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09/05/2023 | FRANCE | N°20/16182

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 09 mai 2023, 20/16182


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 09 MAI 2023

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16182 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCT43



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2020 -Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/02280



APPELANTS



Monsieur [C] [O] [A] [P] [J]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postula

nt Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel RUBI, avocat au b...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 09 MAI 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16182 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCT43

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2020 -Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/02280

APPELANTS

Monsieur [C] [O] [A] [P] [J]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel RUBI, avocat au barreau de Nantes

Monsieur [Z] [N] [S] [J]

[Adresse 7]

[Localité 11] ETATS-UNIS

Ayant pour avocat postulant Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel RUBI, avocat au barreau de Nantes

Madame [D] [T] [R] [M] [J] épouse [I]

[Adresse 9]

[Localité 14]

Ayant pour avocat postulant Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel RUBI, avocat au barreau de Nantes

Madame [B] [F] [N] [J]

[Adresse 10]

[Localité 15]

Ayant pour avocat postulant Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel RUBI, avocat au barreau de Nantes

Monsieur [Y] [X] [W] [J]

[Adresse 6]

[Localité 14]

Ayant pour avocat postulant Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel RUBI, avocat au barreau de Nantes

INTIMES

Monsieur [K] [L]

[Adresse 5]

[Localité 14]

Représenté par Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435

S.A. MMA IARD représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représentée par Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représentée par Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport et Mme Estelle MOREAU, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Mme Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

MM. [Z], [Y] et [C] [J], Mme [B] [J] et Mme [D] [J] épouse [I] (les consorts [J]) étaient nus-propriétaires indivis d'un appartement au cinquième étage d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 14] , leurs parents en ayant conservé l'usufruit.

Le 30 novembre 2017, M. [C] [J] a accepté l'offre d'achat de Mme [E] [U] au prix de 2 700 000 euros.

M. [K] [L], notaire, qui avait indiqué aux vendeurs le 10 juillet 2017 que, l'acte de donation de l'immeuble en nue-propriété ayant été signé en 1981, la vente serait exonérée d'impôt sur la plus-value a reconnu au mois de décembre suivant avoir fait une confusion de date, la donation concernant cet appartement étant intervenue le 26 décembre 1995.

Les parties ont signé une promesse unilatérale de vente suivant acte authentique du 24 janvier 2018 et la vente a été régularisée selon acte authentique du 28 mai suivant.

Les vendeurs ont réglé une somme de 238 449 euros au titre de l'imposition sur la plus value.

C'est dans ce contexte que les consorts [J] ont, par actes des 14 et 15 février 2019, assigné M. [K] [L] ainsi que les SA MMA Iard et société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles devant le tribunal judiciaire de Paris en réparation de leur préjudice.

Par jugement du 9 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris :

- a débouté les consorts [J] de leurs demandes,

- les a condamnés in solidum au paiement des dépens,

- a laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,

- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 9 novembre 2020, les consorts [J] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 février 2021, MM. [Z], [Y] et [C] [J], Mme [B] [J] et Mme [D] [J] épouse [I] demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il

les a déboutés de leurs demandes,

les a condamnés in solidum au paiement des dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues par l'article 699 du code de procédure civile,

a laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,

a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, mais exclusivement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes,

statuant à nouveau, de :

- dire et juger que M. [L], assuré auprès de la société MMA, a commis un manquement à son devoir de conseil en leur indiquant à tort que la plus-value de la vente de l'immeuble litigieux ne serait pas imposée,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que M. [L], assuré auprès de la société MMA, a commis un manquement à son devoir d'information et de conseil en ne les informant pas de la possibilité de se rétracter de leur engagement souscrit le 30 novembre 2017 ainsi que des moyens juridiques et options s'offrant à eux pour se délier,

- condamner in solidum M. [L] et les sociétés MMA Iard à verser :

