans l'accord de la société Les Maisons JPR.
[F] a en retour contesté ces motifs et allégué que la résiliation intervenait aux torts exclusifs de son partenaire, alléguant des irrespects suivants :
- Absence totale de reporting d'activité (obligation art. 8.6 du contrat),
- Absence continue aux sessions de formations et ateliers (participation obligatoire, cf. art. 8.1.2),
- Absence réitérée en réunions de groupe (participation obligatoire, cf. art. 8.1.2),
- Refus d'accueil des équipes d'animation du réseau à qui vous avez interdit l'accés à votre local (obligation art. 8.6).
Les parties ont tenté de régler leur différend à l'amiable, mais ne sont pas parvenus à s'accorder sur le sort des chantiers en cours et sur les sommes respectivement dues.
Le 26 octobre 2018, les sociétés [F] et MKT ont saisi le tribunal de commerce de Paris.
Le 5 juin 2019, le tribunal de commerce d'Arras a prononcé la mise en liquidation judiciaire de la société Les Maisons JPR et a nommé Maitre [T] [Y], ès qualités de liquidateur.
Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
* Débouté la société [F] et la société MKT des demandes suivantes à l'encontre de Monsieur [D] [K] :
- voir prononcer aux torts exclusifs de Monsieur [D] [K] la résiliation anticipée du contrat de franchise,
- payer à la société [F] 108.650,73 € au titre de factures de redevances et de publicité,
- payer à la société [F] 94.620,20 € au titre d'indemnité de résiliation,
- payer à la SARL MKT PROMOTION 59.930, 33 € au titre du manque à gagner,
- payer à la société [F] 50.000 € au titre de la violation de non concurrence,
* Donné acte à Maitre [T] [Y], ès qualités de liquidateur de la société LES MAISONS JPR de la résiliation du contrat de micro franchise et du contrat de sous-traitance du 30 novembre 2015 par le franchisé aux torts des sociétés [F] et MKT Promotion le 22 juin 2018 et débouté les société [F] et MKT Promotion de leur demande visant à prononcer cette résiliation aux torts des défenderesses,
* Débouté la SARL MKT Promotion de sa demande de fixation au passif de la société Les Maisons JPR d'une somme de 48.530,86 € au titre du manque à gagner résultant de la résiliation du contrat de sous-traitance ;
* Condamné in solidum les sociétés [F] et MKT Promotion à payer la somme de 40.000 € à Maitre [T] [Y], ès qualités de liquidateur de la société Les Maisons JPR, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2018 et jusqu'à complet paiement,
* Débouté Maitre [T] [Y], ès qualités de liquidateur de la société Les Maisons JPR, de sa demande reconventionnelle de condamner in solidum les sociétés [F] et MKT Promotion à 10.000 € de dommages et intérêts au titre du abus de droit d'ester,
* Condamné in solidum les sociétés [F] et MKT Promotion à payer à Monsieur [D] [K] la somme de 10.000 € au titre du manque à gagner et du préjudice moral,
* Débouté Monsieur [D] [K] de sa demande reconventionnelle de condamner in solidum les sociétés [F] et MKT Promotion à lui payer 10.000 € au titre de l'abus du droit d'ester,
* Condamné in solidum les SA [F] et SARL MKT Promotion payer à Monsieur [D] [K] la somme de 10.000 au titre de 700 du code de procédure civile,
* Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garantie,
* Rejetté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires,
* Condamne solidum la SA [F] et la SARL MKT Promotion aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 151, 95 euros dont 25,11 € de TVA.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 25 janvier 2021, les sociétés [F] et MKT ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 octobre 2021, les sociétés [F] et MKT demandent à la Cour de :
- Infirmer le jugement entrepris en ses dispositions ;
- Débouter Monsieur [D] [K] et Maître [T] [Y] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Les Maisons JPR de leur appel incident et de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- Dire et juger que, par le jeu des compensations intervenues entre les créances détenues par les parties les unes vis-à-vis des autres, les sociétés [F] France et MKT Promotion restent créancières de la somme de 860,61 € ;
- Admettre en tant que de besoin la société [F] France au passif de la liquidation judiciaire de la société Les Maisons JPR à hauteur de la somme de 275 423,43 €, montant de sa déclaration de créance ;
- Admettre la société MKT Promotion au passif de la liquidation judiciaire de la société Les Maisons JPR à hauteur de la somme de 58 530,86 €, montant de sa déclaration de créance ;
- Dire et juger que Monsieur [D] [K], ès qualités de dirigeant de la société Les Maisons JPR, a fautivement et sans motif valable résilié par anticipation le contrat de franchise qui le liait à la société [F] FRANCE ;
- Prononcer aux torts exclusifs de Monsieur [D] [K] et de la société Les Maisons JPR la résiliation anticipée du contrat de franchise du 30 novembre 2015 ;
- Condamner Monsieur [D] [K] à payer à la société [F] France la somme de 94 620,20 € au titre de l'indemnité de résiliation anticipée prévue à l'article 17 du contrat de micro-franchise ;
- Le condamner à payer à la société MKT PROMOTION la somme de 58 930,33 € au titre du manque à gagner causé par la résiliation de la convention de sous-traitance et la rupture fautive des relations contractuelles avec la société [F] France ;
- Condamner Monsieur [K] et Me [Y] ès qualités à payer à la société [F] et à la société MKT, solidairement, la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Les condamner aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées 16 juillet 2021, Maitre [Y] ès qualités de liquidateur de la société Les Maisons JPR et M. [K] demandent à la Cour de :
Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Vu l'article 1353 du code civil ;
Vu les articles 9 et 32-1 du code de procédure civile ;
Vu les articles 1134, 1184, 1147 et 1149, dans leur version applicable aux contrats de l'espèce ;
Vu les articles 1231-6, 1240 du code civil ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés [F] France et MKT Promotion de toutes les leurs demandes,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a fait partiellement droit à la demande de solde de marge de Maitre [Y] ès qualités, et la demande de dommages et intérêts formulé par M. [K],
- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [K] et Maître [T] [Y] ès qualités de liquidateur de la société Les Maisons JPR de leur demande de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir ;
- Condamner les sociétés [F] France et MKT in solidum à payer à Maitre [Y], es qualités, les sommes de :
- 59.922,96 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2018, date de la mise en demeure ;
- 10.000 euros au titre de l'abus du droit d'ester en justice ;
- Condamner les sociétés [F] et MKT Promotion, in solidum, à payer à Monsieur [K] les sommes de :
* 10.000 € au titre de l'abus du droit d'ester en justice ;
* 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner en termes de développement, et son préjudice moral ;
* 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en plus de la somme déjà allouée en première instance.
La date de clôture de l'ordonnance a été fixée au 17 janvier 2023.
La Cour renvoie à la décision attaquée et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la résiliation des contrats
Les sociétés [F] et MKT demandent la résiliation du contrat de micro-franchise aux torts du franchisé en raison de l'irrespect des 4 obligations du contrat qu'elles ont évoqué dès la phase pré-contentieuse. Elles produisent à l'appui deux messages internes d'animateurs du réseau en date du 31 mai et du 5 avril 2018 évoquant une mise en retrait du franchisé et le non enregistrement de nouveaux chantiers dans le système [F].
Elles contestent par ailleurs tout manquement imputable au franchiseur. Que les deux contrats de franchise et de sous-traitance aient été liés n'autorisait pas, selon elles, M. [D] [K] à se plaindre de prestations effectuées par MKT pour résilier unilatéralement son contrat de franchise. Elles observent qu'il résulte de l'article 2 de la convention de sous-traitance que les plans sont réalisés par le franchisé lui-même et que les chiffrages sont également à sa charge si bien que si des fautes sont mises en évidence, elles ne peuvent être imputées au franchiseur. Elles ajoutent qu'en matière de construction, les clients n'hésitent pas à faire des réserves et à solliciter une expertise judiciaire dès lors qu'ils sont mécontents. Elles produisent plus spécifiquement le PV de réception [M] ainsi que des photos du chantier [S]. Elles allèguent que l'une des attestations produites par la partie adverse émanerait du salarié et cousin de M. [D] [K]. Elles font valoir enfin que les résultats dégagés par une majorité des franchisés et micro-franchisés [F] attestent de l'attrait de la formule commerciale et technique du " prêt-à-finir " [F].
MKIT et MKT formulent, en lien, des demandes au titre de l'indemnité de résiliation anticipée prévue au contrat de franchise et au titre du manque à gagner suite à la résiliation de la convention de sous-traitance et à la rupture fautive des relations contractuelles avec [F].
