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20/04/2023 | FRANCE | N°21/05235

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 avril 2023, 21/05235


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 20 AVRIL 2023



(n° 2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05235 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2UG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/04453





APPELANT



Monsieur [Z] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le 19 Mars 1986

à BONDY (93)



Représenté par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque: 188



INTIMEE



S.A.S. TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES agissant poursuites et diligences de ses ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 20 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05235 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2UG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/04453

APPELANT

Monsieur [Z] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le 19 Mars 1986 à BONDY (93)

Représenté par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque: 188

INTIMEE

S.A.S. TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Z] [W] a été engagé par la société Transports Rapides Automobiles (ci-après la société) par un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 21 juillet 2008 en qualité de conducteur-receveur, son ancienneté au 24 septembre 2007 étant reprise.

La société occupait au moins onze salariés au moment de la rupture des relations contractuelles et celles-ci étaient soumises à la convention collective nationale des transports urbains.

A la suite d'un accident du travail survenu le 26 juillet 2014, M. [W] a été placé en arrêt de travail.

Dans le cadre d'une visite de reprise, le médecin du travail a rendu le 3 décembre 2015 l'avis suivant : ' Inapte au poste de conducteur receveur, apte à un poste sans contact avec le public type travail administratif à revoir dans 2 semaines.'

A l'issue d'une seconde visite de reprise, le médecin du travail a indiqué le 18 décembre 2015 : ' Confirmation de l'inaptitude définitive au poste de conducteur receveur TRA. Serait apte à un travail sans contact avec le public. Il n'y a pas de contre indication physique intervenant dans la recherche d'un poste de reclassement. '

Par lettre du 25 février 2016, un poste de responsable matériel embarqué au sein du pôle régional Ile de France Ouest dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée a été proposé au salarié.

M. [W] a été convoqué par lettre du 16 mars 2016 à un entretien préalable fixé au 31 mars 2016.

Par lettre du 6 avril 2016, il a été licencié pour inaptitude définitive à son poste avec impossibilité de reclassement.

Contestant le caractère réel et sérieux de son licenciement, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 10 mai 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux dépens et a débouté la société de sa demande reconventionnelle.

M. [W] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 10 juin 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'instance n'est pas périmée et l'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- le dire et le juger recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- constater l'absence de consultation des délégués du personnel, le non-respect de l'obligation de reclassement et d'adaptation et juger le licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;

- en conséquence, condamner la société Transports Rapides Autonomes au paiement d'une indemnité pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse assortie de l'intérêt au taux légal d'un montant de 38 332,62 euros ;

- condamner la société Transports Rapides Autonomes au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Transports Rapides Automobiles demande à la cour de :

In limine litis,

- constater la péremption de l'instance ;

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'instance introduite devant le conseil de prud'hommes par M. [W] n'était pas périmée ;

- dire et juger irrecevables les demandes du salarié ;

Si par extraordinaire, la cour estimait les demandes du salarié recevables :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

* condamné M. [W] aux dépens ;

- l'infirmer en ce qu'il a :

* débouté la société Transports Rapides Automobiles de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté la société Transports Rapides Automobiles de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant et jugeant à nouveau :

- condamner M. [W] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance ;

A titre subsidiaire,

- confirmer purement et simplement le jugement ;

En tout état de cause,

- condamner M. [W] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution dont le recouvrement sera effectué par la SELARL JRF & Associés représentée par Me Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner M. [W] au paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.

MOTIVATION

Sur la péremption d'instance

Invoquant les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile, la société soutient que l'instance prud'homale est périmée car M. [W] n'a pas accompli de diligences pendant deux ans à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et qu'il ne démontre pas que ce délai de péremption a été interrompu par une demande d'aide juridictionnelle. Elle fait valoir qu'il a été nécessairement mis à la charge du salarié des diligences dès lors que le conseil de prud'hommes a radié l'affaire le 14 novembre 2017.

M. [W] soutient que l'instance n'est pas périmée, le point de départ du délai de préremption étant selon lui fixé au 15 novembre 2017, date de la notification de l'ordonnance de radiation, sur le fondement des dispositions de l'article R 1452-8 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

Selon l'article R. 1452-8 du code du travail, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article précité, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

Cet article a été abrogé par l'article 8 du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 qui aux termes des dispositions de l'article 45 du même décret, est applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016.

Il est établi que M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes le 4 juillet 2016. Dès lors, l'article R. 1452-8 du code du travail est applicable à la présente instance.

Il résulte de ces dispositions qu'il ne peut y avoir de péremption d'instance que si les parties n'effectuent pas les diligences qui leur ont été demandées expressément.

Aucune diligence n'a été expressément demandée au salarié entre la saisine du conseil de prud'hommes et l'audience de jugement du 14 novembre 2017. Le conseil de prud'hommes a ordonné la radiation de l'affaire et a indiqué que celle-ci ne pourrait être rétablie qu'au vu des moyens et du bordereau de communication des pièces par la partie la plus diligente. Cette ordonnance a été notifiée aux parties le 15 novembre 2017.

Il en résulte que des diligences ont été expressément mises à la charge des deux parties et que le délai de péremption a débuté à cette date.

M. [W] ayant sollicité la réinscription de cette affaire par courrier reçu au greffe du conseil de prud'hommes le 13 novembre 2019 en produisant des conclusions et un bordereau de communication de pièces, soit dans le délai de deux ans, l'instance prud'homale n'est pas périmée.

