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20/04/2023 | FRANCE | N°22/17984

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 20 avril 2023, 22/17984


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 AVRIL 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17984 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSQH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2022 -Président du TJ de PARIS- RG n° 22/55461





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 4], prise en la personne de Madame la

Maire de [Localité 4], Mme [K] [X], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barr...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 20 AVRIL 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17984 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSQH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2022 -Président du TJ de PARIS- RG n° 22/55461

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 4], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 4], Mme [K] [X], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

Substitué à l'audience par Me Célia DUGUES, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

INTIMES

Mme [G] [Z] [N] épouse [M]

M. [S] [R] [U] [M]

Demeurant ensemble

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Mars 2023, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 04 juillet 2022, la Ville de [Localité 4] a fait assigner M. [M] et son épouse Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure accélérée au fond, aux fins de les voir condamner in solidum, sur le fondement des articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation, au paiement d'une amende civile de 50.000 euros concernant l'appartement situé [Adresse 1] (1er étage, deuxième porte gauche, lot n°4).

Par jugement contradictoire du 26 septembre 2022, rendu selon la procédure accélérée au fond, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- débouté la Ville de [Localité 4] de sa condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- condamné la Ville de [Localité 4] à payer à Mme [N] et M. [M] la somme de 750 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 4] aux dépens, dont distraction au profit de Me Lorhène Derhy, avocat.

Le premier juge a considéré que la preuve n'était pas faite par la Ville de [Localité 4] de l'usage d'habitation du bien au 1er janvier 1970.

Par déclaration du 19 octobre 2022, la Ville de [Localité 4] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 décembre 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger que Mme [N] et M. [M] ont enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en changeant l'usage et en louant pour de courtes durées à une clientèle de passage l'appartement situé au 1er étage, deuxième porte gauche de l'immeuble sis [Adresse 1] (constituant le lot n°4) ;

- condamner in solidum Mme [N] et M. [M] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

En tout état de cause,

- débouter Mme [N] et M. [M] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner in solidum Mme [N] et M. [M] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 19 décembre 2022, Mme [N] et M. [M] demandent à la cour de :

- débouter la Ville de [Localité 4] de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ayant débouté la Ville de [Localité 4] de ses prétentions ;

A titre subsidiaire,

- prendre acte de leur bonne foi, des diligences entreprises pour se conformer à la réglementation en vigueur, de la légitime ignorance, de la cessation de l'infraction présumée avant la visite du contrôle, de l'absence d'enrichissement au détriment de la Ville de [Localité 4] tiré de l'activité de location de courte durée, de leur situation financière et personnelle ;

En conséquence,

- réduire le montant de l'amende civile à une somme qui ne pourrait excéder 2.000 euros ;

En tout état de cause,

- condamner la Ville de [Localité 4] à leur verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Derhy Lorène.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur le rappel des textes applicables, il convient de se référer à la décision de première instance qui en a fait un exposé exhaustif, la cour rappelant simplement qu'en application des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation et conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à la ville de [Localité 4] d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

En l'espèce, les parties s'opposent d'abord sur la preuve à apporter par la Ville de [Localité 4] de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il est constant que le bien contrôlé et tel que décrit dans l'acte de vente des intimés correspond à un appartement de deux pièces composé d'une chambre et d'une cuisine, constituant le lot n° 4 situé dans le bâtiment A au premier étage, deuxième porte palier gauche.

La fiche H2 produite par la Ville, datée du 15 octobre 1970, décrit un local situé au premier étage porte gauche (sans mention du bâtiment), composé d'une chambre et d'une cuisine, d'une surface de 27 m², appartenant à M. [D], avec la mention d'un occupant, M. [L] et de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970. Cette fiche apparaît ainsi établir l'usage d'habitation du bien au 1er janvier 1970.