Maitre [Y] ès qualités et M. [K], se prévalant de la jurisprudence selon laquelle la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de manière unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle (Cass. Com, 4 février 2004, n°99-21.480, Com, 10 fév. 2009, n°08-12.415, Civ, I, 24 sept. 2009 n°08-14.524, Com, 1er oct. 2013, n°08-14.524), demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la résiliation des contrats de micro-franchise et de la convention de sous-traitance aux torts des appelantes.
S'appuyant sur un constat d'huissier (pièce intimés n°4.2) et 9 sommations interpellatives (pièces n°4.3), ils considèrent établir des manquements graves et objectifs imputables à [F] et MKT, la défaillance étant caractérisée tant à l'égard des clients en raison de graves problèmes de conception et de construction et d'une négligence constante qu'à l'égard du franchisé, en raison de la réputation de mauvais payeur de [F]. Ils soutiennent que la presse en atteste, communiquant à l'appui le lien vers un article de La Voix du nord du 12 novembre 2018. Ils produisent aussi des posts critiques publiés sur Facebook (pièces n°4.4). Selon eux, ces manquements revêtent une gravité en eux-mêmes et constituent également des fautes réitérées qui ont nécessairement contribué à compromettre la réputation de la société Les Maisons JPR et de son gérant dans la zone géographique exploitée.
Ils contestent en outre tout manquement imputable au franchisé. Ils soutiennent que [F] ne rapporte la preuve ni de l'absence de reporting d'activité (aucun rappel à l'ordre en ce sens), ni de l'absence du franchisé aux formations/réunions (aucune liste des évènements manqués). Ils ajoutent que durant les deux premières années, des animateurs sont passés réguliérement et que nonobstant les difficultés rencontrées avec [F] et MKT, ils ont été reçus. Ils affirment enfin que le franchiseur est à jour de toutes les factures dues.
Réponse de la Cour :
La Cour relève, en premier lieu, qu'il ressort des pièces et notamment des sommations interpellatives versées aux débats par Maitre [Y] ès qualités de liquidateur de la société Les Maisons JPR et M. [K] (onglet n°4), qu'un nombre important de clients se plaignent de problèmes de conception (erreurs engendrant des surcoûts, non respect des qualités convenues avec les clients), de problèmes de construction (malfaçons et dysfonctionnement, matériaux utilisés défectueux, interruption de chantier, personnel non qualifié, retard constants, absence d'information) ainsi que de problèmes de gestion.
Les conséquences au quotidien des manquements étaient sans conteste lourdes et difficiles à gérer pour les clients, lesquels paraissent avoir subi la situation, recherchant avant tout à faire avancer malgré tout le chantier de construction.
Le tableau récapitulant les problèmes dénoncés (pièce intimés n°4-1), est critiqué par les appelantes mais ne suscite, à titre d'offre de preuve contraire, que le versement de photos du chantier [S] et du PV de réception Flament Delecroix.
La Cour observe que le tribunal a, dans la décision attaquée, décrit de façon détaillée les témoignages nombreux et concordants de personnes tierces à la relation contractuelle entre les parties qu'il considère comme suffisants pour établir la réalité des manquements justifiant les résiliations aux torts de [F] et MKT.
Elle estime devoir prendre en compte, en outre, le témoignage des deux commerciaux produit (pièces 4.5.1 et 4.5.2).
La Cour retient que les intimées démontrent des manquements, précis, graves, et préjudiciables de MKT dans l'exécution de ses obligations contractuelles.
En second lieu, la Cour constate que les allégations du franchiseur et du sous-traitant quant aux manquements supposés de la société Les Maisons JPR sont la reprise in extenso des affirmations formulées postérieurement à lettre de résiliation du 22 juin 2018, dans un courrier en réponse du 27 juin 2018, étant relevé que ces griefs ont été formulés de façon identique, à la même date, à l'égard deux autres franchisés (les sociétés Bâtie Habitat et MNR Pavillons Nouvelle Idée). Ils ne sont étayés par aucun élément probant et sont maintenus alors que le franchisé verse notamment aux de'bats (pièce n°6.3) 8 notes d'hôtel (dont 6 de l'Holiday Inn de Bougival) mentionnant des dates et supportant les mentions "Seminaire", " Mikit", "journée d'étude".
