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19/04/2023 | FRANCE | N°21/02449

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 avril 2023, 21/02449


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 19 AVRIL 2023



(n° 2023/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02449 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKMM



Décision déférée à la Cour : Décision du 29 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 19/00516





APPELANTE



S.C.P. MEDECINS ANESTHESISTES DE L'INSTITUT HOSPITALIER [5]

[Adres

se 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Angelique EYRIGNOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1897





INTIMÉ



Monsieur [U] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 19 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02449 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKMM

Décision déférée à la Cour : Décision du 29 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 19/00516

APPELANTE

S.C.P. MEDECINS ANESTHESISTES DE L'INSTITUT HOSPITALIER [5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Angelique EYRIGNOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1897

INTIMÉ

Monsieur [U] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Emilie DURVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] (SCP) a employé M. [U] [T], né en 1965, à compter du 3 avril 2018 en qualité d'infirmier anesthésiste sans établir de contrat écrit ; le taux horaire des vacations était de 37,20 €.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux.

La dernière vacation a été effectuée le 31 janvier 2019.

Par lettre notifiée le 27 juin 2019, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 9 juillet 2019.

M. [T] a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre notifiée le 15 juillet 2019 ; la lettre de licenciement mentionne que M. [T] ne s'est plus présenté à son poste à compter du 4 février 2019.

Son solde de tout compte mentionne :

- une indemnité compensatrice de préavis équivalente à 1 mois de salaire (1 688,55 €)

- les congés payés afférents (168,86 €)

- l'indemnité de licenciement (425,63 €)

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [T] avait une ancienneté de 1 an et 3 mois.

La société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [T] a saisi le 30 août 2019 le conseil de prud'hommes de Longjumeau pour former les demandes suivantes :

« - Ordonner la requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein avec effet à compter du 3 avril 2018,

- Fixer son moyen à la somme de 5.591,39 €,

- Condamner la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à verser à Monsieur [T] les sommes suivantes :

A titre principal

- Si le salaire moyen est fixé à 5.591,40 € compte tenu de la requalification en contrat à temps plein : 11.182,80 € nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de requalification,

- Si le salaire moyen est fixé à 3.371,08 € en l'absence de requalification en contrat à temps plein : 7.543,60 € nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de requalification,

A titre subsidiaire

- Si le salaire moyen est fixé à 5.591,40 € compte tenu de la requalification en contrat à temps plein : 5.591,40 € nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de requalification,

- En l'absence de requalification en contrat à temps plein : 3.771,08 € nets de CSG CRDS,

- 46.049,01 € bruts à titre de rappel de salaire du 3 avril 2018 au 17 mars 2019 compte tenu de la requalification en contrat de travail à temps plein,

- 4.604,90 € bruts à titre d'indemnité de congés payés,

- Si le salaire moyen est fixé à 5.591,40 € compte tenu de la requalification en contrat à temps plein :

- A titre de rappel d'indemnité de préavis : 3.902,85 € bruts

- A titre des congés payés : 390,28 € bruts

- A titre de rappel d'indemnité de licenciement : 499,40 € nets

- Si le salaire moyen est fixé à 2.308,90 € en l'absence de requalification en contrat à temps plein :

- A titre de rappel d'indemnité de préavis : 620,35 € bruts

- Au titre des congés payés : 62,04 € bruts

- A titre de rappel d'indemnité de licenciement : 343,71 € nets

- Si le salaire moyen est fixé à 5.591,40 € compte tenu de la requalification en contrat à temps plein, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

A titre principal : 33.548,37 € nets de CSG CRDS et de charges sociales,

A titre subsidiaire : 33.548,37 € nets de CSG CRDS et de charges sociales,

A titre infiniment subsidiaire : 11.182,79 € nets de CSG CRDS et de charges sociales,

- Si le salaire moyen est fixé à 2.308,90 € en l'absence de requalification en contrat à temps plein, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

A titre principal : 13.853,40 € nets de CSG CRDS et de charges sociales,

A titre subsidiaire : 13.853,40 € nets de CSG CRDS et de charges sociales,

A titre infiniment subsidiaire : 4.617,80 € nets de CSG CRDS et de charges sociales,

