RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 10 MAI 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05357 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B73FC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - Section Industrie - RG n° F15/01222
APPELANT
Monsieur [G] [M], venant aux droits d'[P] [M]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Emilie DURVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222
INTIMÉE
SAS GUINIER GENIE CLIMATIQUE venant aux droits de la Société EUROP'AIR
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Joyce LABI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe MICHEL, président de chambre
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
[P] [M] a été engagé en contrat de travail à durée déterminée à compter du 2 septembre 1996 par la société Clim Conseil en qualité de plombier - Ouvrier, Niveau 3 ' Position 2, coefficient 230 de la convention collective nationale du Bâtiment, les relations contractuelles entre les parties s'étant poursuivies sous la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1997.
A partir de 2001, [P] [M] a exercé plusieurs mandats représentatifs.
En dernier lieu, il a été élu membre titulaire de la délégation unique du personnel le 18 novembre 2011.
Par décision du 8 février 2011, l'inspecteur du travail a autorisé le transfert du contrat de travail de [P] [M] à la société Europ'Air.
La société emploie habituellement plus de 11 salariés.
Par courrier du 16 avril 2012, [P] [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique fixé au 3 mai 2012 et par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2012, a été convoqué en vue de son audition par le comité d'entreprise, fixée au 6 juin 2012.
Le 5 juin 2012, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil aux fins de voir condamner la société à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre d'une indemnité sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2012, la société a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de procéder au licenciement des salariés protégés concernés par le licenciement pour motif économique, dont [P] [M].
Le 16 juillet 2012, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement d'[P] [M], au motif que tous les membres suppléants du comité d'entreprise n'avaient pas été convoqués à la réunion du 6 juin 2012.
La société a renouvelé la procédure de licenciement économique à l'encontre d'[P] [M].
Le 5 octobre 2012, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement économique d'[P] [M].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2012, M. [M] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique avec dispense de préavis.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 octobre 2012, M. [M] a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier du congé de reclassement, mais qu'il souhaitait en revanche bénéficier de la priorité de réembauche.
À la suite de recours administratifs exercés par [P] [M], le tribunal administratif de Melun a annulé l'autorisation de licenciement d'[P] [M] ainsi que la décision implicite de rejet du ministre, par jugement du 4 février 2015 devenu définitif à la suite d'un arrêt confirmatif de la cour administrative d'appel de Paris du 30 juin 2016 et d'un arrêt de rejet de pourvoi du conseil d'État de mars 2017.
Dans le dernier état de ses prétentions devant le conseil de prud'hommes après reprise de l'instance, [P] [M] demandait aux premiers juges, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- Juger son licenciement nul, et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société Guinier génie climatique, venant aux droits de la société Europ'Air, au paiement des sommes suivantes :
° 71 154,09 euros nets à titre d'indemnité d'éviction ;
° 57 307,68 euros à titre de licenciement nul et subsidiairement à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
° 57 307,68 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements,
° 4 775,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (somme déjà versée à conserver),
° 477,75 euros à titre de congés payés incidents (somme déjà versée à conserver),
° 9 716,48 euros à titre d'indemnité de licenciement (somme déjà versée à conserver),
° 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Guinier génie climatique à rembourser à Pôle Emploi des indemnités versées à son salarié dans la limite de six mois,
- Ordonner la remise sous astreinte des documents sociaux conformes aux décisions prises.
Par jugement du 25 mars 2019, le Conseil de Prud'hommes de Créteil a
- Constaté que le licenciement pour motif économique d'[P] [M] était nul, et en conséquence, a condamné la société Guinier génie climatique à verser à son ancien salarié les sommes suivantes :
° 14 323,92 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
° 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté [P] [M] du surplus de ses demandes,
- Condamné la société Guinier génie climatique à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au demandeur dans la limite d'un mois d'allocations,
- Mis les dépens à la charge de la société.
[P] [M] a interjeté appel de ce jugement le 18 avril 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 juin 2019, [P] [M] a demandé à la cour de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé nul le licenciement et a condamné la société Guinier génie climatique à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Guinier génie climatique à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal et capitalisation :
° 72 186,06 euros bruts à titre d'indemnité d'éviction à titre principal, ou 19 733,36 euros bruts à titre subsidiaire ;
° 3 039,97 euros au titre des indemnités Pôle emploi perçues sur la période concernée par la nullité ;
° 57 307,68 euros nets de CSG et CRDS et de charges sociales à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, et subsidiairement à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
° 57 307,68 euros nets de CSG et CRDS et de charges sociales à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre ;
° 50 000 nets de CSG et CRDS et de charges sociales à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;
° 5 000 euros nets sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Ordonner la remise des documents conformes (attestation Pôle Emploi, certificat de travail et bulletins de paie) à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document passé un délai de 8 jours à compter du prononcé de la décision à intervenir, la cour se réservant la faculté de liquidation.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 septembre 2019, la société Guinier génie climatique demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'[P] [M] n'avait été victime d'aucune discrimination à raison de son activité syndicale et en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de condamnation à lui payer des dommages et intérêts pour indemnité d'éviction prévue à l'article L. 2422-4 du Code du Travail, et des dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé nul le licenciement pour motif économique de M. [M] et en ce qu'il a condamné la société à payer à son ancien salarié les sommes de 14 323,92 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-Débouter [P] [M] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
-Limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du Code du travail,
En conséquence,
-Débouter [P] [M] de l'intégralité de ses demandes,
-Condamner [P] [M] à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
[P] [M] est décédé le 27 mai 2020.
Par conclusions du 24 septembre 2021, M. [G] [M], en sa qualité d'ayant droit de son frère, [P] [M], a demandé la reprise de l'instance.
L'instruction a été clôturée le 3 janvier 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 8 février 2023.
MOTIFS
Sur l'indemnité d'éviction
Selon l'article L.2422-4 du code du travail, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.
Ce préjudice correspond aux salaires que le salarié protégé aurait dû percevoir sur la période litigieuse, diminués des sommes que l'intéressé a perçu sur la même période.
En l'espèce, l'autorisation de son licenciement pour motif économique ayant été annulée par une décision devenue définitive, [P] [M] pouvait prétendre à l'indemnité de l'article L.2422-4 visé ci-dessus par la simple application de ce texte.
M. [G] [M] sollicite la somme de 72 186,06 euros correspondant aux salaires qu'aurait dû percevoir [P] [M] au vu d'un revenu mensuel brut de référence de 2 387,82 euros sur la période du 10 octobre 2012 au 6 avril 2015.
Toutefois, si [P] [M] a été dispensé de son préavis de deux mois, celui-ci lui a été payé.
Il devait donc revenir à [P] [M] la somme de 67 410,42 euros sur la période concernée.
Il doit être déduit de cette somme, les salaires perçus pendant cette période, soit 52 452,70 euros.
En conséquence, la société Guinier génie climatique sera condamnée à verser à M. [G] [M], en sa qualité d'ayant droit de [P] [M], la somme de 14 867,72 euros à titre d'indemnité d'éviction.
Par ailleurs, l'indemnisation du préjudice consécutive à l'annulation de l'autorisation administrative ne se cumule pas avec les allocations de chômage. Contrairement au cas du salarié licencié sans autorisation, l'intéressé conserve donc ses allocations chômage lesquelles sont déduites des sommes dues par l'employeur.
En conséquence, [P] [M], en la personne de ses ayants droit, devant conserver ses indemnités de chômage versées par Pôle Emploi, M. [G] [M], sera débouté de sa demande en condamnation de la société Guinier génie climatique au paiement d'une somme correspondant aux indemnités de chômage versées à [P] [M] pour un montant de 3 039,97 euros.
Sur la discrimination
Selon l'article L. 2141-5 du Code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
Aux termes de l'article L.1132-1 du même code, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L'article L. 1132-4 du même code du travail dispose que toute disposition ou tout acte discriminatoire pris à l'égard d'un salarié est nul.
L'article L.1134-1 du même code prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
M. [G] [M] estime que la discrimination syndicale dont a été victime [P] [M] résulte de :
- l'entrave au fonctionnement des instances représentatives entre 2002 et 2006,
- la tentative de licenciement en 2006 ayant abouti à un refus de l'inspection du travail qui a retenu un lien entre la procédure disciplinaire et les mandats syndicaux du salarié,
- l'absence de tenue de réunions obligatoires en 2008 et 2009,
- les attaques personnelles en 2010 et 2011,
- les attaques dirigées contre le CE en 2011,
- les menaces de sanction en février 2012 à la suite des élections,
- les irrégularités de la procédure de licenciement de 2012 en raison des conditions de mise en 'uvre des procédures d'information-consultation du CE.
M. [G] [M] soutient également que la discrimination syndicale par la société Europ'Air à l'encontre d'[P] [M] est caractérisée par l'absence de motif économique du licenciement relevée par le juge administratif dans des décisions que le juge judiciaire ne peut pas remettre en cause en raison du principe de séparation des pouvoirs.
