Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 09 MAI 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16220 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCT76
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2020 -Tribunal Judiciaire d'EVRY - RG n° 18/00549
APPELANTE
Madame [H] [W] épouse [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Fatima BOUALI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : E0372
INTIME
Maître [V] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire de la société SAS CELSIUS
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
Ayant pour avocat plaidant Me Arthur ARNO, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et Mme Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport .
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Madame Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Mme Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
La Sci Trk, constituée le 1er novembre 2010, était détenue à hauteur de 75% des parts par son gérant M. [D] [M] et de 25% des parts par la Sas Celsius, société de génie climatique créée le 1er février 2007 détenue par son associé uniqueM. [D] [M], dirigée par la société Pvl Capital et locataire au titre d'un bail commercial conclu le 1er juillet 2011 avec la Sci Trk.
Par acte sous seing privé du 4 juillet 2014, Mme [H] [W] épouse [M] a acquis l'ensemble des parts de la Sas Celsius dans la Sci Trk pour un montant de 15 000 euros 'que le cédant reconnaît avoir reçu du cessionnaire et dont elle (sic) lui donne quittance'. La cession a été enregistrée au SIE de Juvisy le 5 août 2014.
Par acte du 16 avril 2015, la société Pvl Capital a acquis auprès de M.et Mme [M] l'intégralité des parts sociales qu'ils detenaient dans la société Celsius.
Par jugement du 30 mai 2017, le tribunal de commerce d'Evry a ordonné la liquidation judiciaire de la société Celsius et désigné Mme [Z] en qualité de liquidateur judiciaire de celle-ci.
C'est dans ces circonstances que par acte du 26 janvier 2018, Mme [Z], ès qualités, a assigné Mme [W] épouse [M] devant le tribunal de grande instance d'Evry en paiement du prix de cession des parts sociales que la société Celsius détenait dans la société Trk.
Par jugement rendu le 2 juin 2020, le tribunal judiciaire d'Evry a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [H] [W] épouse [M],
- condamné Mme [H] [W] épouse [M] à payer à Mme [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Celsius la somme de 15 000 euros au titre du prix de la cession du 4 juillet 2014,
- débouté Mme [Z] ès qualités de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné Mme [H] [W] épouse [M] à payer à Mme [Z] ès qualités la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [H] [W] épouse [M] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du 9 novembre 2020, Mme [W] épouse [M] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 2 février 2020, Mme [H] [W] épouse [M] demande à la cour de :
- reformer la décision entreprise en ce qu'elle considère l'action en paiement du prix de cession recevable,
- dire que l'action est prescrite en application du régime consumériste l'encadrant dans un délai de prescription biennale,
- en conséquence, déclarer Mme [Z] en sa qualité de liquidateur judicaire de la société Celsius irrecevable en son action,
à titre subsidiaire,
- reformer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de prix de cession, outre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter Mme [Z] en sa qualité de liquidateur de la société Celsius de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme [Z] en sa qualité de liquidateur de la société Celsius à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de ses frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [Z] en sa qualité de liquidateur de la société Celsius aux entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 27 avril 2021, Mme [V] [Z], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Celsius, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exception du rejet de la demande de dommages et intérêts,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,
par conséquent,
- constater le caractère inopérant de la quittance donnée par M. [D] [M] à l'article 2 de l'acte de cession de parts sociales de la société Trk du 4 juillet 2014,
- débouter Mme [H] [M] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [H] [M] à lui payer le prix de cession d'un montant de 15 000 euros,
- condamner Mme [H] [M] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour déclarations mensongères et résistance abusive,
- condamner Mme [H] [M] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [H] [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré par Me Jacques Bellichach conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 31 janvier 2023.
SUR CE,
Sur la prescription :
Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Mme [M] en retenant que :
- la prescription biennale prévue par l'article L.218-2 du code de la consommation s'applique au consommateur, entendu comme toute personne physique qui agit à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale,
- Mme [M] a conclu avec la société Celsius un contrat de cession de parts sociales que cette dernière détient dans la Sci Trk exerçant une activité d'acquisition de biens immobiliers, de gestion et de location immobilière notamment en qualité de bailleur commercial de la société Celsius et, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme [M] exerce à titre principal cette activité professionnelle, il n'en demeure pas moins que l'exerçant même seulement à titre accessoire, elle ne peut être assimilée à un consommateur dans le cadre du contrat de cession de parts sociales conclu avec la société Celsius,
- en conséquence, est applicable la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du code civil et l'action engagée par assignation délivrée le 31 mars 2017 n'est pas prescrite puisque le délai de prescription a commencé à courir à compter de la date de la signature de l'acte de cession des actions de la société Celsius à la société Pvl Capital soit le 16 avril 2015.
Mme [M] soulève l'irrecevabilité de la demande en paiement comme étant prescrite motifs pris que :
- pour déterminer si l'article L.218-2 du code de la consommation est applicable, la finalité de l'acte doit être prise en compte et un professionnel agissant en dehors de son domaine de spécialité est assimilé à un consommateur,
- la cession, si elle concerne des valeurs mobilières, a été consentie par une société commerciale à l'endroit d'une personne physique et relève par conséquent des dispositions de l'article L.137-2 du code de la consommation,
- en tant que bénéficiaire de la cession, en sa qualité d'associée minoritaire d'une Sci dont elle n'est pas la gérante, elle doit être considérée comme un consommateur puisqu'elle répond en tous points à la définition de la loi Hamon qui prévoit qu'une personne physique qui agit à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale est un consommateur,
- en conséquence, l'action en paiement de prix de cession, soumise au délai de prescription biennale, est prescrite depuis le 5 juillet 2016.
Mme [Z] répond que :
- les conditions de la prescription biennale prévues par les anciennes dispositions de article L.137-2 du code de la consommation ne sont pas remplies dès lors que la cession des parts sociales détenues par la société Celsius ne porte pas sur des 'biens et services' relevant de son activité professionnelle et que ladite société n'a donc pas la qualité de professionnel au sens des dispositions européennes et du code de la consommation au titre de cet acte,
- Mme [W] ne saurait être assimilée à un consommateur puisque la loi du 17 mars 2014 définit le consommateur comme une personne physique qui agit à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, et que les premiers juges ont pertinemment retenu qu'en raison de l'exercice accessoire de l'activité professionnelle elle ne pouvait être assimilée à un consommateur,
- l'action relevant des dispositions de l'article 2224 du code civil n'est donc pas prescrite.
Mme [W] sollicite le bénéfice des dispositions de l'article L.137-2 du code de la consommation, dans sa version applicable aux faits, selon lequel 'L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans'.
L'action en paiement du prix de cession des parts sociales de la société Celsius détenues au sein de la société Trk est étrangère à l'exercice de l'activité de génie climatique exercée par la société Celsius et ne relève donc pas de l'activité de biens ou services fournis par celle-ci aux consommateurs.
En outre, la cession des parts a été consentie au bénéfice de Mme [W], déjà titulaire de parts sociales au sein de la Sci Trk ayant conclu avec la société Celsius un bail commercial, et qui n'est par conséquent pas assimilable à un consommateur.
Seule la prescription de droit commun prévue à l'article 2224 du code civil est donc applicable, laquelle n'était pas acquise au moment de la délivrance de l'assignation du 26 janvier 2018.
Le jugement est donc confirmé de ce chef.
Sur la demande en paiement du prix de cession :
Le tribunal a accueilli la demande de paiement du prix de cession des parts sociales, à défaut de démonstration par Mme [M] du réglement de celui-ci en ce que :
- l'existence de l'obligation de paiement pesant sur Mme [M] ressort du contrat de cession de parts sociales,
- la preuve du caractère non libératoire d'une quittance ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants (anciens) du code civil, dont il résulte qu'il ne peut être établi la preuve contraire d'un écrit que par la production d'un autre écrit,
- si Mme [M] se prévaut, pour justifier de l'exécution de son obligation, des dispositions contractuelles stipulant que le prix de cession est de 15 000 euros que 'le cédant reconnaît avoir reçu du cessionnaire et dont elle lui donne quittance', il ressort du bilan pour l'exercice 2014 produit à l'occasion de la conclusion de l'acte de cession des actions de la société Celsius au profit de la société Pvl capital du 16 avril 2015 que la créance de 15 000 euros, inscrite dans la rubrique 'autre créance' sous la mention 'créance sur cession d'immobilisation' n'a pas été payée,
- la quittance donnée par la société Celsius, représentée par M. [M] dans l'acte de cession intervenu entre elle et Mme [M] le 4 juillet 2014, est donc en contradiction avec les déclarations faites par M. et Mme [M] dans l'acte de cession des actions de la société Celsius à la société Pvl capital et signées par eux, sur les comptes de l'exercice 2014 de la société Celsius qu'ils ont validés et ne peut ainsi à elle seule suffire à rapporter la preuve du caractère libératoire du paiement du prix de cession par Mme [M].
Mme [M] estime infondée la demande en paiement du prix de cession en ce que :
- la matérialité de la créance réclamée n'est pas prouvée puisque la société Celsius représentée par son liquidateur se prévaut exclusivement d'un bilan qu'elle a elle-même réalisé, reprenant une simple écriture comptable alors que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même,
- en tout état de cause, ni le principe, ni le montant d'une dette contractuelle ne peuvent se déduire valablement de factures, relevés de comptabilité, lettre de relance, mises en demeure émanant exclusivement du demandeur en paiement,
- la force probante du bilan mentionnant une créance sur cession d'immobilisation d'un montant de 15 000 euros sans référence à Mme [M] ni à la Sci Trk, et qui n'est corroboré par aucune autre pièce, n'est pas suffisante pour démontrer l'existence de la créance et le liquidateur de la société Celsius ne saurait utilement se prévaloir du fait que ce bilan est annexé à l'acte de cession des actions pour en déduire 'un aveu' de la part de Mme [M],
- elle rapporte pour sa part la preuve du paiement du prix de cession au vu de la quittance de paiement délivrée par la société Celsius dans l'acte sous seing privé enregistré au centre des impôts et déposé au tribunal de commerce.
Mme [Z] ès qualités répond que :
- l'obligation de paiement de Mme [M] résulte de son engagement en vertu du contrat de cession de parts sociales pour un montant de 15 000 euros le 4 juillet 2014,
- la production du bilan de l'exercice 2014 dont elle n'est pas l'auteur est valable,
- ce bilan approuvé en assemblée générale, certifié par le commissaire aux comptes de la société Celsius et annexé au contrat de cession d'actions de ladite société du 16 avril 2015 sous la mention de 'comptes de références' remet en cause la quittance en ce que le lien entre la cession des parts sociales de la Sci Trk disparaissant du bilan entre les exercices 2013 et 2014 et l'inscription d'une créance sur cession d'immobilisation de 15 000 euros constitue la preuve du non paiement du prix de cession par Mme [M].
Selon l'article 1315 du code civil dans sa version applicable aux faits, 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.
Si celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n'a pas la valeur libératoire qu'implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants du code civil dans leur version applicable aux faits, soit par un écrit ou, à défaut, par un commencement de preuve par écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qu'il représente et qui rend vraisemblable le fait allégué, et corroboré par des éléments extérieurs à l'acte.
L'obligation de paiement est établie par l'acte de cession de parts sociales du 4 juillet 2014 conclu entre la société Celsius et Mme [M] précisant en son article 2 que 'la présente cession est consentie et acceptée par les parties. Elle est réalisée moyennant le prix de (...) 15 000 euros que le cédant reconnaît avoir reçu du cessionnaire et dont elle lui donne quittance'.
La quittance donnée par la société Celsius vaut reconnaissance de l'exécution de son obligation de paiement par Mme [M].
Il n'est justifié d'aucun écrit de Mme [M] reconnaissant l'absence de versement du prix de cession.
Le bilan de la société Celsius pour l'exercice 2014, certifié par le commissaire aux comptes de ladite société, ne constitue pas une preuve que le demandeur en paiement se fait à soi même. Ce bilan ne mentionne plus les titres de participations d'un montant de15 000 euros figurant sur le bilan 2013 et indique dans le détail de l'actif une somme de 15 000 euros dans la rubrique 'créance sur cession d'immobilisation', sans aucune référence à la cession litigieuse, ni à la société Trk ni à Mme [M]. A considérer que l'annexion à l'acte de cession du 16 avril 2015 de ce bilan par les époux [M], dont ils ont reconnu l'exactitude à l'occassion de l'approbation des comptes en assemblée générale le 1er avril 2015, puisse constituer un commencement de preuve par écrit, celui-ci n'est corroboré par aucune autre pièce extérieure faisant apparaître la nature de la créance sur cession d'immobilisation en cause. La seule production de ce bilan aux débats n'est donc pas de nature à combattre la valeur libératoire de la quittance donnée par la société Celsius.
Le jugement est donc infirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts
La demande en paiement n'étant pas justifiée, Mme [Z] ès qualités fait vainement valoir les déclarations mensongères de l'appelante et la rétention abusive des fonds.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [Z] ès qualités échouant en ses prétentions est condamnée aux dépens de première instance et d'appel. L'équité commande de ne pas la condamner au paiement d'une indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et a débouté Mme [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Celsius de sa demande de dommages et intérêts pour déclarations mensongères et résistance abusive,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant de nouveau,
Déboute Mme [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Celsius de sa demande en paiement du prix de cession des parts sociales,
Déboute Mme [H] [W] épouse [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [Z] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Celsius aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE