Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 5
ORDONNANCE DU 20 AVRIL 2023
(n° /2023)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01150 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG6JU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2022 du TJ de BOBIGNY - RG n° 21/05869
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEURS
S.A. MMA IARD
[Adresse 1]
[Localité 5]
SOCIÉTÉ MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 1]
[Localité 5]
S.A.R.L. T2P
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentées par Me Mohamed ZOHAIR de la SCP SOULIE COSTE-FLORET & AUTRES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267
à
DEFENDEURS
SCI [Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 9]
S.C.I. DES DEMUEYES
[Adresse 3]
[Localité 7]
Monsieur [Y] [L]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Madame [S] [H] épouse [L]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentés par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Et assistés de Me Jessica DEDIOS substituant Me Jérôme ROUSTIT de la SELARL HOCHE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : K0061
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 07 Mars 2023 :
Par jugement du 13 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a notamment :
- condamné in solidum la société T2P et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser à la SCI [Adresse 6] la somme de 211.073 euros au titre des loyers perdus du 16 octobre 2015 au 30 septembre 2021, déduction faite des sommes déjà perçues au titre de l'indemnisation par les assureurs de la société T2P,
- condamné in solidum la société T2P et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser aux consorts [L] et à la SCI des Demueyes la somme de 1.704.310,74 euros en tenant compte de la subrogation opérée par la transaction partielle,
- condamné in solidum la société T2P et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 5000 euros à la SCI des Demueyes,
- 5000 euros à M. [Y] [L],
- 5000 euros à Mme [S] [L],
- 5000 euros à la SCI du [Adresse 6],
outre les entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du 9 janvier 2023, la SA MMA IARD, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la SARL T2P ont interjeté appel de cette décision.
Par acte d'huissier en date des 17 et 18 janvier 2023, la SA MMA IARD, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la SARL T2P ont fait assigner en référé la SCI [Adresse 6], la SCI des Demueyes, M. [Y] [L] et Mme [S] [H] épouse [L] devant le premier président de cette cour aux fins de voir :
- à titre principal, vu l'ancien article 524 du code de procédure civile :
- juger que l'exécution provisoire ordonnée par le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 13 décembre 2022 risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives pour les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et T2P,
- en conséquence, arrêter l'exécution provisoire ordonnée par le jugement entrepris,
- à titre subsidiaire, vu l'article 521 du code de procédure civile :
- autoriser les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et T2P à consigner le montant des condamnations prononcées, tant en principal que des frais irrépétibles, soit 1.935.383,74 euros, qu'au titre des intérêts, par le jugement entrepris, entre les mains soit de la Caisse des dépôts et consignations désignée séquestre, soit du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour d'appel à intervenir,
- dire que les dépens du référé seront joints à ceux de l'instance au fond,
- rejeter toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée.
A l'audience du 7 mars 2023, les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et T2P maintiennent l'intégralité de leurs demandes.
Aux termes de leurs conclusions en défense soutenues oralement à l'audience, la SCI des Demueyes, la SCI [Adresse 6], M. [Y] [L] et Mme [S] [H] épous [L] sollicitent :
- que les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et T2P soient déboutées de leurs demandes visant à obtenir l'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire du jugement du Tribunal judiciaire de Bobigny du 13 décembre 2022,
- qu'elles soient condamnées aux dépens, ainsi qu'au paiement à chacun des intimés de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé aux écritures dûment échangées entre les parties pour un exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
En vertu de l'article 55, II, du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, les nouvelles dispositions relatives à l'exécution provisoire s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020.
En l'espèce, l'instance a été introduite devant le tribunal judiciaire de Bobigny par acte d'huissier du 17 juin 2019, soit antérieurement au 1er janvier 2020, elle est donc soumise aux dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, lequel dispose que, "lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président statuant en référé et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522 (...)
Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.
Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives".
Il résulte de ce texte que lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, comme c'est le cas en l'espèce, le premier président statuant en référé peut l'arrêter si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives eu égard aux facultés de paiement du débiteur ou aux facultés de remboursement du créancier.
Saisi d'une demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 524 précité, le premier président n'a pas le pouvoir d'apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision rendue par le premier juge pour en suspendre les effets.
En l'espèce, s'agissant des conséquences manifestement excessives, les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et T2P font valoir qu'au regard du montant des sommes allouées, elles ont "de sérieuses craintes de ne pouvoir obtenir restitution des sommes perçues en cas de réformation du jugement entrepris, craintes légitimes s'agissant de SCI et de particuliers". Elles ajoutent qu'en ne retranchant pas les sommes déjà perçues à titre d'indemnisation, l'exécution provisoire du jugement risque d'aboutir à un "exorbitant enrichissement sans cause".
Les défendeurs font valoir que les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et T2P se contentent d'insinuer qu'ils n'auraient pas de faculté de remboursement, s'agissant de SCI et de particuliers, sans rapporter la preuve qui leur incombe des circonstances manifestement excessives eu égard à leurs facultés de remboursement en l'espèce.
Il résulte des pièces produites que la SCI des Demueyes et les époux [L] sont propriétaires de l'immeuble litigieux et du terrain situés [Adresse 6], que la SCI des Demueyes a pour gérant et associé M. [N] [W], président du groupe [W], alors que les associés d'une SCI répondent indéfiniment des dettes sociales en vertu de l'article 1857 du code civil. En outre, la SCI [Adresse 6] a pour gérant M. [Y] [L], et les époux [L] sont propriétaires de leur résidence principale située à [Localité 8], ainsi que (directement ou par le biais d'une autre SCI les Roches blanches) d'autres biens immobiliers (un studio à [Localité 11], trois maisons à [Localité 10] (78), un appartement à Perros-Guirrec (22)), dont plusieurs en location.
Il convient dès lors de juger que les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et T2P échouent à rapporter la preuve qui leur incombe de circonstances manifestement excessives entraînées par l'exécution provisoire, en ce qu'elle se contente d'énoncer qu'il s'agit de SCI et de particuliers, sans caractériser le risque de non restitution des fonds versés en cas d'infirmation du jugement entrepris, risque qui est écarté compte tenu des éléments probants précités fournis par les défendeurs sur leur patrimoine.
S'agissant de l'enrichissement sans cause allégué, les termes du jugement entrepris sont suffisamment clairs pour ne pas encourir ce risque, en ce qu'il prononce les condamnations "déduction faite des sommes déjà perçues au titre de l'indemnisation par les assureurs de la société T2P" et "en tenant compte de la subrogation opérée par la transaction partielle".
En conséquence, il convient de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
Les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et T2P seront également déboutées de leur demande de consignation des sommes dues, pour les mêmes motifs, le risque de non restitution des fonds versés en cas de réformation du jugement entrepris n'étant pas caractérisé en l'espèce.
Les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et T2P, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'au paiement à chacun des défendeurs de la somme de 1500 euros.
PAR CES MOTIFS
Déboutons la SA MMA IARD, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la SARL T2P de l'intégralité de leurs demandes,
Condamnons in solidum la SA MMA IARD, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la SARL T2P à verser les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 1500 euros à la SCI des Demueyes,
- 1500 euros à M. [Y] [L],
- 1500 euros à Mme [S] [L] née [H],
- 1500 euros à la SCI du [Adresse 6],
Condamnons in solidum la SA MMA IARD, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la SARL T2P aux dépens.
ORDONNANCE rendue par Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère