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19/04/2023 | FRANCE | N°22/13064

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 19 avril 2023, 22/13064


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 19 AVRIL 2023



(n°14, 7 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 22/13064 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGE5T



Décisions déférées : Ordonnances rendues les 13 Mai 2022 (n°15/2022) et 13 juin 2022 (n°15 bis/2022) par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
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Nature de la décision : Contradictoire



Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les at...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 19 AVRIL 2023

(n°14, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/13064 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGE5T

Décisions déférées : Ordonnances rendues les 13 Mai 2022 (n°15/2022) et 13 juin 2022 (n°15 bis/2022) par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

Assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 29 mars 2023 :

[B] DEVELOPPEMENT S.A., société de droit luxembourgeois,

Prise en la personne de ses représentants légaux Messieurs [X] [V] et [G] [B]

Ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 7] LUXEMBOURG

Elisant domicile au cabinet AdWise Avocats

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Louis MEDUS de l'AARPI AdWise Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque B 0137

APPELANTE

et

LA DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

assistée de Me Nicolas NEZONDET substituant Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 29 mars 2023, l'avocat de l'appelante et l'avocat de l'intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 19 Avril 2023 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Le 13 mai 2022, le Juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal judiciaire de Paris a rendu, en application de l'article L.16B du Livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l'encontre de la société suivante:

- La société de droit luxembourgeois [B] DEVELOPPEMENT SA, représentée par son président du conseil d'administration M. [J] [L], dont le siège est sis [Adresse 3] et qui exerce une activité de prise de participation, gestion, contrôle et mise en valeur de participations, acquisitions par voie d'apport, de souscription, d'option, d'achat et de toute autre manière, de vente, de cession et d'échange de valeurs mobilières. La société peut emprunter et accorder aux sociétés dans lesquelles elle possède un intérêt direct ou indirect tous concours, prêts, avances, ou garantie. La société peut faire toutes opérations commerciales, industrielles et financières, tant mobilières qu'immobilières, qui peuvent lui paraître utiles dans l'accomplissement de son projet, elle a également pour objet la prestation de services de consultant en développement stratégique et maintien de la clientèle.

L'ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants:

- locaux et dépendances sis [Adresse 1], susceptibles d'être occupés par la société de droit luxembourgeois [B] DEVELOPPEMENT et/ou [G] [B] et/ou [T] [R] [B] née [A] et/ou [F] [B] et/ou [W] [S]-[A] et/ou la S.C RACINES DU CONSULAT et/ou la SCI KYPRIS SUR SEINE et/ou la société KRYS.

L'autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit luxembourgeois [B] DEVELOPPEMENT SA développerait à partir du territoire national une activité de prise de participations dans d'autres entreprises, gestion de marques et prestations de services, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et, ainsi, omettrait de passer les écritures comptables correspondantes . Et ainsi serait présumée s'être soustraite et/ou se soutraire à l'établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposéee par le Code Général des Impôts (articles 54 et 209-I pour l'IS, et 286 pour la TVA).

Le JLD précisait 'l'ordonnance sera réputée caduque si elle n'est pas exécutée avant le 13 juin 2022".

Le 13 juin 2022, le JLD près du TJ de PARIS rendait une ordonnance de prolongation de l'ordonnance du 13 mai 2022 en précisant ' prolongeons l'effet de l'ordonnance délivrée le 13 mai, du 13 mai au 30 juin 2022", en application de l'article L.16B du LPF.

Les opérations de visite et de saisie se déroulaient le 14 juin 2022, dans les locaux et dépendances du [Adresse 1] à [Localité 8].

Le 27 juillet 2022, la société SA [B] DEVELOPPEMENT interjetait appel de l'ordonnance du JLD (RG 22/13064).

L'affaire a été audiencée au 29 mars 2023 pour être plaidée, puis mise en délbéré au 19 avril 2023.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 22 novembre 2022 et le 23 janvier 2023, la partie appelante fait valoir :

1. Rappel des faits et de la procédure

La partie appelante rappelle que le JLD près de PARIS rendait une ordonnance d'autorisation de visite et de saisie en date du 13 mai 2022, en précisant que l'ordonnance serait réputée caduque si elle n'était pas exécutée avant le 13 juin 2022. En effet elle n'était pas exécutée à cette date. Le 13 juin 2022, le JLD rendait une nouvelle ordonnance dans l'optique de prolonger les effets de l'ordonnance.

Les 14 juin 2022 les agents des finances publiques ont procédé aux opérations de visite et de saisie dans les locaux sis au [Adresse 1] à [Localité 8] (constituant l'ancienne résidence principale de Monsieur [G] [B]).

