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19/04/2023 | FRANCE | N°22/07714

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 19 avril 2023, 22/07714


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 19 AVRIL 2023



(n° 068/2023, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 22/07714 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFVOK



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Mars 2022 rendu par le juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de PARIS - 3ème chambre - 1ère section - RG n° 21/03726



APPELANTE



S.A.R.L. WEB IPRO

Société au c

apital de 7 500 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Versailles sous le numéro 502 664 915

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domic...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 19 AVRIL 2023

(n° 068/2023, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/07714 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFVOK

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Mars 2022 rendu par le juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de PARIS - 3ème chambre - 1ère section - RG n° 21/03726

APPELANTE

S.A.R.L. WEB IPRO

Société au capital de 7 500 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Versailles sous le numéro 502 664 915

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Aude BARATTE de l'AARPI STERU - BARATTE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1029

INTIMÉS

Monsieur [D] [P]

Né le 23 mai 1984 à [Localité 8]

De nationalité française

Développeur informatique

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Etienne DESHOULIERES de la SAS DESHOULIERES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1654

Assistée de Me Amélie BONFANTI de la SAS DESHOULIERES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0226

S.A.R.L. [F] GLOBAL EXPERTISE

Société au capital de 54 900 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'EVRY sous le numéro 493 037 139

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Etienne DESHOULIERES de la SAS DESHOULIERES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1654

Assistée de Me Amélie BONFANTI de la SAS DESHOULIERES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0226

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société [F] GLOBAL EXPERTISE (ci-après, la société VGE) a notamment pour activités l'offre de prestations de services dans le domaine de l'immobilier et l'assistance et l'expertise en assurances.

La société WEB IPRO expose être spécialisée dans la création, l'hébergement et le référencement de sites Internet.

M. [D] [P] est développeur informatique.

Il résulte des écritures des parties que la société VGE, suivant plusieurs contrats, a confié à la société WEB IPRO, entre 2015 et 2019, le développement, d'une part, de sa plateforme E-Gestion et, d'autre part, de son site internet vgexpertise.fr ; qu'ainsi, un contrat a été conclu le 11 juin 2015, par lequel la société WEB IPRO procédait à la création d'un site internet et d'un extranet et octroyait une licence d'exploitation sur le site internet ; que d'autres contrats ont été signés le 15 mai 2017 portant sur GBFnet, le 29 septembre 2018 portant sur DOnet, le 1er août 2019 portant sur E-Boarding et E-Reporting, le 16 juillet 2019 portant sur l'API et la refonte du back office GPAnet et DOnet, le 10 octobre 2019 portant sur une licence d'exploitation sur le site internet vgexpertise.fr.

La société VGE expose que la société WEB IPRO a sous-traité l'intégralité des prestations informatiques pour le développement de la plateforme E-Gestion à M. [P] ; qu'elle-même s'est aperçue, en 2019, que la société WEB IPRO lui refacturait les prestations informatiques de M. [P] jusqu'à 20 fois leur prix d'achat et qu'en outre, M. [P] n'avait pas concédé de droits de propriété intellectuelle sur ces développements informatiques à la société WEB IPRO, laquelle n'avait donc pu valablement les lui concéder, et qu'elle se trouvait en conséquence en position de contrefacteur vis-à-vis de M. [P].

La société VGE indique que par courrier du 12 novembre 2020, elle a notifié à la société WEB IPRO la résolution unilatérale de la licence d'exploitation du 11 juin 2015, de tous les contrats de prestations en lien avec le portail E-Gestion et de la licence d'exploitation du 10 octobre 2019 (relative au site internet vgexpertise.fr) et lui a proposé, afin de régler amiablement leur litige, de prendre acte de la résolution de l'ensemble des contrats conclus entre 2015 et 2019, de restituer la somme de 120 316,50 euros HT, correspondant à 75 % des sommes qu'elle lui aurait indûment versées, et de renoncer à toute prétention en lien avec les contrats.

Par une lettre du 17 décembre 2020, la société WEB IPRO a décliné ces propositions, indiquant avoir découvert le 20 octobre 2020 que M. [P], seul tiers à détenir les codes d'accès à son compte OVH, avait frauduleusement copié de ses serveurs le site internet et le portail E-Gestion en cause.

Le même jour, elle notifiait à M. [P] qu'il s'agissait là de faits de détournement de clientèle, constitutifs d'actes de concurrence déloyale engageant sa responsabilité.

Aucun accord n'ayant pu être trouvé entre la société WEB IPRO d'une part, et la société VGE et M. [P], d'autre part, ces derniers, par acte d'huissier de justice du 3 mars 2021, ont fait assigner la société WEB IPRO devant le tribunal judiciaire de Paris, M. [P] demandant réparation d'atteintes portées à son monopole d'exploitation et à son droit moral sur le portail E-Gestion, la société VGE poursuivant la résolution des contrats précités et le paiement subséquent de diverses sommes.