- à M. [Z] [J], la somme de 47 473 euros,

- à M. [Y] [J], la somme de 47 744 euros,

- à M. [C] [J], la somme de 47 744 euros,

- à Mme [B] [J], la somme de 47 744 euros,

- à Mme [D] [J] épouse [I], la somme de 47 744 euros,

y ajoutant,

- condamner in solidum M. [L], la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles à leur verser la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 mai 2021, M. [K] [L] et ses assureurs, la SA MMA Iard et la société d'assurances mutuelles MMA Iard assurances mutuelles, demandent à la cour de :

confirmant le jugement entrepris,

- débouter MM. [Z], [Y] et [C] [J] et Mmes [B] et [D] [J] de l'ensemble de leurs demandes,

y ajoutant,

- condamner in solidum MM. [Z], [Y] et [C] [J] et Mmes [B] et [D] [J] à leur verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum MM. [Z], [Y] et [C] [J] et Mmes [B] et [D] [J] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, dont distraction au profit de M. Lacan, avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 31 janvier 2023.

SUR CE,

Sur la responsabilité du notaire

Le tribunal a retenu que :

sur le premier grief,

- le notaire a donné aux consorts [J] une information erronée qu'il a rectifiée le 11 décembre 2017 mais le lien de causalité entre l'erreur du notaire et le paiement de l'impôt sur la plus-value immobilière n'est pas établi au vu de la portée de l'engagement pris par les vendeurs le 30 novembre 2017 en ce que l'offre d'achat acceptée à cette date, même si elle comportait un accord sur les éléments essentiels de la vente, ne constituait qu'un contrat préparatoire par lequel les parties s'engageaient à poursuivre le processus d'acquisition à certaines conditions déterminées, dont l'issue était la signature d'une promesse unilatérale de vente par acte notarié et que cet acte ne valait pas vente, de sorte que les consorts [J] auraient pu se rétracter, sans conséquence financière puisque cet acte ne prévoyait aucune sanction autre que la caducité de l'offre, dès lors qu'ils ont appris que la vente serait soumise à l'impôt sur la plus-value,

sur le second grief,

- il appartenait au notaire, lorsqu'il a corrigé son erreur, de conseiller les vendeurs sur la possibilité d'une rétractation de leur engagement souscrit le 30 novembre 2017 et la lettre qu'il leur a adressé le 22 décembre 2017 est insuffisante pour justifier qu'il les a éclairés sur tous les moyens juridiques et les options s'offrant à eux pour se délier de leur engagement,

- il n'est pas établi que si le notaire avait respecté son devoir de conseil, les vendeurs auraient abandonné le projet de cette vente au profit de la vente des chambres de service, propriété de leurs parents alors qu'il n'est pas démontré que la vente de ces chambres, dont il est ignoré la valeur et l'absence d'occupation, aurait permis de respecter le montage financier élaboré pour faire face aux besoins financiers de leurs parents en assurant un financement équivalent à celui attendu à la suite de la vente de l'appartement, en étant exonérée du paiement d'un impôt.  

La responsabilité du notaire en sa qualité de rédacteur d'acte peut être engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, à charge pour celui qui l'invoque d'établir une faute, un préjudice et un lien de causalité.

Les appelants invoquent, à titre principal, un manquement du notaire à son obligation de conseil quant à l'exonération d'imposition sur la plus-value et à titre subsidiaire, si la cour estime qu'ils avaient la possibilité de se délier de leur engagement du 30 novembre 2017, un manquement à son devoir d'information et de conseil quant à la portée de cet engagement.

- sur le manquement du notaire à son obligation de conseil quant à l'impôt sur la plus value

Les appelants reprochent à M. [L] d'avoir manqué à son obligation de conseil en affirmant de manière erronée que la plus-value qui serait réalisée sur la vente litigieuse ne serait pas imposée.

Les intimés admettent que M. [L] a émis une opinion erronée le 10 juillet 2017.

Le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques, notamment quant à ses incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller. La preuve du conseil donné incombe au notaire.