S'il est vrai qu'en l'absence de mention du bâtiment et du numéro de lot et au regard de la différence de superficie (27 m² sur la fiche et 20,18 m² sur l'attestation de surface produite par les propriétaires), il est permis de douter, comme l'a fait le premier juge, de la correspondance entre la fiche H2 produite et le local considéré (quoiqu'une surface mesurée selon la loi Carrez est nécessairement moindre que la surface réelle), il convient de rappeler que la preuve de l'usage d'habitation peut être faite par tous moyens et qu'en l'espèce la Ville produit d'autres éléments propres à confirmer l'usage d'habitation du local litigieux au 1er janvier 1970.

En effet, il résulte du règlement de copropriété de l'immeuble, établi le 14 décembre 1957, que le lot n°4 correspond à un appartement situé deuxième porte gauche au premier étage, composé d'une chambre et d'une cuisine (les lots 1 à 10 étant qualifiés d'appartements en page 14 du règlement).

En outre, le nom de M. [D] apparaît dans la chaîne des cessions immobilières du lot n°4 tel que figurant dans le certificat délivré le 30 août 2022 par le service de la publicité foncière listant les cessions immobilières du lot 4 de 1956 à 2010.

Il est aussi produit l'acte de vente du 3 décembre 1964 qui précise que M. [D] a acquis le lot 4 situé dans le bâtiment A au premier étage et composé d'une chambre et d'une cuisine.

Enfin, si comme relevé par le premier juge la fiche R, datée du 15 octobre 1970, mentionne au premier étage du bâtiment A, en sus d'un appartement occupé par M. [L] et appartenant à M. [D], un autre appartement occupé par une autre personne, il ressort de la fiche H2 produite par les intimés que ce second lot, effectivement situé au premier étage porte gauche du bâtiment A, n'est pas susceptible de correspondre au lot n°4 objet du contrôle, s'agissant d'un local composé de deux chambres (et non d'une seule) et d'une cuisine, d'une superficie nettement supérieure de 35 m².

La Ville prouve ainsi que le lot n°4 des intimés était bien affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, première condition de l'infraction poursuivie.

Il n'est pas contesté que le bien ne constitue pas la résidence principale de M. et Mme [M], ni qu'il a fait l'objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ce qui résulte des constatations opérées par l'agent assermenté de la Ville de [Localité 4] lors de son contrôle, cela depuis le mois de juin 2019 (date des premiers commentaires laissés par les touristes) jusqu'au 19 octobre 2021, date du contrôle.

Le jugement entrepris sera donc infirmé et une amende civile prononcée à l'encontre des intimés sur le fondement des dispositions légales précitées, l'infraction poursuivie étant caractérisée.

Compte tenu de la durée de l'infraction, de la collaboration de M. et Mme [M] avec la Ville, des revenus qu'ils déclarent avoir perçus de la location de courte durée (8.690,49 euros en 2020 et 10.879,28 euros en 2021), du montant de la compensation qu'ils auraient dû acquitter pour pouvoir se livrer régulièrement à une activité de location de courte durée (10.800 euros), mais aussi de leur situation financière (Mme [M], gardienne d'immeuble, perçoit un salaire mensuel net de 614 euros ; M. [M], responsable de transport, perçoit un salaire mensuel net de 2.500 euros), de la cessation de l'infraction après le contrôle de la Ville et de la conclusion d'un bail d'habitation meublé le 5 février 2022, il convient de fixer le montant de l'amende civile à 8.000 euros, soit un montant qui tient compte des éléments qui précèdent tout en étant suffisamment dissuasif au regard de l'objectif d'intérêt général de la réglementation, qui est de lutter contre la pénurie de logements offerts à la location classique dans la Ville de [Localité 4].

Parties perdantes, les intimés seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [M] et son épouse Mme [N] au paiement d'une amende civile de de 8.000 euros au profit de la Ville de [Localité 4],

Les condamne in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Les condamne in solidum à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/17984
Date de la décision : 20/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-20;22.17984 ?
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