Les demandes de M. [W] sont donc recevables et la décision des premiers juges sera confirmée s'agissant de cette fin de non-recevoir.

Sur le licenciement

M. [W] soutient que son licenciement est nul, à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse car rien ne démontre selon lui que les délégués du personnel ont été consultés, la procédure de reclassement a été insuffisante, sa mise en oeuvre a été déloyale et les préconisations du médecin du travail n'ont pas été examinées.

La société soutient qu'elle a régulièrement consulté les délégués du personnel et qu'elle a rempli son obligation de reclassement.

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées dans l'entreprise mais également dans toutes les entreprises du groupe auquel appartient la société dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur de justifier des démarches qu'il a accomplies aux fins de reclassement du salarié.

S'agissant de la procédure de consultation des délégués du personnel, M. [W] fait valoir que le compte rendu de leur consultation mentionne un vote de sept délégués du personnel alors que quatorze membres étaient présents, qu'il n'est signé que par un représentant de l'employeur, que sur les dix-huit convocations produites, dix-sept auraient été adressées par lettre recommandée avec avis de réception sans que ces avis ne soient produits et que la 18ème aurait été remise en main propre mais ne comporte pas de mention à ce titre.

La société répond qu'elle a bien respecté ses obligations en matière de consultation des délégués du personnel.

Il ressort des pièces produites aux débats par la société qu'elle a organisé une consultation des délégués du personnel le 16 février 2016 soit après l'avis d'inaptitude et avant l'engagement de la procédure de licenciement. S'il est exact qu'elle ne produit pas les avis de réception des convocations à cette réunion, elle verse aux débats une feuille d'émargement démontrant la présence de quatorze délégués du personnel ce que d'ailleurs M. [W] ne conteste pas. La cour relève que les noms figurant sur ce document sont identiques à ceux mentionnés sur le compte rendu de la réunion. Le nombre de délégués du personnel ayant voté rapporté au nombre de délégués du personnel présents n'est pas déterminant dès lors que le souhait de certains délégués du personnel de ne pas exprimer leur avis n'entraîne pas le caractère irrégulier de la consultation. Enfin, aucun formalisme n'est requis quant à la rédaction d'un compte rendu de réunion de sorte qu'il ne peut pas se déduire de sa seule signature par un représentant de la société une irrégularité de la procédure de consultation ce d'autant qu'il est corroboré par la feuille de présence produite.

En conséquence, la cour retient que les délégués du personnel ont été régulièrement consultés.

S'agissant de l'obligation de reclassement, M. [W] fait valoir que la société n'explique pas le périmètre de ses recherches de reclassement ni les dates de celles-ci. Il ajoute qu'elle ne produit pas les registres d'entrée et de sortie de l'ensemble des entités concernées et qu'elle ne lui a pas proposé un poste de formateur.

La société soutient qu'elle a rempli son obligation à ce titre dans la mesure où elle a recueilli les souhaits du salarié lors d'un entretien le 30 décembre 2015, celui-ci étant mobile dans un rayon de 10 km, elle lui a proposé un poste qu'il a refusé et elle a interrogé les entités concernées. Elle ajoute qu'il est impossible de produire tous les registres d'entrée et de sortie de ces entités et que le poste de formateur invoqué par le salarié n'était pas adapté à ses compétences et compatible avec les préconisations du médecin du travail.

Il est établi que la société a proposé à M. [W] par courrier du 25 février 2016 un poste de responsable matériel embarqué dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, le lieu de travail étant fixé à Conflans Saint Honorine. Il est constant que le salarié n'a pas donné suite à cette proposition. Il est également établi par le registre unique du personnel de la société TRA qu'aucun poste compatible avec les préconisations du médecin du travail n'était disponible, M. [W] ne pouvant pas occuper un poste d'agent d'accompagnement ou de conducteur receveur dès lors qu'il ne pouvait pas être en contact avec le public. La société justifie avoir adressé une demande de reclassement comportant l'avis du médecin du travail ainsi qu'une fiche descriptive concernant le salarié à 32 entreprises implantées sur le territoire national. Ces entreprises ont répondu ne pas disposer de poste de reclassement. Enfin, s'agissant du poste de formateur, il résulte de la fiche de poste produite par la société que comme elle le souligne, il impliquait de pouvoir intervenir sur le réseau en cas d'incident ce qui nécessitait un contact avec le public proscrit par le médecin du travail.

En conséquence, la cour retient que la société a rempli son obligation de reclassement.

Dès lors, le licenciement de M. [W] n'est ni nul ni dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il sera débouté de sa demande d'indemnité pour ' licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse' et la décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Il ne ressort pas des éléments de l'espèce que M. [W] a agi en justice de manière dilatoire ou abusive.

Dès lors, la société sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, M. [W] sera condamné au paiement des dépens exposés en cause d'appel. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis les dépens à sa charge. Cette condamnation sera assortie au profit de maître Stéphane Fertier, avocat postulant au barreau de Paris, du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, la décision des premiers juges étant confirmée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE Monsieur [Z] [W] aux dépens, cette condamnation étant assortie au profit de maître Stéphane Fertier, avocat postulant au barreau de Paris, du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05235
Date de la décision : 20/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-20;21.05235 ?
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