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10/05/2023 | FRANCE | N°18/12384

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 10 mai 2023, 18/12384


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 10 MAI 2023



(n° 2023/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12384 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6VON



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/07070





APPELANT



Monsieur [S] [T]

[Adresse 1]

[Localité 6]



Assisté de M

e Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157





INTIMÉES



SA SEMAPHORES anciennement dénommée SODIE

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Christophe PETTITI, avocat au barr...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 10 MAI 2023

(n° 2023/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12384 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6VON

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/07070

APPELANT

Monsieur [S] [T]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Assisté de Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157

INTIMÉES

SA SEMAPHORES anciennement dénommée SODIE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe PETTITI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1264

Société STELLANTIS N.V. venant aux droits de la société PEUGEOT SA

[Adresse 9]

[Localité 4] PAYS BAS

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Société PSA AUTOMOBILES SA anciennement dénommée PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société SODIE a engagé M. [S] [T], selon contrat de travail à durée déterminée, en date du 31 janvier 2013, avec effet à compter du 4 février 2013, pour une durée de six mois jusqu'au 3 août 2013, en qualité de consultant ressources humaines, statut cadre, position 2.1, coefficient, avec une rémunération de 32 000€ par an en incluant le complément de RTT, soit une rémunération mensuelle de 2 666,67€.

La société SODIE a pour activité l'aide aux entreprises privées, par la gestion des parcours professionnels, l'aide au reclassement, l'ingénierie et le conseil en plan social, la mobilité professionnelle et la mobilité géographique, 'l'outplacement' individuel et les reclassements collectifs.

La convention collective applicable à la société SODIE est celle de bureaux d'études, ingénieurs, conseils dite Syntec.

M. [T] a été affecté à la mission confiée à SODIE par PSA [Localité 8] liée à l'accompagnement du Pôle Mobilité Professionnelle (PMP) pour les salariés dont les emplois étaient supprimés dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi sur le site d'[Localité 8].

Par lettre du 23 juillet 2013, la société SODIE a dispensé M. [T] de l'exécution de son contrat jusqu'à son terme fixé au 3 août 2013, tout en le rémunérant.

M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 1er octobre 2013 aux fins de requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu avec SODIE en contrat de travail à durée indéterminée et d'indemnisation de la rupture du contrat de travail.

En cours d'instance prud'homale, M. [T] a appelé à la cause les sociétés Peugeot SA (société Holding) et Peugeot Citroën Automobiles SA (société filiale ayant une activité de fabrication) et a formulé à leur égard des demandes de production de pièces sous astreinte et de désignation d'un expert chargé d'établir un rapport sur l'intervention de la société PSA dans la gestion économique et sociale de la société SODIE.

L'affaire a été radiée par le conseil de prud'hommes le 1er juin 2017 pour manque de diligences des parties après quatre renvois de l'audience de jugement.

Elle a été rétablie le 11 août 2017 après dépôt de conclusions sollicitant du conseil de prud'hommes qu'il ordonne aux sociétés PSA, PCA et SODIE de produire des pièces énumérées sous astreinte et d'ordonner la désignation d'un expert en charge d'établir un rapport.

Au dernier état de l'instance devant le conseil de prud'hommes, M. [T] formulait les demandes suivantes :

à l'encontre de la société SODIE :

- Dommages et intérêts pour rupture abusive : 15 000 €

- Requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée

- Contestation du caractère réel et sérieux du motif économique : 19 700 €

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 19 700 €

- Indemnité pour non proposition de la convention conversion préjudice moral : 19 700 €

- Montant de la contrepartie financière reclassement de 160 x 300 : 48 000 €

- Montant de la contrepartie financière reclassement de 30 x 150 : 4 500 €

à l'encontre des sociétés SODIE, Peugeot SA (PSA) et Peugeot Citroën Automobiles (PCA):

- Ordonner aux sociétés PSA, PCA et SODIE de produire sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir les documents suivants :

- les conventions entre SODIE et les sociétés du groupe PSA au titre desquels Monsieur [T] a exécuté des prestations de travail dans le cadre de la mise en 'uvre du projet de fermeture de l'usine d'[Localité 8] et/ou de la mise en 'uvre du PSE relatif à cette restructuration ;

- les conventions de rupture d'un commun accord des contrats de travail entre salariés de l'établissement d'[Localité 8] et Peugeot signés par M. [T] en qualité de représentant de la société Peugeot employeur ;

- les correspondances électroniques entre M. [T] et toute personne de l'encadrement de l'une des sociétés du groupe Peugeot.