En tout état de cause :

- Condamner la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à verser à Monsieur [T] les sommes suivantes :

A titre de dommages-intérêts pour non-remise de l'attestation de salaire : 5.000 € nets

A titre de dommages-intérêts pour attestation Pôle Emploi non conforme : 5.000 € nets

Au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3.000 € nets

- Ordonner à la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] la remise d'un bulletin de paie, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du jugement,

- Se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte,

- Condamner la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] aux dépens,

- Ordonner l'exécution provisoire en application de l'article 515 du CPC

- Assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal avec capitalisation. »

Par jugement du 29 janvier 2021 rendu en formation de départage, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« REQUALIFIE à compter du 3 avril 2018 l'ensemble des contrats à durée déterminée de Monsieur [U] [T] conclus avec la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;

DIT que le licenciement notifié par la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à Monsieur [U] [T] à la date du 15 juillet 2019, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

FIXE à la somme de 5.591,40 € le salaire moyen brut de Monsieur [U] [T] au titre de son contrat de travail conclu avec la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] ;

CONDAMNE la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à payer à Monsieur [U] [T] :

- la somme brute de 3 902,85 € au titre de solde de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- la somme brute de 390,28 € au titre des congés payés afférents ;

- la somme nette de 1 321,68 € à titre de solde d'indemnité légale de licenciement ;

- la somme brute de 46 049,01 € de rappel de salaire pour la période du 3 avril 2018 au 17 mars 2019,

- la somme brute de 4 604,90 euros au titre des congés payés afférents.

avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2019 ;

- la somme nette de 5 591,40 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la somme nette de 5 591,40 € à titre d'indemnité de requalification ;

avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent jugement ;

DIT que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

ORDONNE à la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] de remettre à Monsieur [U] [T] un bulletin de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent jugement dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement,

DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à payer à Monsieur [U] [T] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] aux dépens ;

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement »

Le conseil de prud'hommes a rendu ce jugement après avoir retenu que :

- les parties n'ayant pas formalisé par écrit de contrats à durée déterminée, la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter de la date de conclusion du premier contrat à durée déterminée, soit le 3 avril 2018 ;

- M. [T] a droit à l'indemnité de requalification ;

- les éléments produits aux débats ne permettent pas à l'employeur d'établir la durée exacte du travail convenue entre les parties ; qu'il convient donc de requalifier le CDD à temps partiel en CDI à temps complet ;

- M. [T] est bien fondé dans sa demande de rappel de salaire correspondant à 151,67 heures pour la période du 3 avril 2018 au 17 mars 2019 à hauteur de 46.049,01 € à titre de rappel de salaire outre 4604,90 euros de congés payés afférents ;

- son salaire moyen recalculé sur la base d'un temps plein doit être fixé à la somme brute de 5.591,40 euros ;

- en application des dispositions de l'article L1245-2 du code du travail, l'indemnité de requalification est fixée à un mois de salaire, soit la somme de 5.591,40 euros ;

- le moyen de nullité du licenciement tiré de la discrimination en raison de l'état de santé est rejeté au motif que M. [T] ne fournit aucune explication dans ses écritures sur le lien entre son état de santé et son licenciement et ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination ;

- le moyen de nullité du licenciement tiré du lien entre son licenciement et son intention d'agir en justice est rejeté au motif que l'article L1134-4 du code du travail s'applique aux licenciements faisant suite à une action en justice engagée, que la lettre de licenciement ne fait pas état de l'intention de M. [T] d'agir en justice et que la saisine du conseil de céans est intervenue postérieurement à la notification du licenciement ;

- le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse au motif que les faits fondant le licenciement sont prescrits ; en effet l'employeur reproche à M. [T] de ne plus s'être présenté à son poste depuis le 4 février 2019 et il a engagé la procédure disciplinaire le 27 juin 2019 (en réalité la première convocation à l'entretien préalable est du 4 juin 2019) ;

- les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été fixés à 5.591,40 € après le rejet des moyens tendant à écarter le barème Macron et la prise en considération notamment du fait que M. [T] a retrouvé un emploi dès mars 2019 ;

- le préavis d'un mois et l'indemnité de licenciement doivent être complétés au regard du salaire recalculé sur la base d'un temps plein ;

- la demande de dommages et intérêts pour la non-conformité de l'attestation Pôle emploi doit être rejetée au motif que M. [T] ne justifie pas de son préjudice ;

La société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 4 mars 2021.

