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20/04/2023 | FRANCE | N°22/17181

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 20 avril 2023, 22/17181


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 AVRIL 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17181 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQFN



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Août 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22 / 51624





APPELANTE



Société COMMERZ REAL INVESTMENTGESELLSCHAFT MBH, sociétÃ

© de droit allemand, succursale au RCS de PARIS sous le n°415 298 470



[Adresse 4]

[Localité 2] (ALLEMAGNE)



Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS,...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 20 AVRIL 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17181 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQFN

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Août 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22 / 51624

APPELANTE

Société COMMERZ REAL INVESTMENTGESELLSCHAFT MBH, société de droit allemand, succursale au RCS de PARIS sous le n°415 298 470

[Adresse 4]

[Localité 2] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée à l'audience par Me Mickaël TRUMER, avocat au barreau de PARIS, toque : A009

INTIMEE

S.A.S. POMME DE PAIN, RCS de Créteil sous le n°582 150 041, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée à l'audience par Me Eric SUNAR, substituant Me Gilles HITTINGER-ROUX, SCP H.B. & Associés, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Mars 2023, en audience publique, Michèle CHOPIN, Conseillère, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 17 juillet 2014, la société Commerz Real Investmentgesellschaft MBH (la société CRI MBH) a donné à bail à la société Pomme de pain un local à usage commercial d'une superficie de 128,55 m², situé au sein du Centre commercial Espace Saint-Georges, [Adresse 5] à [Localité 6] (31), pour y exploiter une activité de « fabrication et vente à consommer sur place et à emporter de sandwichs, viennoiserie, pâtisserie, salades et petite restauration et vente de boissons chaudes à l'exclusion de celles appartenant à la licence de 4 ème catégorie ».

Le bail a été consenti pour une durée de dix ans rétroactivement à compter du 1er janvier 2014, moyennant un loyer annuel fixe initial de 104.172,21 euros HC/HT, outre un loyer variable de 6% du chiffre d'affaires annuel HT. Il a été modifié par deux avenants en date des 3 août 2016 et 16 juillet 2018.

Par avenant du 30 juillet 2020, le bailleur a consenti à son locataire une franchise de loyer pour une durée de trois mois courant du 1er avril 2020 au 30 juin 2020, en raison de la crise sanitaire.

Par actes des 12 et 18 janvier 2022, la société CRI MBH a fait assigner la société Pomme de pain devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir une provision de 179.263,61 euros au titre de la dette locative.

Par ordonnance contradictoire du 17 août 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné la société Pomme de pain au paiement de la somme provisionnelle de 146.293,24 euros au titre des loyers, charges et accessoires impayés au 4 avril 2022 ;

- autorisé la société Pomme de pain à se libérer de la dette en dix-huit mensualités payables en sus du loyer courant, la première mensualité étant due avec le premier terme de loyer qui viendra à échéance après la signification du présent jugement ;

- dit que, faute pour la société Pomme de pain de payer à bonne date, en sus du loyer courant, une seule des mensualités, et huit jours après l`envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception, le tout deviendra immédiatement exigible ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société Pomme de pain ;

- condamné la société Pomme de pain aux dépens ;

- condamné la société Pomme de pain à payer à la société Commerz Real Investmentgesellschaft MBH la somme de 2.000 euros sur le fondement de l`article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 5 octobre 2022, la société CRI MBH a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 février 2023, elle demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance en ce qu'elle a :

' condamné la société Pomme de pain à payer, à titre provisionnel, à la société Commerz Real Investmentgesellschaft MBH la somme totale de 146.293,24 euros TTC, en considérant que les pénalités, les sommes liées au frais de gestion et au fonds marketnig n'étaient pas justifiées,

' autorisé la société Pomme de pain à se libérer de la dette en 18 mensualités ;

et statuant à nouveau,

- débouter la société Pomme de pain de l'ensemble de ses demandes ;

- la condamner à lui payer, à titre provisionnel, la somme totale de 299.321,86 euros TTC au titre de ses arriérés de loyers, charges et accessoires arrêtée au 8 décembre 2022 ;