- Ordonner la désignation d'un expert en charge d'établir un rapport sur :

- les conditions et les motivations de la prise en main de la direction de la société SODIE par la société PSA ;

- les modalités d'intervention de la société PSA dans la gestion économique et sociale de la société SODIE ;

- l'existence et les modalités du transfert de l'activité et des actifs corporels et incorporels de la société SODIE au bénéfice des sociétés du groupe PSA ;

- les conditions dans lesquelles la société PSA a organisé et bénéficié du transfert de l'activité et d'éléments d'actifs corporels et incorporels de la société SODIE.

- Condamner la société SODIE à verser la somme de 1000 euros à M. [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société SODIE aux entiers dépens.

Par jugement en date du 11 juin 2018 notifié le 5 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société SODIE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [S] [T] au paiement des dépens.

M. [T] a interjeté appel le 30 octobre 2018.

Par conclusions du 22 janvier 2021, la société Stellantis NV, société par actions de droit néerlandais, venant aux droits de la société holding Peugeot SA, ayant fait l'objet d'une fusion absorption par la société Fiat Chrysler Automobiles, est intervenue volontairement à l'instance d'appel.

Par ordonnance de caducité en date du 25 janvier 2021, le magistrat en charge de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel du 30 octobre 2018, prononcé la caducité de cette déclaration d'appel et laissé les dépens à la charge de M. [T].

Par un arrêt du 26 janvier 2022, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 janvier 2021, dit n'y avoir pas lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel et renvoyé le présent dossier au conseiller de la mise en état pour la poursuite de l'instruction de l'affaire.

Par conclusions d'incident notifiées le 13 janvier 2023, M. [T] a sollicité auprès du conseiller de la mise en état de voir ordonner la production de conventions et correspondances sous astreinte et de voir désigner un expert.

Par ordonnance sur incident en date du 2 février 2023, le magistrat chargé de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de production de pièces et d'expertise.

Selon ses dernières conclusions, notifiées le 27 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [T] demande de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de communication de pièces de l'appelant

Statuant à nouveau,

- Juger recevables les demandes de mesures d'instruction sollicitées par l'appelant

- Ordonner aux sociétés PSA et SODIE de produire sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir les documents suivants :

- les conventions entre SODIE et les sociétés du groupe PSA au titre desquelles M. [T] a exécuté des prestations de travail dans le cadre de la mise en 'uvre du projet de fermeture de l'usine d'[Localité 8] et/ou de la mise en 'uvre du PSE relatif à cette restructuration ;

- les conventions de rupture d'un commun accord des contrats de travail entre salariés de l'établissement d'[Localité 8] et Peugeot signés par Monsieur [T] en qualité de représentant de la société Peugeot employeur ;

- les correspondances électroniques entre Monsieur [T] et toute personne de l'encadrement de l'une des sociétés du groupe Peugeot.

- Ordonner la désignation d'un expert en charge d'établir un rapport sur :

- les conditions et les motivations de la prise en main de l'antenne PSA [Localité 8] de la société SODIE par la société PSA ;

- les modalités d'intervention de la société PSA dans la gestion économique et sociale de l'antenne PSA [Localité 8] ;

- les conditions dans lesquelles PSA a fait passer les personnels de l'antenne SODIE pour des membres du service RH du groupe auprès des salariés d'[Localité 8]

Dans l'hypothèse où la Cour déciderait de joindre au fond les demandes relatives aux mesures d'instructions :

Renvoyer l'affaire devant le conseiller de la mise en état afin qu'elle soit poursuivie au fond en cause d'appel après exécution des mesures d'instruction ordonnées par la Cour.

Requalifier le contrat à durée déterminée de Monsieur [S] [T] en contrat à durée indéterminée

Juger que les sociétés PSA et SODIE étaient co-employeurs du salarié appelant ;

En conséquence, juger que le licenciement consécutif du salarié appelant est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamner in solidum Peugeot S.A et SODIE à payer à Monsieur [S] [T] la somme de 34 700 euros

En tout état de cause,

Condamner in solidum Peugeot S.A et SODIE à payer à Monsieur [S] [T] la somme relative au montant de la contrepartie financière reclassement de 160 x 300, soit la somme de 48 000 €

Condamner in solidum Peugeot S.A et SODIE à payer à Monsieur [S] [T] la somme relative au montant de la contrepartie financière reclassement de 30 x 150, soit la somme de 4 500 €

Condamner les sociétés intimées à verser la somme de 1000 euros à Monsieur [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les sociétés intimées aux entiers dépens ;

Selon leurs dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 7 mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, les sociétés PSA Automobiles SA et Stellantis NV venant aux droits de la société Peugeot SA demandent de :

- juger irrecevables car formulées pour la première fois en cause d'appel les demandes portant sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ainsi que celles relatives à la rupture du contrat de travail de Monsieur [T] ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 11 juin 2018 ;

- Débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 1er septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Sémaphores antérieurement dénommée SODIE demande de :

Vu l'article 564 du code de procédure civile

Déclarer irrecevables les demandes formées par Monsieur [T] devant la Cour d'appel, car formulées pour la première fois en cause d'appel, portant sur :

- la requalification du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,

- déclarer le licenciement consécutif du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- la condamnation des sociétés PSA et Semaphores in solidum à verser à M. [T] la somme de 34.700€,

- la demande en paiement de la contrepartie financière de reclassement de 48.000€,

- les contreparties financières de reclassement,

- la reconnaissance d'un co-emploi entre les sociétés PSA, PCA et Semaphores,

- l'existence d'une relation de subordination avec la société PCA,

En toutes hypothèses,

Vu l'article L. 1471-1 du code du travail,

Déclarer irrecevable Monsieur [T] du fait de la prescription de ses demandes relatives à la requalification du contrat du contrat de travail à durée déterminée, et en paiement des contreparties de reclassement à hauteur de 48.000 euros et 4.500 euros.

Vu les articles1242-2, 1242-12 du code du travail,

Débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes liées à la requalification du contrat de travail à durée déterminée

Vu l'article 1221-1 du Code du travail,

Débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes liées au co-emploi.

Vu l'article 1353 du Code civil

Vu les articles 6, 10, 11, 138, 139, 147, 232 du code de procédure civile.

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 11 juin 2018 en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes.

Condamner Monsieur [T] à verser à la société Semaphores la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner Monsieur [T] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2023.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de demandes nouvelles en appel :

- sur les demandes en première instance :

A la date de saisine initiale du conseil de prud'hommes le 1er octobre 2013, l'instance était régie par le principe de l'unicité de l'instance autorisant la formulation de demandes nouvelles en cours d'instance.

Contrairement à ce que soutient la société SODIE, la radiation de l'instance par jugement du 1er juin 2017 et sa réinscription au rôle le 10 août 2017 n'ont pas eu pour effet de la soumettre à la procédure nouvelle édictée par le décret du 20 mai 2016 applicable à compter du 1er août 2016 abrogeant l'article R1452-6 du code du travail, l'affaire rétablie après radiation continuant à être soumises aux règles procédurales applicables au jour de la saisine initiale.

Si lors de la réintroduction de l'instance, M. [T] a déposé des conclusions sollicitant uniquement des mesures de communication de pièces et de désignation d'un expert, la procédure étant orale et non limitée aux dernières conclusions, le conseil de prud'hommes était saisi de l'intégralité des demandes, énoncées par la requête à l'encontre de SODIE et par les conclusions de réinscription formulant des demandes à l'encontre de SODIE, PSA et PCA. Le jugement vise expressément la requête initiale et les conclusions de rétablissement sur lesquelles le conseil de prud'hommes a statué en déboutant M. [T] de l'intégralité de ses demandes.

- sur les demandes nouvelles en appel :

L'appel ayant été interjeté le 30 octobre 2018, il est soumis à la procédure avec représentation obligatoire mais demeure régi par les dispositions de R1462-1 du code du travail relatif à l'unicité de l'instance. La combinaison de ces règles autorise la formulation de demandes nouvelles en appel lesquelles doivent cependant figurer dans les conclusions déposées par les parties dans les délais prévus par les articles 908 et 909 du code de procédure civile en vertu du principe de concentration des prétentions édicté par l'article 910-4 du code de procédure civile.

Les demandes formulées en appel à l'égard de PSA et Stellantis tenant à voir juger que ces sociétés sont co-employeurs de M. [T] et tendant à obtenir leurs condamnation in solidum avec la société SODIE pour licenciement abusif et une contrepartie financière de reclassement sont nouvelles. Leur recevabilité suppose qu'elles figurent dans les conclusions notifiées par M. [T] dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile.

Les conclusions notifiées par M. [T] le 30 janvier 2019 mentionnent expressément ces demandes en ces termes :

'Condamner in solidum PEUGEOT S.A et SODIE à payer à Monsieur [S] [T] la somme de 34 700 euros

Ordonner aux sociétés PSA et SODIE de produire sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 15 ème jour suivant la signification de la décision à intervenir les documents suivants :

- Les conventions entre SODIE et les sociétés du groupe PSA au titre desquels Monsieur [T] a exécuté des prestations de travail dans le cadre de la mise en 'uvre du projet de fermeture de l'usine d'[Localité 8] et/ou de la mise en 'uvre du PSE relatif à cette restructuration ;

- Les conventions de rupture d'un commun accord des contrats de travail entre salariés de l'établissement d'[Localité 8] et Peugeot signés par Monsieur [T] en qualité de représentant de la société Peugeot employeur ;

- Les correspondances électroniques entre Monsieur [T] et toute personne de l'encadrement de l'une des sociétés du groupe Peugeot.