Par courrier en date du 16 juin 2022, l'administration fiscale a effectué la notification de la première et de la seconde ordonnance au représentant légal de la société SA [B] DEVELOPPEMENT.

2. Discussion

- Sur la caducité de l'Ordonnance du 13 mai 2022

Le JLD a rendu une ordonnance le 13 mai 2022 dans laquelle il a expressément indiqué que celle-ci sera réputée caduque si elle n'est pas exécutée avant le 13 juin 2022, il a ainsi fixé une date et non un délai.

La Cour de cassation rappelle que si le JLD n'a pas l'obligation de préciser dans son ordonnance la date exacte à laquelle devront être effectuées les opérations de visite et de saisie, son ordonnance doit en revanche mentionner la date précise avant laquelle les opérations de visite et de saisie devront être effectuées, sous peine de caducité de ladite ordonnance (cass. crim., 07/09/2005, n°04-82.949).

En l'espèce, l'appelante soutient que les opérations de visite et de saisie devaient être effectuées avant le 13 juin, c'est-à-dire jusqu'au 12 juin à 23h59, sous peine de caducité de l'ordonnance. En effet, à la lecture de l'ordonnance et contrairement aux affirmations de la DNEF, l'ordonnance initiale du JLD fixait une date à laquelle l'ordonnance serait caduque faute d'exécution avant ladite date, il ne s'agit pas d'un délai d'exécution de l'ordonnance. Ainsi, les dispositions relatives à la computation des délais régies par les articles 640 et s. du code de procédure civile sont inapplicables en l'espèce. Au surplus, ils sont applicables seulement au délai intervenant dans un cadre strictement contentieux, or la mise en oeuvre de l'article L.16 B du LPF relève d'une procédure administrative.

Par conséquent, il est demandé de juger que l'ordonnance en date du 13 mai 2022 est réputée caduque au 13 juin 2022, de sorte qu'aucune opération de visite et saisie n'a pu valablement être mise en oeuvre sur son fondement au-delà de cette date.

- Sur le caractère irrégulier de la seconde ordonnance du 13 juin 2022

L'appelante souligne que la seconde ordonnance a été rendue à une date à laquelle l'ordonnance initiale était déjà caduque, donc cette seconde ordonnance ne pouvait proroger des effets devenus inexistants. La DNEF aurait dû rédiger une nouvelle requête motivée aux fins de saisine du JLD, conformément à la procédure de l'article L.16B du LPF. Quant à la seconde ordonnance, elle ne comporte aucune des mentions exigées par l'article L 16B du LPF.

Par conséquent, il est demandé d'annuler la seconde ordonnance en date du 13 juin 2022 au motif que cette ordonnance ne pouvait pas proroger un acte caduc et que cette ordonnance est irrégulière, puisqu'elle ne comporte pas l'ensemble des mentions obligatoires mentionnées au II de l'article L.16B du LPF.

- Sur le caractère irrégulier des opérations de visite et de saisie réalisées au [Adresse 1]

Si une ordonnance d'un JLD est annulée dans le cadre d'un recours, cette décision entraînera l'annulation, par voie de conséquence, des OVS effectuées sur son fondement (cass. com. 12/09/2012, BOI-CF-COM-20-20 n°400).

Par conséquent, il est demandé d'annuler l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées à la date du 14 juin 2022 sur le fondement de l'ordonnance en date du 13 mai 2022, alors caduque, et sur le fondement de la seconde ordonnance en date du 13 juin 2022 irrégulière.

Par ces motifs, il est demandé de :

- Juger que l'ordonnance en date du 13 mai 2022 est devenue caduque depuis le 12 juin 2022 à 24h00, faute d'exécution des opérations de visite et de saisie avant cette date, et qu'elle est donc privée de tout effet depuis cette date ;

En conséquence,

- Annuler la seconde ordonnance en date du 13 juin 2022 au motif que cette ordonnance ne pouvait pas proroger un acte caduc et que, faute de comporter l'ensemble des mentions obligatoires mentionnées au II de l'article L.16B du LPF, cette seconde ordonnance était irrégulière et insusceptible de servir de fondement à des opérations de visite et de saisie;

En conséquence,

- Juger que l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées à la date du 14 juin 2022 sur le fondement de l'ordonnance en date du 13 mai 2022, alors caduque, et sur le fondement de la seconde ordonnance irrégulière en date du 13 juin 2022, sont nulles ;

- Condamner la Direction générale des Finances Publiques, Direction Nationale des Enquêtes Fiscales, à verser à la S.A [B] DEVELOPPEMENT la somme de 2 500€ au titre de l'article 700 du CPC dans le cadre de la procédure d'appel;

- Condamner la Direction générale des Finances Publiques, Direction Nationale des Enquêtes Fiscales aux entiers dépens d'appel.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 12 décembre 2022, la DNEF fait valoir :

Discussion.