Expressément interrogé par ses clients, M. [L] a manqué à son obligation de conseil en leur indiquant de manière erronée le 10 juillet 1997 qu'ils seraient exonérés de l'imposition sur la plus-value dans le cadre de la vente qu'ils projetaient d'un immeuble donné en nue-propriété par leurs parents, la donation datant de 1981, erreur que les consorts [J] ont pu déduire du courriel adressé le 11 décembre suivant par l'étude notariale mentionnant que la donation datait du 26 décembre 1995, sans plus de précision, et qui a été reconnue par M. [L] dans une lettre du 22 décembre suivant où il a admis une confusion entre les biens faisant l'objet des donations de 1981 et 1995.

- sur le préjudice et le lien de causalité

Les appelants font valoir que :

- ils n'ont été informés de l'erreur du notaire que postérieurement à leur engagement définitif à l'égard de l'acquéreur,

- l'acceptation sans réserve d'une offre ferme et précise d'achat suffit à former le contrat dès lors qu'un accord a été trouvé entre les parties sur la chose et le prix, éléments essentiels au contrat de vente et ils ne pouvaient plus se rétracter, étant unilatéralement et définitivement engagés par leur acte d'acceptation,

- ils n'auraient pas pu se prévaloir de la caducité de la promesse d'achat, la condition de délai ayant été stipulée dans l'intérêt exclusif de Mme [U], laquelle a parfaitement respecté les termes de son offre d'achat et la promesse unilatérale de vente a été régularisée aux mêmes conditions que l'offre,

- l'acceptation de l'offre d'achat le 30 novembre 2017 par [C] [J] engageait tous les indivisaires qui lui avaient donné pouvoir pour vendre, ce pouvoir étant visé dans l'acte et il importe peu que Mme [U] n'ait pas mentionné les usufruitiers dans son offre puisque qu'en vertu des articles 621 et 1156 du code civil, la vente peut être réalisée sans leur accord et leur est seulement inopposable sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant,

- ils auraient pu, pour éviter une imposition sur la plus-value, vendre en lieu et place des chambres de service dont la valeur aurait amplement permis de financer le besoin de trésorerie recherché,

- le préjudice découlant du paiement d'un impôt est entier et ne se réduit pas à une simple perte de chance lorsque le manquement du notaire à son obligation de conseil a privé son client de la possibilité de renoncer à l'opération et de rechercher une solution au régime fiscal plus avantageux.

Les intimés répondent que :

- le notaire a corrigé son erreur dans un écrit du 22 décembre 2017 et à cette date, les consorts [J] n'étaient pas engagés dans les liens d'une vente et ont fait le choix de vendre le 24 janvier 2018 passé un délai de réflexion,

- l'acceptation de l'offre d'achat du 30 novembre 2017 ne peut être analysée comme ayant lié l'ensemble des appelants alors que M. [C] [J], seul signataire de cet acte, n'était porteur d'aucun pouvoir de représentation de ses coindivisaires et l'acquéreur n'aurait pu invoquer un mandat apparent,

- cette acceptation est sans aucune portée à l'égard des usufruitiers dont l'existence n'est pas même évoquée,

- l'offre d'achat de Mme [U] ne tendait pas à la formation d'une vente mais seulement à la conclusion d'une promesse unilatérale de vente à son bénéfice au plus tard le 31 décembre 2017 et l'engagement du seul souscripteur n'était que celui de consentir à Mme [U] une faculté d'acquérir,

- les vendeurs n'auraient subi aucun préjudice s'ils s'étaient rétractés,

- ils ont fait le choix de vendre en l'état d'une information complète et exacte, leur décision de vendre ayant été commandée par un besoin pressant de trésorerie.

Le notaire n'a reconnu son erreur que le 22 décembre 1997 soit après que M. [C] [J] a accepté l'offre d'achat de Mme [U], 'en son nom et pour le compte de ses frères et soeurs nus-propriétaires en vertu d'une procuration' ainsi que le mentionne l'acte du 30 novembre 1997.

Les consorts [J] versent aux débats les procurations pour vendre que les nus-propriétaires ont données le 15 novembre 2017 à leur frère ainsi que celles accordées par leurs parents le 6 novembre 2017 à leurs fils [C] et [Y] pour dénoncer le bail, mettre en vente et procéder à la vente de l'appartement aux conditions indiquées par eux, peu important que la signature apposée sur cette procuration et celle figurant sur une nouvelle procuration par [X] [J] usufruitier différent sensiblement alors que ce dernier, décédé le [Date décès 12] 2018, était très âgé pour être né le [Date naissance 4] 1927.

Il est également indifférent, alors que M. [C] [J] était muni d'un pouvoir de représentation concernant les usufruitiers, que l'offre d'achat ne les mentionnent pas.

Il en ressort que tant les nus-propriétaires que les usufruitiers étaient engagés par l'offre d'achat acceptée par M. [C] [J].

Selon l'article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.

L'article 1114 du même code précise que l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation et qu'à défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

Enfin, selon les articles 1118 et 1121 du code civil, l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l' offre, tant que l'acceptation n'est pas parvenue à l'offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l'offrant avant l'acceptation et le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant.

Ces dispositions légales issues de l'ordonnance du 10 février 2016 en vigueur depuis le 1er octobre 2016 sont la transposition des règles dégagées par la jurisprudence selon lesquelles l'offre doit être précise et ferme et la vente est parfaite lorsque l'offre est acceptée sans réserve.

L'offre initiale de Mme [U] effectuée le 16 novembre 2017 et remaniée le 30 novembre suivant pour inclure diverses mentions relatives au pouvoir donné à M. [C] [J], aux toiles et cheminées que les vendeurs conservent, à la présence d'une locataire à laquelle un congé a été donné, porte sur les éléments essentiels du contrat de vente et est précise en ce qu'elle mentionne les caractéristiques de l'appartement sur lequel elle porte et son prix de vente, la circonstance que la locataire en place a le droit de rester dans les lieux jusqu'au 15 mai 2018, l'absence de condition suspensive d'obtention d'un financement pour l'achat du bien et ferme en ce qu'elle est soumise à des conditions classiques de signature d'une promesse unilatérale de vente au plus tard le 31 décembre 2021 et de vérification de documents, communications de diagnostics techniques et autre purge de droit de préemption, lesquelles ne dépendent pas de sa seule volonté.

L'acceptation de M. [C] [J] représentant l'ensemble des vendeurs est effectuée sans aucune réserve puisque sa signature est précédée de la seule mention ' bon pour accord' et manifeste la volonté de son auteur, représentant l'ensemble des vendeurs, d'être lié dans les termes de l'offre.

Cette offre remaniée ayant été signée le même jour par les parties a rendu la vente parfaite, quand bien même elles avaient prévu la signature d'une promesse de vente ultérieure et les vendeurs n'avaient plus la possibilité de se rétracter, contrairement à ce qu'ont retenu à tort les premiers juges.

Enfin, la sanction de caducité de l'offre à défaut de signature de la promesse de vente avant le 31 décembre 2017 n'était stipulée que dans l'intérêt de Mme [U] et les vendeurs ne pouvaient s'en prévaloir.

Dès lors, le préjudice lié au paiement de l'imposition sur la plus value est en lien de causalité directe avec la faute retenue à l'encontre du notaire puisque les vendeurs étaient liés par leur acceptation de l'offre de vente sans pouvoir se rétracter au jour où ils ont eu connaissance de l'erreur du notaire sur l'absence d'exonération annoncée.

Si le préjudice du créancier de l'obligation de conseil en matière fiscale peut être entièrement consommé lorsque le dommage né de l'imposition est la conséquence exclusive de la faute du notaire, il ne peut s'analyser qu'en une perte de chance dès lors qu'il n'est pas certain que mieux informé, le créancier de l'obligation de conseil se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse.

Dans tous les cas, la preuve de l'étendue de son préjudice incombe à celui qui l'invoque.

Les consorts [J] soutiennent que mieux conseillés, ils auraient procédé à la place à la vente de chambres de service situées à la même adresse afin de financer le besoin de trésorerie de leurs parents et ainsi évité l'imposition sur la plus-value.

Ils produisent la copie, non datée mais manifestement intervenue en 2020, de la vente pour un prix de 110 000 euros d'un immeuble à usage de garage et non une chambre de service, libre de toute occupation, et la copie d'un acte de vente non daté mais vraisemblablement intervenu en 2020 pourtant sur trois chambres de service et un débarras, libres de toute occupation, pour un prix de 325 000 euros. Ces deux ventes n'ont pas été soumises à l'impôt sur la plus-value.

Les appelants revendiquent une nécessité de financer un besoin de trésorerie de leurs parents mais son montant reste inconnu et aucune pièce n'est produite aux débats pour justifier d'une possibilité de vendre en 2017 des chambres de service et un garage libres de toute occupation.

Dès lors, il n'est pas certain que si les consorts [J] avaient été informés avant d'accepter l'offre d'achat qu'ils devraient régler un impôt sur la plus-value, ils auraient nécessairement renoncé à la vente projetée et échappé à l'imposition au titre de la plus value alors qu'ils invoquent un besoin de trésorerie destiné à leurs parents, même si les intimés ne justifient pas que ce besoin était pressant.

Leur préjudice n'est donc pas entièrement consommé et ils ne peuvent obtenir réparation que d'une perte de chance de renoncer à la vente de l'immeuble soumise à une imposition sur la plus-value dont ils démontrent la réalité et le sérieux puisqu'ils établissent qu'ils disposaient d'autres biens immobiliers susceptibles d'être vendus sans avoir à payer un impôt sur la plus-value.

La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

En l'absence de certitude sur la possibilité de vendre dès 2017 les immeubles exonérés de plus-value et sur le caractère suffisant du prix revenant à leurs parents afin de leur permettre de subvenir à leur besoin de trésorerie et alors que dans son courriel adressé le 16 novembre 2017 à ses frères et soeurs M. [C] [J] les invitait à accepter l'offre d'achat présentée le jour-même au prix de 2 700 000 euros que l'agence immobilière avait jugé démesuré et que Mme [U] avait commencé à discuter avant de faire son offre et indiquait qu'il pressait la locataire en place de répondre au congé pour vendre qui lui avait été notifié deux jours avant sans attendre le délai légal postérieur à la date de validité de l'offre, ce qui démontre une volonté d'accepter au plus tôtt cette offre particulièrement intéressante, la réparation de cette perte de chance doit être fixée à 50 % du montant de l'imposition sur la plus value soit la somme de 238 449 euros réglée par l'ensemble des nus-propriétaires.

En conséquence, M. [L] et les sociétés MMA ses assureurs sont condamnés in solidum à payer la somme de 23 871,50 euros à M. [Z] [J] et celle de 23 872 euros à chacun des autres appelants, en infirmation du jugement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont infirmées.

Les dépens de première instance et d'appel doivent incomber in solidum au notaire et à ses assureurs, partie perdante, lesquels sont également condamnés in solidum à payer aux consorts [J] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum M. [K] [L], la SA MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles à payer :

- à M. [Z] [J], la somme de 23 871,50 euros,

- à M. [Y] [J], la somme de 23 872 euros,

- à M. [C] [J], la somme de 23 872 euros,

- à Mme [B] [J], la somme de 23 872 euros,

- à Mme [D] [J] épouse [I], la somme de 23 872 euros,

Condamne in solidum M. [K] [L], la SA MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles,

Condamne in solidum M. [K] [L], la SA MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles à payer à MM. [Z], [Y] et [C] [J], Mme [B] [J] et Mme [D] [J] épouse [I] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/16182
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;20.16182 ?
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