Ordonner la désignation d'un expert en charge d'établir un rapport sur :

- les conditions et les motivations de la prise en main de la direction de la société SODIE par la société PSA ;

- les modalités d'intervention de la société PSA dans la gestion économique et sociale de la société SODIE ;

- L'existence et les modalités du transfert de l'activité et des actifs corporels et incorporels de la société SODIE au bénéfice des sociétés du groupe PSA

- les conditions dans lesquelles la société PSA a organisé et bénéficié du transfert de l'activité et de l'activité et d'éléments d'actifs corporels et incorporels de la société SODIE.

En tout état de cause,

Condamner in solidum PEUGEOT S.A et SODIE à payer à Monsieur [S] [T] la somme relative au montant de la contrepartie financière reclassement de 160 x 300, soit la somme de 48000 €

Condamner in solidum PEUGEOT S.A et SODIE à payer à Monsieur [S] [T] la somme relative au montant de la contrepartie financière reclassement de 30 x 150, soit la somme de 4500 €

Condamner les sociétés intimées à verser la somme de 1000 euros à Monsieur [T] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner les sociétés intimées aux entiers dépens.'

Ces demandes nouvelles, dans leur nature et leur montant, formulées dans les conclusions déposées par l'appelant dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile sont donc recevables. La fin de non recevoir est rejetée.

Sur la demande de communication de pièces :

En vertu de l'article 11 alinéa 2 du code de procédure civile, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime.

M. [T] sollicite la communication des :

- conventions entre SODIE et les sociétés du groupe PSA au titre desquelles M. [T] a exécuté des prestations de travail dans le cadre de la mise en 'uvre du projet de fermeture de l'usine d'[Localité 8] et/ou de la mise en 'uvre du PSE relatif à cette restructuration ;

- conventions de rupture d'un commun accord des contrats de travail entre salariés de l'établissement d'[Localité 8] et Peugeot signés par Monsieur [T] en qualité de représentant de la société Peugeot employeur ;

- correspondances électroniques entre Monsieur [T] et toute personne de l'encadrement de l'une des sociétés du groupe Peugeot.

La société PSA fait valoir que les mesures d'instruction sollicitées ne portent pas sur des documents dont l'existence est avérée, précisément identifiés ou identifiables, que SODIE produit d'ores et déjà des extraits du cahier des charges de la prestation de service, que par ailleurs aucune « convention de rupture d'un commun accord » n'a été conclue, qu'en outre, les correspondances électroniques entre Monsieur [T] et le personnel d'encadrement des sociétés du Groupe PSA, dont la communication est également sollicitée, ne portent pas sur des éléments précisément identifiés.

La société SODIE fait valoir que Monsieur [T] ne justifie d'aucun intérêt légitime pour solliciter la communication de pièces qui ne le concernent pas, notamment les conventions entre SODIE et les sociétés du groupe PSA au titre de la mise en 'uvre des prestations dans le cadre du projet de restructuration.

La convention conclue entre SODIE et PSA est une convention de prestation de service et il n'est pas nécessaire qu'elle soit versée aux débats pour permettre à M. [T] de rapporter la preuve du co-emploi qu'il revendique, celui-ci s'appréciant au regard de la réalité de la relation de travail et non au regard du cadre juridique choisi par les parties.

Sur la demande d'expertise :

En vertu de l'article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.

L'article 144 précise que les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.

L'article 146 prévoit qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

La demande de M. [T] tendant à voir ordonner la désignation d'un expert en charge d'établir un rapport sur les conditions et les motivations de la prise en main de l'antenne PSA [Localité 8] de la société SODIE par la société PSA, les modalités d'intervention de la société PSA dans la gestion économique et sociale de l'antenne PSA [Localité 8] et les conditions dans lesquelles PSA a fait passer les personnels de l'antenne SODIE pour des membres du service RH du groupe auprès des salariés d'[Localité 8] ne revêt aucun caractère technique et vise uniquement à suppléer une carence dans l'administration de la preuve.

La demande, qui ne répond pas aux exigences réglementaires, est en conséquence rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le co-emploi :

M. [T] invoque, d'une part, une situation de subordination juridique permanent vis-à-vis de PSA, d'autre part, une situation de contrat apparent.