En tout état de cause, au cas où le juge judiciaire s'estimerait compétent pour statuer sur le licenciement, il invoque l'absence de la réalité du motif économique invoqué par la société Europ'Air à défaut de toute nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe (la lettre de licenciement ne visant que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise) et de suppression effective du poste d'[P] [M]. Il fait également valoir que la discrimination à l'encontre d'[P] [M] ressort de l'insuffisance des efforts de reclassement et du non respect des critères d'ordre le concernant.
M. [G] [M] produit :
- des échanges entre [P] [M] et sa hiérarchie portant sur une convocation à un entretien du salarié avec le directeur général de février 2012, mentionnant des menaces de sanction,
- un mail de la directrice des ressources humaines du 24 novembre 2010 indiquant, entre autres : « J'ai la désagréable impression sensation que l'on pense en haut lieu lieu que je prends les choses à la légère alors que je dépense une énergie un temps démesurés pour monter le dossier contre [M] et m'occuper de tout cela, au pire que l'on me juge incompétente à gérer cela. (') Maintenant si (') pensent pouvoir s'en sortir mieux que moi avec [M], je leur laisse ma place en réunion de CE et de CHSCT sans aucun « atermoiement » terme bien connu de [M] »,
- un mail de la directrice des ressources humaines du 4 mai 2011 libellé comme suit : « La colère gronde pour les HPS de Royal Monceau. Il faut absolument désamorcer. Il me faudrait pour chaque salarié un récap complet de ce que tu leur a payé en HS et ce qu'ils ont récupéré à ce titre. Je dois tous les recevoir individuellement. Il faut donc que j'ai les éléments rapidement, il ne faut pas que le [M] puisse s'en servir pour les élections » ;
- une assignation devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil du 29 juin 2010 aux fins de faire cesser les agissements prêtés à [P] [M] en sa qualité de secrétaire du comité d'entreprise faisant échec à la détermination d'un ordre du jour conduisant à l'impossibilité de tenir les réunions du comité d'entreprise,
- la décision de refus de licenciement pour motif disciplinaire de l'inspecteur du travail du 13 février 2007 relevant : « Considérant que le lien entre les mandats de Monsieur [P] [M], délégué syndical CGT. Membre du Comité d'Entreprise, délégué du personnel et membre du CHSCT et la présente demande d'autorisation de licenciement de Monsieur [P] [M] par la Société CLIM CONSEIL est établi par les faits suivants : (...) »
- divers documents relatifs aux situations financières de l'UES Spinnaker et des sociétés Guinier, Spinnaker, Samsic Métiers Techniques, Samsic IV, du groupe TEP et de la société technique d'environnement propreté sur les années concernées par le motif économique,
- une attestation de [I] [R] libellée comme suit : « En tant que plombier depuis 2009 dans l'entreprise Europ'Air, je n'ai pas reçu de convocation vue d'un licenciement économique sur une soi-disant fermeture du service plomberie. À la réception de ma fiche de paie du mois de juin début juillet 2012, j'ai pu constater que la direction a pris la décision d'inscrire « chauffagiste » alors que jusqu'au mois de mai 2012, figurait ma profession réelle, c'est-à-dire plombier. »
Cela étant, l'absence de tenue de réunions obligatoires en 2008 et 2009 et les attaques dirigées contre le CE en 2011 caractérisent un contentieux collectif de travail impliquant non des salariés à titre individuel mais les instances représentatives du personnel. Ainsi, seules ces dernières sont concernées par une atteinte éventuelle à leurs droits et sont habilitées à solliciter le rétablissement de ceux-ci ainsi qu'une réparation du préjudice qu'elles estiment subir. Les éventuelles irrégularités de la procédure de licenciement de 2012 en raison des conditions de mise en 'uvre des procédures d'information-consultation du CE n'affecteraient pas, si elles étaient retenues, le seul cas individuel d'[P] [M] mais celui de tous les salariés concernés par le licenciement collectif. Ces faits ne peuvent donc pas laisser supposer l'existence d'une discrimination à l'encontre d'[P] [M].