L'appelante rappelle que l'ordonnance du 13 mai 2022 devait être exécutée avant le 13 juin 2022 et que le délai d'exécution avait été prolongé uniquement par ordonnance du 13 juin 2022, selon l'appelante l'ordonnance du 13 juin 2022, ne pouvait prolonger l'ordonnance du 13 mai, celle-ci étant caduque le 12 juin à minuit. Cette argumentation sera rejetée.

En effet, il ressort des termes de l'ordonnance du 13 juin que l'administration a demandé la prolongation des effets de l'ordonnance du 13 mai dans le délai d'exécution fixé par celle-ci. L'ordonnance fixait comme date limité d'exécution le 12 juin à minuit, or le 12 juin 2022 était un dimanche.

Aux termes de l'article 642 du Code de procédure civile, tout délai expire le dernier jour à 24h00, soit en l'espèce le 12 juin à 24H. Le délai qui expire un samedi ou un dimanche est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant, soit en l'espèce le lundi 13 juin 2022.

Dès lors l'ordonnance du 13 juin pouvait proroger les effets de l'ordonnance du 13 mai 2022.

Par ces motifs, il est demandé de:

- Confirmer les ordonnances du JLD de PARIS des 13 mai et 13 juin 2022,

- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions;

- Condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la caducité de l'Ordonnance du 13 mai 2022

Il convient de rappeler que le JLD a prévu dans son ordonnance du 13 mai 2022 que celle-ci devrait être exécutée avant le 13 juin 2022, qu'il a ainsi prévu un délai pour que l'ordonnance soit exécutée, que le fait de déclarer l'ordonnance caduque à l'expiration du délai n'exclut pas l'application des articles 640 à 642 du code de procédure civile concernant la computation des délais, que l'article 642 al 2 du CPC prévoit que lorsqu'un délai expire un samedi, un dimanche ou en jour férié, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable. Il résulte d'une jurisprudence constante que la règle formulée par l'alinéa 2 s'applique à la notification de tous actes juridiques et judiciaires, quelle que soit la qualification du délai, il en résulte que l'article susvisé s'applique à l'ordonnance du JLD qui est une décision judiciaire et qui ne relève pas d'une procédure administrative comme le prétend la partie appelante.

En l'espèce, l'ordonnance devait être exécutée au plus tard le 12 juin 2022 qui était un dimanche, ce dernier jour d'exécution a été reporté au 13 juin 2022, premier jour ouvrable, c'est à bon droit que l'inspecteur des Finances publiques a sollicité et obtenu le 13 juin 2022 une ordonnance de prolongation de l'ordonnance du 13 mai, justifiée par la nécessité de disposer d'un délai supplémentaire pour exécuter la visite des lieux désignés.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le caractère irrégulier de la seconde ordonnance du 13 juin 2022

L'ordonnance du 13 juin 2022 qui est une ordonnance de prolongation de l'ordonnance du 13 mai, justifiée par la nécessité de disposer d'un délai supplémentaire pour exécuter la visite des lieux désignés, et qui vise l'ordonnance initiale et les articles sur lesquels elle était fondée, ne souffre d'aucune irrégularité.

Ce moyen sera rejeté.

Les ordonnances des 13 mai et 13 juin 2022 seront déclarées régulières et seront confimées.

Sur le caractère irrégulier des opérations de visite et de saisie réalisées au [Adresse 1]

Les ordonnances des 13 mai et 13 juin 2022 ayant été déclarées régulières et confirmées, les opérations de visite et de saisie réalisées au [Adresse 1] en date du 14 juin 2022 ne souffrent d'aucune irrégulatité.

Ce moyen sera rejeté.

Les circonstances de l'instance justifient l'application de l'article 700 du CPC au bénéfice de la DNEF.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort :

- Confirmons et déclarons régulière en toutes ses dispositions l' ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Paris en date du 13 mai 2022 ;

- Confirmons et déclarons régulière en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Paris en date du 13 juin 2022 ;

- Déclarons régulières les opérations de visite et de saisie réalisées au [Adresse 1], en date du 14 juin 2022 ;

- Rejetons toute autre demande ;

-Accordons la somme de 500 euros (cinq cents euros) à la DNEF en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Disons que la charge des dépens sera supportée par la partie appelante.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 22/13064
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;22.13064 ?
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