La constitution d'intimée de M. [T] a été transmise par voie électronique le 7 mai 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 29 novembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 28 février 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 12 mai 2021, la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] demande à la cour :

« A titre principal,

- D'infirmer la décision du Conseil de Prud'hommes en ce qu'elle a

o Prononcé la requalification à compter du 3 avril 2018 de l'ensemble des contrats à durée déterminée ;

o Dit que le licenciement Monsieur [T] était sans cause réelle et sérieuse ;

o Fixé à 5.591,40 le salaire brut ;

o Condamné la Société à payer :

' La somme brute de 3.902,85 euros au titre de solde de l'indemnité de préavis ;

' La somme brute de 390,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité de préavis ;

' La somme nette de 1.321,68 euros au titre de solde d'indemnité légale de licenciement ;

' La somme brute de 46.049,01 euros de rappels de salaire pour la période du 3 avril 2018 au 17 mars 2019 ;

' La somme brute de 4.604,90 euros au titre des congés afférents ;

Ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2019 ;

' La somme nette de 5.591,40 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' La somme nette de 5.591,40 euros à titre d'indemnité de requalification ;

Ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent jugement.

o Ordonné à la Société de remettre à Monsieur [T] un bulletin de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes au jugement dans le délai d'un mois à compter la notification de ce dernier ;

o Condamné la Société à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

o Condamné la Société aux dépens ;

- De confirmer la décision du Conseil de Prud'hommes en ce qu'elle a

o Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail ;

o Débouté Monsieur [T] du surplus de ses demandes ;

- De condamner Monsieur [T] à 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

À titre subsidiaire,

Vu l'article L. 1245-2 du code du travail,

- En cas de requalification des relations de travail en CDI,

- Débouter le salarié de sa demande à hauteur de 5.591,40 €

- Limiter la condamnation à indemnité de requalification à la somme de 3.771,78 € (soit 1 mois de salaire),

- Prendre acte que la SCP s'engage à verser à Monsieur [T] 343,70 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- Débouter Monsieur [T] du surplus de ses demandes à ce titre,

- Réformer le jugement en conséquence

Vu les articles L. 1235-1 et suivants du code du travail,

- En cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- Débouter le salarié de sa demande d'indemnité à ce titre,

- Limiter toute éventuelle condamnation en application d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à la somme maximale de 918,44 € en application de l'article L.1235-3 du code du travail,

- Limiter toute éventuelle condamnation pour nullité du licenciement à 6 mois de salaire à 11021,34 € en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail,

- Réformer le jugement en conséquence . »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 28 septembre 2022, M. [T] demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement

Pour le surplus, statuant à nouveau :

CONDAMNER la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à verser à Monsieur [T] les sommes suivantes :

A titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé : 33 548,40 €

A titre d'indemnité de requalification en application de l'article L. 1245-2 du Code du travail : 11 182,80 € nets de CSG CRDS

A titre de dommages et intérêts pour licenciement nul : 33 548,37 € nets de CSG CRDS et de charges sociales

A titre subsidiaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 33 548,37 € nets de CSG CRDS et de charges sociales

A titre de dommages-intérêts pour non-remise de l'attestation de salaire : 5 000 €

A titre de dommages-intérêts pour attestation Pôle Emploi non conforme : 5 000 €

Au titre de l'article 700 du Code de procédure civile : 6 000 €

ORDONNER à la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] la remise d'un bulletin de paie, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la mise à disposition de l'arrêt

SE RESERVER la liquidation de l'astreinte

CONDAMNER la SCP des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] aux dépens