Toutefois, les autres éléments apportés par M. [G] [M] laissent supposer une situation de discrimination à l'encontre d'[P] [M] et il appartient alors à la société Guinier génie climatique de démontrer que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Ainsi, il résulte des échanges entre [P] [M] et sa hiérarchie portant sur une convocation du salarié à un entretien avec le directeur général de février 2012, que la menace de sanction repose simplement sur le refus réitéré d'[P] [M] de répondre à cette convocation au motif que le sujet de l'entretien ne lui avait pas été précisé alors que son responsable hiérarchique lui avait clairement rappelé que la convocation d'un salarié par l'employeur pour un simple entretien n'est que l'exercice du pouvoir de direction. En outre, il apparaît que cette demande d'entretien s'inscrivait dans l'organisation du transfert du contrat de travail d'[P] [M] précédemment autorisé par l'inspecteur du travail. Sur ce point, la société Guinier génie climatique prouve que les agissements évoqués par [P] [M] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En ce qui concerne le licenciement pour motif économique, il doit être rappelé que le salarié protégé dont l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail a été ultérieurement annulée et qui ne demande pas sa réintégration a le droit, outre à l'indemnité d'éviction de l'article L.2422-4 du code du travail, à des dommages-intérêts pour le cas où le licenciement serait déclaré sans cause réelle et sérieuse ou nul.
Le principe de la séparation des pouvoirs interdit à la juridiction de l'ordre judiciaire de porter une appréciation sur le motif du licenciement lorsque la décision administrative ayant annulé l'autorisation de licenciement repose sur une telle appréciation. Mais, lorsque la décision administrative est fondée sur des considérations étrangères au motif même du licenciement, la juridiction de l'ordre judiciaire conserve son pouvoir de son appréciation.
La décision datée du 4 février 2015 du tribunal administratif de Melun a annulé l'autorisation de licenciement d'[P] [M] pour les motifs suivants :
« Considérant qu'il ressort des termes mêmes de sa décision que pour apprécier la réalité du motif économique, l'inspecteur du travail s'est placé à la date de la consultation du comité d'entreprise soit le 28 mars 2012 et non à celle où il a autorisé le licenciement de M. [M] comme il le devait ; que l'inspecteur du travail, dans son appréciation du motif économique, n'a pas tenu compte des acquisitions intervenues en juillet 2012 lesquelles étaient susceptibles de modifier le périmètre du groupe à prendre en considération ; qu'ainsi, l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit ; que la décision par laquelle il a autorisé le licenciement de M. [M] doit être annulée et par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler la décision du ministre portant rejet implicite du recours hiérarchique contre cette décision, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ».
Il apparaît ainsi que les juges administratifs ont simplement sanctionné une erreur commise par l'inspecteur du travail sur la date à laquelle il devait se situer dans son appréciation et ont considéré que cette seule erreur suffisait à annuler l'autorisation de licenciement sans avoir besoin d'examiner les autres moyens soulevés par [P] [M] dans sa requête (« - l'inspecteur du travail et le ministre ont commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en 'uvre des dispositions de l'article L. 1233-1 du code du travail quant à la réalité des difficultés économiques, à l'absence de suppression du poste de [P] [M] et au non-respect de l'obligation de reclassement ; -le lien entre le mandat et le licenciement est établi ; - un motif d'intérêt général s'oppose à son licenciement. ») dont celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de l'administration sur le motif économique du licenciement, sur l'absence de suppression du poste du salarié et au non respect de l'obligation de reclassement.
Dès lors, la juridiction prud'homale est compétente pour apprécier le bien ou mal fondé du licenciement pour motif économique de [P] [M].
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 3 mai 2012 entretien au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur [E] [A], membre du CE au cours duquel nous vous avons indiqué les raisons qui nous ont contraint à envisager votre licenciement pour motif économique et remis un document explicatif détaillé, ainsi qu'à la décision de l'Inspecteur du travail qui nous a autorisé à procéder à votre licenciement pour motif économique en date du 9 octobre 2012.
Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique qui est justifié par les éléments suivants :
« L'entreprise EUROP AIR qui exerce l'activité de génie climatique connais un résultat négatif de prix de 4 millions d'euros, une détérioration de ses capitaux propres, en raison des causes économiques, concurrentielles et organisationnelles. En conséquence la société, pour assurer sa survie et sa compétitivité a dû prendre des mesures pour se restructurer se recentrer sur son activité principale, notamment en se séparant des activités annexes ou les marges sont très faibles et la rentabilité négative. La décision a été prise de cesser l'activité plomberie sanitaire au sein de notre entreprise, et le service plomberie sanitaires a de ce fait été supprimé. Ces mesures ont entraîné la suppression de votre poste.
