La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/2023 | FRANCE | N°21/05224

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 avril 2023, 21/05224


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 20 AVRIL 2023



(n° 2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05224 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2S7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n°



APPELANTE



Madame [R] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le 23 Août 1981 à [Localité 6]



Re

présentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477



INTIMEES



S.A.S. CRIT

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représentée par Me Carina COELHO, avocat au barreau de PARIS, toque : E0...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 20 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05224 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2S7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n°

APPELANTE

Madame [R] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le 23 Août 1981 à [Localité 6]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEES

S.A.S. CRIT

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Carina COELHO, avocat au barreau de PARIS, toque : E0694

S.A. AEROPORTS DE [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [R] [U] a été mise à disposition de la société Aéroports de [Localité 6] ci-après la société ADP en qualité d'agent des services commerciaux par la société CRIT, entreprise de travail temporaire par des contrats de mission au cours de la période du 2 mai 2017 au 30 septembre 2018.

Sollicitant la requalification 'du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 2 mai 2017', Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une requête à l'encontre de la société CRIT et d'une requête à l'encontre de la société ADP reçues au conseil de prud'hommes de Paris le 23 mai 2019. Ces deux requêtes ont fait l'objet d'un seul dossier. Par jugement du 24 mars 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que les deux requêtes posées par Mme [U] et 'amenant' en la cause la société CRIT et la société Aéroport de [Localité 6] avec des demandes parfaitement identiques introduisent une confusion qui les rend irrecevables en l'état ;

- invité la partie demanderesse à mieux se saisir ;

- condamné Mme [U] aux entiers dépens.

Mme [U] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 10 juin 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [U] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

En conséquence,

- infirmer le jugement ;

Statuant à nouveau,

A l'égard de la société Aéroport de [Localité 6] :

- requalifier le contrat de travail de Mme [U] en contrat à durée indéterminée à compter du 2 mai 2017 ;

- en conséquence, condamner la société Aéroport de [Localité 6] aux sommes suivantes :

* 5 200 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

* 177,76 euros au titre de l'indemnité de fin de mission,

* 2 600 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 2 600 euros au titre de l'indemnité pour défaut de visite médicale,

* 2 600 euros au titre de l'indemnité pour requalification du contrat de travail,

* 10 000 euros au titre des heures supplémentaires et primes,

* 15 600 euros au titre du travail dissimulé,

* 5 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code du travail,

* la condamnation de l'employeur aux entiers dépens.

A l'égard de la société CRIT :

- requalifier le contrat de travail de Mme [U] en contrat à durée indéterminée à compter du 2 mai 2017 ;

- en conséquence, condamner la société CRIT aux sommes suivantes :

* 5 200 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

* 177,76 euros au titre de l'indemnité de fin de mission,

* 2 600 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 2 600 euros au titre de l'indemnité pour défaut de visite médicale,

* 2 600 euros au titre de l'indemnité pour requalification du contrat de travail,

* 10 000 euros au titre des heures supplémentaires et primes,

* 15 600 euros au titre du travail dissimulé,

* 5 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code du travail,

* la condamnation de l'employeur aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 décembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société CRIT demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* dit et jugé que les deux requêtes posées par Mme [U] et 'amenant' en la cause la société CRIT et la société Aéroport de [Localité 6] avec des demandes parfaitement identiques introduisent une confusion qui les rend irrecevables en l'état,

* invité la partie demanderesse à mieux se saisir,

* condamné Mme [U] aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

- rejeter la demande de requalification formulée à l'encontre de la société CRIT par Mme [U] ;

- débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes d'indemnités afférentes.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Aéroports de [Localité 6] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement ;

- en conséquence, juger irrecevables l'ensemble des demandes de Madame [U] à l'encontre de la société ADP ;

A titre subsidiaire,

- renvoyer l'examen de cette affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris afin de permettre à la société ADP de bénéficier d'un double degré de juridiction ;

A titre infiniment subsidiaire,

- juger irrecevable la demande nouvelle de Madame [U] au titre de prétendues heures supplémentaires et primes ;

- prononcer la mise hors de cause de la société ADP ;

- débouter Madame [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre extraordinaire,

- réduire à de plus justes proportions les dommages et intérêts sollicités par Madame [U] au titre de la requalification de ses contrats de missions en contrat à durée indéterminée en les limitant aux montants suivants :

* indemnité de requalification : 2 359,20 euros (1 mois),

* indemnité compensatrice de préavis : 2 359,20 euros (1 mois),

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L. 1235-5 voire L. 1235-3 du code du travail) : 2 359,20 euros (1 mois) ;

- débouter Madame [U] du surplus de ses demandes ;

- condamner solidairement la société CRIT au paiement de ces sommes ;

En tout état de cause,

- condamner Madame [U] à payer à la société ADP la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [U] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes de Mme [U]

Mme [U] expose qu'elle a déposé auprès du conseil de prud'hommes de Paris deux requêtes distinctes respectant les dispositions de l'article R. 1452-2 du code du travail, que ces deux requêtes auraient dû être enrolées séparément et conduire à deux instances distinctes ce qui n'a pas été le cas, ces deux requêtes ayant été enregistrées dans un seul dossier. Elle ajoute que le conseil de prud'hommes n'a pas procédé à une jonction de deux procédures distinctes. Elle fait valoir que si une demande de requalification de contrats de mission pour inobservation des dispositions légales ne peut être dirigée qu'à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, le salarié peut intenter une action à l'encontre de celle-ci et de l'entreprise de travail temporaire de manière concurrente dès lors que ces actions ont un objet distinct et que la condamnation solidaire des deux entreprises peut être également sollicitée dès lors que le manquement reproché à l'entreprise de travail temporaire n'a été rendu possible qu'avec le concours de l'entreprise utilisatrice.

Elle soutient que le conseil de prud'hommes a rejeté ses demandes ab initio sans débat au fond alors que compte tenu du caractère oral de la procédure, elle aurait pu faire état de ses dernières demandes et éclairer le conseil de prud'hommes.

La société Aéroports de [Localité 6] soutient que la pluralité de requêtes ne doit pas nécessairement donner lieu à l'enregistrement de plusieurs instances au visa des articles R. 1452-2 et R. 1452-4 du code du travail. Elle fait valoir que les deux requêtes n'étaient pas distinctes dans la mesure où dans leur exposé du litige, elles énonçaient des reproches à l'encontre des deux sociétés, elles évoquaient des fondements juridiques, un argumentaire et un quantum des demandes identiques et elles ont été adressées au greffe par un courrier unique reçu le 23 mai 2019. Elle en déduit que le greffe du conseil de prud'hommes a valablement enregistré ces deux requêtes sous un seul dossier et a considéré que l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire étaient co-défenderesses à l'instance. Elle soutient que les demandes de Mme [U] sont irrecevables sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile dans la mesure où 'des demandes identiques dans leur fondement, leur nature et dans leur montant formulées à l'encontre de deux Sociétés différentes avec lesquelles Mme [U] entretenait des liens juridiques différents rendaient la saisine du conseil de prud'hommes de Paris irrégulière.'

Pour déclarer les requêtes de Mme [U] irrecevables, après avoir rappelé les dispositions des articles 12, 2 et 4 du code de procédure civile, le conseil de prud'hommes a indiqué :

'Or, outre le fait que les deux requêtes introduisent une parfaite confusion juridique, il n'est pas concevable que sans tenir compte des droits et obligations de chacune de ces entreprises dans la relation tripartite, la partie demanderesse demande au juge de se prononcer sur des demandes identiques dans leur nature et identiques dans leur montant sans préciser ce qui est demandé a la societé de travail temporaire avec laquelle elle est liée par un contrat de travail et ce qui est demandé à la société utilisatrice avec laquelle elle n'est pas liée par un contrat de travail.

Le Conseil, est donc amené à s'interroger sur la recevabilité des demandes de la partie demanderesse.

Sauf à vouloir méconnaitre les dispositions de l'article l2 du Code de procédure Civile, relèverait du pur arbitraire toute décision non fondée en droit.

En conséquence le Conseil dit et juge que n'étant pas fondées, les demandes de la partie demanderesse sont irrecevables en l'état et il l'enjoint la partie demanderesse à mieux se saisir.'

Il résulte du dossier du conseil de prud'hommes et des énonciations du jugement que Mme [U] a déposé deux requêtes distinctes le 23 mai 2019. Si les termes de ces requêtes sont identiques ainsi que les demandes formulées, Mme [U] a précisément indiqué sur l'une qu'elle sollicitait la convocation de la société CRIT, entreprise de travail temporaire, et sur l'autre qu'elle sollicitait la convocation de la société Aéroports de [Localité 6]. Ces requêtes n'étaient donc pas identiques.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Par application des dispositions combinées des articles 12 et 13 du même code, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; il peut inviter les parties à fournir les explications de droit qu'il estime nécessaires à la solution du litige.

Une fin de non-recevoir affecte l'action elle-même et non le fond du litige. Dès lors, si les fins de non recevoir ne se limitent pas à celles énoncées par l'article 122 du code de procédure civile, elles n'ont pas trait au fond du litige.

En l'espèce, il est constant que Mme [U] avait procéduralement le droit d'agir soit à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, soit à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire, soit à l'encontre des deux et qu'elle disposait de la possibilité de présenter ses demandes dans le cadre de deux requêtes qui pouvaient éventuellement être jointes par les premiers juges. Le bien fondé de ses demandes et la difficulté éventuelle à les trancher relèvent du fond du litige et ne conduisent pas à leur irrécevabilité, le juge pouvant en outre demander aux parties des explications de droit.

En conséquence, il convient d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes et de dire les demandes de Mme [U] recevables.

Aux termes de l'article 568 du code de procédure civile, lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

En l'espèce, la société Aéroports de [Localité 6] demande à la cour de renvoyer l'examen de cette affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris afin de lui permettre de bénéficier d'un double degré de juridiction.

Dès lors, la cour renvoie l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris pour qu'il soit statué sur le fond du litige.

La décision des premiers juges sera infirmée en ce que les dépens ont été mis à la charge de Mme [U].

Les dépens et les frais irrépétibles seront réservés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE recevables les demandes de Mme [R] [U],

RENVOIE l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris,

RÉSERVE les dépens et les frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05224
Date de la décision : 20/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-20;21.05224 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award