ASSORTIR l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal depuis le 4 septembre 2019, date de réception de la convocation à l'audience du 25 novembre 2019 devant le conseil de prud'hommes, avec capitalisation. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le président rapporteur a fait un rapport et mis dans les débats le moyen tiré de ce qu'en l'absence de demande d'infirmation du jugement dans le dispositif des conclusions de M. [T], la cour ne peut que retenir que ses conclusions tendent à la confirmation ; les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 19 avril 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur l'appel incident

La cour constate que M. [T] forme des demandes, dans le cadre d'un appel incident, relativement aux dommages et intérêts pour licenciement nul, à la fixation de l'indemnité de requalification à hauteur de 11 182,80 € (appel au quantum), à la fixation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 33 548,37 € nets de CSG CRDS et de charges sociales (appel au quantum), aux dommages et intérêts pour non remise de l'attestation de salaire et aux dommages et intérêts pour attestation Pôle emploi non conforme.

La cour constate cependant que M. [T] ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement.

Compte tenu de ce qui précède, la cour ne peut que confirmer le jugement qui a débouté M. [T] de ses demandes relatives aux dommages et intérêts pour licenciement nul, à la fixation de l'indemnité de requalification à hauteur de 11 182,80 € (appel au quantum), à la fixation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 33 548,37 € nets de CSG CRDS et de charges sociales (appel au quantum), aux dommages et intérêts pour non remise de l'attestation de salaire et aux dommages et intérêts pour attestation Pôle emploi non conforme au motif qu'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant incident ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

Sur la requalification CDD en CDI

La société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] demande que le jugement du conseil de prud'hommes soit réformé en ce qu'il a prononcé la requalification en contrat de travail à durée indéterminée ; elle soutient que M. [T] a été embauché en contrat à durée indéterminée dès l'origine comme cela ressort de ses bulletins de salaire qui mentionnent une ancienneté au 3 avril 2018 (pièce employeur n° 1), du document relatif au mouvement du personnel qui porte la mention « RI » pour « recrutement en CDI », pour M. [T] comme tous les autres infirmiers anesthésistes (pièce salarié n° 19) et comme cela ressort de ce que l'employeur a suivi la procédure de licenciement propre au contrat de travail à durée indéterminée pour procéder à la rupture de la relation contractuelle.

M. [T] soutient qu'il a travaillé sans aucun contrat écrit et avec une durée du travail totalement irrégulière d'un mois sur l'autre compte tenu des plannings établis par la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5], comme le démontrent ses bulletins de salaire (pièce n° 8), que la lecture du registre du personnel fait apparaître que le recours aux contrats à durée déterminée était un mode habituel de gestion du personnel au sein de l'Institut hospitalier, et que le recours à ces contrats avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'il y a donc lieu de prononcer la requalification en CDI.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le contrat de travail de M. [T] était un contrat à durée indéterminée au motif d'une part que ses bulletins de salaire mentionnent une ancienneté au 3 avril 2018 (pièce employeur n° 1) mais ne mentionnent aucun élément permettant de retenir qu'il s'agissait d'un CDD, comme la mention d'un terme, la mention d'un contrat à durée déterminée ou la mention d'une indemnité de fin de contrat, au motif d'autre part que le document intitulé « liste des mouvements du personnel d'avril 2018 à août 2019 » mentionne que M. [T] est en contrat de travail à temps partiel (case « temps partiel » cochée) mais ne mentionne pas qu'il est en CDD (case « durée déterminée » non cochée) comme c'est le cas des autres salariés qui travaillent dans le cadre d'un CDD (case « durée déterminée » cochée) et au motif enfin que l'employeur a suivi la procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse qui n'est pas possible en matière de CDD et a établi l'attestation Pôle emploi en mentionnant « durée d'emploi salarié du 03/04/2018 au 19/09/2019 », ce dont il ressort qu'il s'agissait d'un contrat à durée indéterminée.