Les recherches actives de solution de reclassement, tant en interne, qu'auprès des différentes filiales du groupe, ainsi que par l'intermédiaire de la FFB et des chambres syndicales, se sont soldées par des réponses négatives et aucune solution de reclassement ou d'adaptation n'a donc pu être trouvé.
Nous avons pu sauvegarder un poste en interne, mais l'application des critères d'ordre de licenciement ne vous a malheureusement pas désigné prioritaire pour ce poste.
(...) »
Par ailleurs, il a été remis au salarié une lettre d'information libellée comme suit :
« LE CONTEXTE
La société EUROP'AIR a intégré le groupe SAMSIC en 2007. Son activité principale est le génie climatique, dans le domaine des hôpitaux, du luxe et du tertiaire.
Elle se détache du groupe SAMSIC, dont l'activité principale est la propreté industrielle.
Entre 2009 et 2011, la direction a mis en place des mesures de sauvegarde de la compétitivité en veillant à maintenir les emplois et les salaires.
(')
Dans un contexte de crise mondiale, déclenchée en 2008, qui a freiné notre activité et notre rentabilité, réduisant à néant les efforts réalisés, les causes de nos difficultés économiques sont les suivantes :
EUROP'AIR subit de plus en plus les pressions d'un marché fortement concurrentiel qui se caractérise par :
- Une mise en concurrence tirée par les prix plus que par les solutions techniques, impliquant des marges réduites pour les marchés signés,
- Une exigence accrue sur les délais de réalisation.
EUROP'AIR a de plus eu à déplorer des dysfonctionnements en interne qui ont nui directement à sa rentabilité et son activité.
BILAN 2011
Le bilan validé par notre commissaire aux comptes démontre une perte de 4.430.027,93 euros pour le groupe Spinnaker, pour un CA de 20 954 893,13 euros.
La détérioration de nos capitaux propres (- 4 430 027,93 euros) nous met devant une situation particulièrement préoccupante.
Nombre de salariés EUROP'AIR au 1er mars 2012 : 108.
CONCLUSION : ( .. .)
LE PROJET
Recentralisation sur notre activité principale, le génie climatique, et fermeture des activités annexes non rentables.
Le secteur plomberie, déficitaire, doit être fermé ».
Sur le motif invoqué par Europ'Air, M. [G] [M] fait valoir que la lettre de licenciement ne fait mention que d'une nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, et non du groupe, qu'au surplus, celle-ci n'était pas menacée alors que la maison-mère des filiales avait des résultats bénéficiaires et que, de plus, si différentes filiales justifiaient de pertes et si les comptes de la société Europ'Air font état d'une forte dégradation du résultat d'exploitation, l'employeur ne donne aucune explication sur le fait que les comptes mentionnent également, un poste « autres charges » passé de 51 435 euros en 2010 à 537 918 euros en 2011, une dotation aux provisions de 181 681 euros, une reprise pour dépréciation et transfert de charges de 489 471 euros en 2010 contre 157 127 euros en 2011, des achats de matières premières à hauteur de 5 938 557 euros en 2010 contre 7 294 070 euros en 2011, des charges exceptionnelles sur opérations de gestion de 31 531 euros en 2010 contre 1 443 770 euros en 2011, des créances clients de 12 955 798 euros et une annulation de factures de 1 436 302 euros.
S'agissant des autres entités, il relève également qu'il n'est pas non plus donné d'explication sur le fait que la société Samsic Facility Management a vu passer son poste « charges externes » de 1 954 205 euros à 5 630 676 euros et que la société Samsic IV a pu passer son poste sous-traitance de 1 732 891 euros à 4 990 504 euros et son poste personnel extérieur de 12 030 euros à 178 288 euros.
Il note également que le licenciement d'[P] [M], à la différence de celui de ses collègues prononcé avant juillet 2012, est intervenu après que le groupe Samsic a acquis le groupe SETS (filiales : Mayday Sécurité, Mayday Installations Sécurité, 7 Accueil, Assertec) en juillet 2012 et a pris le contrôle de la société Groupe TEP en Île-de-France constitué de la société groupe TEP et de la société Technique d'environnement et propre qui avaient un résultat en augmentation.
Il ajoute que l'employeur n'a pas justifié de la suppression effective de son activité de plomberie, et donc, du poste d'[P] [M] alors que la Société Europ'air n'a pas cessé son activité plomberie puisqu'elle avait d'importants chantiers comportant de nombreux lots de plomberie pour la fin de l'année 2012 et pour 2013.