La Cour retient que dès lors que le contrat de franchise imposait au franchisé de sous-traiter l'intégralité des chantiers à la société désignée par le franchiseur et que MKT s'est montrée défaillante, la résiliation du contrat de sous-traitance aux torts de cette dernière ne permettait plus le maintien du contrat de franchise. En l'absence de désignation par le franchiseur d'un autre sous-traitant et en l'absence de faute imputable au franchisé, la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé est justifiée.
Il s'ensuit que :
- la société [F] est mal fondée en sa demande de fixation au passif de la société Les Maisons JPR de la somme de 78 850 € réclamée au titre de l'indemnité de résiliation prévue à l'article 17 du contrat de franchise en cas de résiliation aux torts du franchisé (versement forfaitaire par le franchisé des redevances qu'il aurait normalement perçues jusqu'au terme du contrat) ;
- la société MKT est mal fondée en sa demande de fixation au passif de la société Les Maisons JPR de la somme de 48 530, 86 € réclamée au titre d'un manque à gagner causé par la résiliation du contrat de sous-traitance.
Les demandes formulées à l'encontre de M. [K] à titre personnel au titre au titre de l'indemnité de résiliation anticipée prévue au contrat de franchise et au titre du manque à gagner suite à la résiliation de la convention de sous-traitance sont dépourvues de tout fondement.
Le jugement attaqué est en conséquence confirmé sur l'ensemble de ces chefs.
Sur la demande de fixation au passif de la société Les Maisons JPR d'une créance au titre de factures de redevance d'exploitation et de publicités impayées.
Les sociétés [F] et MKT soutiennent que la société Les Maisons JPR était redevable au jour de l'assignation de la somme de 108 650,73 € TTC au titre des factures de redevances fondations et de publicité laissées impayées à la date du 27 juin 2018, date de la mise en demeure.
Selon les appelantes, ce n'est pas parce que les redevances dues à la société [F] en qualité de franchiseur étaient acquittées via les flux financiers générés par les clients [F] entre les mains de la société MKT en qualité de constructeur (sous-traitant) que toutes les factures pouvaient être réglées à bonne date. Elles font valoir que les factures [F] ne pouvaient être soldées que pour autant que les chantiers le permettaient et que ce n'est qu'une fois les chantiers terminés que les factures ont pu être apurées.
Maitre [Y] ès qualités et M. [K] répondent que la demande ne repose sur aucun justificatif solide : les redevances réclamées ne correspondent à aucun véritable service fourni. En particulier, [F] ne prouve pas avoir fourni les mesures publicitaires justifiant les redevances dont elle prétend réclamer le paiement. En outre, MKT devait reverser directement à [F] les redevances dues au titre du contrat de micro-franchise en application du mandat consenti par MRN, MKT réglant donc 100 % des redevances. Aucune facture de redevance n'ayant jamais été payée directement par la société franchisée, il ne peut y avoir le moindre arriéré de facture de ce type sur un chantier.
Réponse de la Cour :
S'agissant des redevances contractuellement convenues (intitulées "redevance sur GL" pour 11 dossiers et "publicité sur GL" pour 13 dossiers) qui n'auraient pas été réglées à [F], cette dernière verse aux débats copie des factures qu'elle a émises (pièces n°15 et 17) et des extraits de son grand-livre des tiers (pièces n°14 et 19 relatives aux "Red Fondations" et "Red Pub Fondati"), attestant selon elle de la réalité de de sa créance.
Cependant, c'est de manière adéquate que le tribunal, se référant à la délégation de paiement signée entre le franchisé et la société Les Maisons JPR, dont il reproduit les termes de l'article 2, a retenu qu'il appartenait à MKT de payer, pour le compte de cette société, à partir des fonds encaissés des clients, les redevances dues à [F].
La Cour ajoute que cette obligation est explicitement mentionnée à l'article 1er du mandat de gestion signé le 30 novembre 2015, le mandataire (MKT), s'engageant auprès de son mandant (la société en formation la société Les Maisons JPR), d' "effectuer le paiement pour son compte des redevances envers la structure franchiseur [F], conformément aux termes du contrat de franchise signé entre le mandant et [F]" (pièce appelantes n°2.5).
