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10/05/2023 | FRANCE | N°20/03985

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 10 mai 2023, 20/03985


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 10 MAI 2023



(n° 2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03985 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB7JT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/00223





APPELANTE



SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DU STELLA

[Adresse 1]

[Localité 3]>


Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010





INTIMÉ



Monsieur [P] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me François-Marie IORIO, a...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 10 MAI 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03985 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB7JT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/00223

APPELANTE

SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DU STELLA

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMÉ

Monsieur [P] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me François-Marie IORIO, avocat au barreau de PARIS, toque : D0649

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [U] a été embauché par la société d'Exploitation du Stella, selon un contrat à durée déterminée en date du 06 janvier 2010 en qualité de chef de rang. Un contrat à durée indéterminée a été conclu, pour le même poste, à compter du 19 mars 2020.

Les relations de travail sont régies par la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants (HCR).

Le 15 novembre 2016, un avertissement a été notifié à M. [U] pour avoir consommé de l'alcool dans l'établissement, en tenue de travail.

Le 7 juin 2017 un avertissement a été notifié à M. [U], pour avoir consommé de l'alcool pendant son service.

Le 30 janvier 2018 M. [U] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement.

L'entretien s'est tenu le 07 février 2018. M. [U] a été mis à pied à titre conservatoire le jour de l'entretien préalable.

Le licenciement pour faute grave a été notifié à M. [U], par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 février 2018.

M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 14 janvier 2019.

Par jugement du 11 février 2020, le conseil de prud'hommes a :

Condamné la société d'Exploitation du Stella à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 5 321,74 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 5 148 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 514,80 euros au titre des congés payés incidents,

avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2019 et exécution provisoire,

- 15 444 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté M. [U] du surplus de ses demandes ;

Ordonné à la société d'Exploitation du Stella de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié, à hauteur de 1 000 euros ;

Débouté la société d'Exploitation du Stella de sa demande et l'a condamnée aux dépens.

La société d'Exploitation du Stella a formé appel par acte du 3 juillet 2020.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 26 octobre 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société d'Exploitation du Stella demande à la cour :

A titre principal :

d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société d'Exploitation du Stella à verser à M. [U] :

15 444 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 148 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

514,80 euros au titre des congés payés afférents,

5 321,74 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à hauteur de 1 000 euros.

Statuant à nouveau :

Débouter M. [U] de toutes ses demandes fins et conclusions,

De confirmer les autres dispositions dudit jugement

- A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire, la cour ne devait pas infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré le licenciement pour faute grave de M. [U] dénué de cause réelle et sérieuse, elle pourra à tout le moins, réformer ce même jugement sur ce point et considérer le licenciement de M. [U] comme causé, réel et sérieux.

en conséquence , la cour confirmera le jugement en qu'il a prononcé les condamnations suivantes :

- 5 148 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 514,80 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 321,74 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

- En tout état de cause :

Débouter M. [U] de son appel incident et de toutes ses demandes.

Condamner M. [U] à payer à la société d'Exploitation du Stella :

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 29 novembre 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [U] demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a estimé que le licenciement de M. [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société d'Exploitation du Stella à lui verser :

- la somme de 5 321,74 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- la somme de 5 148 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, soit deux mois de salaire ;

- la somme de 514,80 euros au titre des congés payés afférents à ce préavis.

accueillir M. [U] en son appel incident et de :

- condamner la société d'Exploitation du Stella à verser à M. [U], à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme de 20 592 euros, soit l'équivalent de huit mois de salaire.

Dire et juger que ce n'est qu'à titre infiniment subsidiaire que la cour maintiendra la condamnation prononcée à ce titre pour un montant de 15 544 euros.

Condamner la société d'Exploitation du Stella à rectifier l'ancienneté indiquée sur l'attestation Pôle Emploi qui a été remise à M. [U], sous astreinte journalière de retard de 30 euros à compter de l'écoulement d'un délai de huit jours suite à la notification du jugement à venir.

Condamner la société d'Exploitation du Stella à rembourser à M. [U] la somme de 355,90 euros qui correspond aux prélèvements indus sur son salaire.

Condamner la société d'Exploitation du Stella au versement d'une somme de 15 444 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Condamner la société d'Exploitation du Stella à payer à M. [U] une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société d'Exploitation du Stella en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.

MOTIFS

Sur le licenciement

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle implique une réaction de l'employeur dans un délai bref à compter de la connaissance des faits reprochés au salarié.

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En revanche la charge de la preuve de la qualification de faute grave des faits reprochés qui est celle correspondant à un fait ou un ensemble de faits s'analysant comme un manquement du salarié à ses obligations professionnelles rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et le privant de tout droit au titre d'un préavis ou d'une indemnité de licenciement, pèse sur l'employeur.

En application des articles L1232-1 et L1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute grave, doit vérifier s'ils ne sont pas tout au moins constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

La lettre de licenciement fait d'abord état des deux avertissements prononcés à l'égard de M. [U] et indique ensuite que le licenciement est motivé par les comportements qui ont suivi :

- un problème d'encaissement le 14 janvier 2018 pour une table dont M. [U] avait la charge : l'opération de débit d'une carte bancaire d'un montant de 208,50 euros n'a pas fonctionné et un ticket abandon a été édité, sans autre paiement demandé au client,

- pour avoir rendu sa caisse le 28 janvier 2018 avec un surplus d'espèces important et pour avoir encaissé une addition de 327,90 euros sur la caisse du directeur, avoir ensuite pris avec légèreté le reproche fait par son supérieur en quittant l'établissement,

- d'avoir, le lendemain lors de l'encaissement d'une note concernant deux personnes étrangères, tapé un montant de 144,30 euros sur le terminal de carte bancaire au lieu de la somme de 44,30 euros,

- d'avoir, entre la remise de la convocation et la tenue de l'entretien préalable, tenu des propos aux clients de l'établissement portant préjudice à l'image de l'établissement.