La société WEB IPRO, défenderesse, a saisi le juge de la mise en état du tribunal d'un incident tendant à voir déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [P], ainsi que celle de la société VGE en résolution des contrats signés en 2015, 2017 et 2018.

Par ordonnance du 24 mars 2022, le juge de la mise en état a notamment :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société WEB IPRO ;

- condamné la société WEB IPRO à payer à M. [P] et à la société VGE, chacun, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, soit au total la somme de 3 000 euros ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;

- dit que la capitalisation des intérêts s'opérera dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamné la société WEB IPRO aux dépens de l'instance d'incident ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état et invité les parties à indiquer si elles seraient favorables à la mise en 'uvre d'une mesure de médiation.

La société WEB IPRO a interjeté appel de cette ordonnance le 15 avril 2022.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et transmises le 20 janvier 2023, la société WEB IPRO demande à la cour :

Vu les articles 122 et 789 du code de procédure civile

Vu les articles 113-1 et 113-2 du code de la propriété intellectuelle

Vu l'article L110-4 du code de commerce

- de déclarer la société WEB IPRO recevable et bien fondée en son appel,

- de rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

- d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société WEB IPRO ;

- condamné la société WEB IPRO à payer à M. [P] et à la société VGE, chacun, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, soit au total la somme de 3 000 euros ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision et que la capitalisation des intérêts s'opérera dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamné la société WEB IPRO aux dépens de l'instance d'incident ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 31 mai 2022 à 10 heures pour les conclusions au fond de la société WEB IPRO, étant précisé que les parties sont invitées à indiquer si elles seraient favorables à la mise en 'uvre d'une mesure de médiation avant le 22 avril 2022 ;

- statuant à nouveau :

- à titre principal,

- de déclarer le juge de la mise en état compétent pour connaître de la qualité d'auteur de M. [P] ;

- en conséquence, de prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. [P] dépourvu de qualité à agir en ce qu'il ne démontre pas sa qualité d'auteur dès lors que le portail E-Gestion est une 'uvre collective ;

- à titre subsidiaire, de prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. [P] dépourvu de qualité à agir en ce qu'il a cédé ses droits sur le portail E-Gestion et ses modules à la société WEB IPRO ;

- en tout état de cause,

- de déclarer irrecevables les demandes de M. [P] et de la société VGE liées au contrat du 11 juin 2015 en ce qu'elles sont prescrites ;

- de condamner in solidum la société VGE et M. [P] au paiement de la somme de 10 000 € au profit de la société WEB IPRO au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner in solidum la société VGE et M. [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et transmises le 26 janvier 2023, la société VGE et M. [P] demandent à la cour :

Vu les articles 31, 122 et 789 du code de procédure civile ;

Vu les articles L. 111-1, L. 121-1, L. 113-1 et L. 113-2 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle ;

Vu l'article L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil ;

Vu les articles 2227 et 2262 du code civil ;

- de rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la société WEB IPRO ;

- en conséquence,

- de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état ;

- de débouter la société WEB IPRO de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- déclarer la société VGE et M. [P] recevables à agir ;

- de condamner la société WEB IPRO avec intérêt au taux légal et capitalisation :

- à la somme de 10.000€ à chacun des intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de la société COULON, aux conclusions écrites qu'elle a transmises, telles que susvisées.

Sur le chef de l'ordonnance non contesté

La cour constate que, nonobstant les termes de la déclaration d'appel de la société WEB IPRO, qui indique que l'appel porte sur la décision rendue par le juge de la mise en état en ce qu'elle a notamment 'rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société WEB IPRO', l'ordonnance déférée n'est en fait pas critiquée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société VGE en résolution des contrats signés en 2015, 2017 et 2018.

L'ordonnance sera en conséquence confirmée de ce chef pour les justes motifs qu'elle comporte.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la société WEB IPRO

Sur le défaut de qualité à agir de M. [P]