[F] et MKT, ne peuvent, dans ces circonstances, sans apporter plus d'éléments, appuyés par exemple par une attestation d'expert-comptable, évoquer dans leurs écritures un "jeu de compensation intervenues au fur et à mesure de la finition des chantiers encore en construction lors de la rupture", de nature à justifier selon elles que les factures litigieuses aient été "apurées" ultérieurement.
Il s'ensuit que les seules pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir l'existence de cette créance.
Sur les comptes entre les parties
Les sociétés [F] et MKT, se référant à leur pièce n°34 intitulée "note sur le décompte des sommes dues au 13 octobre 2020", font valoir qu'elles n'étaient pas débitrices d'une quelconque somme mais créancières d'une somme résiduelle de 860, 61 euros, hors débat sur la TVA. Elles ajoutent, en se référant à leur document"tableau n°2 actualisé des sommes dues"(pièces appelantes n°26), que préalablement et tenant compte de l'avancement des différents chantiers, il avait été justifié que les Maisons JPR était débitrice de la somme de 6 784, 61 euros.
Maitre [Y] ès qualités et M. [K] répondent que ces affirmations ne reposent sur aucune pièce justificative, étant observé par ailleurs qu'est évoqué la société MKSO qui n'est pas dans la cause. Ils font valoir que les modalités de rémunération d'un franchisé MKIT correspondent à la marge résiduelle que la société MKT perçoit des clients maîtres de l'ouvrage en vertu du contrat de délégation de paiement convenu entre les parties à la demande de [F]. Par courrier officiel du 11 septembre 2018, le conseil de JPR a mis en demeure [F] d'avoir à régler le solde de marge, soit 88 286, 38 euros. A la suite d'une erreur d'attribution, JPR a reçu la somme de 34.730,69 euros. Cette somme vient en déduction de la somme réclamée, laquelle, au regard du tableau excel produit, s'éléve à 59.922,96 euros.
Réponse de la Cour :
La liste des dossiers en cours à la date de résiliation n'est pas contestée et le principe d'avoir à régler ce solde lors de la résiliation, tel qu'indiqué à l'article 16.5 du contrat de franchise, ne l'est pas non plus.
La Cour observe que pour autant, ni le constat d'huissier réalisé en juin 2018, ni les fiches de rentabilité évoquées par les intimés dans leurs écritures ne sont produites.
Force est de constater également que [F] et MKT versent aux débats des documents intitulés "détail couts" qui n'ont aucune valeur contractuelle, ni probatoire. Elles font en outre état, pour le déduire, d'un appel de fonds d'un montant de 35 128, 10 euros qui aurait été encaissé directement dans le dossier [Localité 7], mais n'en justifient pas, faute de portée probatoire du seul document produit sur ce point (courrier que MKT a adressé à la société Les Maisons JPR le 7 septembre 2018 indiquant "dans l'attente de ce règlement, nous suspendons légitimement notre action sur ce dossier"). Elles considèrent de surcroit que la simple production des conditions particulières des contrats permet déduire les acomptes versés par les clients à la signature (lesquels ne sont pourtant pas évoqués dans les documents en question).
Il s'en suit que le solde de marge de 88 286, 38 euros en faveur de la société Les Maisons JPR n'était pas établi et que c'est à raison que le tribunal a estimé, au vu des pièces versées au débat et qu'il a examinés que le solde de marge sur les dossiers en cours s'élevait à 40 000 euros.
Le jugement attaqué est en conséquence confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
Le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice subi par M. [K], laquelle n'est pas critiqué par les appelantes dans leurs écritures.
Les circonstances de la cause, et notamment le peu de pièces versées aux débats non seulement par les appelants, mais aussi par les intimés, qui ne permettent pas de caractériser la mauvaise foi de [F] et MKT et, partant, un exercice fautif du droit de ces sociétés d'ester en justice. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] et le liquidateur de leurs demandes de dommages-intérêts à ce titre.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [K] les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer pour faire valoir ses droits en justice en cause d'appel. Il sera en conséquence fait droit à sa demande à hauteur de 8 000 euros.
[F] et MKT sont déboutés de leur demande formée à ce titre.
Parties perdantes, elles seront condamnées aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 janvier 2021 en l'ensemble des dispositions qui lui sont soumises,
Y ajoutant ;
CONDAMNE les sociétés [F] France et MKT Promotion in solidum à payer à M. [D] [K] la somme supplémentaire de 8.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE les sociétés [F] France et MKT Promotion in solidum aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE