La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2023 | FRANCE | N°20/00603

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 10 mai 2023, 20/00603


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 10 MAI 2023



(n° 2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00603 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJHW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/00600





APPELANTE



Madame [K] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par

Me Alexandra JONGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0802





INTIMÉE



SAS MEDICA FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 10 MAI 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00603 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJHW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/00600

APPELANTE

Madame [K] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandra JONGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0802

INTIMÉE

SAS MEDICA FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [S] a été embauchée le 21 février 2007 en qualité de secrétaire administrative. Elle a évolué et a été promue directrice d'établissement, de la résidence [5] à [Localité 6], à compter du 21 mai 2013.

La convention collective applicable aux relations de travail est celle de l'hospitalisation privée à but lucratif.

Son contrat de travail a été rompu dans le cadre d'une rupture conventionnelle conclue le 10 juillet 2017, à effet au 30 septembre 2017.

Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 29 janvier 2018 aux fins de demander la nullité de la rupture conventionnelle, des indemnités de rupture, un rappel d'heures supplémentaires et des indemnités.

Par jugement du 04 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a :

Débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée au paiement des entiers dépens.

Débouté la société Medica France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] a formé appel par acte du 17 janvier 2020.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 16 janvier 2023, auxquelles la cour fait expressément référence, Mme [S] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 4 décembre 2019 et statuer à nouveau ,

Constater que la rupture conventionnelle est nulle

En conséquence,

Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de :

- Indemnité compensatrice de préavis : 14 857,42 euros ;

- Congés payés sur préavis : 1 485,74 euros ;

- Indemnité conventionnelle de licenciement : 19 725,35 euros ;

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 60 000 euros ;

En tout état de cause condamner la société au paiement de :

- Dommages et intérêts pour exécution déloyale de contrat de travail : 10 000 euros ;

- Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat : 20 000 euros ;

- Rappel de salaire au titre des astreintes : 72 411,12 euros ;

Congés payés afférents sur les astreintes : 7 241,11 euros ;

- Dommages et intérêts pour inopposabilité de la convention de forfait annuel en jours : 10 000 euros ;

- Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 74 331,74 euros ;

- Congés payés afférents : 7 433,17 euros ;

- Rappel de salaire au titre du repos compensateur pour les heures supplémentaires

effectuées au-delà du contingent annuel : 87 677,78 euros ;

- Article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros ;

- Application des intérêts au taux légal ;

- Dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 16 juillet 2020, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Medica France demande à la cour de :

Dire et juger que la rupture conventionnelle intervenue entre les parties n'est entachée d'aucun vice du consentement ;

Dire et juger que Mme [S] a été régulièrement employée dans le cadre d'une convention de forfait en jours ;

Dire et juger que l'employeur n'a commis aucun manquement dans l'exécution de la relation contractuelle.

En conséquence :

Confirmer le jugement entrepris ;

Débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner Mme [S] au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

MOTIFS

Sur les astreintes

L'art L. 3121-9 du code du travail dispose que 'Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.'

Mme [S] expose avoir été d'astreinte en continu pendant l'exécution de son contrat de travail et demande le paiement d'un rappel de salaire à ce titre. Elle produit les versions successives de la fiche intitulée 'signalement des EIG (Evènements Indésirables Graves)' qui indiquent que toute personne qui identifie un EIG dans l'établissement , après s'être assurée de la mise en application immédiate de la procédure adaptée et de l'organisation des premiers secours si besoin contacte la direction de l'établissement : [K] [S], dont les numéros de téléphone sont indiqués, que si la direction de l'établissement n'est pas joignable, il faut contacter le directeur régional, avec son nom et son numéro de téléphone, et que si le directeur régional n'est pas joignable il faut alors contacter le téléphone EIG, avec un numéro de téléphone qui est indiqué. La version de septembre 2015 précise que si la direction n'est pas joignable en semaine c'est le directeur régional d'appui qui est contacté et à défaut le téléphone EIG, et que le week-end et les jours fériés c'est le téléphone EIG qui doit être contacté.