- débouter les société Pomme de pain de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- la débouter de sa demande de délais ;

subsidiairement,

- dire que faute par la société Pomme de pain de respecter les délais accordés, et de régler, dans le même temps, les loyers, charges et accessoires courants et l'arriéré, l'intégralité des sommes dues deviendra immédiatement exigible ;

- condamner la société Pomme de pain à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 février 2023, la société Pomme de pain demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a jugé que les sommes liées aux pénalités, fonds marketing et frais de gestion qui ne sont pas justifiées avec l'évidence requise en référé et qu'il n'y a par conséquent pas lieu à référé compte tenu de cette contestation sérieuse ;

- confirmer également l'ordonnance en ce qu'elle a autorisé la société Pomme de pain à se libérer de la dette en dix-huit mensualités payables en sus du loyer courant ;

par conséquent,

- débouter la société CRI MBH de sa demande de réformation de l'ordonnance et de son appel;

- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit ne pas avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société Pomme de pain en restitution des provisions pour charges locatives réglées mais non justifiées par la société Commerz Real Investmentgesellschaft MBH ;

statuant à nouveau,

- condamner par provision la société CRI MBH au paiement de la somme de 83.947,40 euros au titre des charges injustifiées qui ont été payées par la société Pomme de pain ;

- ordonner la compensation entre toute somme qui pourrait être mise à la charge de la société Pomme de pain et la condamnation de la société CRI MBH au paiement de la provision de 83.947,40 euros ;

à titre subsidiaire,

- accorder à la société Pomme de pain dix-huit mois de délais pour s'acquitter de toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge aux termes de l'arrêt à intervenir ;

- dire que dans ce délai de grâce, le premier versement interviendra à compter du 1er juillet 2023 ;

en tout état de cause,

- condamner la société CRI MBH à payer à la société Pomme de pain la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'appel principal de la société bailleresse

La société CRI MBH sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté ses demandes de provisions au titre :

des sommes liées au fond marketing

des pénalités pour défaut d'ouverture

des sommes liées aux frais de gestion,

le premier juge ayant considéré ces sommes non justifiées avec l'évidence requise en référé.

Sur les sommes liées au fonds marketing

Aux termes de l'article 16 du contrat de bail ("promotion commerciale collective du centre commercial"), précisément des articles 16.1.1 et 16.1.2, le preneur s'engage à contribuer financièrement à un fonds marketing destiné à financer les actions visant à la promotion et l'animation du centre commercial, fonds organisé, mis en place et géré par le bailleur ou tout mandataire de son choix, cela à hauteur de 30 euros HT du m² par an.

En cause d'appel, le bailleur justifie les opérations de marketing qui ont été menées dans le centre commercial depuis 2017, par la production de sa pièce n°50 correspondant à un tableau récapitulatif de l'ensemble des événements promotionnels et des factures liées à ces événements pour les années 2020, 2021 et 2022.

La somme de 11.289,62 euros HT réclamée à ce titre par le bailleur dans son dernier décompte est ainsi justifiée avec l'évidence requise en référé.

L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a écarté cette somme de la demande provisionnelle de la société CRI MBH.

Sur les pénalités pour défaut d'ouverture

Le règlement intérieur du Centre commercial espace Saint-Georges prévoit que les magasins doivent être ouverts à minima de 10 heures à 20 heures. Il prévoit en son article 3 que toute infraction au règlement sera sanctionnée par une pénalité forfaitaire de 500 euros par jour d'infraction pour les boutiques, indexée annuellement, que la constatation de l'infraction et de sa durée sera, valablement effectuée par le gestionnaire auquel en tant que de besoin, propriétaire, bailleur et preneur donnent mandat d'intérêt commun irrévocable pendant le bail, que ces pénalités, versées au gestionnaire du centre commercial, constitueront des recettes compensatrices du compte des charges générales du centre.

Il convient de relever que cette clause, à vocation tant comminatoire qu'indemnitaire (sanctionner le non respect des horaires d'ouverture des boutiques ; les pénalités constituent des recettes compensatrices des charges générales du centre commercial), s'analyse en une clause pénale, laquelle est susceptible d'être modérée par le juge du fond.

Il convient en outre de rappeler que si le juge des référés peut entrer en voie de condamnation provisionnelle en application de clauses pénales claires et précises, nonobstant le pouvoir modérateur des juges du fond, c'est à la condition que leur application ne procure pas un avantage disproportionné pour le créancier.

