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19/04/2023 | FRANCE | N°22/04229

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 avril 2023, 22/04229


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 19 AVRIL 2023



(n° 2023/ , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04229 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQW6



Décision déférée à la Cour :

- Jugement du 27 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Paris - RG n° F13/16423

- Arrêt du 20 mai 2020 - Cour d'appel de Paris - Pôle 6 - Chambre 9 - RG n°17/11672<

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- Arrêt du 02 mars 2022 - Cour de cassation - Pourvoi n° X 20-16.683





APPELANT



Monsieur [C] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Assisté de Me Sté...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 19 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04229 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQW6

Décision déférée à la Cour :

- Jugement du 27 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Paris - RG n° F13/16423

- Arrêt du 20 mai 2020 - Cour d'appel de Paris - Pôle 6 - Chambre 9 - RG n°17/11672

- Arrêt du 02 mars 2022 - Cour de cassation - Pourvoi n° X 20-16.683

APPELANT

Monsieur [C] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Assisté de Me Stéphane VACCA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0795

INTIMÉE

S.A.S. ACCENTURE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [C] [U] a été engagé, le 3 juillet 2006, par la société Accenture (SAS) en qualité de médecin du travail.

Le 12 novembre 2013, M. [U] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

M. [U] a été licencié pour inaptitude le 26 août 2014.

Par jugement du 8 novembre 2013, le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour statuer sur les différentes demandes de M. [U] et l'a débouté de toutes ses demandes.

Par arrêt du 20 mai 2020, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.

M. [U] a formé un pourvoi en cassation le 22 juin 2020.

Par arrêt du 2 mars 2022, la Cour de cassation a rendu la décision suivante :

« CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [U] de sa demande de dommages-intérêts au titre du non-respect de l'obligation de sécurité et de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il le condamne aux dépens de l'instance, l'arrêt rendu le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; »

Les motifs de l'arrêt sont les suivants :

« Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts au titre du non-respect de l'obligation de sécurité, alors « que l'inobservation des dispositions légales ou conventionnelles dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours constitue un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur n'avait pas respecté les conditions légales de mise en 'uvre de la convention de forfait-jours et, en conséquence, l'a déclarée nulle, ce dont elle aurait dû déduire que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour a violé l'article L. 4121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail :

5. Il résulte de ce texte que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

6. Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts au titre du non-respect de l'obligation de sécurité l'arrêt relève que les alertes sur la dégradation de l'état de santé du salarié ne sont apparues qu'à partir de juin 2013, les précédents messages adressés à la hiérarchie étant restés centrés sur des demandes de promotion non satisfaites, le salarié exprimant explicitement son attachement à la société et à la mission qui était la sienne. L'arrêt constate qu'à partir d'août 2013, le salarié fait expressément référence dans ses courriels à une souffrance psychologique dont l'employeur s'est emparé en alertant le médecin du travail sur la gravité de la situation, ce qui contredit l'allégation du salarié selon laquelle la société n'a pas apporté de réponse à une situation de souffrance avérée.

7. L'arrêt retient enfin que l'ensemble des éléments soumis met en évidence un comportement de l'employeur conforme à son obligation de sécurité.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur ne justifiait pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont il résultait que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier si un préjudice en avait résulté, a violé le texte susvisé. »

M. [U] a saisi la cour d'appel de Paris en date du 24 mars 2022.

La société Accenture a fait déposer sa constitué d'intimée par voie électronique en date du 20 avril 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.

Par conclusions transmise par RVPA en date du 12 septembre 2022, M. [U] demande à la cour :

« Débouter ACCENTURE de toutes ses demandes et moyens nouveaux ;

En réparation du non-respect de l'obligation de sécurité : condamner ACCENTURE SAS à verser à M. [C] [U] la somme de 100.000 € bruts à titre de dommages-intérêts ;

En réparation du harcèlement moral : condamner ACCENTURE SAS à verser à M. [C] [U] la somme de 250.000 € bruts à titre de dommages-intérêts ;

Au titre de l'article 1343-2 c.civ., assortir les condamnations des intérêts de retard au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes, avec capitalisation des intérêts ;

Au titre de l'article 700 CPC, condamner ACCENTURE SAS à la somme de :

o 6.000€ pour la procédure de 1ère instance ;

o 4.000 € pour la procédure d'appel ;

o 2.000 € pour la procédure d'incident diligentée par ACCENTURE SAS en appel ;

o 3.000 € pour la procédure d'appel de renvoi ;

Condamner ACCENTURE SAS aux entiers dépens dans les procédures de 1ère instance et d'appel ; »

Par conclusions transmise par RVPA en date du 15 septembre 2022, la société Accenture demande à la cour :

« A TITRE PRINCIPAL

- constater que la Cour est saisie uniquement de la question du respect de l'obligation de sécurité, et en conséquence rejeter l'étude de toute demande relative à un prétendu harcèlement moral,

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris prononcé le 27 juillet 2017 en toutes ses dispositions, et en conséquence de déclarer que la Société a respecté son obligation de sécurité,

- déclarer Monsieur [U] irrecevable et à tout le moins mal fondé en ses demandes,

- débouter Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A TITRE SUBSIDIAIRE

- constater que Monsieur [U] n'établit pas l'existence d'un préjudice,

- débouter Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

À TITRE RECONVENTIONNEL :

- condamner Monsieur [U] à verser à la Société 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Monsieur [U] aux dépens. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 19 avril 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, l'arrêt de la cour d'appel et l'arrêt de la Cour de cassation, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi et la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

M. [U] demande des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

La société Accenture s'oppose à cette demande qui excède la saisine de la cour.

M. [U] réplique que la demande d'irrecevabilité est elle-même irrecevable.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [U] est irrecevable à demander des dommages et intérêts pour harcèlement moral au motif que la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel mais seulement en ce qu'il déboute M. [U] de sa demande de dommages-intérêts au titre du non-respect de l'obligation de sécurité et de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il le condamne aux dépens de l'instance ; la demande formée au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral a donc été définitivement rejetée par l'arrêt du 20 mai 2020 qui n'a pas été cassé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

M. [U] demande la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

M. [U] articule les moyens de fait suivant à l'appui de sa demande :

- sa charge de travail n'était pas contrôlée ;

- sa convention de forfait jours n'était pas contrôlée ;

- il a fait un « burn out » ;

- l'employeur n'a pas répondu à sa situation de souffrance ;

- l'employeur n'a pas répondu aux demandes du médecin du travail et à ses perspectives professionnelles.

En défense, la société Accenture réplique que :

- elle a respecté son obligation de sécurité ;

- la convention individuelle de forfait en jours sur l'année était parfaitement valable ;

- les plaintes adressées par M. [U] avant juillet 2013 étaient de nature exclusivement pécuniaire ;

- il n'y avait pas surcharge de travail : l'effectif dont M. [U] avait la charge était conforme aux exigences réglementaires et à l'agrément du service de santé au travail ; les effectifs du service de santé interne n'ont pas augmenté à la suite de son départ ;

- dès que l'alerte sur son état de santé a été donnée en juillet 2013, une visite par le médecin du travail a été organisée ;

- l'inaptitude à l'exercice de ses fonctions de médecin du travail n'est pas d'origine professionnelle, ainsi que l'a établi l'avis d'inaptitude.

- la dégradation de son état de santé n'a pas de lien avec une surcharge de travail ;

- il ne peut y avoir indemnisation qu'à la condition pour le salarié de démontrer l'existence et l'étendue de son préjudice ;

- M. [U] ne fournit aucun élément permettant d'évaluer son préjudice à 100 000 euros.

L'article L.4121-1 du code du travail dispose « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [U] est bien fondé à soutenir que la société Accenture a commis des manquements à son obligation de sécurité au motif que la société Accenture ne justifie pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail de M. [U] restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail et donc les dispositions nécessaires à assurer la protection de la sécurité et de la santé de M. [U] ; en effet, alors que son contrat de travail prévoyait une convention de forfait jours de 218 jours, il n'est pas établi au regard des pièces soumises à la cour, ni même soutenu par la société Accenture au regard de ses conclusions, que M. [U] a bénéficié, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel ont été évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées de travail.

Sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner le surplus des moyens ; le manquement à l'obligation de sécurité est donc suffisamment établi.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi par M. [U] du chef du manquement à l'obligation de sécurité doit être évaluée à la somme de 10 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Accenture à payer à M. [U] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière en application de l'article 1343-2 du code civil.

La cour condamne la société Accenture aux entiers dépens (première instance et appel et procédure de renvoi) en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de cette procédure de renvoi après cassation.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DÉCLARE que M. [U] est irrecevable en sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

INFIRME le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société Accenture à payer à M. [U] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

DIT que les dommages et intérêts alloués à M. [U], sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

ORDONNE la capitalisation des intérêts et dit qu'elle s'opérera par année entière en vertu de l'article 1343-2 du code civil,

Ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes antagonistes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société Accenture aux entiers dépens (première instance et appel et procédure de renvoi).

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/04229
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;22.04229 ?
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