Il résulte de ces documents que plusieurs personnes différentes pouvaient être contactées par le personnel de l'établissement, et qu'une permanence dédiée était en place et pouvait être jointe, de sorte qu'ils ne démontrent pas que Mme [S] était tenue d'être joignable en permanence. Aucune action à accomplir n'était nécessaire de la part de la personne ainsi contactée, qui l'était à titre d'information, les démarches devant être effectuées au préalable par la personne qui était à l'origine de l'appel.

Par ailleurs, comme le fait valoir l'intimée, Mme [S] était en charge de l'organisation de l'activité de son établissement, disposait d'une délégation de pouvoir, et était ainsi en mesure d'organiser la répartition de se service, étant relevé qu'une directrice adjointe a été recrutée au cours de l'année 2016. L'appelante ne justifie pas de son propos selon lequel les cadres de l'établissement auraient refusé d'y participer.

Mme [S] ne produit pas d'élément qui établirait que l'employeur lui aurait imposé d'être joignable en permanence afin d'accomplir une tâche lorsqu'elle serait sollicitée.

Mme [S] ne démontre pas qu'elle était assujettie à une astreinte et doit être déboutée de sa demande à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'opposabilité du forfait jours

Mme [S] expose que la convention de forfait annuel en jours lui est inopposable, au motif que l'employeur n'a pas tenu compte des alertes sur l'équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle, les conditions de mise en oeuvre de la convention de forfait en jours n'étant ainsi pas remplies.

Le compte rendu de l'entretien annuel 2014-2015 indique dans la rubrique 'gestion de la charge de travail, articulation entre activité professionnelle et vie personnelle' le propos suivant du collaborateur 'Difficultés à concilier vie professionnelle et vie privée (très sollicitée même pendant les périodes de repos dans l'immédiat dans le contexte actuel).' Il était noté une instabilité sur le poste IDEC et une longue absence de la gouvernante.

L'évaluation 2016 sur l'année 2015 reprend ces instabilités de salariés sur ces postes et la rubrique 'gestion de la charge de travail, articulation entre activité professionnelle et vie personnelle' comporte la mention du collaborateur 'Difficile de trouver un juste équilibre par manque de relai sur la structure'.

Dans l'évaluation professionnelle 2017 portant sur l'année 2016 la rubrique comporte la même mention du collaborateur sur la difficulté à trouver un équilibre.

La première évaluation de l'année 2014 était renseignée par 'Je me sens bien dans mes fonctions de directeur d'établissement.'

Les observations de la salariée faisaient état de la recherche d'un équilibre, sans relater d'élément particulier quant à une charge de travail qui aurait été trop importante, ou des contraintes horaires lourdes. Aucune autre observation n'a été formulée par Mme [S], qui disposait sur chaque compte rendu d'entretien de deux espaces différents qui le lui permettaient.

Au cours de l'année 2016, une directrice adjointe a été recrutée par l'employeur, ce qui permettait à la salariée de répartir sa charge de travail. Mme [S] a mis fin à la période d'essai de son adjointe.

L'employeur a expressément indiqué à sa salariée qu'elle devait rendre autonomes ses encadrants pour leur déléguer des tâches.

Comme le fait valoir l'intimée, les entretiens annuels portant sur la charge de travail et l'articulation de la vie privée ont bien eu lieu avec Mme [S], ce qui démontre que les modalités de suivi de l'accord collectif ont été mises en oeuvre. La salariée n'a pas signalé de lourdeur particulière et disposait d'une délégation de pouvoir qui lui permettait d'organiser l'activité, épaulée par les cadres de l'établissement. La société Medica France justifie que plusieurs recrutements successifs ont eu lieu pendant l'exécution du contrat de travail.

Les éléments produits ne démontrent pas que des échanges tardifs avaient lieu régulièrement avec les supérieurs hiérarchiques, les mails échangés à la fin de la journée de travail étant ponctuels.

Comme l'expose la société Medica France, les bulletins de paie démontrent que Mme [S] a pris l'ensemble de ses congés de l'année 2016, des jours de RTT et une journée de récupération pour un samedi travaillé au début de l'année 2017.