La société WEB IPRO fait valoir que les questions se rapportant à la titularité des droits invoqués par M. [P] sont des questions conditionnant la recevabilité de ses demandes, et que le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir ; que M. [P] est irrecevable en ses demandes faute de qualité à agir dès lors qu'il ne démontre pas sa qualité d'auteur du portail E-Gestion, ce portail étant une oeuvre collective qu'elle a pilotée, dirigée et divulguée sous son nom ; qu'en tout état de cause, M. [P] lui a cédé implicitement ses droits patrimoniaux sur ce portail, ce qui ressort (i) du consentement donné à l'exploitation du portail par les sociétés WEB IPRO et VGE, (ii) de l'aveu extrajudiciaire de M. [P] résultant de l'ajout du logo 'WEB IPRO' et des mentions 'développé et réalisé par Web Ipro' sur le portail ou le cahier des charges, (iii) de l'existence de relations contractuelles sans discussions pendant plusieurs années et (iv) de l'existence de factures identifiant clairement l'oeuvre cédée ; qu'en présence d'une 'uvre collective, comme d'une cession de ses droits patrimoniaux d'auteur, M. [P] se trouve privé de la qualité à agir en contrefaçon de droits d'auteur ; qu'il relève donc de la compétence du juge de la mise en état de qualifier le portail E-Gestion d''uvre collective et, le cas échéant, de constater que les droits patrimoniaux d'auteur de M. [P] lui ont été cédés, dans la mesure où cela tend à faire déclarer M. [P] irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir.

M. [P], sans conclure sur la compétence du juge de la mise en état pour se prononcer sur la qualité prétendue d'oeuvre collective du portail E-gestion, soutient, d'une part, que les conditions permettant à la société VGE de se prévaloir de la présomption de titularité ne sont pas réunies, en présence de revendication de l'oeuvre par l'auteur (lui-même) et en l'absence d'une exploitation effective et sans équivoque de l'oeuvre par la société défenderesse, le portail E-Gestion étant l'outil de gestion de la société VGE qui l'a divulgué et exploité, d'autre part, qu'aucune des condition cumulatives requises par l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle pour qualifier le portail d'oeuvre collective n'est remplie (absence de pouvoir d'initiative et de direction de WEB IPRO, absence de divulgation du portail sous le seul nom de WEB IPRO, absence de pluralité d'auteurs, absence de fusion des contributions des divers auteurs), qu'enfin, à défaut d'écrit, il n'y a pas eu de cession implicite de ses droits patrimoniaux par M. [P].

Ceci étant exposé, l'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l'espèce, ainsi que l'a retenu le juge de la mise en état (à titre surabondant), la société WEB IPRO ne démontre pas, au vu des pièces produites, que le portail E-Gestion devrait être qualifié d'oeuvre collective.

En effet, alors qu'il n'est pas contesté que M. [P] a, pour le moins, participé à la réalisation du portail litigieux, la société WEB IPRO ne démontre pas l'intervention d'un autre développeur dans la réalisation de ce portail. Si dans un courriel, elle indique qu'elle va 'passer le relais à un autre développeur le temps que tu [M. [P]] sortes la tête de l'eau', il n'est aucunement établi qu'elle a finalement concrétisé cette intention, alors qu'il serait aisé pour elle d'en justifier (par la production d'un contrat, d'un devis, d'une facture ou d'échanges de courriels...). La société WEB IPRO invoque l'intervention de trois graphistes (Mmes [L] et [R] et M. [Y]), mais les pièces au dossier révèlent que ces personnes sont essentiellement intervenues pour la création du site web et non du portail E-Gestion (cf. pièces 18-2, 18-6 et 33 WEB IPRO). Il n'est pas davantage démontré qu'un vidéaste (M. [I]) aurait contribué à la réalisation du portail, les pièces versées montrant plutôt qu'il est intervenu pour le site internet (pièces 19-1 et 19-2 WEB IPRO). De même, rien ne permet de conclure que M. [O], spécialiste de marketing digital, est intervenu dans le cadre de la conception du portail, son rôle ayant consisté, selon ses propres dires, à 'donner une visibilité à la société VGE et au portail E-gestion' (pièce 32 WEB IPRO).

La société WEB IPRO ne démontre pas davantage qu'elle a effectivement dirigé et contrôlé le processus de création du portail par le biais notamment de directives, alors que de nombreuses pièces montrent que c'est la société VGE, cliente, qui a fait part de ses exigences et indiqué les évolutions précises attendues (pièces 10, 2c1, 5b5). Il sera ajouté que seul le nom de M. [P] apparaît à la rubrique 'Auteur' sur la première page du cahier des charges de GP Anet (pièce 2c3) et que le développeur apparaît comme le seul détenteur des codes sources (courriel de M. [K] à M. [P] du 6 mai 2019 demandant communication du code source - pièce 21-4 WEB IPRO).

Le caractère tardif de la revendication de droits d'auteur par M. [P], lors de l'assignation du 3 mars 2021, est indifférente quant à l'existence ou non d'une oeuvre collective.

Les circonstances que M. [P] revendique, dans le cadre du présent litige, des droits d'auteur sur le portail E-Gestion et que ce portail constitue l'outil de gestion de la société VGE, et non l'outil de la société WEB IPRO, suffisent pour retenir que cette dernière ne peut se prévaloir de la présomption prétorienne de titularité, nonobstant la mention 'Développé par WEB IPRO' apparaissant sur le portail, alors que des captures d'écran du même portail portent la mention équivoque 'Intranet-VGE © 2016. All Rights Reserved. Créé par Webipro' ou 'VGE-GPAnet © 2017. Créé par Webipro' (pièce 4a des demandeurs).

Par ailleurs, le juge de la mise en état ne peut qu'être approuvé quand il retient que la société WEB IPRO ne démontre pas que M. [P] lui a cédé ses droits patrimoniaux d'auteur sur l'oeuvre en cause dans des conditions conformes à l'article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable à l'espèce, issue de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, qui prévoit, sans exception, que les contrats par lesquels sont transmis des droits d'auteur doivent être constatés par écrit.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société WEB IPRO tenant au défaut de qualité à agir de M. [P].

Sur la prescription des demandes de la société VGE et de M. [P] liées au contrat du 11 juin 2015

La société WEB IPRO soutient, pour la première fois en appel, que la société VGE et M. [P] ont eu connaissance de l'absence de contrat de cession de droits d'auteur concernant le portail E-Gestion dès le début des relations commerciales entre les trois parties ; qu'en effet, M. [P] a nécessairement eu connaissance de la commercialisation de ses ''uvres' par la société WEB IPRO auprès de la société VGE, au moins depuis le 29 décembre 2015, date d'un courriel qui lui a été adressé par la société VGE ; que l'action introduite le 3 mars 2021, soit au-delà du délai de 5 ans prévu par les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, était donc prescrite.

Les intimés répondent que seule la société VGE sollicite que soit constatée la résolution du contrat et nullement M. [P], tiers au contrat ; que c'est donc la connaissance par la société VGE de l'absence de contrat de cession de droits d'auteur entre M. [P] et la société WEB IPRO qui fait partir le délai de prescription de sa demande de constatation de la résolution du contrat du 11 juin 2015 ; que toutefois la société VGE n'a eu connaissance de l'absence de droit de propriété intellectuelle de la société WEB IPRO que courant 2019, après la livraison de DOnet en avril 2019 ; qu'ainsi au 3 mars 2021, la prescription n'était pas acquise.

Ceci étant exposé, l'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, les intimés observent pertinemment que la prescription de l'action concernant la résolution du contrat de licence d'exploitation portant sur GPAnet du 11 juin 2015 ne saurait être opposée qu'à la société VGE qui, seule, forme des demandes à ce titre.

L'argumentation de la société WEB IPRO, selon laquelle M. [P] aurait eu connaissance, par un courriel du 29 décembre 2015 de la société VGE (pièce 24 - WEB IPRO), de la mise à disposition de ses prestations par la société WEB IPRO au profit de la société VGE en l'absence de toute cession de ses droits, est donc inopérante.

En tout état de cause, aucune information quant à la prescription ne peut être tirée de ce courriel du 29 décembre 2015 par lequel M. [Z] [F], d'un 'cabinet MVEC' ([H] [F] EXPERTISE CONSEIL) à [Localité 7], apparaissant au demeurant comme une entité distincte de la société VGE, écrit à M. [P] : '[D], J'ai essayé de décrire en pièce jointe [laquelle n'est pas fournie] ce que nous attendons concernant les exports au niveau des commentaires/observations. Dans l'attente de vous lire. Bien cordialement'. Il n'est donc nullement démontré que la prescription susceptible d'être opposée à la société VGE aurait commencé à courir à compter du 29 décembre 2015 et, partant, que sa demande aurait été prescrite à la date de l'assignation, le 3 mars 2021.

Il sera enfin relevé, avec les intimés, que la société WEB IPRO ne craint pas la contradiction, soutenant tout à la fois dans la présente procédure d'incident, qu'elle bénéfice d'une cession tacite de droits d'auteur de M. [P] et, au soutien de son moyen de prescription, que ses adversaires 'avaient parfaitement connaissance de l'absence de contrat de cession de droits d'auteur'.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription des 'demandes de M. [P] et de la société VGE liées au contrat du 11 juin 2015" sera par conséquent également rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société WEB IPRO, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société WEB IPRO au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société VGE et M. [P] peut être équitablement fixée, pour chacun, à la somme de 2 000 € (soit 4 000 au total), ces sommes complétant celles allouées en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l'ordonnance déférée en toute ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette fin de non-recevoir soulevée par la société WEB IPRO en appel, tirée de la prescription des 'demandes de M. [P] et de la société VGE liées au contrat du 11 juin 2015",

Condamne la société WEB IPRO aux dépens d'appel et au paiement à la société VGE et à M. [P] de la somme, à chacun, de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/07714
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;22.07714 ?
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