Il invoque une discrimination, en premier lieu, par l'insuffisance des efforts de reclassement en ce que seul un salarié sans étiquette syndicale a bénéficié d'une proposition de reclassement, et que les sociétés acquises par le groupe Samsic en juillet et août 2012 n'ont pas été interrogées, et en second lieu, par le non-respect des critères d'ordre résultant de la création artificielle d'une catégorie professionnelle regroupant les représentants de la CGT et des erreurs commises volontairement par l'employeur, au moment du décompte des points, afin qu'[P] [M] soit désigné, en raison de ses activités représentatives.
En réplique, la société Guinier génie climatique rappelle que lorsque l'entreprise appartient à un groupe, ses difficultés doivent s'apprécier au niveau du groupe, mais uniquement dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise, c'est-à-dire celui qui correspond à la branche d'activité dont relève l'entreprise qui invoque les difficultés économiques pour licencier.
Elle prétend que la SAS Europ'Air relève du secteur d'activité de la branche Samsic Métiers Techniques.
Elle explique, en effet, qu'en 2007, le groupe Spinnaker, dont fait partie la SAS Europ'Air, et le groupe Samsic, se sont rapprochés par une prise de participation majoritaire de la société Samsic dans l'objectif de créer un secteur dit de «facilities » pour présenter à ses clients des nouvelles offres de nature technique et permettre leur synergie, cet objectif n'ayant pas été atteint.
Elle fait valoir que la SAS Europ'Air a bien pour activité les travaux d'installation d'équipements thermiques et de climatisation, alors que le groupe Samsic regroupe les métiers de l'environnement de travail et des services à l'immobilier (services aux occupants et aux infrastructures) comme la propreté, le travail temporaire, la sécurité, la logistique, l'environnement, la décontamination, les services à la personne.
Elle se réfère à l'organigramme et à la liste des sociétés du groupe Samsic qui démontrent qu'aucune entreprise du groupe Samsic n'exerce l'activité d'installation d'équipements thermiques et de climatisation, que les sociétés du groupe Samsic sont des sociétés de service alors que seules les entreprises du Groupe Spinnaker sont des entreprises d'installation et que le rapprochement entre le groupe Spinnaker et le groupe Samsic avait surtout pour vocation de créer une synergie entre les deux groupes, synergie qui s'est avérée finalement impossible à concrétiser.
Par ailleurs, la SAS Guinier Génie Climatique verse aux débats le rapport du commissaire aux comptes qui fait également état de la situation de la SAS Europ'Air, le compte de résultat de l'UES Spinnaker 2011, les bilans des sociétés Europ'Air, Clim' Conseil, Guinier, Samsic Facility Management, Vivanov, Samsic IV, Mayday sécurité, Asertec, Peny Launay, Samsic Métiers techniques les comptes de résultats consolidés au 31 décembre 2011 du groupe TEP
Il ressort de ces documents que le groupe Samsic propose deux offres de service aux entreprises à savoir Samsic Facility et Samsic RH, que Samsic Facility regroupe tous les métiers de support à l'exploitation immobilière, à l'environnement de travail et à certains process, tels la propreté, la sécurité, la maintenance technique, l'accueil, la gestion des déchets, la logistique, le courrier, la reprographie..., à travers les branches Samsic Facility Consulting, Samsic Propreté, Samsic Sécurité, Samsic Métiers Techniques, Samsic Accueil, Samsic Flex Services, Samsic Espaces Verts, qu'au sein de Samsic Facility, Samsic Métiers Techniques regroupe quatre activités à savoir la maintenance multi technique, les installations électriques, les installations de génie climatique et le pilotage des travaux en AMO.
Il s'ensuit que si l'objectif de Samsic Facility était de présenter une offre globale de services, son activité se décompose néanmoins en deux secteurs d'intervention de natures différentes répondant à des besoins distincts et exigeant des compétences, ainsi que des moyens humains et matériels propres, à savoir, d'une part, la gestion technique des bâtiments portant sur des prestations d'installation et d'entretien des biens d'équipements, et d'autre part, l'assistance aux personnes incluant des prestations de conseil, de gestion, de propreté, de sécurité, d'accueil et de logistique interne.
Ainsi, le périmètre d'appréciation des difficultés économiques ne peut être étendu à Samsic Facility mais doit se limiter au secteur d'activité technique du groupe, à savoir les sociétés de la holding Samsic Métiers Techniques : Guinier, Vigilis (anciennement Clim Conseil), et Spinnaker et des sociétés qui dépendent de Spinnaker : Proclimat, la SAS Europ'Air et Peny Launay.