La société SODIE souligne que le plan de sauvegarde de l'emploi approuvé par la majorité des organisations syndicales de PSA prévoit expressément, à l'article 3.1.4, que la localisation du pôle mobilité se ferait à [Localité 8] dans les locaux de PSA et que la mise en place des mesures de départs volontaires et de la cellule d'accompagnement nécessitent une coordination entre les équipes sans caractériser de lien de subordination

Si M. [T] établit qu'il était dénommé « Human Ressources Business Partner » auprès des salariés de chez PSA pour l'exécution de sa mission et qu'il détenait un badge d'accès sur lequel figure le nom PSA, il ne démontre ni que le poste de « Human Ressources Business Partner » était un poste de cadre chez Peugeot et qu'il devait apparaître comme tel auprès des salariés de PSA ni qu'il recevait ses ordres et directives de la hiérarchie de Peugeot dans le cadre de la négociation individuelle avec chaque salarié. Les échanges de courriels qu'il verse ax débats ont été échangés exclusivement avec sa hiérarchie de SODIE.

Si PSA intervenait dans la mise en oeuvre opérationnelle des missions confiées à la SODIE s'agissant du reporting, de l'exigence de compte rendus précis et de la communication officielle à mettre en place par SODIE, il n'est pas démontré que cela ait excédé la prestation de service convenue entre les sociétés.

En l'absence de contrat écrit, il incombe à celui qui revendique un contrat de travail d'en rapporter la preuve ou de produire des éléments caractérisant un contrat de travail apparent ce qui renverserait la charge de la preuve.

M. [T] a signé son contrat de travail avec la société SODIE et a reçu uniquement de cette société ses salaires, ses bulletins de salaire et ses documents de fin de contrat.

La seule production d'un badge à en-tête de PSA qui mentionne également SODIE et les échanges - admis comme des échanges techniques par PSA - dans le cadre du contrat de mission avec les salariés de la société bénéficiaire de la prestation ne sont pas suffisantes à caractériser un contrat de travail apparent avec PSA.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de co-emploi.

Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée :

La prescription de l'action en requalification fondée sur la réalité du motif de recours au contrat de travail à durée déterminée à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée conclu.

En application de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'issue du contrat de travail, soit dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans.

La demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée a été formée le 1er octobre 2013 alors que le contrat avait pris fin le 3 août 2013 de sorte que la demande est recevable. L'interruption de la prescription produit effet pendant l'intégralité de l'instance laquelle n'est pas éteinte par la radiation tant qu'aucune péremption n'est acquise.

C'est de manière erronée que la société SODIE soutient que les demandes relatives à la requalification n'ont été formées en cause d'appel que le 30 octobre 2018 et en déduit une prescription de la demande.

La fin de non recevoir tirée de la prescription est en conséquence rejetée.

- sur le fond :

Selon l'article L1242-2 dans sa rédaction applicable du 8 mai 2010 au 22 décembre 2014, sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié en cas :

a) D'absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ;

e) D'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois;

4° Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel ou d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens ou d'une société d'exercice libéral ;

5° Remplacement du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l'article L. 722-10 du même code dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole ou de l'entreprise.

En l'espèce, le motif du contrat de travail à durée déterminée mentionné par celui-ci est « L'accroissement temporaire d'activité liée à des missions privées dont PSA [Localité 8] ».

Le salarié fait valoir que les missions de consultant RH chargé de l'accompagnement d'une restructuration est en réalité la norme de travail du cabinet.

La mission confiée par PSA à SODIE était par nature temporaire en ce qu'elle visait à l'accompagnement des salariés dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant une phase de départs volontaires et une phase de licenciements.

La société SODIE produit le cahier des charges de consultation/ commande de prestation datée du 2 juillet 2013 lequel décrit la prestation attendue comme consistant dans l'animation d'ateliers thématiques, la réalisation de bilans (bilan flash, bilan de compétences), la mise à disposition d'offres d'emploi, l'accompagnement des salariés sur une durée de douze mois durant leur congé de reclassement, l'accompagnement des salariés dans le cadre d'une création ou reprise d'entreprise, l'accompagnement du conjoint du salarié en recherche d'emploi suite à une mobilité interne.

La société SODIE justifie suffisamment le motif de recours au contrat de travail à durée déterminée.

La demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est en conséquence rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat :

En l'absence de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en l'absence de co-emploi, la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la demande dénommée 'contrepartie financière reclassement' sont rejetées. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [T] succombant en son appel est condamné aux dépens.

La situation respective des parties justifie de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Rejette les fins de non recevoir,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [S] [T] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/12384
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;18.12384 ?
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