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10/05/2023 | FRANCE | N°20/05692

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 10 mai 2023, 20/05692


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 10 MAI 2023



(n° 2023/ , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05692 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJIT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09151





APPELANTE



S.A.S. HOMME MODERNE BOUTIQUES

[Adresse 2]>
[Localité 3]



Représentée par Me Nadia ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 139





INTIMÉE



Madame [S] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Emmanuell...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 10 MAI 2023

(n° 2023/ , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05692 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJIT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09151

APPELANTE

S.A.S. HOMME MODERNE BOUTIQUES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Nadia ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 139

INTIMÉE

Madame [S] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle FARTHOUAT - FALEK, avocat au barreau de PARIS, toque : G097

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Homme moderne boutiques (SAS) a employé Mme [S] [N], née en 1967, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 avril 2016 en qualité de responsable boutique - statut cadre débutant niveau VII.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail non alimentaire.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 2 466,21 € ; elle travaillait dans le magasin de la société Homme moderne boutiques au centre commercial Italie 2.

Le 23 mars 2018, le bail sur ces locaux était rompu à l'initiative du bailleur et devait prendre fin le 30 septembre 2018.

Mme [N] a eu un accident du travail le 16 mai 2018 qui a été suivi par des arrêts de travail pendant plusieurs mois.

Pendant cette période de suspension du contrat de travail, Mme [N] a d'abord été informée en septembre 2018 que son lieu de travail serait modifié à compter du 1er octobre 2018, en raison de la fermeture de la boutique du centre commercial Italie 2 puis par lettre notifiée le 28 septembre 2018, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 10 octobre 2018.

Mme [N] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre notifiée le 22 octobre 2018 ; la lettre de licenciement indique :

« Nous vous avons convoquée à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'à un licenciement pour faute grave le 10 octobre 2018, en raison des faits suivants :

Le lundi 24 septembre, deux de vos collègues et subordonnées, [V] [B] et [O] [Y], se sont plaintes auprès de votre responsable, [A] [E], qui nous en a avisés le 25/09/2018, d'avoir reçu de nombreux appels téléphoniques (jusqu'à 6 appels) la veille, dimanche 23 septembre, durant leur jour de repos hebdomadaire.

Aucun motif autre qu'une cause grave n'autorise un responsable à perturber le repos hebdomadaire de ses subordonnés.

Lorsque Madame [Y], perturbée par ce véritable harcèlement téléphonique, a fini par prendre votre appel, il s'est avéré qu'il n'avait nul autre motif que de dénigrer notre société, en l'accusant de malhonnêteté.

Madame [Y] vous a répondu qu'elle n'avait aucun grief contre la société avec laquelle elle avait déjà conclu une rupture conventionnelle.

Avant que nous ayons découvert ces faits, vous aviez été reçue le 24/09/2018 par [X] [C], Responsable RH groupe, et [I] [F], Attachée de Direction Générale groupe lors d'un entretien qui avait pour objet de définir les modalités d'organisation de votre reprise de travail, dans le cadre de la nouvelle affectation que nous souhaitions vous proposer.

Or, le mercredi 26 septembre au soir, soit deux jours après cet entretien vous avez à nouveau contacté Mme [Y].

Vous avez alors proféré des insultes envers Mmes [C] et [F], que vous avez traitées de « deux pétasses du siège qui ne connaissent rien ».

Vous avez souhaité obtenir des informations sur les conditions de son départ, elle vous a répondu qu'il s'agissait d'un sujet personnel.

Ne respectant pas le v'u de madame [Y] vous avez ensuite réitéré vos appels jusqu'à une heure indue (23h45), perturbant à nouveau Mme [Y] qui n'y a plus répondu.

Mme [Y] s'en est ouverte à Mme [E] le lendemain, déplorant ce comportement.

Vous vous êtes livrée à un véritable harcèlement téléphonique envers vos subordonnées, les appelant sur leurs téléphones privés à de multiples reprises et jusqu'à des heures tardives, contre leur gré, pendant leurs jours de repos pour tenir des propos dénigrants envers votre employeur et insultants envers deux personnes de la Direction de l'entreprise.

Lors de l'entretien du 10 octobre 2018, vous n'avez formulé aucune explication de nature à nous permettre de modifier notre appréciation des faits.

La poursuite de notre collaboration et votre maintien dans l'entreprise sont dès lors impossibles.

En conséquence, dès la première présentation, la présente notification de licenciement marquera la fin de notre contrat de travail, sans préavis, ni indemnité de licenciement.

(...)».

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [N] avait une ancienneté de 2 ans et 6 mois.

La société Homme moderne boutiques occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Mme [N] a saisi le 3 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« A titre principal:

Juge nul le licenciement prononcé par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS à l'encontre de Madame [N] [S] le 22 octobre 2018,

- Constate le caractère vexatoire du licenciement prononcé par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS à l'encontre de Madame [N] [S] le 22 octobre 2018

- Constate le non-respect par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS de son obligation de sécurité et de résultat à l'égard de Madame [N] [S]

Par conséquent,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 2 000 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour réparation de son préjudice découlant du caractère vexatoire de son licenciement,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 29 594,52 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour licenciement entaché de nullité,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 7 398,63 Euros Brut à Madame [N] [S], au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 791 Euros Brut à Madame [N] [S] au titre des Congés payés sur préavis,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 4 932,42 Euros Net à Madame [N] [S] au titre de l'indemnité légale spéciale de licenciement,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 14 797,26 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement au paiement de la somme de 7 398,63 Euros Net à Madame [N] [S] au titre de l'indemnité de compensation d'immobilisation,

avec les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts.

A titre subsidiaire :

- Juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS à l'encontre de Madame [N] [S] le 22 octobre 2018,

- Constate le caractère vexatoire du licenciement prononcé par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS à l'encontre de Madame [N] [S] le 22 octobre 2018

- Constate le non-respect par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS de son obligation de sécurité et de résultat à l'égard de Madame [N]

Par conséquent,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 2 000 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour réparation de son préjudice découlant du caractère vexatoire de son licenciement,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 29 594,52 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 7 398,63 Euros Brut à Madame [N] [S], au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 791 Euros Brut à Madame [N] [S] au titre des Congés payés sur préavis,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 4 932,42 Euros Net à Madame [N] [S] au titre de l'indemnité légale spéciale de licenciement,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement au paiement de la somme de 14 797,26 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement au paiement de la somme de 7 398,63 Euros Net à Madame [N] [S] au titre de l'indemnité de compensation d'immobilisation,

Avec les intérêts au taux légal, et prononce la capitalisation des intérêts,

En tout état de cause,

- Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 2500 Euros au titre de l'Article 700 et aux entiers dépens de la présente procédure,

- Prononce l'exécution provisoire de la décision à intervenir »

La société Homme moderne boutiques a formé les demandes reconventionnelles suivantes :

« JUGER que le licenciement de Madame [N] pour faute grave est justifié,

DEBOUTER Madame [N] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNER Madame [N] à Verser à la société HMB la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. »

Par jugement du 22 juillet 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Fixe le salaire de référence de Madame [S] [N] à la somme de 2.466, 21 euros.

Dit que le licenciement de Madame [S] [N] est entaché de nullité.

Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES à verser à Madame [S] [N] les sommes suivantes :

- 7 398,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 739.86 euros de congés payés afférents

- 1 695.52 euros au titre de l'indemnité de licenciement

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation.

Rappelle qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 2 466,21 euros.

- 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement entaché de nullité Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

Condamne la société HOMME MODERNE BOUTIQUES à verser à Madame [S] [N] la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile

Déboute Madame [S] [N] du surplus de ses demandes

Déboute la société HOMME MODERNE BOUTIQUES de ses demandes reconventionnelles et la condamne aux dépens de l'instance engagée »

La société Homme moderne boutiques a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 27 août 2020.

La constitution d'intimée de Mme [N] a été transmise par voie électronique le 15 octobre 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 10 janvier 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 13 mars 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 15 juin 2021, la société Homme moderne boutiques demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a :

- Jugé le licenciement de Madame [N] dénué de cause réelle et sérieuse,

- Condamné en conséquence la société HMB à verser à Madame [N] :

o 7 398,63 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

o 739,86 € de congés payés y afférents,

o 1 695,52 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

o 20 000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement entaché de nullité,

o 900 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Statuant à nouveau :

JUGER le licenciement par faute grave de Madame [N] justifié.

En tout état de cause

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté Madame [N] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice corporel résultant de son accident du travail et au titre de l'indemnité de compensation d'immobilisation,

CONDAMNER Madame [N] à verser à la société HMB la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 23 février 2021, Mme [N] demande à la cour de :

« Recevoir la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS en son appel mais l'y déclarer mal fondée,

L'en débouter ainsi que de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

A titre principal :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré nul le licenciement prononcé par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS à l'encontre de Madame [N] [S] le 22 octobre 2018

L'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 29 594,52 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour licenciement entaché de nullité,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 2 000 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts en réparation de son préjudice découlant du caractère vexatoire de son licenciement,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 7 398,63 Euros Brut à Madame [N] [S], au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 791 Euros Brut à Madame [N] [S] au titre des Congés payés sur préavis,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 4 932,42 Euros Net à Madame [N] [S] au titre de l'indemnité légale spéciale de licenciement,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 14 797,26 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement au paiement de la somme de 7 398,63 Euros Net à Madame [N] [S] au titre de l'indemnité de compensation d'immobilisation,

- Faire courir les intérêts au taux légal, et prononcer la capitalisation des intérêts,

A titre subsidiaire :

- Juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS à l'encontre de Madame [N] [S] le 22 octobre 2018,

- Constater le caractère vexatoire du licenciement prononcé par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS à l'encontre de Madame [N] [S] le 22 octobre 2018

- Constater le non-respect par la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS de son obligation de sécurité et de résultat à l'égard de Madame [N]

Par conséquent,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 29 594,52 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 2 000 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour réparation de son préjudice découlant du caractère vexatoire de son licenciement,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 7 398,63 Euros Brut à Madame [N] [S], au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 791 Euros Brut à Madame [N] [S] au titre des Congés payés sur préavis,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 4 932,42 Euros Net à Madame [N] [S] au titre de l'indemnité légale spéciale de licenciement,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement au paiement de la somme de 14 797,26 Euros Net à Madame [N] [S] au titre des Dommages et Intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail,

- Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement au paiement de la somme de 7 398,63 Euros Net à Madame [N] [S] au titre de l'indemnité de compensation d'immobilisation,

- Faire courir les intérêts au taux légal, et prononcer la capitalisation des intérêts,

- A titre infiniment subsidiaire

Confirmer en toutes ces dispositions la décision du Conseil de Prud'hommes de Paris Faire courir les intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance, et prononcer la capitalisation des intérêts des sommes allouées,

En tout état de cause,

Condamner la société HOMME MODERNE BOUTIQUES SAS au paiement de la somme de 3 000 Euros au titre de l'Article 700 du NCPC en cause d'appel et aux entiers dépens de la présente procédure. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le magistrat rapporteur a fait un rapport, mis dans le débat l'irrecevabilité des demandes de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail et d'indemnité de compensation d'immobilisation qui, étant consécutives à un accident du travail, relève du contentieux général de la sécurité sociale, et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 10 mai 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

Il est constant que Mme [N] était en arrêt de travail suite à un accident du travail quand elle a été licenciée pour faute grave.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Mme [N] a été licenciée pour les faits suivants :

- le harcèlement de deux subordonnées durant leur jour de repos hebdomadaire et la perturbation de leur repos

- le fait d'avoir proféré des insultes envers des membres de la direction de l'entreprise.

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

L'article L.1226-9 du code du travail dispose qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

L'article L.1226-13 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société Homme moderne boutiques n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir le harcèlement de deux subordonnées durant leur jour de repos hebdomadaire et le fait d'avoir proféré des insultes envers des membres de la direction de l'entreprise ; en effet l'attestation de Mme [B] (pièce employeur n° 6) est un élément de preuve dépourvu de valeur probante au motif qu'il s'agit d'un témoignage vague, imprécis et subjectif qu'aucun autre élément ne vient corroborer et qui est de surcroît contredit par les relevé des appels téléphoniques passés par Mme [N] (pièce salarié n° 19) qui ne mentionne, en ce qui concerne Mme [B], qu'un appel de 34 secondes le 23 septembre 2018 à 17:32 et un seul autre de 3 secondes le 26 septembre 2018 à 18:36 ; quant à l'attestation de Mme [E] (pièce employeur n° 7), elle est contredite par l'attestation de Mme [Y] (pièce salarié n° 13).

Il ressort de ce qui précède que l'employeur n'a pas établi, à l'occasion de la présente instance, que le licenciement de Mme [N] est justifié par une faute grave ; en conséquence, le licenciement de Mme [N] est nul sur le fondement des articles L.1226-9 et L.1226-13 précités au motif que Mme [N] a été licenciée pendant la période de suspension de son contrat de travail du fait de son arrêt de travail pour accident du travail sans que la société Homme moderne boutiques justifie de la faute grave mentionnée dans la lettre de licenciement.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [N] est nul.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

Mme [N] demande par infirmation du jugement la somme de 25 594,52 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ; la société Homme moderne boutiques s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

La cour rappelle que le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [N] doit être évaluée à la somme de 20 000 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Homme moderne boutiques à payer à Mme [N] la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Mme [N] demande par infirmation du jugement la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ; la société Homme moderne boutiques s'oppose à cette demande.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est mal fondée dans cette demande au motif qu'elle ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Mme [N] demande par confirmation du jugement la somme de 7 398,63 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; la société Homme moderne boutiques s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

La cour rappelle que le licenciement nul ouvre droit aux indemnités de rupture et donc à l'indemnité compensatrice de préavis étant précisé que le délai de préavis est de 3 mois pour les cadres.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Homme moderne boutiques à payer à Mme [N] la somme non utilement contestée de 7 398,63 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

Mme [N] demande par confirmation du jugement la somme de 739,86 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; la société Homme moderne boutiques s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Homme moderne boutiques à payer à Mme [N] la somme non utilement contestée de 739,86 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur l'indemnité de licenciement

Mme [N] demande par infirmation du jugement la somme de 4 932,42 € au titre de l'indemnité légale spéciale de licenciement ; la société Homme moderne boutiques s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

La cour rappelle que le licenciement nul ouvre droit aux indemnités de rupture et donc à l'indemnité légale de licenciement de droit commun tel que le conseil de prud'hommes l'a retenue.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Homme moderne boutiques à payer à Mme [N] la somme non utilement contestée de 1 695,52 € au titre de l'indemnité de licenciement étant précisé que Mme [N] est mal fondée dans sa demande d'indemnité spéciale de licenciement dès lors que les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail qui régissent l'indemnité spéciale de licenciement ne sont applicables que si la rupture du contrat de travail est intervenue dans l'un des cas prévus au 2e alinéa de l'article L.1226-12 du code du travail, étrangers au présent litige.

Sur les dommages et intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail et l'indemnité de compensation d'immobilisation

Mme [N] demande la somme de 14 797,26 € au titre des dommages et intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail et la somme de

7 398,63 € au titre de l'indemnité de compensation d'immobilisation ; la société Homme moderne boutiques s'oppose à cette demande.

Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître de l'application des règles relatives à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est irrecevable dans ces demandes au motif que la victime d'un accident du travail dû, selon elle, à la faute inexcusable de son employeur ne peut pas saisir le conseil des prud'hommes d'une demande de réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident du travail, la réparation de ces préjudices relevant du contentieux de la sécurité sociale.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail et d'indemnité de compensation d'immobilisation et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que Mme [N] est irrecevable dans ses demandes de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail et d'indemnité de compensation d'immobilisation.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Homme moderne boutiques de la convocation devant le bureau de conciliation.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière en application de l'article 1343-2 du code civil.

La cour condamne la société Homme moderne boutiques aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Homme moderne boutiques à payer à Mme [N] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il a débouté Mme [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail et d'indemnité de compensation d'immobilisation ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

DIT que Mme [N] est irrecevable dans ses demandes de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice corporel résultant de son accident de travail et d'indemnité de compensation d'immobilisation ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Homme moderne boutiques à verser à Mme [N] une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Homme moderne boutiques aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/05692
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.05692 ?
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