La société d'Exploitation du Stella produit le journal des opérations effectuées par M. [U] la journée du 14 janvier 2018, qui comporte un incident de paiement pour une opération de 208,50 euros. La responsable de l'établissement atteste que ce jour là le ticket de carte bancaire correspondant à l'opération était un ticket d'abandon et que M. [U] aurait dû solliciter un autre règlement. Elle précise qu'elle n'a pas encaissé la table qui correspondait à l'opération.

L'employeur produit un ticket de carte bancaire d'un montant de 327,90 euros et l'attestation du directeur adjoint qui indique qu'il a oublié de transférer l'addition ainsi effectuée sur un autre compte, que M. [U] aurait dû signaler l'erreur de sa caisse lorsqu'il l'a rendue à son responsable mais qu'il ne l'a pas fait, puis qu'il a contesté tout écart de caisse et enfin qu'il a ricané lorsque la remarque lui a été faite concernant son attitude nonchalante.

La société d'Exploitation du Stella verse aux débats le journal des opérations effectuées sur la caisse de M. [U] le 29 janvier 2018, qui indique plusieurs tentatives de débit de carte bancaire d'un montant de 144,30 euros.

L'exploitation de la vidéo-surveillance permet de constater que c'est un salarié masculin qui a procédé aux opérations d'encaissement d'une table avec deux femmes et une jeune personne, qu'une des deux clientes est sortie de l'établissement pour y revenir, puis qu'une autre femme est venue s'entretenir avec les clientes et le salarié, tenant des documents papiers en main.

La responsable de M. [U] atteste qu'en raison de l'échec des opérations avec la carte bancaire la cliente étrangère est partie chercher du numéraire, que cette cliente a ensuite compris que l'opération ne passait pas en raison du dépassement du plafond autorisé, qu'elle ne devait payer que 44,30 euros et que cette cliente a ensuite contesté l'explication de M. [U] selon laquelle elle aurait ajouté un pourboire de 100 euros, partant furieuse en se sentant volée.

Le directeur adjoint atteste qu'après les reproches qui ont été adressés à M. [U] sur son comportement, des clients lui ont rapporté qu'il dénigrait l'établissement et la direction. Le directeur atteste quant à lui qu'après la convocation à l'entretien préalable M. [U] a dénigré ses supérieurs hiérarchiques et l'établissement auprès des autres salariés et des clients, et a persisté malgré la demande de cesser ce comportement, ce qui a justifié sa mise à pied à titre conservatoire.

M. [U] formule des observations sur les circonstances des deux premiers avertissements, sans en demander la nullité ni contester la réalité des faits.

Le salarié ne conteste pas s'être occupé de la table 51 la journée du 14 janvier 2018 et explique que c'est sa responsable qui a procédé à l'encaissement, sans produire d'élément contredisant l'attestation établie par celle-ci.

Il explique que le grief concernant le mauvais encaissement du 28 janvier 2018 est infondé, la somme ayant été réglée et l'erreur ayant été commise par le directeur, dont il indique que l'attestation ne peut pas établir un grief à son encontre.

M. [U] conteste tout manquement lors de l'encaissement des deux clientes étrangères, expliquant qu'elles avaient voulu laisser un pourboire de 100 euros et que la carte bancaire ne passant pas, l'une d'elle a procédé à un retrait en espèce.

M. [U] conteste enfin tout comportement de dénigrement et produit des attestations de clients d'un autre établissement dans lequel il a travaillé qui font état de la qualité de son service.

Les éléments produits par l'employeur établissent la réalité des manquements de M. [U] lors de plusieurs encaissements successifs, qui justifiaient la mise en ouvre d'une procédure disciplinaire à son encontre. Le comportement du salarié au cours de la procédure n'est pas utilement contredit par des éléments probants versés aux débats.

Les faits reprochés sont établis par l'employeur. Leur répétition sans prise de conscience, après deux avertissements infligés, rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La faute grave est caractérisée et le licenciement pour ce motif était justifié.

M. [U] doit être débouté de ses demandes relatives aux indemnités de rupture.

Il n'y a pas lieu d'ordonner à la société d'Exploitation du Stella le remboursement des sommes versées par Pôle Emploi.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur les demandes de l'intimé

En plus de la confirmation des indemnités de rupture M. [U] formule des demandes de condamnation de la société d'Exploitation du Stella, dont il a été débouté par le conseil de prud'hommes.

Le dispositif des conclusions de l'intimé ne contenant aucune demande d'infirmation ou de réformation des chefs de jugement de première instance, la cour ne peut que confirmer le jugement pour le surplus.

Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [U] qui succombe supportera les dépens et sera condamné à verser à la société d'Exploitation du Stella la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement qui a alloué une indemnité à M. [U] au titre des frais irrépétibles sera infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- condamné la société d'Exploitation du Stella à payer à M. [U] une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre des frais irrépétibles, avec intérêts au taux légal,

- ordonné le remboursement à Pôle Emploi par la société d'Exploitation du Stella des prestations versées à M. [U],

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DÉBOUTE M. [U] de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à ordonner le remboursement à Pôle Emploi par la société d'Exploitation du Stella des prestations versées à M. [U],

CONFIRME le jugement pour le surplus,

CONDAMNE M. [U] aux dépens,

CONDAMNE M. [U] à payer à la société d'Exploitation du Stella la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/03985
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.03985 ?
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