Mme [S] doit être déboutée de sa demande d'inopposabilité de la clause de forfait annuel en jours et de la demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents et la contrepartie en repos

Le forfait annuel en jours étant opposable à Mme [S], elle doit être déboutée de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, ainsi que de celles au titre de la contrepartie en repos.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Mme [S] expose avoir travaillé dans un contexte difficile et d'épuisement, qui traduisent une exécution déloyale du contrat de travail, l'employeur ne mettant pas en place un système d'astreinte par roulement.

L'appelante ne justifie pas de conditions particulières d'exercice, ni d'une absence de réaction de l'employeur à ses alertes.

L'organisation des événements indésirables graves dans la société ne lui imposait pas une astreinte permanente, et aucune observation ou remarque à ce sujet ne lui a été adressée par son supérieur.

Mme [S] a signalé une difficulté précise concernant le fonctionnement de son établissement au mois de juin 2017, qui était relative à l'intervention des médecins dans celui-ci, et la direction y a répondu le jour-même en l'autorisant à prendre les mesures adéquates.

Il n'y a pas eu d'entrave de sa hiérarchie aux différents recrutements qu'elle avait projetés.

L'appelante ne démontre pas l'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur et doit être déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

L'article L. 4121-1 du code du travail dispose que 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adéquation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

Mme [S] expose que l'employeur n'a pas tenu compte des alarmes sur son rythme de travail, du sous-effectif de l'établissement et de sa fatigue, malgré son arrêt de travail au début de l'année 2017.

L'avis d'arrêt de travail du 21 février 2017 indique un syndrome dépressif réactionnel et des tensions liées au travail, sans faire état de la charge de travail.

Il résulte des éléments produits par la société Medica France qu'à la fin du mois de janvier 2017 un signalement a été effectué concernant deux résidentes qui étaient blessées et que la situation a ensuite été tendue avec une des deux familles, qu'elle a été difficile à prendre en charge. Les éléments relatifs à cet incident démontrent que la supérieure hiérarchique a soutenu sa directrice.

Lors de l'entretien annuel d'évaluation 2017, la charge de travail a été prise en compte et il a été indiqué à Mme [S] qu'elle devait faire participer l'encadrement de la structure, alors qu'une adjointe avait été recrutée l'année précédente.

La société Medica France démontre que pour la gestion de leur structure les chefs d'établissement disposaient d'un accompagnement par les services de la société.

L'employeur établit qu'il n'a pas manqué à son obligation de sécurité. La demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la nullité de la rupture conventionnelle

Mme [S] expose que la rupture conventionnelle a été signée dans un contexte d'épuisement lié à la charge de travail. Elle précise que les membres de l'encadrement lui ont opposé une fin de non-recevoir concernant leur participation aux astreintes de l'établissement, qu'elle n'a pas pu bénéficier du repos nécessaire et qu'il n'a pas été répondu à ses demandes d'aide.

Mme [S] ne produit pas d'élément établissant le refus des cadres de l'établissement de participer aux astreintes. Elle invoque un courrier qui aurait été remis à son supérieur lors de l'entretien relatif à la rupture conventionnelle, et vise une pièce 56 qui est un extrait de la convention collective.

Le contexte professionnel décrit par l'appelante n'est pas démontré, alors que l'employeur justifie qu'elle a été en mesure de prendre ses congés, jours de RTT et récupération.

La société Medica France fait justement valoir que plusieurs entretiens ont eu lieu pour négocier la rupture conventionnelle, aux cours desquels la salariée était assistée d'un représentant du personnel.

Mme [S] ne démontre pas l'existence d'un vice du consentement qui affecterait la rupture conventionnelle et doit être déboutée de sa demande de nullité et des demandes consécutives, relatives à la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Mme [S] qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à la société Medica France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

CONDAMNE Mme [S] aux dépens,

CONDAMNE Mme [S] à payer à la société Medica France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/00603
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.00603 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award