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21/04/2023 | FRANCE | N°21/00170

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - b, 21 avril 2023, 21/00170


République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B



ARRET DU 21 Avril 2023

(n° 91 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/00170 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXTS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2021 par le Tribunal de proximité de Villejuif RG n° 11-20-001052



APPELANTE



Madame [S] [B] divorcée [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

comparante en person

ne, assistée de Me Marie-pierre MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0295

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/035410 du 15/09/2021 accordée par le bu...

République française

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRET DU 21 Avril 2023

(n° 91 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/00170 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXTS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2021 par le Tribunal de proximité de Villejuif RG n° 11-20-001052

APPELANTE

Madame [S] [B] divorcée [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

comparante en personne, assistée de Me Marie-pierre MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0295

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/035410 du 15/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

[6] CENTRE COMMERCIAL AGORA

[Localité 3]

non comparante

[7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, présidente

Mme Laurence ARBELLOT, conseillère

Mme Fabienne TROUILLER, conseillère

Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats

ARRET :

- Réputé contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 23 septembre 2019 Mme [S] [B] épouse [N] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne qui a, le 10 décembre 2019, déclaré recevable sa demande.

Le 28 juillet 2020, la commission a imposé le rééchelonnement des créances sur une durée de 84 mois, sans taux d'intérêt, avec un effacement partiel du solde des dettes à l'issue du plan.

Mme [N] a contesté les mesures recommandées.

Par jugement réputé contradictoire du 4 mai 2021, le tribunal de proximité de Villejuif a :

- déclaré recevable le recours de Mme [N],

- fixé la créance de la société [6] à la somme de 37 752,41 euros,

- arrêté le passif à la somme de 37 938,77 euros,

- fixé à 290,14 euros par mois la capacité de remboursement de Mme [N] et à la somme de 1 264,86 euros la part de ressources nécessaires à ses dépenses courantes,

- arrêté le plan de surendettement suivant : rééchelonnement du paiement des dettes sur 84 mois selon une mensualité maximale de 290,14 euros, sans intérêt, avec effacement du solde des créances à l'issue du plan (créance de [6] effacée pour 13 670,79 euros).

La juridiction a relevé que les ressources de Mme [N] s'élevaient à la somme de 1 555 euros par mois pour des charges de 1 121,50 euros et qu'elle disposait ainsi d'une capacité de remboursement de 433,50 euros le maximum légal étant de 290,14 euros.

Le jugement a été notifié à la débitrice le 7 juin 2021.

Par déclaration reçue le 1er juin 2021 au greffe de la cour d'appel de Paris, Mme [N] a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées l'audience du 21 février 2023.

Mme [N] est représentée par un avocat qui aux termes d'écritures développées à l'audience sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé les mensualités à 290,14 euros sur 84 mois, la confirmation en ce qu'il a retenu un état d'endettement incontestable et de voir ordonner une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. A titre infiniment subsidiaire, il est sollicité de voir fixer à 150 euros la mensualité due dans le cadre du plan et de statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle indique avoir payé la société [7] et que son endettement n'est dû qu'à une créance de restitution de 37 752,41 euros par suite d'un arrêt de cour d'appel ayant statué sur son licenciement en 2021 par la société [6] et que depuis cette date, elle est suivie en dépression.

Elle indique être dans une situation difficile même si elle a respecté le plan, qu'elle vient de terminer un CDD pour lequel elle gagnait environ 1 488 euros par mois, qu'elle est inscrite à Pôle emploi depuis le 5 janvier 2023 mais qu'elle n'a encore pas touché d'indemnité, qu'elle perçoit le revenu de solidarité active, qu'elle est âgée de 62 ans et pourra faire valoir ses droits à la retraite qu'elle s'occupe de son fils handicapé âgé de 35 ans qui ne perçoit que le revenu de solidarité active, que ses deux filles sont autonomes. Elle précise avoir un loyer de 470 euros par mois et toucher environ 2 euros d'aide au logement. Elle évalue ses charges à 1 190 euros par mois hors frais de nourriture et d'habillement.

Elle soutient qu'au regard de son âge, de sa situation professionnelle obérée, de sa situation financière fragile et précaire, elle se trouve dans une situation irrémédiablement compromise et qu'elle n'a pour l'instant pu faire face à ses charges qu'avec l'aide de ses deux filles.

Aucun créancier n'a comparu ni n'était représenté.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes.

Sur la recevabilité du recours

En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours.

Sur la bonne foi

La bonne foi de Mme [N] n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise en cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point.

Sur les mesures

Aux termes de l'article L.733-1 du code de la consommation, en l'absence de mission de conciliation ou en cas d'échec de celle-ci, la commission peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer tout ou partie des mesures suivantes:

1° Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance ;

2° Imputer les paiements, d'abord sur le capital ;

3° Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l'intérêt légal sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal;

4° Suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Sauf décision contraire de la commission, la suspension de la créance entraîne la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital peuvent être productives d'intérêts dont le taux n'excède pas le taux de l'intérêt légal.

L'article L.733-3 du même code énonce que la durée totale des mesures mentionnées à l'article L. 733-1 ne peut excéder sept années.

Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ».

 

L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2 ».

 

Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ».