C'est donc en vain que M. [T] demande la confirmation du jugement sur ce point sans articuler de moyens contredisant le fait qu'il était en CDI comme le soutient la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] et sans produire le moindre élément de preuve établissant l'existence d'un CDD en ce qui le concerne.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a requalifié le CDD de M. [T] en CDI, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que la demande de requalification est sans objet, le contrat de travail étant un CDI.

Par voie de conséquence le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a condamné la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à payer à M. [T] une indemnité de requalification, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute M. [T] de sa demande relative à l'indemnité de requalification.

Sur la requalification du temps partiel en temps plein

La société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] s'oppose par infirmation du jugement à la demande à la requalification du temps partiel en temps plein et, après avoir rappelé des règles de droit, soutient que :

- M. [T] reconnaît qu'il ne s'était pas tenu à la disposition de l'entreprise entre les vacations qu'il effectuait ; il a reçu des rémunérations imposables émanant de plusieurs employeurs : la société d'intérim select TT (10 366 € net imposable), la SCP des médecins anesthésistes de l'hôpital [5] (8 891 € net imposable), le centre hospitalier [Localité 6] (7 501 € net imposable),

- les pièces adverses 13 à 18 produites en première instance démontrent que M. [T] était salarié d'autres établissements pour des durées de travail quasiment équivalentes à celles effectuées auprès de la SCP ;

- M. [T] ne pouvait donc être « à la disposition permanente » de la SCP des Médecins anesthésistes de l'Hôpital [5] durant ses périodes inter-vacations dans la mesure où il effectuait de nombreuses missions auprès d'autres employeurs ;

- M. [T] n'est pas fondé à recevoir - en sus des rémunérations déjà perçues par ailleurs de la part de la société select TT, le centre hospitalier de [Localité 6] ou la société du Dr [C] ou associés - un rappel de salaires à temps plein.

M. [T] soutient par confirmation du jugement que :

- l'absence de détermination de la durée de travail et de la répartition des heures de travail a permis à la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] de les modifier sans cesse, le mettant dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et le contraignant à se tenir en permanence à sa disposition.

- la preuve de la durée exacte du travail convenue et de sa répartition entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois n'est pas rapportée lorsque les conditions d'emploi du salarié l'ont mis dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il pourrait travailler chaque mois et dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur.

- en l'absence de contrat, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'a jamais été fixée.

- son volume d'heures travaillées était variable comme cela ressort de de la pièce salarié n° 8 : en avril 2018 : 32,50 h, en mai 2018 : 39,50 h, en juin 2018 : 27 h, en juil. 2018 : 39,50 h, en août 2018 : 0 h, en sept. 2018 : 51,50 h, en oct. 2018 : 0 h, en nov. 2018 : 57,00 h, en déc. 2018 : 21 h et en janv. 2019 : 92,50 h ;

- lorsque le juge requalifie le contrat à temps partiel en temps complet, il doit condamner l'employeur à payer au collaborateur l'intégralité du salaire correspondant et ne peut pas réduire ce montant au motif que l'intéressé travaillait, pendant certaines périodes, dans une autre entreprise et n'était donc pas à la disposition de l'entreprise (Soc., 14 sept. 2016, n° 15-15.944).

- dès lors que le nombre d'heures travaillées pour la SCP des Anesthésistes était très irrégulier d'un mois sur l'autre, que son rythme de travail était extrêmement flexible, et qu'aucune durée de travail fixe hebdomadaire ou mensuelle n'était prévue, il est démontré qu'il devait se tenir à la disposition permanente de son employeur ;

- en l'espèce, les « vacations » lui étaient proposées au dernier moment, ce qui l'obligeait à rester à la disposition de l'employeur.

L'article L. 3123-6 du code du travail dispose « Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat. »

En l'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel, le contrat est présumé conclu pour un horaire à temps complet. Il s'agit d'une présomption simple. C'est à l'employeur et non au salarié qu'il incombe d'apporter la preuve contraire et d'établir l'existence d'un contrat de travail à temps partiel.

L'employeur qui conteste la présomption d'un emploi à temps plein doit rapporter la preuve :

- d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue ;

- d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [T] est bien fondé dans sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein au motif que la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] ne rapporte pas la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et la preuve que M. [T] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition ; en effet sur la période de travail entre avril 2018 et janvier 2019, M. [T] a travaillé 11 fois le lundi, 5 fois le mardi, 9 fois le mercredi, 4 fois le jeudi et 10 fois le vendredi et plus précisément 4 journées de travail (32,5 heures) en avril 2018, 5 journées de travail (39,50 heures) en mai 2018, 3 journées de travail (27 heures) en juin 2018, 4 journées de travail (39,50 heures) en juillet 2018, aucune en août 2018, 5 journées de travail (51,50 heures) en septembre 2018, aucune en octobre 2018, 6 journées de travail (57 heures) en novembre 2018, 2 journées de travail (21 heures) en décembre 2018 et 10 journées de travail (92,50 heures) en janvier 2019, soit au total 39 vacations / journées de travail réparties sur 8 mois, représentant 360,5 heures de travail, sans aucune régularité ni prévisibilité dès lors que la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] ne justifie ni même ne soutient que M. [T] était prévenu à l'avance des vacations.

C'est donc en vain que la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] s'oppose par infirmation du jugement à la demande de requalification du temps partiel en temps plein en soutenant que M. [T] ne s'était pas tenu à la disposition de l'entreprise entre les vacations qu'il effectuait, qu'il a ainsi reçu des rémunérations imposables émanant de plusieurs employeurs : la société d'intérim select TT (10 366 € net imposable), la SCP des médecins anesthésistes de l'hôpital [5] (8 891 € net imposable), le centre hospitalier [Localité 6] (7 501 € net imposable), qu'il était salarié d'autres établissements pour des durées de travail quasiment équivalentes à celles effectuées auprès de la SCP  et qu'il ne pouvait donc être « à la disposition permanente » de la SCP des Médecins anesthésistes de l'Hôpital [5] durant ses périodes inter-vacations dans la mesure où il effectuait de nombreuses missions auprès d'autres employeurs ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que le fait que M. [T] est parvenu à travailler pour d'autres employeurs n'exonère pas la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] de la charge probatoire qui lui incombe pour anéantir la présomption d'un emploi à temps plein résultant de l'absence de contrat écrit alors que le contrat de travail est à temps partiel écrit, à savoir que la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] doit rapporter la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition. Le fait que M. [T] est parvenu à travailler pour d'autres employeurs ne suffit pas à établir qu'il a été convenu une durée hebdomadaire ou mensuelle de travail ni cette durée, ni que M. [T] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel de M. [T] en contrat de travail à temps plein.

En ce qui concerne le rappel de salaire, la cour retient que M. [T] est bien fondé dans sa demande au motif que l'employeur est tenu, du fait de la requalification du contrat de travail à temps partiel, au paiement du salaire correspondant à un temps complet.

C'est donc en vain que la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] soutient que M. [T] n'est pas fondé à recevoir - en sus des rémunérations déjà perçues par ailleurs de la part de la société select TT, le centre hospitalier de [Localité 6] ou la société du Dr [C] ou associés - un rappel de salaires à temps plein ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que l'employeur est tenu, du fait de la requalification du contrat de travail à temps partiel, au paiement du salaire correspondant à un temps complet étant précisé que cette obligation contractuelle n'est pas affectée par les revenus que M. [T] a pu percevoir par ailleurs, comme les salaires perçus par d'autres employeurs.

Par voie de conséquence la cour retient que M. [T] est bien fondé dans ses demandes relatives au salaire de référence, au solde de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et au solde de l'indemnité de licenciement qui découlent de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a fixé le salaire de référence de M. [T] à la somme de 5 591,40 € et condamné la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à payer à M. [T] les sommes de :

- 46 049,01 € de rappel de salaire pour la période du 3 avril 2018 au 17 mars 2019,

- 4 604,90 € au titre des congés payés afférents.

- 3 902,85 € au titre de solde de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 390, 28 € au titre des congés payés afférents ;

- 1 321,68 € nets à titre de solde d'indemnité légale de licenciement ;

Sur le licenciement

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que M. [T] a été licencié au motif qu'il ne s'est plus présenté à son poste à compter du 4 février 2019.

M. [T] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que :

- les faits allégués sont prescrits car l'abandon de poste revêt un caractère instantané ; le délai de prescription disciplinaire de deux mois court donc à compter du jour où il est caractérisé c'est à dire dès le premier jour d'absence injustifiée du salarié, soit le 4 février 2019 ; or la première convocation à l'entretien préalable date du 23 mai 2019 ;

- le licenciement ne lui a pas été notifié dans le délai d'un mois suivant l'entretien préalable ; l'employeur lui a adressé le 23 mai 2019 une première convocation à un entretien préalable à licenciement fixé le 4 juin 2019 ; licenciement aurait dû être notifié avant le 4 juillet 2019 ; or il l'a été le 15 juillet 2019 ; les reports de l'entretien préalable sont sans incidence au motif que l'employeur a seul décidé de reporter à deux reprises cet entretien ;

- il a été absent au motif qu'après le 31 janvier 2019, il n'a plus été sollicité.

La société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] soutient que :

- les faits ne sont pas prescrits au motif que « l'absence de M. [T] n'a eu de cesse de se perpétuer, tandis que l'employeur, comme indiqué dans la lettre de licenciement, a cherché, entre le 4 février 2019 et le 27 juin 2019, à le joindre de façon que celui-ci reprenne ses fonctions » ;

- la matérialité des absences n'est pas contestée ;

L'article L.1332-2 du code du travail dispose « Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

(...)

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé. »

Sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres moyens, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [T] est bien fondé à contester la légitimité de son licenciement au motif qu'il a été licencié le 15 juillet 2019 plus d'un mois après la date de l'entretien préalable prévu le 4 juin 2019, étant précisé que la seule date à prendre en considération comme point de départ du délai d'un mois pour notifier le licenciement est celle de la date du premier entretien préalable, même si M. [T] ne s'y est pas présenté dès lors qu'il n'en a pas demandé le report ni n'était dans l'impossibilité de se présenter à l'entretien, ce qui n'est établi ni même invoqué.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] s'oppose à cette demande.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 1 an entre 1 et 2 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [T], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [T] doit être évaluée à la somme de 5 591,40 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à payer à M. [T] la somme de 5 591,40 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé

M. [T] demande la somme de 33 548,40 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé et fait valoir que cette demande est recevable sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile car elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La cour constate que la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé est une demande que M. [T] n'a pas formulée devant le conseil de prud'hommes et qu'elle a été formulée pour la première fois dans ses conclusions d'appel n°2 du 28 septembre

2022 étant précisé que les conclusions d'intimé n°1 déposées dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile le 17 mai 2021 ne comportent pas cette demande.

Par suite la cour retient que cette demande nouvelle en cause d'appel, doit être déclarée d'office irrecevable par application de l'article 564 du code de procédure civile étant précisé que s'agissant d'une demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, elle n'est pas formulée pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Sur la délivrance de documents

M. [T] demande la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il est cependant établi qu'ils ne sont pas conformes ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par M. [T].

Rien ne permet de présumer que la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n'y a donc pas lieu d'ordonner une astreinte.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé qu'il a ordonné à la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] de remettre M. [T] le certificat de travail, un bulletin de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans le jugement.

Sur les autres demandes

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts.

La cour condamne la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à payer à M. [T] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DIT que la demande nouvelle de dommages et intérêts pour travail dissimulé est irrecevable par application de l'article 564 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il a

- requalifié le CDD de M. [T] en CDI,

- condamné la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à payer à M. [T] une indemnité de requalification,

Et statuant à nouveau de ces chefs,

DIT que le contrat de travail de M. [T] est un CDI et que la demande de requalification du CDD en CDI est sans objet ;

DÉBOUTE en conséquence M. [T] de sa demande d'indemnité de requalification ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] à verser à M. [T] une somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société des anesthésistes de l'institut hospitalier [5] aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/02449
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;21.02449 ?
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