Ce périmètre ne peut davantage englober le groupe SETS et la société TEP acquis par le groupe Samsic en cours de procédure de licenciement d'[P] [M], en raison de leur secteur d'activité, le premier exerçant dans le domaine sécurité / sûreté, accueil petite maintenance multi-technique des bâtiments, la seconde (selon extrait K-bis produit par la société Guinier génie climatique) étant une entreprise générale de nettoyage et de rénovation de peinture, nettoyage industriel y compris les espaces verts, dératisation, désinfection auprès des industriels et collectivités.
Or, les bilans et comptes de résultats versés à la procédure révèlent que :
- Clim Conseil, devenue Vigilis a un résultat en déficit sur tous les exercices de 2010 à 2013, à hauteur respectivement de 204 527 euros (CA : 2 556 680 euros) , 336 765 euros (CA : 1 106 523 euros), 281 228 euros (CA : 3 437 642 euros) et 355 951 euros (CA : 3 364 797 euros),
- Europ'Air a un résultat en déficit sur tous les exercices de 2010 à 2013, à hauteur respectivement de 594 710 euros, 4 105 951 euros, 1 581 238 euros et 325 925 euros,
- Guinier a un résultat en déficit de 273 783 euros sur l'exercice 2010, de 1 746 163 euros sur l'exercice 2011, en bénéfice de 304 318 euros en 2012, mais de nouveau en déficit de 319 785 euros en 2013,
- Peny Launay a connu un bénéfice de 2 231 euros en 2011 sur un chiffre d'affaires de 5 245 361 euros, et a affiché des pertes de 336 763 euros en 2012 et de 260 154 euros en 2013,
- Proclimat a généré un bénéfice de 6 540 euros en 2011 sur un chiffre d'affaires de 655 208 euros (soit 1 % du CA) et a accusé une perte de 63 601 euros en 2012,
- Spinnaker a connu un résultat excédentaire en 2011 de 16 728 euros sur un chiffre d'affaires de 684 169 euros (soit 2,5 % de son chiffre d'affaires), a connu une perte de 4 903 326 euros en 2012 qui, même si elle doit être relativisée par l'inscription en dotations financières aux amortissements et provisions de la somme de 5 041 793 euros sur laquelle la société ne s'explique pas, démontre une fragilité de la société au regard de son résultat d'exploitation, et a dégagé un bénéfice de 28 322 euros en 2013 sur un chiffre d'affaires 1 647 537 euros, soit 1,72 % du chiffre d'affaires,
-Samsic Métiers Techniques a connu un résultat déficitaire de 3 872 137 euros en 2011 qui doit être relativisé par l'inscription en dotations financières aux amortissements et provisions de la somme de 3 901 603 euros sur laquelle la société ne s'explique pas, et un bénéfice de 73 681 euros en 2012 mais avec un résultat d'exploitation déficitaire de 2 812 euros.
L'ensemble de ces éléments démontre la réalité des difficultés économiques des sociétés appartenant au même secteur d'activité que la SAS Europ'Air, en raison de résultats systématiquement déficitaires de façon importante sur la période examinée avec diminution de leurs fonds propres pour certaines d'entre elles (Vigilis, Europ'Air), de résultats ponctuellement et faiblement bénéficiaires au regard du chiffre d'affaires réalisé et s'inscrivant dans une tendance régulièrement déficitaire pour d'autres (Peny Launay et Proclimat), et de la faiblesse du bénéfice au regard du chiffre d'affaires réalisé pour l'une d'entre elles (Spinnaker).
Le motif économique du licenciement invoqué par l'employeur est donc établi.
Par ailleurs, en ce qui concerne la suppression du poste d'[P] [M], la société Guinier génie climatique verse les registres d'entrées et sorties du personnel des sociétés Europ'Air, Vigilis (anciennement Clim' Conseil et Guinier) qui prouvent que les postes du service Plomberie ont été supprimés et qu'aucune embauche de Plombier sanitaire n'a été réalisée suite au licenciement d'[P] [M].
Sur l'obligation de reclassement, la société Guinier génie climatique justifie que la société Europ'Air a transmis à toutes les sociétés du groupe les CV des salariés concernés par la mesure de licenciement et qu'elle a également recherché auprès de la Chambre Syndicale des Entreprises d'Équipement Électrique (CSEEE) des possibilités de reclassement, par lettre du 4 mai 2012, transmettant les candidatures des salariés concernés et en précisant qu'une partie des formations qui se révéleraient nécessaires pouvait être financée par la société.