En vertu des dispositions de l'article L.724-1 du code de la consommation, le débiteur qui se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en 'uvre les mesures de traitement prévues par les articles L.732-1, L.733-1, L.733-7 et L.733-8 du même code, est éligible à la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire s'il est constaté qu'il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif est constitué de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

En application de ces textes, il incombe au juge de se référer aux éléments objectifs qui lui sont soumis, c'est-à-dire le rapport entre le montant des dettes et les revenus disponibles ou ceux prévisibles et de déterminer la part des revenus que le débiteur peut affecter au paiement de ses dettes au regard des éléments dont il dispose, en prenant en compte l'évolution prévisible des revenus du débiteur.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la situation n'est pas irrémédiablement compromise dès lors qu'elle est susceptible d'évoluer, du fait de l'âge du débiteur, de sa qualification et de sa situation personnelle.

Le passif non contesté a été établi à la somme de 37 938,77 euros. Mme [N] indique avoir soldé la créance de la société [7] pour 186,36 euros mais elle n'en justifie pas. En revanche, elle produit copie de ses chèques de 290,14 euros adressés chaque mois par plis recommandés à l'hypermarché [6] d'[Localité 3] dont le dernier en date du 23 janvier 2023 attestant de son respect de l'échéancier depuis le 20 juillet 2021.

Il résulte des éléments produits, que Mme [N] était employée à durée déterminée en tant qu'adjointe technique territoriale contractuelle auprès des services de la mairie de [Localité 8] du 13 décembre 2021 au 12 décembre 2022, que son contrat a pris fin, qu'elle est inscrite à Pôle emploi depuis janvier 2023 et qu'elle n'a pas encore perçu d'indemnité chômage. Elle perçoit une aide au logement de 54 euros sous déduction d'une retenue de 49 euros soit un solde de 5 euros par mois selon attestation de la Caisse d'allocations familiales du 8 février 2023.

Son fils âgé de 35 ans, atteint de problèmes de santé et sans emploi demeure avec elle et perçoit uniquement le revenu de solidarité active de 497,01 euros par mois selon attestation de la Caisse d'allocations familiales du 16 février 2023.

Les charges non contestées ont été évaluées à 1 190 euros.

La situation de Mme [N], âgée de 62 ans, s'est donc aggravée depuis la décision rendue le 4 mai 2021, puisqu'elle ne travaille plus, qu'elle ne perçoit actuellement aucune indemnité, qu'elle devrait percevoir le revenu de solidarité active prochainement tout en s'occupant de son fils majeur atteint de handicap, et qu'elle est amenée à prendre sa retraite dans les prochains mois, avec la perspective d'une pension de retraite peu élevée puisqu'elle n'a commencé à travailler qu'à l'âge de 31 ans après avoir élevé ses trois enfants.

Malgré les difficultés rencontrées, Mme [N] a tout mis en 'uvre pour respecter l'échéancier arrêté par le tribunal en réglant les mensualités prévues en faveur de la société [6].

Mme [N] ne dispose d'aucune capacité de remboursement, d'aucun bien susceptible des désintéresser ses créanciers et sa situation financière est obérée et ne devrait pas connaître d'évolution significative dans les prochains mois. Au regard de ces éléments, il y a lieu de dire que la situation de Mme [N] est irrémédiablement compromise.

Il s'ensuit qu'il convient d'infirmer le jugement, de constater la situation irrémédiablement compromise et de dire que Mme [N] bénéficiera d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire en l'absence de tout actif mobilier ou immobilier susceptible de désintéresser les créanciers.

Chaque partie supportera ses éventuels dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

 

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe:

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours, fixé la créance de la société [6] à la somme de 37 752,41 euros et arrêté le passif à la somme de 37 938,41 euros,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Constate que la situation de Mme [S] [B] épouse [N] est irrémédiablement compromise,

Ordonne l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de Mme [S] [B] épouse [N],

Clôture immédiatement cette procédure,

Dit que cette procédure entraîne l'effacement total des dettes de Mme [S] [B] épouse [N] mentionnées dans l'état des créances arrêté par la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne et par jugement du tribunal de proximité de Villejuif du 4 mai 2021,

Dit qu'il ne peut donc plus légalement être demandé à Mme [S] [B] épouse [N] le paiement des dettes figurant dans ce tableau, qui n'ont plus d'existence juridique à son égard,

Rappelle que ne sont pas effacées les dettes alimentaires, les réparations pécuniaires allouées aux victimes et les amendes prononcées dans le cadre d'une condamnation pénale et les dettes ayant pour origine des man'uvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale énumérés à l'article L.114-12 du code de la sécurité sociale,

Ordonne la publication du présent arrêt au BODACC pour permettre aux éventuels créanciers qui n'auraient pas été convoqués dans le cadre de la présente procédure de pouvoir le cas échéant former 'tierce opposition', à peine d'extinction de leurs créances, à l'issue de l'expiration du délai de 2 mois qui suivra la date de cette publication,

Dit que cette procédure entraîne l'inscription de Mme [S] [B] épouse [N] au fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels (F.I.C.P) pour une période de 5 ans,

Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec accusé de réception à la débitrice et à ses créanciers connus,

Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle,

Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - b
Numéro d'arrêt : 21/00170
Date de la décision : 21/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-21;21.00170 ?
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