Or, il est valablement soutenu par la société Pomme de pain que les sommes réclamées en application de cette clause pénale, que la cour chiffre à 144.070,83 euros TTC au vu du dernier décompte établi par le bailleur arrêté au 8 décembre 2022, constituent un avantage excessif pour la société bailleresse, cette somme représentant près de la moitié de la dette locative, chiffrée à 299.321,86 euros au 8 décembre 2022.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande, l'ordonnance déférée étant confirmée de ce chef.

Sur les sommes liées aux frais de gestion

L'article 10.3 du contrat de bail, relatif aux charges, prévoit que le preneur devra rembourser au bailleur les honoraires dus au mandataire chargé de la gestion locative s'élevant à 5 % hors taxes du montant total hors taxes des loyers et/ou indemnités d'occupation dus par le preneur aux termes du bail.

Le mandat de gestion signé entre le propriétaire et le gestionnaire du bailleur prévoit pour sa part en son annexe 16.1, des honoraires de gestion à hauteur de 2,50 % HT des loyers facturés TVA en sus.

Il ressort de la lecture du décompte de la dette locative que le bailleur a compté en l'espèce des honoraires de gestion équivalant à 2% du montant des loyers dus.

Les sommes réclamées à ce titre par la société CRI MBH sont ainsi conformes aux dispositions contractuelles et, dès lors, justifiées avec l'évidence requise en référé.

L'ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef.

Sur le montant de la provision due au bailleur

Il résulte de ce qui précède qu'au 8 décembre 2022, date d'arrêté du dernier décompte produit par le bailleur, le montant non sérieusement contestable de la dette locative s'élève à la somme de 155.251,03 euros, soit le solde débiteur du compte (299.321,86 euros) duquel est déduite la somme de 144.070,83 euros au titre des pénalités pour défaut d'ouverture, étant précisé que cette dernière somme retranchée du décompte se décompose comme suit :

septembre 2021 : 30.560,56 euros

novembre 2021 : 37.335,00 euros

février 2022 : 585,82 euros

juin 2022 : 605,08 euros

septembre 2022 : 35.148,92 euros

octobre 2022 : 9.958,86 euros

novembre 2022 : 14.645,39 euros

décembre 2022 : 15.231,20 euros.

L'ordonnance sera infirmée sur le montant de la provision allouée au bailleur, laquelle, au vu de ce qui précède, sera fixée à la somme de 155.251,03 euros au 8 décembre 2022.

Sur les délais de paiement

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a alloué à la société Pomme de pain dix-huit mois de délais de paiement, la cour observant que la débitrice établit avoir réglé les premières mensualités et avoir délivré congé pour le mois de décembre 2023, ce qui justifie de plus fort la confirmation des délais de paiement consentis.

Sur l'appel incident de la société locataire

La société Pomme de pain sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de la société CRI MBH à lui restituer à titre provisionnel la somme de 83.947,40 euros au titre des charges qui lui ont été réclamées depuis cinq ans et qu'elle considère non justifiées.

Toutefois, la société bailleresse produit en pièce 43 l'état des dépenses de charges et les relevés individuels par répartition de la société Pomme de pain depuis 2016, démontrant que les charges appelées sont bien justifiées.

La demande reconventionnelle de la société Pomme de pain est ainsi sérieusement contestable comme l'a relevé le premier juge.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le premier juge a fait une juste appréciation de la charge des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; l'ordonnance sera confirmée de ces chefs.

Le sens du présent arrêt commande de condamner l'intimée aux dépens de l'instance d'appel, le recours de l'appelante prospérant partiellement, ainsi qu'à payer à l'appelante la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf sur le montant de la provision allouée à la société bailleresse,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Pomme de pain à payer à la société Commerz Real Investmentgesellschaft MBH la somme provisionnelle de 155.251,03 euros arrêtée au 8 décembre 2022, y incluses les sommes réclamées au titre des frais de gestion et du fonds marketing,

Y ajoutant,

Condamne la société Pomme de pain aux dépens de l'instance d'appel,

La condamne à payer à la société Commerz Real Investmentgesellschaft MBH la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/17181
Date de la décision : 20/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-20;22.17181 ?
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