La société Guinier Génie Climatique démontre que la modification de l'intitulé de l'emploi de M. [I] [R], un mois avant son licenciement, n'était que la régularisation de la situation du salarié par rapport à son contrat de travail signé le 28 décembre 2009 et de son avenant du 19 septembre 2011 pour un poste d'aide Plombier-chauffagiste. Elle résulte également de la prise en compte de la formation de l'intéressé, titulaire d'un BEP ainsi que d'un Bac Pro de Technicien en installation des systèmes énergétiques et climatiques.
L'attestation de M. [R] produite par M. [G] [M] selon laquelle sa fonction de plombier a été changée en chauffagiste sur ses bulletins sans tenir compte de sa profession réelle qui restait celle de plombier, est contredite par l'attestation émanant du même M. [R] qui revient sur ses déclarations précédentes en expliquant avoir recopié un document déjà écrit soumis par [P] [M].
La société Europ'Air n'avait pas à rechercher des solutions de reclassement au sein des groupes SETS et Group TEP au regard de la différence de secteur d'activités de ces entités.
Enfin, sous couvert d'erreurs volontaires de la société Europ'Air dans l'appréciation des critères d'ordre, M. [G] [M] entend simplement remettre en cause l'adoption par le comité d'entreprise des critères d'ordre proposés lors de sa réunion du 13 avril 2012 et la validation par le même comité d'entreprise dans sa réunion du 30 mai 2012 des critères appliqués à chaque salarié, à savoir :
- M. [B] [N] : 7,5 points,
- M. [H] : 6,5 points
- M. [S] : 9 points
- M. [M] : 7 points
- M. [F] : 5,5 points
Ainsi, la société Guinier génie climatique prouve que le licenciement pour motif économique d'[P] [M], d'une part, repose sur une cause réelle et sérieuse et, d'autre part, s'appuie ainsi sur des éléments étrangers à toute discrimination.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a accordé à [P] [M] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Guinier génie climatique à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à [P] [M] dans la limite d'un mois d'indemnités.
Toutefois, la société Guinier génie climatique n'apporte aucun élément de justification au sujet des mails de la directrice des ressources humaines de 2010, 2011, de la tentative de licenciement pour faute après un accident du travail, refusé par l'inspecteur du travail en 2007 en raison des liens entre la procédure disciplinaire et les engagements syndicaux du salarié, et sur l'assignation devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil délivrée à [P] [M] le 29 juin 2010.
La discrimination à l'égard d'[P] [M] doit donc être retenue et sera réparée par l'octroi de dommages et intérêts d'un montant de 5 000 euros.
Sur les intérêts
En vertu des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les sommes ci-dessus de nature salariale, produiront des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019, date du bureau de jugement et celles de nature indemnitaire, à compter du présent arrêt.
Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du même code, les intérêts dus depuis plus d'une année entière produiront eux-mêmes des intérêts.
Sur la remise des documents sociaux de fin de contrat
Au vu des éléments ci-dessus, la société Guinier génie climatique sera condamnée à remettre à M. [G] [M], en sa qualité d'ayant droit de [P] [M], un bulletin de paie récapitulatif, sans qu'il ressorte du dossier des éléments de nature à justifier d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur les frais non compris dans les dépens
Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société Guinier génie climatique sera condamnée à verser à M. [G] [M], en sa qualité d'ayant droit de [P] [M], la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par l'appelant qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [P] [M] de sa demande en dommages et intérêts pour non respect des critères d'ordre, condamné la société Guinier génie climatique sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance,
INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
DÉBOUTE M. [G] [M], en sa qualité d'ayant droit d'[P] [M], de ses demandes en dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Guinier génie climatique à verser à M. [G] [M], en sa qualité d'ayant droit d'[P] [M] la somme de 14 867,72 euros à titre d'indemnité d'éviction,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Guinier génie climatique à verser à M. [G] [M], en sa qualité d'ayant droit d'[P] [M], la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
DIT que les sommes de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019 et celles de nature indemnitaire à compter du présent arrêt,
DIT que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes des intérêts,
CONDAMNE la société Guinier génie climatique à remettre à M. [G] [M], en sa qualité d'ayant droit d'[P] [M], un bulletin de paie récapitulatif,
DÉBOUTE M. [G] [M] de sa demande d'assortir cette dernière condamnation d'une astreinte,
CONDAMNE la société Guinier génie climatique à verser à M. [G] [M], en sa qualité d'ayant droit d'[P] [M], la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Guinier génie climatique aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT